Ruptures d'un processus linéaire.

Petit générique et Grand remerciement à Alixe et Vert qui m'ont encore tenu la main sur ce coup-là….

Bon moins de droit cette semaine, Alixe, Guézanne et Alana… mais on va y revenir… ai-je d'autre choix d'ailleurs ? Merci d'y croire autant !

Fée…. Comme d'hab une lecture tellement attentive…. Merci !

Bartiméus… c'est vrai, et moins vrai…. Oui, quand ils ont arrêté le Sirius, ils n'avaient plus vraiment la pression de Voldie mais ils n'avaient pas non plus de raison de devenir très coulant avec les suspectés Mangemorts… Note bien que je ne les défends pas…

Bonjour à Princesse magique… hum mes connaissances en droit sont très théoriques… plus de droit constititutionnel dans mon cursus que de droit pénal… mais beaucoup de lectures ces derniers temps de polars…. Et puis les conseils éclairés d'Alixe…

Angel's Eyes voudrait déjà Fudge à genoux… petite impatiente….

Merci aussi à Lunenoire qui est passée par là !

Vingt-trois – Un point dégagé
ou
Ce que dit le manuel…

« En vertu de tous les faits et les incertitudes exposés ici, le Magenmagot demande donc le réexamen du dossier Sirius Black… »

La salle avait explosé en commentaires – certains allant jusqu'à applaudir et d'autres jusqu'à siffler la décision – mais ce n'était pas réellement une surprise pour ceux qui avaient suivi les dernières auditions. C'était plutôt une conclusion logique, la récompense méritée de mois d'efforts. Pourtant, cette décision laissait Harry totalement tétanisé par les possibilités et les risques de la « réouverture du dossier Black consécutive au réexamen du dossier Potter ». En sortant de la salle d'audience du Magenmagot, s'il sourit aux journalistes qui le félicitaient, il ne réussit pas à faire d'autre commentaire que celui que Justin lui soufflait à l'oreille:

« C'est bien sûr une victoire, mais le chemin est encore long… Excusez mon émotion »

Heureusement son avocat avait été plus disponible, exposant complaisamment aux médias britanniques et européens rassemblés en quoi la décision du Magenmagot était « bien plus que la victoire de son client, une victoire de la vérité et de la mémoire sur l'arbitraire ». Aux grattements frénétiques des plumes à papote, on pouvait dire que la formule avait plu.

Ensuite, Harry avait platement refusé l'invitation de Justin d'aller immédiatement fêter ça. Sans doute était-ce une victoire, et une célébration aurait été normale, mais Harry ne s'en sentait pas capable. Le regard triste et éteint de Sirius lui revenait en longue vague déferlante, se surimposant partout sur la réalité. Est-ce que Sirius aurait été content ? Il n'arrivait même pas à s'en convaincre.

De guerre lasse, il avait fini par promettre à Justin de le retrouver le soir même avec Lupin, Ron, Parvati et tous ceux qu'il pourrait trouver. Mais, pour l'heure, il voulait rentrer chez lui, prendre une longue douche brûlante et dormir.

C'était extrêmement rare qu'il transplane directement chez lui. Ron et lui professaient que pour ne pas se faire remarquer des Moldus, il fallait vivre comme eux – et, notamment, monter les escaliers, croiser les voisins et ouvrir la boîte à lettre. Ne serait-ce que pour en jeter les publicités qui, sinon, auraient débordé !

Mais en cette fin d'après-midi, faire semblant lui semblait au dessus de ses forces. Il se matérialisa donc dans la cuisine, sous les yeux effarés de sa Tante Pétunia et ceux désolés de son cousin Dudley.

« Harry », s'écria ce dernier, se levant précipitamment, « l'étagère ! »

« Mon Dieu, Dudley, ne bouge surtout pas ! » s'affola la première.

« Mais Maman, c'est Harry ! »

Les protestations de Pétunia ne réussirent pas à empêcher son fils adoré de tirer Harry par le bras avant qu'il ne s'assomme complètement avec l'étagère à épices.

« Toujours choisir un point dégagé comme lieu d'arrivée », disait le Manuel. - « Trop tard », répondit son crâne.

« Harry, je suis désolé », commenta Dudley en continuant de l'aider à retrouver son équilibre en lui tenant les deux épaules droites. « Ça va? »

Mais Harry savait que Dudley ne s'inquiétait pas vraiment de l'étagère décrochée, des épices répandues au sol, ni même réellement de la bosse qui se formait à l'arrière de son crâne. Par-dessus l'épaule de son cousin, Harry regardait Pétunia étonnamment semblable à son souvenir. Certains fantômes ne vieillissaient pas, visiblement.

Il en ressentit un mélange de crainte et d'exaspération. Il n'avait vraiment pas besoin de quelqu'un comme Pétunia ce soir-là, de quelqu'un qui n'avait jamais semblé aussi heureuse que quand elle l'avait fait douter de lui et de sa famille. Et le mélange de réprobation et de dégoût qu'il croyait lire dans son regard finit de lui faire perdre toute retenue.

Sans la quitter des yeux, il sortit sa baguette et articula dans un souffle les sortilèges nécessaires ; il raccrocha l'étagère sur le mur, reconstitua les pots de verre un à un et leur rendit leur contenu. A cause du verre qui devait s'être mélangé, ils resteraient inutilisables mais Pétunia, tétanisée sur sa chaise, n'avait pas besoin de le savoir.

« Excusez-moi, je croyais être chez moi ! » commenta-t-il crânement.

Il n'imagina pas une seconde qu'il intimidait sa tante bien plus qu'elle ne le faisait. Il ne se voyait pas par ses yeux à elle : plus grand, plus musclé, plus large d'épaule que quand il avait quitté sa maison sous un prétexte frauduleux – Une des bonnes choses à mettre au crédit de la disparition de Voldemort avait été que personne n'avait jamais plus semblé songer à le renvoyer au 4 Privet Drive avant sa majorité. Il avait pu ainsi passer ses dernières vacances de mineur au Terrier, incapable qu'il était de remettre les pieds place Grimmauld.

Harry ne savait pas non plus qu'avec les années, son regard avait pris une sorte de détermination qui pouvait passer pour de l'autorité. Il n'était pas plus conscient que son uniforme noir flottant, et son écusson brodé « Potius Mori Quam Faedar »(1) accentuaient encore cet effet général – sans mentionner bien sûr la théâtralité de son entrée.

Comme il n'était malheureusement pas conscient de cette impression générale, il n'exploita pas ce nouvel avantage à sa juste valeur et s'enfuit aussi dignement que possible.

« Harry », se précipita Dudley à sa suite, « Harry, c'est l'école qui lui a donné l'adresse ! »

La main sur la poignée de sa chambre, Harry s'arrêta. Il ne se retourna pas cependant pour articuler :

« Je vais aller prendre une douche et quand je sortirai, elle sera partie ».

« J'y veillerai », murmura Dudley. Harry sentit la déception dans sa voix. Mais qu'est-ce qu'il imagine ? Que je vais pardonner les nuits dans le placard, les vêtements immettables, les repas inexistants uniquement parce que, à l'usure, son fils s'est révélé fréquentable !

Quand il sortit de la douche, il put constater que ses exigences avaient été scrupuleusement respectées. Ça lui fit une drôle d'impression - sur laquelle il décida de ne pas trop s'appesantir. Il s'installa dans la cuisine désertée par Dudley, qui avait réintégré sa place devant son ordinateur, et écrivit comme il l'avait promis à Justin une série de lettres pour inviter Remus, Ron, Ginny, Fred, George et Parvati à le rejoindre chez l'avocat plus tard dans la soirée. En commençant à tracer le nom de Luna, ses pensées revinrent sur Dudley dans la pièce voisine. Pouvait-il inviter Luna sans inviter son cousin ? Lui-même, voulait-il l'écarter de la célébration ? La réponse étant les deux fois négative, il soupira profondément.

Il alla presque timidement jusqu'à l'entrée de la chambre de Dudley dont les doigts courraient avec une agilité improbable sur le clavier. Il allait s'excuser quand son cousin s'arrêta brusquement et leva les yeux vers lui.

« J'aurais dû l'emmener dehors… je sais… mais… »

« Tu es ici chez toi ! »

« Elle était au bord de la crise d'apoplexie parce qu'elle venait de lire nos deux noms l'un au dessous de l'autre sur la sonnette », expliqua encore Dudley

Harry dut presque retenir un sourire.

« Je sais, tant pis pour elle, personne lui a demandé de venir », conclut brusquement son cousin.

« Elle venait pour quoi ? » demanda Harry espérant éviter une nouvelle bordée d'excuse.

Dudley soupira.

« C'est ma mère, Harry », expliqua-t-il.

Et ce constat fataliste fit plus mal à Harry qu'il ne s'y serait attendu. Une mère… une mère, évidemment, est prête à tout pour son enfant…

« Elle s'inquiète pour toi », constata-t-il détestant le son presque envieux de sa propre voix. N'y avait-il pas suffisamment de gens qui s'inquiétaient pour lui ? Etait-il définitivement incapable de se sentir autre chose qu'orphelin ?

« Oui…et, elle voudrait que je me réconcilie avec mon père… »

« Et ? »

« Et pour cela faudrait qu'il se déplace lui aussi, non ? » - cracha Dudley avec une froideur que Harry ne lui connaissait pas.

Il n'ira pas, comprit Harry, sans oser demander les raisons d'une telle intransigeanceC'était le paradoxe. Ça faisait presque un an que Dudley était avec eux et Harry ne savait toujours pas exactement les termes de la dispute qui l'avait opposé à ses parents, ce que Dudley pouvait leur reprocher. Parfois, il se rassurait en se disant que les raisons importaient moins que le choix de son cousin de prendre une voie différente de celle de ces parents.

« Tu lui as dit pour tes succès ? » demanda-t-il néanmoins.

« Oh, je lui dirais que je suis astrophysicien », répondit-il sur le ton de la connivence, « que ça lui ferait le même effet ! »

« Mais t'en vis quand même ! »

« Oui, ça elle l'a entendu », reconnut Dudley, « mais je ne suis pas sûr qu'elle arrive à concevoir ça comme un travail… »

Harry pensa à l'inquiétude de Molly quand Ron avait dit qu'il voulait devenir Auror et il se dit que les bonnes intentions des parents étaient quelque chose de difficile à gérer. Voilà au moins un problème que je n'ai pas, conclut-il avant de se dire que si ses propres parents avaient survécu, lui-même ne serait peut-être pas Auror aujourd'hui… Il n'aurait peut-être pas voulu faire comme son père… Il aurait peut-être préféré le Quidditch ou peut-être même que sa mère aurait fait de lui un bon élève qui se serait passionné pour l'arithmancie ou la médecine magique… L'idée l'amusa suffisamment pour qu'il secoue la tête, geste que Dudley interpréta selon ses propres préoccupations.

« Tu sais, Harry, je comprends ta colère… Moi, à ta place, je ne sais pas si je t'aurais accueilli… pardonné… »

« Je ne suis pas sûr de t'avoir pardonné Dudley », intervint brusquement Harry, « J'ai juste eu envie d'essayer ! »

Son cousin grimaça mais encaissa la remarque sans broncher. Un silence lourd s'installa.

« Quand tu en auras assez de moi », murmura Dudley finalement.

« N'y pense même pas », grommela Harry. Il allait de nouveau s'enfuir quand la première raison de sa venue dans la chambre de son cousin lui revint en mémoire. « Vous faîtes quoi Luna et toi, ce soir ? »

« Heu, rien de spécial », répondit Dudley l'air totalement perdu par le changement de conversation.

« Vous venez chez Justin, alors. 21 heures, sourire de rigueur ! » - ordonna Harry, trouvant une certaine contenance dans le second degré.

« Sourire ? »

« On a gagné la seconde manche », expliqua Harry d'un air nonchalant, alors que son cœur s'emballait en entendant les mots. On. A. Gagné. La. Seconde. Manche.

« Gagné ? Tu veux dire… la condamnation de ton parrain ? » - s'enflamma Dudley avec un intérêt si réel que Harry en resta intimidé.

« Elle va être réexaminée… ça c'est sans doute pas gagné non plus, mais ça paraissait déjà tellement impensable ! »

« Waou », commenta sobrement Dudley.

« C'est Justin qu'il faut féliciter », fit remarquer Harry.

00

Ron arriva le dernier chez Justin, accompagné des jumeaux.

« On ne vous attendait plus ! » - dit Luna appuyée sur le bras de Dudley qui s'était très légèrement raidi – comme à chaque fois qu'il voyait arriver les frères Weasley dans son champ de vision. Une année avait semblé insuffisante pour le guérir de toutes ses préventions à leur égard.

« On a eu un petit contretemps familial », expliqua Fred, mais sa boutade sonnait moins bravache que d'habitude.

« On était au Terrier », confirma Ron soutenant le regard inquiet de Harry.

« Un pied dans chaque camp », conclut George.

« Pénélope ? » - demanda Justin, visiblement prêt à beaucoup plus de compassion pour son opposante, maintenant qu'il tenait la victoire.

« Evidemment… encore qu'elle n'était pas là… mais Percy, lui, hurlait », reprit Fred avec son légendaire détachement.

« Hurlait ? » interrogea douloureusement Harry.

« Non, t'as raison, il geignait auprès de maman que c'était une honte que sa propre famille lui tire dans le dos », corrigea Fred, sarcastique.

« Il est touché personnellement ? » demanda Lupin, factuel.

« Pas vraiment, Penny est même en scène pour le second acte ! » s'exclama George.

« Mais il pense que la famille gagnerait à adopter une position solidaire avec leurs carrières ! » se moqua Fred.

« Pourquoi Fudge garde Pénélope ? » demanda Harry à Justin.

« Hum » répondit l'avocat, soudain beaucoup plus sobre, « on peut avancer pas mal de raisons… Un, elle s'en est pas mal tirée quand même et elle dispose d'un certain capital sympathie auprès de l'opinion maintenant… Ensuite, la virer maintenant, c'est reconnaître que cette décision est un échec pour eux et ça… C'est de mauvaise politique pour la suite ! »

« Tu veux dire qu'ils continuent de faire semblant de jouer le jeu ? » - intervint Ron.

« Quelque chose comme ça… changer de défenseur pourra toujours intervenir plus tard, comme une manœuvre de dernière minute ! »

Tout le monde dans la pièce hocha longuement la tête en pesant les arguments de Justin.

« Et vos parents ? » - demanda Parvati, en se tournant vers les trois Weasley.

« Bah », commença George, « ils découvrent de nouveau qu'il ont eu six enfants ET Percy ! »

« Papa a dit à Percy que s'il n'était pas capable de faire la différence entre sa carrière et ses convictions personnelles, il aurait une carrière encore plus difficile que lui au Ministère », raconta Ron avec une évidente satisfaction.

« Ça a dû lui plaire ! » commenta Parvati.

Les trois frères haussèrent les épaules.

« Il est reparti… Ginny est restée avec Maman », les informa Ron, comme pour dire que la vie continuait au Terrier comme ailleurs.

« C'est peut-être aussi une chance pour Percy de se rendre compte qu'il ne peut pas toujours simplement choisir le camp du plus fort… » - commença très sérieusement Fred

« … parce que des fois, ce camp tout simplement n'existe pas ! » termina George.

« J'ai toujours su que vous étiez de grands philosophes ! » sourit Remus Lupin.

000

Il était déjà tard lorsque une sonnerie stridente avait interrompue brusquement les conversations qui avaient déjà depuis un moment quitté les spéculations politico-juridiques pour des sujets plus tranquilles.

Ron s'empourpra et fouilla dans ses poches à la recherche d'un petit appareil argenté qu'il ouvrit maladroitement en s'éloignant du groupe. Pas suffisamment pour que tous entendent le nom chuchoté :

« Tam ? »

Les jumeaux furent immédiatement en alerte, et il fallut toute l'autorité de Harry et Parvati – et une bulle de silence jetée par cette dernière sur le pauvre Ron – pour les empêcher de rendre la conversation totalement impossible. Evidemment quand Ron revint vers le petit groupe, il était très attendu.

« C'est qui Tam ? » hurlait George

« C'est quoi ce truc ? » criait Fred comme un écho.

« Depuis quand t'as un téléphone portable ? » - demandait plus raisonnablement Harry.

« Tam me l'a offert », répondit sobrement Ron ramenant les exigences des jumeaux sur le premier point.

« Tam est une journaliste moldue avec qui… »

Ron avait commencé une confession qui impressionnait Harry par son courage et son manque de précaution, mais ses frères n'eurent pas la patience qu'il finisse.

« Une Moldue ? Waow, petit frère, toi au moins, tu es un vrai Weasley ! » - décidait Fred.

« Voilà qui va faire plaisir à Papa ET Maman », commentait George plus gentiment.

Ron secouait la tête :

« Un, je suis pas près de me marier ; deux, s'ils l'apprennent, je vous tue, un à un ! »

Fred et George échangèrent un regard complice avant de se lancer tous les deux sur leur plus jeune frère et l'immobiliser au sol dans une prise qui dénotait une longue habitude.

« Je te disais pas récemment, George, que ces Aurors, c'était du chiqué ? »

000

« Ça va Remus ? » demanda Harry un peu plus tard, alors que quasiment tous les invités avaient quitté l'appartement de Justin. Le dernier Maraudeur était dehors sur le balcon surplombant la Tamise, profitant des premières douceurs du printemps, ou des derniers frimas de l'hiver – ce qui revenait techniquement au même.

« Et toi, Harry ? »

« J'ai demandé le premier ! »

Remus secoua la tête et rit doucement avant de répondre.

« Comme toi, j'imagine… Je suis content mais… »

« Mais ? »

« Mais… comme toi, j'ai mal quand je vois les Weasley déchirés… Comme toi, j'ai mal quand je pense que ça fait vingt-deux ans que tout le monde, ou presque, a accepté ça… »

Comme moi, reconnut Harry singulièrement ému.

« Et j'ai mal quand je me rappelle l'avoir pensé moi aussi… avoir accepté que la justice pouvait être différente pour les assoiffés de sang, pour les monstres… » - souffla encore le dernier Maraudeur vivant.

L'idée que Remus ait un instant considéré Sirius comme un monstre était suffisamment douloureuse pour que Harry ne s'y attarde pas.

« Et on fait partagé notre douleur à tout le monde », murmura-t-il, comme un écho.

« Oh, je crois que ce monde ne nous a pas trop épargné lui non plus… » - commenta Remus avec une dérision amère. Harry prit alors conscience du double sens des paroles de Lupin : la justice magique avait fait plus d'une victime innocente. Et il se souvint de son incapacité à convaincre un lycanthrope à venir témoigner contre Mélanion Alexander. Le dernier ami de ses parents regrettait-il lui aussi d'avoir joué le jeu, tant d'années, pour un résultat si médiocre ?

« Œil pour œil ? »

Le vieil homme fragile qu'Harry avait généralement envie de protéger comme un vieil oncle se retourna avec une vivacité qu'il lui rappela soudain ses treize ans et le seul professeur de défense contre les forces du mal acceptable qu'il n'ait jamais eu.

« Certainement pas, Harry ! Sinon, je m'y serais pris autrement ! J'aurais laissé le loup s'occuper de Fudge, dus-je y laisser la vie ! Ou je… »

« Oui, bien sûr, excuse-moi », plaida Harry. « C'est moi, parfois, qui me dis que je suis trop gentil… »

« Est-ce que le courage de vivre selon ses convictions peut être tenu pour de la gentillesse ? » demanda Remus étonnamment impérieux.

« C'est une question, professeur ? » essaya de sourire Harry.

« Sans doute », reconnut l'homme fatigué avec une once de provocation dans la voix.

« Mais si ce 'courage' fait souffrir des gens qu'on aime ? »

Puisqu'il veut avoir cette conversation-là !

« Est-ce que ces personnes s'en plaignent ? » contra Lupin.

« Le bon vieux coup de l'omelette ? » - lança Harry avec dérision. Trop de bières et de whisky pour discuter d'un truc pareil, songea-t-il. Mais c'était sans doute mal connaître ce Lupin-là. Il était des sujets qu'il avait sans doute trop douloureusement ressassé pour en finir aussi vite.

« Le coup qui sépare l'action de l'inaction, le chef des autres», affirma-t-il encore.

« Alors je serais toujours un mauvais chef, Remus, parce que les œufs cassés, moi, ça me rend malade ! » - constata Harry dans la demi-obscurité de la grande terrasse surplombant le fleuve. Il lui semblait voir dans le clapotis des eaux noirs luire tour à tour les visages de ses parents le jour de leur mariage, celui de Sirius sombre et abattu au temps de Place Grimmault, celui d'Arthur et Molly aussi, de Cédric et de la foule d'anonymes qui avaient été pris à un moment où un autre dans la nasse des compromis et des mauvaises solutions.

« C'est sûr qu'un 'bon' chef ne doit pas penser qu'il est à lui seul toute la décision », commenta Remus et Harry se demanda s'il ne rêvait pas !

« Ça te va bien, hein ? Toi qui sembles préférer mourir de faim plutôt que de laisser les autres t'aider ! Toi, qui… »

« Je ne savais pas qu'on parlait de moi ! » - l'interrompit brusquement Remus.

« J'oubliais combien j'étais le sujet de conversation préféré de la communauté magique ! » - cracha Harry.

« Harry… » - soupira Remus, fermant les yeux et secouant la tête.

Le jeune homme écouta douloureusement un silence tendu s'installer. Il fallait trouver de quoi reprendre le fil de cette conversation, de cette relation avec la seule personne qui possédait toutes les cartes pour le comprendre. Pourquoi refusait-il encore de grandir et d'accepter que les autres puissent être aussi maladroits que lui ?

« Je fais ça pour toi aussi, tu sais », plaida-t-il, plus doucement. « Pour moi, bien sûr, pour Sirius et tous les autres, sans doute, mais aussi pour toi… pour ta mémoire… »

« Je sais », souffla Remus en réponse. Et comme Harry ne voyait rien d'autre à ajouter, le dernier ami vivant de ses parents chuchota : « on se ressemble pas mal, hein, tous les deux… pétris de mauvaise conscience et de regrets… Je voudrais tellement que tu apprennes à lever la tête et à marcher droit devant toi sans trop te retourner… Mais je suis très mal placé, je reconnais pour te donner des leçons dans ce domaine…»

Harry secoua la tête.

« Et qui est venu me donner le seul plan valable pour en finir avec mes fantômes ? Qui m'a montré qu'on pouvait être plus fort que le mépris des autres, que la bêtise et l'ignorance… »

« Si je te croyais, je rougirais », essaya de rire Lupin.

« Tiens, tu veux voir ? Tu veux que je te montre que je vais de l'avant et que les petites manœuvres de Fudge ne me feront pas reculer ? »

Remus sourit en guise de réponse et Harry hurla soudain dans la nuit :

« ON VA GAGNER LA TROISIEME MANCHE ! »

« Harry, ça va ? » demanda Parvati accourant sur la terrasse.

« Ça dégage », répondit Harry avec un clin d'œil de connivence pour Lupin riait comme certains pleurent.

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La mort plutôt que le déshonneur… OK je l'ai piqué à Robin qui elle-même l'a piqué à un corps d'élite américain… Un peu grandiloquent mais Vert aimait bien…

La suite parle de filles, de sorciers, de Moldus, de loups-garous… et s'appelle fort logiquement, me semble-t-il, Questions de genre