Garp était resté les yeux fermés mais cette fois-ci il était complètement réveillé. Il sentait avec une acuité parfaite et exacerbée la présence d'Anya qui le regardait. Lui, restait complètement figée. Après quelques secondes de vide, il rouvrit les yeux et voulut tout de suite regarder le ventre d'Anya comme s'il allait avoir miraculeusement explosé après son annonce. Mais non, il était toujours aussi plat.

- Et bien alors ? Ils ne vous apprennent pas à gérer ce genre de situation dans la marine ?, blague Anya.

C'est à peine si Garp l'entendait. Finalement la première phase censée qui passa ses lèvres fut :

- Mais tu es sûre de vouloir un enfant avec moi ?

Anya commença à rire en pensant qu'il s'agissait d'une plaisanterie. Cependant après un instant il devint évident que ce n'en était pas une. Elle se rapprocha alors de garp pour le prendre dans ses bras.

- Bien sûr ! Qui d'autre ? Cet abruti de prince ?

- Quand je serais animal, je pourrais même venir directement à Marie Joie pour vous voir.

Le temps d'une seconde le regard d'Anya s'assombrit puis elle reprit comme si de rien n'était.

- Tu voudrais un garçon ou une fille ?

- On s'en fiche non ? Pour l'instant ce qu'il faut c'est que tu manges et que tu te reposes.

- Garp on vient de sortir du repas …

- Je sais mais je voudrais dire en général. Dès demain je vais chez Maku pour lui demander une chambre.

- Ça va bien se passer. Ne t'inquiète pas.

- Ah bon ? Tu as déjà été enceinte ? Parce que moi jamais donc je n'en sais rien.

- Si tu veux on ira poser des questions à la femme de Ryugo.

- La femme de Ryugo ? C'est vrai qu'elle a des enfants. Elle va savoir, elle. Oui on va aller lui parler, ça va être bien. On va faire ça et …

- Et rien du tout. C'est l'heure de dormir.

- Je peux pas dormir maintenant Anya. Je vais être papa.

- Si tu ne dors pas maintenant alors moi non plus.

Bien qu'à sa phrase précédente, Garp s'était levé d'un bond, sous la menace de sa compagne il se recoucha bien vite. Il ne savait plus où il avait entendu que les femmes enceintes avaient besoin de sommeil, en tout cas il n'allait pas mettre cette connaissance à l'épreuve. Il restait 9 mois au lit avec elle s'il le fallait. Malgré ses propres dires ce soir-là, c'est lui qui s'endormit le premier.

Le lendemain ils furent réveillés par une odeur délicieuse. À l'appel de l'estomac, Garp fut le premier à répondre. Il se leva cependant en emportant Anya avec lui. Cette dernière protesta mollement encore toute ensommeillée. Le marine était bien trop rapide pour elle si bien qu'elle ne réagit pas avant d'être rendue dans le salon et d'entendre Lycia les saluer avec humour.

- Bonjour les tourtereaux. Tu sais Garp, je crois qu'Anya préférerait porter un T-shirt et un pantalon en public. Tout le monde n'est pas comme toi.

Anya émit alors un bruit suraigu qui força Garp à la laisser partir. Elle quittait la pièce alors que le marine, ne portant effectivement rien de plus qu'un sous-vêtement, s'installait tranquillement à table. Cela faisait bien une semaine qu'il n'avait pas mangé si copieusement au petit-déjeuner et il s'accommodait très bien de ce changement. Avant qu'Anya ne revienne il avait réussi à engloutir trois œufs durs, une douzaine de tartines recouvertes aléatoirement de confiture, de pâté, de miel ou de beurre, un bol de riz, deux soupes de nouilles, un demi pain, quatre briochettes et c'est quand il entamait la cinquième qu'Anya revit. Surprennament elle mangea avec autant d'appétit que lui.

Le soir-même ils s'installaient chez Makuru. Garp avait déménagé toutes leurs affaires dans l'après-midi, si bien que quand Anya entra dans la pièce elle put presque croire dans leur arbre au milieu de la forêt, sauf qu'ici la pluie ne les menaçaient pas. Ils parviendraient sans problème à payer la chambre quand Garp reprendrait un peu de service et Anya décida rapidement qu'elle voulait aider au bar. Elle n'était pas de celle que l'on cloître dans une pièce.

- Alors c'est pour quand votre affaire ?, demanda Makuru un soir.

- Pour cet été, lui répondit Anya avec un sourire.

- Dis donc ça va être vite arrivé !

- Si on pouvait éviter de parler de ça s'il vous plaît, les interrompit Garp en se levant.

Sans rien leur laisser le temps de faire, il les salua et monta dans les chambres. Il pouvait deviner comment la conversation allait évoluer. Dès qu'elle le pensait hors de portée, la tenancière demanderait:

- Mais qu'est-ce qui lui prend ?

- C'est rien. Il n'aime pas vraiment qu'on parle de la fin de la grossesse. Il a entendu des choses horribles et il se fait tout un tas de films à ce sujet.

- Oui enfin je n'ai jamais vu Garp comme ça avant.

- Ça le stresse. Il n'a absolument aucune compétence pour me venir en aide. Si quelque chose tourne mal il ne pourra pas m'aider, il n'aime pas ça.

Depuis la chambre Garp entendit le rire de Makuru accompagné d'un « Sacré Garp ! ». Le-dit marine ne s'arrêta pas à son lit mais fila jusqu'à la fenêtre et sortit. Il sentait soudainement le besoin d'une bonne séance d'entraînement. Dans la forêt il arrivait toujours à se défouler et à calmer ses nerfs. Toutes les discussions qu'il avait eu avec Ryugo ne l'avaient pas du tout rassurées. Il savait maintenant de source sûre qu'il ne serait d'aucune aide le jour de l'accouchement.

Il avait eu beau démolir les bêtes les plus féroces de l'île à tour de bras, dès qu'il en venait à penser à ce jour-là, il était pris d'une peur panique. Sengoku et Tsuuru se moquaient bien de lui s'ils apprenaient ça. Pour faire passer ce sentiment toujours plus désagréable. Garp s'entraînait et s'entraînait toujours plus. Il s'entraînait plus encore maintenant que lorsqu'il était un marine actif sur Grand Line. Étrangement, même s'il avait hâte de reprendre la mer, ce temps-là ne lui manquait pas.

Ce soir-là il revint d'une séance de renforcement particulièrement éprouvante, surtout avec ces chaleurs aussi étouffantes que précoces. Ils entraient à peine dans l'été que déjà les jours de soleil succédaient aux jours de soleil si bien que ni l'ombre, ni la nuit n'offraient de répit. Quand il rentra dans le bar de Makuru, bien décidé à ne marquer aucun arrêt avant la douche, il fut forcé de s'attarder sur quelques menus détails.

Le bar était fermé, les lumières éteintes. Makuru n'était pas là et en se concentrant un peu, Garp put dire que Anya non plus. Alors qu'il commençait à chercher des traces de lutte, il remarqua une note laissée sur le comptoir.

« Le travail a commencé. J'ai emmené Anya à la clinique. Makuru »

À ce moment-là, la porte que le lieutenant avait laissé ouverte claqua et on entendit en écho , l'une des fenêtres à l'étage faire de même. Garp sortit et put constater qu'un vent violent s'était brusquement levé. Avant même qu'il atteigne la clinique, la température avait chuté et le premier éclair retentit. Sa luminosité soudaine attaquait les yeux et son grondement s'insinuait jusqu'aux entrailles. Il fallait que Garp rejoigne Anya.

La clinique de Fushia était une maison comme les autres sauf qu'une pièce avait été aménagée, il était assez compliqué de dire en quoi elle avait été aménagée puisqu'elle remplissait à la fois les fonctions de salle d'opération, salle de repos, salle d'auscultation, de rendez-vous, d'attente … Ce soir-là, c'était un service de maternité. Quand Garp entra, le docteur s'afferait entre les jambes d'Anya et Makuru était à sa droite. Garp prit donc le chevet à sa gauche.

- Ah ! Tu es là enfin ! T'étais passé où encore ?, s'indigna sa compagne en lui prenant la main.

- Désolé, je suis là maintenant.

Une nouvelle fois l'orage tourna. Les murs tremblaient, Garp aussi. Makuru la quitta pour assister le docteur. Anya était rouge et presque aussi suante que le marine. Garp pouvait sentir qu'elle avait mal et vit, comme elle, une nouvelle contraction arriver. Le tonnerre tomba comme sur la pièce. L'orage se rapprochait. Garp ne savait pas s'il avait chaud ou froid. Il avait en tout cas très certainement envie de vomir. Anya contracta encore et le tonnerre retentit plus près encore si possible. Il était à présent tout à fait semblable à un craquement sonore. Les lumières s'éteignirent.

Le docteur demanda quelque chose. Makuru s'exécuta. Dans un murmure, Anya souffla qu'elle était terrifiée. Garp se pencha sur elle pour essayer de la rassurer du mieux qu'il pouvait alors que la pièce vibrait d'éclairs et que par dessus ses genoux, Garp voyait Makuru éclairer le médecin à la lampe torche. Alors qu'il lui racontait une histoire sur le courage, Anya cria de douleur. Garp fut tant pris de court qu'il en resta pantelant. Le praticien disait des choses lui aussi mais Garp n'entendait que les explosions d'éclairs du ciel et de douleurs de sa femme.

Il ne savait pas quoi faire. Sa respiration était presque aussi saccadée que celle d'Anya. Il était littéralement au bord de la crise de panique ! Il avait l'impression de se noyer.

Tu crois vraiment que ça va aider, ça, Garp ?, demandan Tsuru clairement dans son esprit. En une seconde cette clareté s'engouffra en lui comme une brise fraîche. Il ne pouvait pas aider Anya, cependant le moins qu'il puisse faire était d'être calme lui-même pour l'apaiser. C'était exactement ce que lui avait dit Ryugo finalement mais il n'avait pas cru que ce serait si dur.

- Poussez ! Encore un effort !

Cela faisait des heures qu'Anya forçait et souffrait, que l'orage tonnait et grondait, que le docteur était en boucle cette phrase. Amkuru avait dû trouver une autre lampe. Garp avait la gorge sèche de la litanie d'encouragement qu'il adressait à Anya même si cette dernière n'y répondait pas toujours de façon égale, tantôt affectueuse et suppliante, elle pouvait aussi être injurieuse et terrifiante.

- Poussez encore !

Pendant plusieurs secondes la pièce s'illumina de blanc et presque aussitôt le docteur souleva l'enfant à leur vue. Le grondement de l'orage fut si puissant qu'il les assourdit et ils durent attendre qu'il ait complètement cessé avant d'entendre pour la première fois crier le bébé.