Ruptures d'un processus linéaire
Pas à moi....
Alors comme ça Csame, t'aime pas le titre de la fic... Pourtant c'est vraiment ma vision du monde... la vie comme un processus d'une linéarité précaire... Mais merci pour les encouragements...
Alana... Plus d'Hermétisme ? Va savoir ! On va commencer par la politique !
Merci Crys pour tes encouragements
Merci Godric ! Plus de jeu vidéo ? Tu devrais être content !
Alixe... Non, dans cette fic là, j'évite l'eau de rose... De toutes façons moi les roses, je les aime qu'en loukoums...
9 - Un monde de rêves
« Tu sais, Harry, c'est... c'est un monde qui n'existe pas... un monde de rêves... »
« Un quoi ? »
« Et bien, Emmy a pensé... et moi aussi que... si on refusait un monde gothique... »
« Un monde quoi ? » demanda de nouveau le jeune Auror, les yeux fixés sur l'écran lumineux où deux étranges personnages, aux yeux immenses et aux cheveux vert pomme, sautillaient en rangeant une caverne peuplées de créatures aussi improbables qu'agressives. Hagrid aimerait... pensa-t-il avec une certaine dérision.
« Gothique... » - répéta son cousin en haussant les épaules. « Tu sais, sombre, diabolique, victorien... »
Harry n'arriva pas à s'empêcher de le dévisager. Il avait dû mal entendre !
« C'est comme ça que tu caractériserais le monde sorcier ?» demanda-t-il prudemment. La dernière chose dont il avait besoin, en ce moment où il doutait de tout, était de se disputer avec son cousin.
« Ne le prend pas mal... » Dudley se tortilla sur sa chaise, cherchant visiblement ses mots. « Mais vos robes noires... vos grimoires, vos vieux châteaux poussiéreux... vos balais... C'est pas très... lumineux... Non ? Enfin, au premier abord... »
On pouvait dire que Dudley cherchait encore comment préciser sa pensée et, cette fois, Harry se retint d'exprimer sa surprise et son incompréhension.
« Enfin bref, Harry, pour des Moldus, vous avez l'air droit sortis du XIXe siècle ! »
Harry songea un instant aux cinq révoltes des Gobelins qui avaient marqué le siècle dernier, à Grindelwald, à la date d'édiction du statut de loup-garou et haussa les épaules. Il était sans doute possible de dire que le temps changeait moins radicalement le monde magique que le monde Moldu.
« Je ne me moque pas, Harry », précisa encore son cousin, en évitant son regard. « Je sais... enfin je crois savoir... de quoi vous êtes capables avec vos baguettes et vos balais... mais là, je te parle d'image et d'un jeu moldu pour les Moldus... »
Et d'ailleurs tout était là. L'image. C'était elle qui ferait que le Ministère se penche où pas sur le concepteur de ce jeu. C'était elle qui ferait ou non que le projet serait profitable pour Dudley. Oui l'image était la clé. Harry acquiesça donc et s'enquit :
« Ça va plaire ? »
« Mon prof est emballé ! »
« Alors tant mieux, Dudley... » - dit Harry avec sincérité. Une sortie positive pour tout le monde, que demander le plus, après tout. Son cousin lui lança un regard furtif, entre soulagement et inquiétude et Harry sentit qu'il lui devait la vérité. Il inspira et se lança :
« Et puis, tu sais, ce projet... ce projet dans sa forme initiale... il me gênait un peu... Le Ministère de la magie est complètement paranoïaque sur sa sécurité et... »
« Oui Ob-quelque-chose... enfin l'Américain m'a dit », intervint Dudley s'empourprant. « Je suis désolé Harry... j'avais pas vu ça comme ça... et pourtant tu m'avais mis en garde plusieurs fois... De toutes façons, personne ne me croirait ! »
Harry sourit.
« Bon »
Ils se turent tous les deux cette fois. Abandonnés à leur sort, les personnages se firent manger par une araignée géante bleu électrique et un dragon jaune citron. L'ordinateur les informa qu'ils avaient perdu et leur demanda poliment s'ils souhaitaient recommencer une autre partie. Dudley, d'un furtif mouvement de sa souris, choisit le 'non'. Harry reprit d'un ton qu'il espérait plus léger :
« Et cette Emmy... On peut la voir ?... »
« Ce n'est pas ce que tu crois, Harry », répondit précipitamment son cousin.
« Non ? » demanda l'interpellé avec ce sourire en dessous qu'il réservait d'habitude à Ron.
« Non », asséna sombrement Dudley et Harry, que son troisième œil ne visitait pourtant pas souvent, eut le pressentiment qu'il touchait là à un sujet sensible.
« Ah... »
Le blondinet se tortilla un instant sur sa chaise, puis murmura :
« Je... je dois bien pouvoir te le dire... je... Putain... j'ai été amoureux... »
La Grande affaire...songea Harry qui s'abstint pourtant de tout commentaire.
« En fait, je suis toujours amoureux », corrigea son cousin après quelques secondes.
Oh...
« Une fille de mon collège... » Une expression étrange, un sourire sombre, si cela était possible, traversa le visage de Dudley.
Ah...
« Evidemment, elle ne m'a jamais regardé... »
Aïe...Ca me manquait ça, un nouvel amoureux éconduit ! Pourvu que ça soit pas contagieux, sourit-il intérieurement.
« Enfin si... Elle m'a regardé... un jour... »
Un jour ?
« Elle m'a regardé et... elle ne m'a pas vu... Enfin...Elle a vu une baleine stupide... un énorme prétentieux ... un gras imbécile... un gros tas...Tout ce que tu voudras... sauf moi », acheva rageusement Dudley tout en appuyant sur une série de touches pour arrêter l'ordinateur tout entier.
Harry l'observa à la dérobée. Il sentait que son cousin lui ouvrait un des recoins les mieux gardés de son expérience humaine. C'était sans doute la reconnaissance de quelque chose... d'une relation de confiance nouvelle entre eux... Peut-être aussi un appel... Il déglutit, plus impressionné finalement d'être, après toutes ces années, admis dans les terres secrètes de Dudley Dursley que quand il devait affronter et ré-affronter Voldemort, à chaque fois qu'un Epouvantard se trouvait sur son chemin Mais Dudley reprit avec une amertume palpable :
« J'ai essayé de lui montrer qu'elle se trompait... »
C'est donc ça...
« En fait, j'essaie toujours... Chaque jour... chaque... le régime... les études... tout ça... c'est pour elle... pour elle... » Dudley avala difficilement a salive et reprit d'une voix pitoyable : «Même si elle ne le sait pas... Ca ne change rien... elle a tort... c'est tout... »
Doux et puissant Merlin. Ce fut tout ce qui vint à l'esprit d'Harry en entendant la douloureuse confession de Dudley Dursley dans son ancien salon, à 21heures 52, un dimanche soir...
OOO
En sortant de sa quotidienne visite à Ron à Sainte-Mangouste ce soir là, Harry marcha droit jusqu'à la Tamise, ignorant la bruine fine comme la tentation des pubs enfumés. Parvati dînait chez une copine d'enfance à elle. Dudley sortait avec des camarades de son école. Il était seul et... franchement... il pensait que c'était aussi bien.
Pendant toute cette semaine, il n'avait pas raconté à Ron ce qui le tracassait. Il avait soutenu Dudley quand celui-ci était venu le prévenir que finalement il n'utiliserait pas les photos d'enfance des Weasley. Il avait participé à la grande blague des jumeaux qui avaient fait apparaître un faux fantôme de dragon dans sa chambre... Il avait patiemment écouté son amertume après les adieux d'Hermione... Mais il n'avait rien dit de la sienne.
Comme d'habitude, aurait dit la perspicace Hermione. Il sourit dans le noir. Oui, comme d'habitude.
Enfin....Non. Plusieurs fois, il avait essayé. Il s'était dit qu'il ne pouvait pas ne pas demander l'opinion de Ron... Mais les mots étaient restés coincés dans sa gorge. Et là, en regardant les lampadaires se refléter dans l'eau, il sut pourquoi. Il ne voulait pas savoir ce que Ron en pensait. Enfin, pas encore. Il ne voulait pas ajouter une nouvelle couche d'opinion à toutes celles qui tournaient dans son esprit. Non, pas tant que lui-même ne saurait pas plus ce qu'il voulait.
« Le monde dont tu rêves, Harry », avait dit Hermione.
Mais de quel monde rêvait-il ? Il était bien incapable de le dire.
Il n'avait rien contre le monde d'abord. Dans le noir, il fit du bras un geste circulaire comme pour assurer le monde de son amitié.
Rien ne contre les robes noires, les baguettes, les balais, les grimoires, les châteaux poussiéreux...
Rien non plus contre le gothique, le victorien du monde magique... Le diabolique ? Il haussa les épaules. Le diable n'avait rien à faire là non plus. Comme aurait dit Fleur, « les gentils et les méchants n'étaient pas toujours là où on les attendait ».
En fait, il n'avait rien contre le monde magique en tant que tel. Il en avait plus contre les hommes qui l'habitaient... contre ceux qui s'enorgueillissaient d'un don tombé sur eux à la naissance... ceux qui gardaient jalousement pour eux seuls l'appellation de « sorcier ».
Ce dégoût allait bien plus loin que contre ceux qui méprisaient les sangs de bourbe. « Ce sont eux les inhumains », avait dit Parvati, les yeux encore hantés par la douleur qu'elle avait vu à Azkaban. Sans doute.
Mais tout ça n'avait rien de bien nouveau... C'était déjà contre ça que s'étaient élevés ses parents, son parrain, Dumbledore, et d'autres encore. Et ils avaient perdu... Et lui aurait été capable de mieux ? Lui, tout seul ? Sans même une stupide prophétie a accomplir en plus... ? Juste avec les attentes de ses amis ?... Il s'assit sur les pierres humides du quai... L'eau noire défilait devant lui.... Aussi sombre que ses pensées, aussi faussement calme que son cœur... presque tentante... Il se secoua.
De quoi avait-il si peur ?
Des combats à mener ?
Un Auror n'a pas peur du combat.
Des échecs ?
Que pourrait-il lui arriver? La mort était exclue. C'était l'avantage d'affronter des Fudge, plutôt que des Voldemorts. Etre banni ? Il doutait que ça puisse en arriver là. Etre minoritaire ou la risée de la communauté magique ? Ca ne serait pas la première fois ! Il rit doucement seul, en reprenant sa route. Non rien de grave ne pouvait lui arriver...
A lui non, mais à ses proches ?
Les yeux dorés de Parvati s'imposèrent devant lui... Il aurait détesté qu'il lui arrive quelque chose... qu'elle connaisse à son tour l'injustice et la mise à l'écart... mais il se rappela que peu de monde connaissait leur relation... n'était-ce pas elle qui parlait d'arrêter a carrière d'Auror ? « Est-ce qu'on peut défendre un système quand on le juge aussi pourri ? » avait-elle presque crié. La colère pour certitude...
Bien mais il y en avait d'autres. Non qu'ils soient si nombreux, d'ailleurs...
Ron ? Les Weasley ? Le seul Weasley qui lui en tiendrait peut-être rigueur était Percy... Et encore... seulement s'il échouait... Harry rit de nouveau, et il ressentit un léger vertige intérieur proche de l'ivresse.
La pensée suivante le ramena à plus de sobriété :
Par où commencer ?
Cette idée rebondit dans son cerveau. Il ne se voyait pas écrire un livre. Non. Les livres c'était le rayon d'Hermione, pas le sien. Le sien était celui du combat. Il ne se voyait pas non plus se présenter à une élection ... en tout cas pas tout de suite... c'était prématuré... Qui voterait pour un jeune homme pas encore diplômé, sans aucune autre expérience que d'avoir fait exploser deux fois Voldemort... - Putain de CV ! avait fait remarqué Ron quand ils remplissaient leur dossier d'admission à la formation d'Auror. Pas lui en tout cas. Et après tout, il faisait ça pour lui... pour lui-même... pour donner un sens à sa vie....
Non. Il avait envie de se battre. Il avait envie d'un résultat concret. Parce que malgré le temps, les épreuves et l'expérience, il était toujours et avant tout un Gryffondor. Oui mais changer le monde était plus compliqué que d'attaquer un monstre... Et sans doute était-ce pour cela que le monde répondait plus aux Poufsouffles, aux Serdaigles et aux Serpentards...
La pluie qui ruisselait sur lui depuis près d'une heure forcit légèrement. Le vent lui donnant un oblique redoutable, elle s'insinua dans le col de son blouson. Et cette sensation de froid profond sembla venir en réponse à l'effondrement de son enthousiasme devant la solidité tenace de la réalité. Avec un gros soupir, il enfouit ses mains dans ses poches et prit à grandes enjambées le chemin de son appartement.
Il fallait mieux rentrer. Qui pourrait espérer changer le monde avec un gros rhume ?
OOO
L'appart était silencieux sans Ron ni Dudley. D'un silence presque vivant. Et Harry, avec l'entrain qu'il mit à ouvrir à fond les robinets de la douche brûlante qu'il prit pour se réchauffer, à faire siffler longtemps la bouilloire, à claquer des portes et à siffloter dans les couloirs, ne réussit qu'à le rendre plus oppressant encore.
Il essaya de l'ignorer et s'accouda nonchalamment à la table de la cuisine pour boire un thé brûlant. Mais le silence était là, tapi dans son dos, dans le couloir et les deux chambres vides, et même dans l'escalier de l'immeuble de la rue endormie... Il soupira bruyamment pour essayer de sortir de cette ligne de pensée.
Il se leva, emportant sa tasse fumante entre deux doigts, et essaya de trouver de nouvelles pensées dans une autre pièce. Sa chambre. L'armoire, le lit, le bureau... rien ne lui parut très accueillant et il se rendit brutalement compte qu'il aurait préféré se trouver avec Parvati... Parce que j'aime être avec elle ou parce que je ne me supporte pas ? se demanda-t-il devant la glace. A se tenir debout comme ça, il se revit à peine arrivé à Poudlard devant le miroir du Rised et l'émotion l'assaillit.
« L'heure des fantômes ? » demanda-t-il à haute voix à son reflet. Il se sourit avec une certaine tristesse puis ces yeux furent attirés par le reflet d'un rouleau de parchemin qui dépassait à peine du fatras de papier qui noyait son bureau.
La lettre de Remus.... Il l'avait complètement oubliée celle-là !
Espérant une réelle distraction à ses propres enfermements, il s'en empara avidement et fit sauter les cachets de cire. Il croyait déjà lire ses longues explications sur les sorts de combat et les souvenirs de Sirius et de James que chaque nouvelle étape de la formation d'Auror de Harry semblait ramener à sa mémoire. Mais dès le deuxième paragraphe, Harry sut que cette lettre n'était comme toutes celles qu'il avait reçues auparavant du dernier des Maraudeurs.
Cher Harry,
Je suis toujours heureux de voir Hedwige se poser à ma fenêtre. Je suis heureux d'avoir de tes nouvelles, de te savoir vivant et en bonne santé. Un bonheur de vieil ermite et je m'y connais.
Je suis d'autant plus heureux que je n'ai pas à m'angoisser du type de nouvelles qu'elle pourra m'apporter puisque tu as su toi même donner un sens à cette prophétie imbécile qui a projeté tes parents, Voldemort, Peter, Sirius et toi dans un tourbillon de destruction et de mort...Tourbillon qui n'a jamais jugé bon de prendre ma vie... Mais c'est toi qui m'a dis au Ministère, alors que Fudge hésitait entre se servir de toi - et te décorer de l'Ordre de Merlin - ou se débarrasser de toi - et t'enfermer à Azkaban ou à Sainte-Mangouste: « On peut choisir son destin, Remus ? »
Non bien sûr, on ne choisit pas ou peu. Et quand on naît Harry Potter ou qu'on devient Remus Lupin le loup-garou – quelqu'un se souvient-il encore que je ne l'ai pas toujours été ? – on ne choisit pas. Les détails éventuellement mais pas la trame...
Je ne sais pas toi, Harry, mais je me suis souvent demandé ce qui se serait passé s'il n'y avait pas eu de prophétie... Si Trelawney avait été aphone à ce moment là ou si Dumbledore n'avait pas accepté de la rencontrer dans cette taverne miteuse... Parce que l'importance que cette prophétie a prise sur nos vies n'est-elle pas essentiellement liée au charisme de celui qui l'a reçue ? Sans prophétie, James et Lily n'auraient pas cherché de Gardien du secret. Et peut-être que ne se cachant pas, ils n'auraient pas été trouvés... Qui sait... qui sait la puissance des lignes parallèles du destin ?
Mais je me relis et j'ai déjà envie de déchirer cette lettre qui t'est peut-être déjà tombée de mains. Et si c'est le cas, j'aurais, une fois de plus, failli à jouer un quelconque rôle après de toi. Je n'ai pas été le Gardien du secret, je n'ai pas su t'épargner une enfance de maltraitance, je n'ai pas su vous protéger Sirius et toi quand vous étiez encore si fragiles...Je n'ai été bon qu'à te donner un prétexte pour t'enfuir de chez les Weasley et mettre un terme à cette cruelle comédie... Juste assez pour que le Ministère me croit un instant l'instigateur d'une telle folie... pas de quoi entrer dans la légende...Mais il n'y a que les Moldus pour mettre des Loups-garous dans leurs histoires...
Mais je ne t'écris pas pour ressasser mon amertume. Au contraire, je voudrais enfin faire quelque chose dont je pourrais être fier... Saurais-je trouver les mots ? Les mots justes ? Je devrais pourtant puisque ça fait des années que j'ai envie de te demander ça et que je me l'interdis. Après la mort de Voldemort, tu n'étais pas en état pour un combat de plus... moi non plus peut-être... Et puis je croyais encore naïvement que tous ces efforts et ces sacrifices feraient plus pour la communauté magique que lui apporter la paix. Je pensais qu'elle serait ambitieuse pour elle-même. Qu'elle voudrait enfin rompre avec ses démons, rendre justice...Une fois de plus je n'étais qu'un incurable optimiste... un petit garçon qui attend toujours qu'on le guérisse de sa lycanthropie,qu'on lui rende ses amis, ou qu'au moins on leur rende justice...
J'avais fini par trouver une certaine dignité dans ma naïveté impuissante - Parce que je suis lucide, j'espère que tu sais ça de moi, Harry. Timide, naïf, agoraphobe, introverti, sentencieux, tout ce que tu voudras... mais lucide. Malheureusement. Mais ta dernière lettre, si mesurée, si adulte, si sereine, m'a bouleversé, Harry... Plus que je me croyais encore capable de l'être après tous ces deuils et ces épreuves. Si je ne te dis pas aujourd'hui ce que je rumine depuis des décennies... pourquoi vivre alors ?
Pour quoi vivre alors ?
C'est l'histoire de ma vie, Harry.
Vivre pour être comme les autres ?
Vivre pour être utile ?
Vivre pour mes amis ?
Tout ça m'a été refusé Harry.
Je vis pour me souvenir, Harry, et pour témoigner.
Je me souviens des Maraudeurs, de leurs rêves brisés, de leurs erreurs bien sûr mais aussi du mal qu'on leur a fait... des injustices...
Je me souviens de James, de son ambition énorme pour lui comme pour nous. Personne ne l'a jamais préparé à son destin, Harry, et pourtant il y a fait face.
Je me souviens de Lily qui espérait que la vie serait toujours plus forte que la mort.
Je me souviens de Peter qui aurait voulu être quelqu'un et qui n'a été qu'un traître.
Je me souviens de Dumbledore qui croyait tout savoir.
Je me souviens de Sirius, deux fois maudit d'être né Black... Je suis sûr qu'on l'aurait écouté autrement s'il avait porté un autre nom...
Et évidemment, quand je vois la paix revenue - c'est la paix puisque nous parlions de guerre ! - je ne peux que me demander à quoi je pourrais employer cette grande mémoire qui me hante. Qui me porte mais qui me mine aussi.
Si je meurs, elle disparaît et il ne restera que les livres d'histoire : les dates de la naissance de Jedusor, celle de l'évasion de Sirius, celle de ce jour où tu es allé mettre un point final à cette idiote prophétie...au risque de me charger d'un souvenir malheureux de plus! Mais ça nous en avons déjà parlé, n'est-ce pas Harry ?
Alors que puis-je pour toi, Harry, quand je te sens t'interroger sur le sens de ta vie. Je te sens devenir savant. Je te sens devenir prudent. Je te sens tomber amoureux - je peux me tromper...Et je me dis, tout ce savoir, toute cette sagesse, tout cet amour, toute cette vie... à quoi va-t-il l'employer...
Alors j'ose aujourd'hui te demander un service. En ai-je le droit ? Je n'en suis pas sûr. Tu as déjà tant donné et si peu reçu. Mais tu es mon unique chance, Harry, et j'aime penser que tu trouveras que le jeu en vaut la chandelle.
Voudrais-tu aider un vieux loup-garou dont la mémoire est trop lourde, Harry ?
Voudrais-tu m'aider à forcer la porte des livres d'histoire ?
Voudrais-tu m'aider à faire réhabiliter Sirius pour que je ne lui ais pas survécu pour rien ?
Tu sais, bien sûr, que tu peux me dire non.
Qu'Hedwige te trouve sain et sauf
R.J.L.
Harry lâcha le bas du parchemin qui s'enroula brusquement et se rendit compte que depuis la fin du premier paragraphe il avait arrêté de respirer. Prenant une grande inspiration volontaire, il tourna la tête vers le miroir et s'interrogea. Ses mains tremblaient. Ses yeux brillaient mais sa bouche souriait.
Il savait.
Il savait maintenant.
Ou il l'avait toujours su
Ce serait difficile.
Il n'en doutait pas.
Il échouerait peut-être.
C'était possible
Mais il ferait tout pour que justice soit rendue à au moins un de ses fantômes...
OOOO
Bon, ça me fait au moins des trucs à vous raconter pour les prochains chapitres...
