Merci pour vos deux reviews! Dans ce chapitre, vous verrez enfin ce qui se passe dans la tête et le coeur de notre cher professeur de Potions! En espérant que ça vous plaira! Reviews toujours plus que bienvenues!

Chapitre 5

Après l'entretien avec Dumbledore dans le bureau du directeur, Rogue et Nell marchaient dans le couloir en direction de l'aile réservée aux professeurs. Un lourd silence pesait sur leurs épaules, ponctué seulement par le son de leurs pas pressés claquant sur les dalles. La jeune Cracmolle, traînant péniblement son sac derrière elle, tentait de se maintenir à la hauteur de Rogue. Celui-ci, le visage toujours insondable dissimulé dans l'ombre de ses cheveux gras, ne paraissait même pas conscient de la présence de la jeune femme à ses côtés, lorsque Nell brisa le silence.

- Professeur, commença-t-elle d'une voix timide, qui résonna malgré tout dans le grand couloir glacial. Je voulais vous remercier de m'avoir accepté comme aide dans vos cours, ça me fait très plaisir que…

Rogue s'arrêta brusquement, et la prit par les épaules, la fixant droit dans les yeux, le regard flamboyant.

- Ecoutez, Angelrest, gronda-t-il d'une voix rendue sourde par ses mâchoires raides et serrées. Désolé de vous décevoir, mais cette idée est venue de M. Dumbledore. Certainement pas de moi. Je ne veux pas de vous, ni dans mes cours, ni dans mon école, ni dans ma vie. Je n'ai pas besoin d'aide de la part d'une insignifiante Cracmolle de votre espèce. Alors cessez de me remercier pour cette imbécillité qui n'est pas de moi, est-ce clair ? Il la relâcha, et continua son chemin, penché en avant tel un vautour qui se désintéresse d'une carcasse…

Nell resta sans voix, anéantie. Rogue n'avait pas changé d'opinion sur elle. Rien n'avait évolué, il n'avait agi ainsi que par devoir, pour éviter de se faire réprimander par Dumbledore. Alors qu'elle commençait tout juste à comprendre la nature des sentiments qu'elle avait développé à son égard ! La nouvelle blessure qu'il lui avait infligée lui avait ouvert les yeux. Ses jambes tremblèrent, ses yeux se remplirent de larmes. Elle serra les poings. Et à ce moment là, la limite qui séparait la haine de l'amour lui apparue plus nette que jamais.

- Comment faites vous pour toujours frapper au bon endroit ? Comment savez-vous trouver les mots qui blessent si justement, si profondément? Cria t'elle en courant vers lui, la voix tremblante, rendue inégale par la boule qui s'était formée dans sa gorge nouée. Rogue s'arrêta et se retourna. Il semblait quelque peu déconcerté par la réaction de Nell. Un rictus qui trahissait son malaise étirait les commissures de ses fines lèvres blanches.

- Je vous ai dit la vérité, répondit-il calmement, froidement. Je ne voulais plus jouer le rôle de l'imbécile qui vient demander des excuses en rampant, alors que cela n'avait aucune importance à mes yeux.

- Donc, vous vous moquez du mal que vous m'avez fait… lança t'elle en croisant les bras, ses yeux plissés par la colère.

- J'ai d'autres problèmes plus importants que de m'occuper de la sensibilité d'une gamine.

- Comme quoi ? Trouver sans cesse de nouveaux moyens pour torturer vos élèves ? Cela revient au même, figurez-vous…

- Ne soyez pas insolente avec moi, Angelrest, vous allez le regrettez…

- Qu'ai-je à perdre maintenant ? s'écria t'elle désespérément.

- Vous voyez, une fois de plus, vous vous jetez à corps perdu dans votre rôle de victime… Et une fois de plus, vous perdez votre temps, et faites perdre le mien. Siffla t'il, un sourire de serpent sur les lèvres.

-Vous m'avez blessée trop profondément. Cela n'a rien à voir avec de la victimisation. Vous ne comprenez rien, vous ne chercher même pas à comprendre, mais c'est peut-être mieux ainsi. Laissez-moi tranquille. Sa voix ne fut plus qu'un murmure, porté par un dernier souffle mourant. La jeune Cracmolle avait décidé d'abandonner le combat. Elle n'avait plus la force d'en supporter davantage. La seule présence de Rogue, debout en face d'elle, la toisant de son regard abyssal, si méprisant, si suffisant, si haïssable, et pourtant si terriblement fascinant, la mettait au supplice. Pendant un instant, lors de l'entretien avec Dumbledore, elle avait nourri l'espoir qu'il allait peut être enfin l'accepter et l'aider à se faire un place dans le monde impitoyable des sorciers. Sans même prendre ses affaires, elle se dirigea vers un autre escalier. Elle se retourna une dernière fois, et croisa le regard de Rogue, rassemblant toute la fierté qui lui restait.

- Vous ne savez pas ce que cela fait, de se sentir brisée, juste au moment où l'on se sent renaître. Vous pouvez être fier, vous faites remarquablement bien votre travail. Et elle disparut dans l'escalier.

Rogue resta debout dans le couloir, immobile. Elle se trompait. Il savait ce que cela faisait, lorsqu'on vous brisait les ailes au moment où vous preniez votre envol… Il sentit sa poitrine se soulever, et un soupir s'échapper de ses lèvres. Un soupir long et lourd, qui, pendant ce court instant, emporta avec lui toutes les émotions dissimulé derrière la carapace qui protégeait son cœur gelé. Rogue ne détacha pas son regard de la petite silhouette ronde qui s'éloignait de lui. Puis, les lèvres serrées, il se pencha et souleva le sac de la jeune femme, et l'emporta avec lui.

Nell marcha dans les couloirs de Poudlard pendant plusieurs heures. Trop bouleversée par le flot des émotions puissantes qui lui gonflait le coeur, incapable de penser correctement, elle ne fit même pas attention aux élèves et aux personnages des tableaux qui faisaient des remarques lorsqu'elle passait à leurs côtés. Elle voyait à peine où elle posait les pieds, ses yeux embués de larmes l'aveuglaient presque totalement. Tout ce qu'elle voulait, c'était se réfugier dans un endroit où elle pouvait rester tranquille quelques instants, le temps de digérer ce qui venait de lui arriver…

Au deuxième étage, dans un couloir, elle trouva des toilettes désaffectées, et s'assit sous les fenêtres, sanglotant doucement.

- Ca faisait longtemps que quelqu'un n'était pas venu pleurer dans mes toilettes ! fit une voix irréelle, gémissante, qui se répercuta dans toute la pièce. Nell sursauta.

- Qui… qui a parlé ?

- C'est moi! Nell se retrouva face au fantôme d'une jeune fille de treize ou quatorze ans, de grosses lunettes sur le nez et l'air halluciné. « Tu ne me connais pas ? je suis Mimi Geignarde, enfin, c'est le surnom qu'on me donnait de mon vivant… je m'y suis tellement habituée que je ne sais même plus mon vrai nom… et toi, tu es ?... »

- Nell Angelrest. Je suis officiellement venue aider les professeurs, mais en réalité, je suis le souffre-douleur personnalisé de M. Rogue !...

- C'est pour ça que tu pleures, hein… c'est déjà arrivé très souvent, beaucoup d'élèves se sont plaints d'être les boucs émissaires de ce professeur… Moi, j'étais le souffre-douleur de tout le monde, alors je te comprends!

- Ecoute, fit Nell d'une voix emprunte de lassitude. Ce n'est pas pour être méchante, mais j'avais envie d'être un peu seule, ne le prends pas mal, je suis sûre que tu me comprends…

- Très bien, je te laisse. Merci pour le brin de causette ! Et Mimi disparut avec un gros plouf dans l'eau de la plus proche cuvette.

Nell resta longtemps dans les toilettes. Après s'être vidée de ses larmes, elle se leva, et repartit par où elle était venue. Le sommeil s'était déjà emparé d'elle. Elle n'eut qu'une envie : se coucher dans un bon lit moelleux. Elle descendit les escaliers et se trouva dans le grand hall. Il n'y avait presque personne. Quelques bougies, qui flottaient dans les airs, éclairaient légèrement la salle. Une ambiance chaude et accueillante régnait en ces lieux grâce, rehaussée par une bonne odeur de pain d'épices et de cannelle. Parmi les rares élèves qui se trouvaient assis derrière les immenses tables de chêne, se trouvait un adulte, seul, qui écrivait sur un morceau de parchemin. Elle se rapprocha.

- Excusez-moi ? fit elle, timidement.

- Oui ? L'homme qui lui avait répondu devait avoir la quarantaine. Son visage doux était encadré par des cheveux châtains qui grisonnaient légèrement. Il avait l'air fatigué, calme, et son sourire inspirait la confiance. « Ah, vous devez être Nell Angelrest, je suis Remus Lupin, professeur de Défense contre les forces du Mal. Le Pr. Rogue nous a dit que vous n'alliez pas tarder à nous rejoindre ! »

- Je suppose qu'il a insisté longuement sur le fait qu'il ne voulait pas de moi, parce que l'accueil qu'il m'a réservé laissait un peu à désirer…

- Non, d'après mes souvenirs, il n'en a pas parlé de cette manière… Mais ne faites pas attention à ce genre d'attitude, j'étais à l'école avec lui, dans le temps. Il n'a jamais été très fort pour les relations humaines. Je pense qu'on peut lui appliquer le credo « Qui aime bien châtie bien », disons, dans la plupart des cas ! C'est un bon professeur, mais il ne ménage pas ses élèves c'est certain…

- Dans ce cas, il doit m'adorer !

- Ne croyez pas si bien dire ! Il a plus d'une fois sauvé la vie de l'élève qu'il déteste le plus au monde, Harry Potter. Qu'est ce qu'il a pu lui mener la vie dure…

- Rogue lui a sauvé la vie ? Demanda Nell estomaquée.

- Bah si vous lui demandez, il trouvera un moyen pour vous faire comprendre que c'est la chose la plus atroce qu'il ait pu faire de toute son existence ! Lupin laissa échapper un rire. Sacré Severus. Dans le fond, il n'est pas mauvais, vous savez…

- C'est vous qui le dites… Répondit Nell, une moue désapprobatrice sur les lèvres. A part ça je suis désolée de vous embêter avec ça, mais pourriez vous m'indiquer mes appartements, je suis vraiment fatiguée…

- Quoi, il ne vous a pas montré ? Je savais qu'il était hargneux, mais de là, à ne pas être galant…

- Euh, il allait le faire, répondit-elle, l'air gênée, le rouge lui montant aux joues. Mais nous avons eu un désaccord…

Lupin sourit. « Je comprends. Il est difficile de sortir indemne d'un désaccord avec le professeur Rogue ! » dit-il en lui prenant le bras.

« Voilà, c'est ici » dit Lupin. « Tous les professeurs ont chacun leur chambre avec salle de bain. Si vous avez un problème, vous pouvez toujours venir me voir, ma chambre se trouve derrière la quatrième porte sur votre droite. »

- Merci beaucoup. Et, ajouta t'elle, plus embarrassée que jamais. La chambre de Severus, où se trouve t'elle ?

Un sourire en coin apparut sur les lèvres de Lupin. « C'est la chambre d'à côté. La porte en ébène… vous ne pouvez pas la rater ! Allez, reposez vous, vous aurez besoin de vos forces demain. » Nell le remercia puis s'éclipsa dans la chambre.

« Quel chic type, ce Lupin… Pourquoi as t'il fallu que je sois follement éprise d'un redoutable, méprisable, cruel, infâme et répugnant professeur Rogue et non pas d'un charmant, généreux et adorable Pr. Lupin ? » Se dit elle en refermant la porte. La chambre qu'elle allait occuper semblait des plus confortables. Il y avait un immense lit à baldaquin, une armoire, une table à écrire sous la fenêtre qui supportait de longs rideaux du même rouge bordeaux que les draps qui recouvraient le lit. Et sur ce lit, se trouvait sa valise, défaite. Et vide. Pendant un instant elle paniqua. Puis elle eut le réflexe d'ouvrir la commode et l'armoire. Tous ses habits s'y trouvaient, certains pliés, d'autres soigneusement accrochés à des cintres. Dans la salle de bain, il y avait son lecteur CD et ses disques étaient empilés sur le rebord de la baignoire. Nell ne put s'empêcher de sourire. Oui, bien sûr, la prochaine fois qu'elle prendrait un bain, elle penserait à se frotter le dos avec un cd… Peut être ont-ils des vertus exfoliantes insoupçonnées… L'idée que Rogue ait pu entrer dans cette chambre, défaire son sac et arranger au mieux ses affaires ne lui traversa même pas l'esprit.

Quand elle eut replacé ces objets Dans des endroits un peu plus logiques, elle enfila son affreux pyjama orange, et s'effondra sur le lit, et s'endormit.

Nell se réveilla vers minuit. Une fois de plus, la faim l'avait tiré de son sommeil. Elle enfila une robe de chambre et deux pantoufles à motifs écossais troués et délavés. Elle ouvrit discrètement la porte et failli trébucher sur un plat qui se trouvait sur le seuil, composé de pommes de terre, et de tranches de rosbif. Un petit mot avait été déposé à côté.

« Je ne vous ai pas vu au dîner. Je vous ai donc pris de quoi vous remplir le ventre si

jamais vous vous réveillez. Bonne nuit et bon appétit ! Lupin.

P.S : le Pr. Rogue n'avait pas l'air dans son assiette au repas. Je l'ai entendu

demander au Pr. Mcgonagall si elle vous avait vu. »

Nell sourit. Ce Lupin était un des sorciers les plus gentils, et les plus compréhensifs qu'elle n'ait jamais connu. Elle se dit qu'elle allait le remercier première chose le lendemain, et peut-être essayer d'en savoir un peu plus sur la jeunesse de Rogue.

Après avoir englouti son repas à la vitesse d'un ogre affamé, Nell s'assit près de la fenêtre et l'ouvrit. La lune faisait scintiller la neige qui recouvrait le parc et se reflétait dans les petites vaguelettes du loch. Elle prit une grande bouffée d'air qu'elle exhala lentement. La mélancolie s'était emparée d'elle. Le visage de Rogue hantait son esprit. Son cœur se gonflait de tristesse à chaque fois que les souvenirs de cette atroce journée lui revenaient. Et sans même qu'elle s'en rende compte, elle se mit à chantonner d'une petite voix un air mélancolique qui s'éleva tout doucement au dessus du parc enneigée.

Severus Rogue était attablé à son bureau, penché au-dessus d'un parchemin, la plume a la main. Il tentait d'écrire, mais sa tête bouillonnait. Cela faisait déjà quelque temps qu'il dormait à peine. La marque des ténèbres sur son bras lui faisait souffrir le martyre. Et l'arrivée de cette jeune femme à Poudlard n'arrangeait en rien cette situation déjà délicate. Depuis leur querelle dans le couloir, il ne cessait d'être hanté par les dernières phrases que Nell avait prononcées. Près de vingt cinq ans de cela, ces mêmes paroles étaient sorties de sa propre bouche. Posant la plume de corbeau sur la table, il releva la tête, et laissa sa tête se reposer sur le dossier de son fauteuil. Le visage de Nell, les yeux embués par les larmes qu'elle essayait tant bien que mal à contenir, lui revint en mémoire. Un visage, une expression qui avait remué chaque fibre de son cœur. Pendant cet instant, lorsqu'elle s'était tournée vers lui, son âme à nu, il avait eu l'impression de se retrouver face à son image, dans le miroir qu'étaient devenus les yeux clairs de la jeune femme. Une image qu'il n'avait plus revue depuis une éternité… Pendant des années, il avait appris à enterrer une partie de son être, et de se créer un double à partir de ce qu'il y avait de moins vulnérable en lui. Il avait scindé son âme, et pour cela, il s'était détruit lui-même. Jusqu'à ce jour fatidique, où il avait recroisé cette jeune femme perdue, seule, brisée, coincée derrière le comptoir d'un pub, Rogue était resté persuadé qu'il avait tué l'homme vulnérable qu'il avait pu être autrefois. Mais lorsqu'il croisait son regard, lorsqu'elle lui livrait sans s'en rendre compte son âme dépouillée, il n'avait rien su faire d'autre que de la piétiner pour ne plus avoir à la regarder en face. Et à ce moment là, il s'était senti aussi perdu, seul, et brisé qu'elle… En silence, les deux moitiés de son âme se livraient une bataille qui échappait à tout contrôle. Son cœur s'accéléra dans sa poitrine, tandis qu'il se laissait malgré lui envahir par un flot d'émotions qu'il n'avait plus ressenti depuis des années. Un changement s'opérait en lui, un changement dont il n'arrivait pas encore à comprendre les conséquences…

Il décida d'aller ouvrir la fenêtre. Et c'est là qu'il l'entendit. Un chant si triste qu'il en fut presque ému. Il se pencha pour mieux écouter. Une femme chantonnait. Il n'y avait aucun doute, il s'agissait d'Angelrest. La voix, timide, douce, sans être particulièrement belle, véhiculait une émotion si pleine, si pure, qu'il ne put s'empêcher de se laisser bercer, hypnotiser, appuyé sur le rebord de la fenêtre. A mesure qu'il écoutait, le chant lui perçait de plus en plus profondément le cœur, qui, en quelques instants, s'était attendri sous une carapace qui devenait de plus en plus mince. Alors, il se rendit compte avec horreur qu'il comprenait parfaitement ce qu'il exprimait.

Dans sa chambre, toujours assise près du rebord de la fenêtre, Nell cessa de chantonner. A peine s'était-elle levée pour aller se coucher, que trois coups sonores furent frappés à la porte. Intriguée, Nell alla ouvrir. Son cœur cessa de battre. Severus Rogue se trouvait sur le seuil. « Faites qu'il n'ai rien entendu… ». Mais il avait l'air furieux.

- Pouvez vous cessez cet effroyable raffut, Angelrest, certaines personnes dans ce dortoir aimeraient bien pouvoir se reposer en paix!

Passé l'effet de surprise, après avoir ramassé sa mâchoire qui était tombé sur le sol, Nell retrouva ses esprits. Elle n'avait pas oublié leur dernière « conversation ».

- Vous allez me faire croire que vous dormez comme ça ? En effet, Rogue portait encore sa robe noire et compliquée. « Et pourquoi avez-vous attendu la fin avant de venir vous plaindre?» Sur ces mots, Nell referma la porte au nez de Rogue. « Oui !» souffla t'elle derrière la porte, un sourire satisfait sur ses lèvres. Sa mélancolie s'était envolée. Elle avait l'étrange impression que Rogue lui cachait quelque chose, un secret, quelque chose qui le rendait vulnérable. Quelque chose que son chant avait réveillé en lui. Pourquoi serait-il venu se plaindre sinon ? Et elle ne savait pas trop pourquoi, mais cette question, restée sans réponse, la réjouissait. Le cœur léger, elle retourna dans son lit, et en s'enfonçant dans le matelas, elle sourit en pensant que là, elle avait marqué un point pour la première fois.

Severus Rogue retourna dans sa chambre. Elle avait marqué un point. Son chant était loin d'être l'effroyable raffut qu'il avait décrit. Mais il avait souffert en l'entendant. Une sensation qu'il avait banni de son être depuis des années, et qui était revenu l'assaillir, plus cruelle que jamais. Une ancienne blessure s'était rouverte, une nouvelle s'était formée. Rogue s'assit sur le rebord de son lit, la tête entre ses mains. Il respira lentement, profondément, tentant de vider son esprit, mais il n'y avait rien à faire, il était incapable de contrôler toutes ces émotions dont il était redevenu la proie. Pris par surprise, il n'avait alors aucun moyen de se défendre contre tout ce qu'il avait refoulé dans les recoins les plus inaccessibles de son âme, pendant si longtemps. Mais il n'y était pour rien ! Tout était de sa faute à elle. Pourquoi était il allé se plaindre, pourquoi avait-il frappé à sa porte ? Pour venir lui exprimer son mécontentement ? Ou était-ce pour revoir son petit visage rond, ces yeux clairs, ces... Rogue laissa échapper un grognement. Il n'avait jamais été sentimental, jamais, et ce n'était pas la présence de cette petite peste de Cracmolle qui allait y changer quelque chose. Mais il ne pouvait nier la brûlure qui lui démangeait le cœur en cet instant… Puis, avec un autre soupir exaspéré, il remonta la manche sur son avant-bras gauche. La Marque des Ténèbres émettait un très faible rougeoiement. Rogue fronça les sourcils. Pour la première fois, la souffrance que lui causait la marque gravée dans sa chair venait d'être assourdie par la blessure qui s'ouvrait peu à peu dans son cœur. A cause de cette femme, de cette pauvre créature en apparence si insignifiante, de cet être qui ne savait même pas se servir d'une baguette, il savait qu'il n'allait pas dormir de la nuit...