Ils zigzaguèrent entre les meubles antiques puis parvinrent derrière l'encadrement du salon.

Tournante dos au mur, Yumi s'y plaqua alors qu'Ulrich allait de l'autre côté, puis passait la tête.

Dix secondes après, il ressortit la tête du cadre, et lui adressa un hochement de tête rassurant.

Ils attendirent silencieusement cinq minutes jusqu'à ce que résonnât une conversation àvive voix, comprenant uniquement celle de Jérémie.

Il bafouillait comme s'il avait eu à faire à un professeur qui l'aurait pris en train de faire une bêtise.

Puis il dit quelque chose à Odd et ils sortirent en hâte de la salle, manquant de percuter Ulrich qui était appuyé juste à côté.

« Ah, vous êtes là ! Il faut retourner à l'usine de toute urgence !

- Laisse moi deviner… commença Ulrich.

- Tout le collège est enfermé dans un des réfectoires, et ils sont encerclés par des Kankrelats !

- Encore ? »

Jérémie acquiesça.

« Et bien sûr, leurs téléphones sont coupés, commenta-t-il sombrement.

- Il faut que quelqu'un parte les occuper le temps qu'Aelita désactive la tour. »

Odd devint soudain blême.

« J'ai laissé Kiwi là-bas ! gémit-il. Je vais au collège !

- Yumi et moi on escorte Aelita,trancha Ulrich, échangeant un regard décidé avec elle.

- Je ne sais pas si partir à trois sur Lyoko est nécessaire… En matérialisant autant de monstres sur Terre, il ne peut pas en avoir laissé beaucoup pour protéger la tour…

- Sait-on jamais, insista Yumi. On est d'accord pour dire qu'il monte en puissance, il faut s'attendre à tout. »

Cela mit court à toutes les discussions et provoqua des hochements de tête en série.

Ils prirent le passage sur le flanc de la résidence et s'enfoncèrent dans les égouts. Odd prit la direction opposée à celle du restant du groupe, qui saisirent leur planche, et Jérémie sa trottinette, Aelita empruntantle skate-boardd'Odd.

Yumi jeta avec force la planche devant elle pour lui donner de l'élan, sauta et se rétablit en parfait équilibre. Elle vit défiler autour d'elle les briques sombres et les couloirs déserts des sous-sols à une allure folle, tandis que derrière elle, Ulrich bataillait pour ne pas se laisser distancer.

Et encore derrière se pressaient Aelita et Jérémie qui maintenaient un écart en constante expansion.

Ils gravirent les échelons qui les menèrent en plein milieu d'une route conduisant à un pont qu'ils traversèrent en courant.

Ils parvinrent à l'étage de l'usine désaffectée, et agrippèrent fermement les cordes qui les firent descendre jusqu'au rez-de-chaussée.

De là ils parvinrent au monte-charge, dont le rideau de fer s'abaissa une fois qu'ils furent entrés.

Jérémie les quitta au premier niveau en dessous, le laboratoire dont l'écran présentait la carte du monde virtuel, un point rouge clignotant sur un territoire que Yumi n'eut pas le temps d'identifier.

Alors que l'ascenseur effectuait une nouvelle embardée qui les fit descendre un niveau plus bas, les haut-parleurs grésillèrent en diffusant les paroles de leur ami :

« La tour est dans le territoire du désert ! Il faut se dépêcher, s'il y a un seul mort…

- On ne pourra pas les ressusciter avec le retour vers le passé. » railla Yumi en récitant les paroles de Jérémie d'une voix monocorde.

Ca ne manqua pas, ses paroles firent écho à celles des micros.

Les portes coulissèrent et dévoilèrent les trois scanners qui ronronnaient tranquillement, comme s'ils les avaient attendus.

Alors qu'elle pénétrait dans son emplacement, Yumi entendit clairement les instructions que Jérémie donnait anxieusement à l'ordinateur.

Elle sentit le sol pivoter alors que les appareils observaient chacune de ses particules afin de les dématérialiser. Un souffle tiède l'obligea à basculer la tête vers l'arrière en laissant ses cheveux se soulever brusquement, et la contraignit à fermer les yeux tandis que la machine vrombissait toujours plus fort.

Et soudain, lors que le dernier mot de Jérémie résonnait dans toute la cabine, elle sentit son corps se faire happer par les câbles électriques du plafond, séparant chacun de ses atomes alors qu'elle voyait le câble défiler de l'intérieur à une vitesse phénoménale, allant plus vite, toujours plus vite, jusqu'à ne lui laisser voir qu'un défilement de couleurs sombre entrecoupées de flashs orangés.

Puis elle vit le bout du tunnel dans une lueur blanche éblouissante.

ooOOoo

Essoufflé, Odd parvint au sommet des échelons et remit la plaque en place, parfaitement camouflée dans l'herbe.

Il se précipita jusque derrière le Bâtiment des Sciences, le longea et se réfugia derrière la construction qui bordait la Cour des réfectoires du Côté Sud.

Il parvint lentement jusqu'à l'angle et jeta un œil.

C'était encore pire que ce qu'il pensait.

Le réfectoire le plus proche était assailli par des dizaines de Kankrelats à la fois, répartis sur les côtés de la bâtisse.

Il sautilla sur place alors qu'il cherchait désespérément une solution.

Une chose était sûre, il ne pouvait les attaquer de front, ni faire diversion pour libérer les pensionnaires. Trop dangereux.

Il tripota nerveusement un bout de papier froissé dans sa poche.

Et l'idée jaillit.

Il le sortit et de l'autre pocheattrapa un stylo.

Il griffonna rapidement un mot :

C'est Odd Della Robbia.

Ces bestioles, on peut facilement les exploser si on percute l'espèced'oeild'œil qu'ils ont sur leur carapace.

Dès que je les attire vers moi sortez avec un groupe d'adultes et démontez ceux qui resteront !

Restez collés à la fenêtre.

Il chercha rapidement un caillou assez gros pour que le message puisse s'enrouler autour, puis il passa à nouveau la tête derrière le mur.

Tous étaient occupés à faire feu sur le réfectoire.

Il passa derrière une arcade, se pencha, tendit le bras vers l'arrière et lança de toutes ses forces. Sans attendre il retourna se cacher.

Un bruit de verre brisé lui confirma la réussite de la première partie du plan.

Il attendit cinq minutes.

Il risqua un œil et vit un paquet de visages rivés sur l'endroit d'où était venu le projectile, mais tous se tenaient à un mètre de la fenêtre pour prévenir l'éventuel éclat de la vitre.

Toute prudence jetée aux orties, il bondit de sa cachette.

« Coucou c'est n… moi ! » se rectifia-t-il.

Sur tous les monstres présents, seule une dizaine de photorécepteurs oranges se fixèrent sur lui.

Puis une lueur rectiligne tourna autour de l'œil mécanique des bestioles et Odd se réfugia à nouveau derrière le mur, observant la vague de lasers écarlates qui fusait sur l'endroit où il se tenait il y a quelques endroits.

Sans attendre les bruits de cliquetis métalliques, il se mit à courir vers les vestiaires du Gymnase, de l'autre côté de la cour où il se trouvait.

Une seconde vague de lumière roussit sa vue pendant quelques secondes (par bonheur, les tirs ne furent pas merveilleusement ajustés) et il se réfugiaderrière une arcade.

Le bruit caractéristique de pattes courtes et frêles se fit entendre, de plus en plus près, jusqu'à ce que Odd se mît à courir vers l'Ouest, offrant une cible de choix quand il passait entre deux colonnes.

Il atteignit l'angle de l'établissement et tourna à droite, trouvant toujours un abri de fortune lors de ses passages derrière des piliers tropminces à son goût.

Lorsqu'il repassa à portée de vue des réfectoires, il s'aperçut avec horreur qu'une bande de Kankrelats l'y attendaient.

Ses poursuivants eurent tôt fait de le rattraper et il constata avec amertume qu'il était encerclé.