La traversée de la Calm Belt fut on ne peut plus digne du nom qu'elle portait, et East Blue ensuite ne fut pas beaucoup plus agitée. L'équipage du navire était spécialisé dans les traversées de la Calm Belt. Ils étaient autrement moins impressionnables que ceux du bateau dont il venait. Pourtant Garp réussit à se faire respecter par quelques prouesses de nature très variée. Les soldats avaient tout d'abord trouvé très inopportun la quantité de nourriture qu'il pouvait engloutir, tout en éprouvant une étrange forme de respect curieux pour sa capacité à manger en dormant. Mais là où il avait vraiment gagné des points c'est quand il avait plongé en pleine mer et revenait avec de quoi remplir la panse de toute l'équipage.

- Je comprends mieux pourquoi ils ont choisi un simple lieutenant pour protéger des Dragons Célestes, déclara un jour l'un d'eux au repas.

À la table tous ceux qui avaient pu entendre approuvaient.

- Pourquoi vous dites ça ?, demanda Garp.

- Parce que t'es vachement balèze Garp ! Avec ton niveau tu devrais au moins être capitaine !

- Bwhahaha ! J'espère bien. C'est que je compte devenir amiral moi !

En une seconde le silence s'abattit sur la pièce. Voyant qu'il était absolument sérieux, tous se mirent alors à rire de bon cœur. Les remarques qui fusèrent ensuite précisèrent leurs sentiments. Certains se moquaient ouvertement de lui en raillant la jeunesse de ce soldat qui n'avait pas encore mis les pieds dans le Nouveau Monde. D'autres étaient simplement ébahis par l'aplomb de ce petit lieutenant encore imberbe. Loin de leur répondre quoi que ce soit, Garp s'endormit soudainement. Les rires redoublèrent encore. Il dormit jusqu'à leur arrivée.

Sans qu'ils n'aient eu besoin de le secouer, Garp se réveilla. L'odeur de la mer lui était familière et transmettait à tout son corps une impression diffuse : il était de retour chez lui. Le bateau approchait du port en longeant la côte. Garp courut sur le pont. Le village de Fushia était là, juste devant lui, sans hésiter une seule seconde, il se lança.

- Merci pour tout les gars !

Et il plongea. Tout ceux qui avaient assisté à la scène restaient médusés. Ils guettaient avec anxiété la surface des flots pour le voir émerger mais déjà le commodore donnait de nouveaux ordres.

- Bon allez, on a fini notre mission, on rentre à la base !

- Mais commodore, et le petit Garp ?

- Son objectif c'est de devenir amiral non ? Alors il ne risque rien si près des côtes, surtout à East Blue.

Tous se mirent un instant au garde-à-vous en clamant « Chef ou chef ! » avant de repartir à leurs activités. Plus loin sur la plage émergeait un homme en tenue de marine. Garp ôta ses vêtements un à un, les essora et les remit avant de repartir en direction du village.

- Garp ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Le marine se retourna pour voir face à lui un garçon un peu plus vieux. Il avait toujours eu ces grosses lunettes ovales et une passion pour les bobs qu'il tenait de sa mère. Garp le connaissait bien. Son père avait un magasin de vêtements mais leur spécialité c'était les chemises à manches courtes et à motifs dont il était lui-même très friand avant d'adopter l'uniforme de la Marine qu'il était tout aussi fier de porter.

- Tiens mais c'est le vendeur de chemises qui est là !

- C'est « monsieur le maire » maintenant. J'espère que tu n'es pas venu semer la pagaille parce que maintenant, j'aurais mon mot à dire !

Garp se retourna pour lui montrer l'insigne qui floquait désormais son dos.

- Je suis lieutenant.

- Je n'aurais jamais cru qu'ils te garderaient. Ils prennent vraiment n'importe qui dans la Marine. Si tu es là tâche de ne pas faire trop de grabuge, en ce moment au royaume il y a …

- … la visite de Dragons Célestes, je sais c'est pour ça que je suis là. Bwhahaha ! Fais pas cette tête « monsieur le maire », c'est pour une mission.

- On te confie des missions en lien avec les Dragons Célestes ?, répéta-t-il estomaqué.

- Bah ouais pourquoi pas ?

- Surtout Garp il faut que tu fasses tout ce qu'ils te demandent et que tu ne parles pas ! Vu comment tu … bref, si tu parles, tu es perdu et nous aussi. Compris ? Tu me promets que tu …

- Ça va. Qu'est-ce que vous avez tous avec ça ! Bien sûr que je vais me tenir tranquille.

Le lieutenant s'éloigna, presque boudeur. Sur la plage, le maire parut soulagé.

- Donc tu as au moins des camarades qui te connaissent bien.

Quand Garp arriva au village, c'était comme si le temps s'était arrêté. Il n'était objectivement pas parti depuis longtemps mais il avait vécu tellement du choses à l'Académie puis sur Grand Line qu'il était surpris de retrouver Fushia parfaitement inchangé. Il trouva sans surprise Makaru dans son bar. La jeune femme avait hérité de l'établissement de ses parents alors qu'elle avait seulement 15 ans mais elle avait brillamment repris l'affaire. Quand il capturait quelque chose de bon, Garp venait le lui emmener. En échange de ses services, il avait pu manger à l'œil dans l'auberge toute la jeunesse.

- Tiens donc mais qui voilà.

- Salut Maku.

- Quelle tristesse de te voir arriver les mains vides.

- Ouais mais cette fois-ci j'ai de quoi payer un repas !

- Non ! Sérieux Garp. Tu sais que ce sera la première fois en 10 ans ?

- Bwhahaha ! Comme quoi tout peut arriver.

Makaru se servit à manger en même temps que lui et ils discutèrent. Ils se racontèrent même tant et tant que c'est la tombée du jour qui les arrêta. Gard sembla se souvenir seulement à ce moment-là ce pourquoi il était venu.

- Oh … je crois que je suis en retard. Je devais me présenter aujourd'hui à la caserne de Goa. Bon et bien j'y vais. À plus tard !

- Il n'y a plus personne au port à cette heure-ci, lui fit remarquer la tenancière du bar.

- Ça tombe bien je comptais passer par les montagnes.

- C'est la folie ! Surtout en pleine nuit. Garp reste dormir là.

- Je peux pas, je te dis. Je suis en mission. Et puis la forêt je la connais par cœur.

Sans un mot de plus, il sortit. La lune était déjà haute dans le ciel mais cachée comme elle l'était par les nuages, elle ne différenciait guère les nuances de gris. Garp s'arrêta un instant à l'orée du bois pour choisir s'il allait traverser les yeux bandés ou en marchant sur les mains, finalement il opta pour les deux. Ce serait un bon entraînement.

Le garde d'entrée sursauta quand son escargophone sonna. Il se racla un peu la gorge pour faire bonne figure et décrocha.

- Moshi ? Moshi ?

- T'as un drôle de zouave qu'arrive. Fais gaffe.

La communication coupa. Le gardien ne sut pas très bien ce qu'il était censé faire de cette information. Il compris cependant l'utilité d'avoir été prévenu quand, au bout de la rue, apparut un homme marchant la tête en bas et les yeux bandés.

- Je peux vous aider ?

- Bonjour je cherche la caserne de la Marine.

- Vous y êtes.

- Ah, parfait !

Il donna assez d'impulsions avec un seul bras pour décoller du sol et se retrouver dans un sens plus conventionnel puis il entreprit d'ôter son bandeau aussi. C'est en cette occasion que le gardien put constater l'état véritable du visiteur. Ses mains étaient noires, ses bras couverts de griffures, de coupures, de piqûres et ses vêtements déchirés et boueux. Pourtant il était indéniable que son costume était de la Marine.

- Alors ?

- Monkey D. Garp. j'ai une mission.

- Vous êtes le lieutenant Garp ?, demanda le gardien avec incrédulité.

Cela faisait déjà quelques jours qu'il aurait dû arriver. Il avait au moins le mérite de comprendre parfaitement à la description qui avait été faite de lui. Brun, une cicatrice à l'œil gauche et atypique. Le gardien lui indiqua alors le chemin et prévint la caserne de l'arrivée de cet énergumène.

Garp le remercia et s'éloigna cette fois-ci en gardant les pieds au sol et les yeux ouverts. La traversée de la forêt avait été plus longue que ce qu'il pensait. Il avait pourtant rapidement repris ses marques ainsi que tout le reste de la faune puisque aucun animal n'avait essayer de l'approcher.

À une telle heure, la caserne était quasiment déserte et plongée dans le noir. Même sans les indications de ce gars à l'entrée, il aurait trouvé son chemin, et ce pour plusieurs raisons. La salle était la seule à être éclairé, les quelques personnes qui l'occupaient encore discutaient de bon cœur dans ce bâtiment autrement muet, et ils étaient attablés. S'il y avait bien un endroit que Garp pouvait retrouver entre tous, c'était celui-là, il se fia à son meilleur sens et suivit le fumet du repas.

Sans faire de fausse route une seule fois dans le labyrinthe qu'était la caserne, il arriva sans encombre. 6 personnes étaient attablées dans le réfectoire pouvant en contenir 100. Certains étaient au thé, d'autres au dessert mais ce qui avait guidé Garp jusqu'ici c'était l'assiette de viande de l'un des hommes, une femme en l'occurrence avec un tablier blanc et une toque sur la tête. Garp se dirigea directement vers elle. Il s'inclina et mit à profit toutes les leçons qu'il avait reçues de Tsuru et Sengo.

- Bonjour. Est-ce que je pourrais en avoir aussi s'il vous plaît ?

- Sûrement pas tant que tes mains seront dans cet état-là !

- D'accord.

Docilement Garp s'éloigna. Il avait vu des éviers à l'entrée de la pièce. Consciencieusement il fit comme il avait appris lors des sessions de cuisine à l'Académie, session dont il avait rapidement été exclu, il se rinça les mains une première fois puis se savonna presque jusqu'aux coudes. La routine lui revenait naturellement, il envoya mentalement une pique à Sengoku lui qui avait cru qu'il ne retiendrait jamais rien, le dos des mains, la paume, entre les doigts, le bout des doigts, les ongles, les pouces et on rince.

Une fois sec, il brandit fièrement le résultat à la coq qui tout en le félicitant lui désigna l'assiette qu'elle lui avait amené entre temps. C'est avec une souplesse et une précision remarquable que Garp réussit à s'installer à table à l'issu d'un saut sur presque 2 mètres. La cuisinière et deux autres hommes rirent de cet exploit incongru. Parmi eux cependant il en était un qui était resté parfaitement froid à ce manège, c'est lui qui prit la parole.

- Vous devez être le lieutenant Garp.

- Wouarf, c'est çarf (Oui c'est ça), répondit l'intéressé la bouche pleine.

- Vous êtes en retard.

Garp avala tout ce qu'il avait réussi à mettre dans sa bouche et s'essuya les lèvres d'un revers de la main.

- Comment ça ? Les Dragons Célestes sont déjà là ?

- Non ils arriveront après-demain matin et …

- Bwhahaha ! Alors je suis fichtrement à l'heure ! En avance même !

- Nous avions explicitement demandé que vous soyez là une semaine avant ce grand évènement.

- Wouarf et bronch j'arf pas chomp chomp friché vraf (oui et bien j'ai pas chômé figurez vous).

Garp avait repris à manger de plus belle. Avec une moue de dégoût son interlocuteur se leva et quitta la pièce en déclarant.

- Je vous attends demain à la première heure dans mon bureau. Et tâchez d'être propre cette fois.

Son départ avait laissé planer un froid sur le groupe. Garp continuait d'engloutir tout ce que contenait son assiette alors que les autres échangeaient des regards blancs. À la fin de leur dialogue silencieux, 3 d'entre eux se levèrent et suivirent les traces de leur prédécesseur. Garp, lui, avait alors fini de manger, demanda aux deux qui restaient

- Bon alors qu'est-ce qui se passe ?