Ruptures d'un processus linéaire
Disclaimer : Six tomes – disons-le. Mais mon emprunt au six est si minime qu'il ne doit pas vous empêcher de lire ! - Surtout que maintenant, il est clair que cette fic est un UA... mouarf...
Bon, Hope et Mel vous ont pas mal émus – j'en remets une couche. Et ma lecture du six m'a poussée dans une exploration pour laquelle j'avais pas réellement besoin d'encouragement : les loups-garous... J'aime bien mon idée de réseau de soutien aux loups-garous, enfants soldats et otages d'une guerre magique... Possible donc qu'on les retrouve un jour dans une fic à part entière...
Bienvenue Plumapapotte... oui, je suis moins solaire qu'Alixe (merci ma belle de m'envoyer encore un lecteur !)... mais je me soigne, je me soigne...
Vingt-cinq -
L'infinité des possibles
ou
Les différents états de la magie
« Bien, passons à l'affaire Alexander », lança brusquement Shacklebolt. Harry sentit les regards de ses compagnons aspirants converger vers lui et il s'enjoignit de garder un visage impassible. « C'est ma bataille », avait dit Tonks. Et bien, on verrait.
« Tonks ? »
« Le Magenmagot nous réclame toujours des victimes en état de témoigner, Commandant », répondit celle-ci, en se décollant du dossier de sa haute chaise pour se pencher en avant. A la longue table où siégeaient les Aurors en titre, elle faisait face de biais à Shackelbolt. Les Aspirants étaient assis autour d'eux sur des chaises pliantes.
« Et ? » demanda Shacklebolt, l'air résigné à entendre que nul loups-garous, harpies ou elfes n'avaient répondu à l'appel de la justice magique.
« Et nous en avons trouvé deux, finalement. »
Il y eut un murmure appréciateur autour de la grande salle de réunion de la Division.
« Une harpie et un troll ? » - lança une voix étouffée et il y eut quelques ricanements. Ce n'est pas parce qu'on défend la magie blanche plutôt que la noire qu'on est exempt de préjugé, se rappela amèrement Harry. Ron, à sa gauche, soupira.
« Non, deux loups-garous, le frère et la soeur », corrigea l'Auror Tonks sèchement.
« Grande nouvelle ! » - félicita Shacklebolt. Parce que dans l'échelle des préjugés, mieux vaut encore être un loup-garou ou un vampire, plutôt qu'un géant ou une harpie, songea Harry, plus cynique qu'il ne l'aurait voulu.
« Reste à les amener au tribunal », rétorqua Tonks, dégrisant l'atmosphère.
Le Commandant grimaça :
« Pas enregistrés ? »
« Si. »
« Alors ? »
De sa place, Harry ne voyait Tonks que de dos, mais il la connaissait suffisamment maintenant pour reconnaître quand elle évaluait les risques et quand elle décidait de passer à l'action :
« Ils posent des conditions », annonça-t-elle.
« On aura tout vu ! » lança une voix dans la salle ; mais sans doute d'autres l'avaient pensé. Si les créatures se mettaient à poser des conditions... autant les admettre à Poudlard !
« Enfin, une condition », précisa Tonks et, comme elle pouvait compter sur toute l'attention de Shacklebolt, elle ne tergiversa pas davantage : « ils veulent témoigner à huis-clos »
« Ce n'est pas possible », grogna Wind.
« Eh bien, leur conseiller juridique fait valoir que, puisque les loups-garous ne sont pas considérés comme des sorciers majeurs de plein droit, ils peuvent bénéficier des mêmes protections juridiques que les mineurs » - expliqua Tonks calmement, avec juste ce qu'il fallait de dérision dans sa voix pour indiquer que l'idée n'était pas d'elle.
« Ils ont un conseiller juridique ? » demanda Shacklebolt, clairement dubitatif.
« Apparemment », répondit Tonks avec un haussement d'épaules.
« C'est qui ? » demanda Pastor.
« Sais pas », répondit légèrement Tonks et peu de ses collègues à la table centrale parurent la croire.
« T'as pas demandé ? » lança Kahn avec un sourcil étonné.
Tonks l'ignora, le regard fixé sur Shacklebolt qui soupira. Elle a raison, c'est lui qui peut rendre ça possible, pas la peine de s'épuiser en batailles annexes, songea Harry, décidé à prendre ça comme une leçon de stratégie. Pardon Remus, soupira-t-il in petto, mais toi aussi tu choisis tes batailles.
« Qu'est-ce qu'ils sont capables de dire ? » finit par demander, presque à regret, le commandant des Aurors.
« Ils ont vendu des cheveux, des dents, des ongles à plusieurs reprises. Ils connaissent une autre victime et pensent pouvoir peut-être la décider à témoigner elle aussi, si leur anonymat est assuré... »
Tel était l'appât. Shacklebolt mit du temps à y mordre.
« Est-ce qu'ils peuvent nous péter dans les doigts ? » s'enquit-il finalement.
« Le garçon est jardinier à Wimbledon depuis deux ans, la fille a du mal à trouver un boulot stable mais, en ce moment, elle fait des retouches chez Mme Guipure... Le registre a toujours reçu leur déclaration annuelle de domicile depuis leur majorité... Aucune trace d'eux dans les dossiers du Magenmagot à ce jour... »
« Deux petits agneaux ! » - grommela un tout jeune aspirant à la droite d'Harry. Parvati le fusilla du regard avant lui.
« Ils sont... dans cet état depuis quand ? » continua d'interroger Shacklebolt.
« Ils ont été mordus par Greyback et sa bande avant qu'on ne les arrête... » - répondit Tonks avec un air entendu.
Il y eut de nouveaux regards vers Harry qui resta de marbre. Il savait pourquoi ils le regardaient tous : Greyback avait été protégé par Voldemort pendant de longues années pendant lesquelles il avait à la fois augmenté considérablement le nombre de lycanthropes et fait beaucoup pour leur mauvaise réputation. Seule la chute du Seigneur des Ténèbres avait permis son arrestation. Et qu'on vienne encore me dire que j'aurais dû rester sagement à Privet Drive !
« La fille avait dix ans et le garçon sept... Comme beaucoup à l'époque, ils ont été enlevés par la bande de Greyback pour grossir les rangs des partisans de Voldemort », raconta Tonks sans aucune émotion perceptible. « Mais un loup-garou... qui ne partageait pas les idées de Greyback, les a fait fuir, eux et une dizaine d'autres... »
Bon là, obligatoirement, Shacklebolt a compris d'où on les sort, estima Harry et pour la première fois, il s'autorisa un coup d'oeil direct au Commandant des Aurors. Mais ce dernier était depuis longtemps passé maître dans le contrôle de l'expression de ses émotions.
« Ils ont ensuite été placés dans une famille d'accueil jusqu'à la majorité de la fille ; ils ont vécu ensemble depuis », continua Tonks, toujours sans regarder les parchemins roulés devant elle. Je connais mon dossier, sourit intérieurement Harry. Il y en avait peut-être qui continuaient de trouver Tonks légère et imprévisible ; Harry lui trouvait qu'elle avait su intégrer les règles de la survie administrative tout en se gardant une marge de liberté bien confortable.
« Un vrai conte à faire pleurer les Moldus ! » commenta Pastor. Mais son regard sombre adoucissait son persiflage.
« Oui, un peu », reconnut Tonks. « Mais ça, ça devrait plutôt jouer en notre faveur... »
Il y eut un nouveau silence dans la salle et tous prenaient silencieusement les paris sur ce que le Commandant allait décider.
« Je veux les voir », conclut finalement ce dernier, « s'ils me convainquent, j'irai au Magenmagot... »
« Je vais organiser ça, Commandant », répondit respectueusement et calmement Tonks mais sa chevelure, banalement platine en ce jour de réunion décisive, prit alors un éclat révélateur.
00
« Regardez ce que j'ai trouvé dans la chambre de Ron », lança Tam à la cantonade sur le seuil de la porte de la cuisine.
Harry et Parvati levèrent des yeux curieux de la minutieuse préparation de leur curry vandaloo pour poser des yeux affolés sur le couteau de pierre noire luisante, couvert de runes, que la jeune femme tenait dans ses mains fines. Parvati laissa tomber son propre couteau de cuisine sur la planche à découper.
« T'as trouvé ça où ? » - s'enquit-elle nerveusement avant qu'Harry ne se soit décidé pour une quelconque conduite à tenir.
« Sous une pile de chemises », répondit Tam en haussant les épaules. « Je voulais lui piquer une chemise... pour dormir », ajouta-t-elle avec un petit sourire complice pour Parvati. Elle entra carrément dans la pièce, tournant et retournant l'athamé dans ses mains.
« Il est bizarre non, ce couteau ? Une drôle de matière... on dirait de la pierre, mais noire comme cela... j'en ai jamais vu avant de pareil »
« Non », confirma Harry dans un murmure.
« Et puis cette drôle de forme, cette lame recourbée... un peu oriental ou celte... » continua la jeune femme, sans lever les yeux. « Et vous avez vu ces drôles de dessins ? »
« Des runes », souffla Parvati, d'une voix étranglée.
« Des quoi ? »
« On dirait des runes », répéta Parvati plus fort. Comme Tam n'affichait qu'incompréhension, elle expliqua : « une écriture très ancienne, prétendument magique... »
« Magique ? Rien que ça ! »
« C'est ce qu'on dit », répondit prudemment la jeune Auror.
« Fais voir », dit alors Dudley, apparaissant brusquement sur le seuil de la cuisine. « Waou, je savais pas que Ron avait un truc pareil ! »
Ça sonnait un peu faux et Harry eut viscéralement envie d'intervenir pour arrêter cette conversation avant qu'elle devienne incontrôlable, mais le regard de Dudley l'en dissuada.
« Tu sais ce que c'est ? » s'étonna Tam, sincère.
« Ouais, un couteau de jeux de rôle », répondit Dudley, et Harry et Parvati échangèrent un regard où l'incompréhension le disputait à l'inquiétude. Etait-ce bien raisonnable de laisser Dudley inventer une explication moldue dont ils ne pouvaient pas mesurer les implications ?
« Tu vois Ron jouer aux jeux de rôle ? » demanda Tamara, dubitative. Elle lança d'ailleurs un regard inquisiteur à Harry et Parvati qui sentirent qu'ils ne dégageaient pas, en la matière, toute la certitude qu'ils auraient dû afficher.
Comme un fait exprès, où Parvati verrait ensuite un signe du destin, Ron entra alors, les bras chargés des bières qu'il était allé achetées. Et son sourire s'écroula, dans un concert de cannettes métalliques, quand il vit son athamé dans les mains de Tam.
« Qu'est-ce que... » - s'étrangla t-il, se retournant vers Harry et Parvati d'un air accusateur
« Et vous autres, vous la laissez faire ? »
« Ils me laissent faire quoi ? » s'enquit sèchement Tam.
« Nous ne savions pas jusqu'où tu souhaitais effacer sa mémoire », répondit une singulièrement sarcastique Parvati.
Harry, essayant de l'inviter à plus de prudence, posa sa main sur son épaule, mais elle se dégagea brusquement – cette manie de fréquenter des Gryffondors, soupira in petto le jeune homme.
« B'en quoi ? Est-ce que je laisse mon athamé traîner dans la salle de bains, moi ? » - s'énerva la jeune femme. « Et puis, tu crois que ça peut durer comme ça longtemps, Ron ? »
« C'est à moi de décider ça ! »
« Vous parlez de quoi, là ? » -demanda Tam. « Qu'est-ce qui ne peut plus durer, Ron ? »
« Rien, ma chérie, rien ! »
« Moi je vais te dire ce qui ne peut plus durer, Ronald, c'est que vous me preniez tous pour une idiote ! » - explosa contre toute attente la jeune femme. « Je ne sais pas ce qui se passe ici ! Je ne sais pas ce que représente ce couteau pour vous ! Mais, je sais que vous me cachez des choses ! »
« Tam ! »
« Je sais que vous n'êtes pas étudiants en astronomie, ou en physique...ou ce que vous voulez... Vous êtes inscrits dans aucune université ou institut ni à Londres, ni dans tout le Royaume uni ! » - renchérit-elle.
La sortie figea tout le monde dans la salle.
« J'ai bien trouvé des traces dans les registres médico-sociaux d'un Harry Potter, pupille de la famille Dursley... » - continua Tamara, visiblement fière de ses inquiétantes trouvailles. « Mais ça fait bien dix ans que tu ne sembles pas être allé voir un médecin ou un dentiste, Harry... non d'ailleurs que tu y sois allé très régulièrement avant... Mais aucune trace, et sous aucune forme, de Ronald Weasley... ou de Weasley portant un des prénoms que je connais... Famille qui ne semble pas payer d'impôt, ni disposer d'une voiture... Je n'avais pas ton nom de famille Parvati, mais je suppose que ce serait la même chose... »
« Tu as mené une enquête sur nous ? » s'offusqua Ron.
« Tu sembles oublier que je suis journaliste ! »
Les trois aspirants Aurors se regardèrent longuement.
« Bon », articula Parvati, « tu te décides, Ron ? »
« Très bien », gronda celui-ci, faisant deux pas vers Tam et s'emparant du couteau. La jeune femme instinctivement recula.
« Ceci n'est pas un couteau ordinaire, Tamara, c'est un Athamé. Il est indestructible, imputrescible, insoluble dans l'eau ou dans un quelconque solvant », récita-t-il. « Il ne peut être écrasé, brisé ou entamé, par aucun quelconque procédé physique ou magique. Il est fait de la seule matière qui, d'ailleurs, peut résister à un Avada Kedavra... Il porte mon nom, là ici, et si jamais j'étais tué en mission et mon corps était méconnaissable, on pourrait ainsi m'identifier... » (1)
Tam resta figée un instant avant sans doute cherchant encore à ingurgiter le torrent d'informations données par son petit ami. Et Ron ajouta en guise de résumé :
« C'est un objet magique »
Ceci eut l'avantage de faire réagir la belle jeune femme qui demanda d'un air goguenard :
« Et ça sert à quoi ? A couper en deux les belles jeunes filles ? »
Hermétique aux références de spectacles magiques de sa petite amie, Ron opta pour la pédagogie :
« C'est le seul moyen de défaire certains sortilèges de magie noire. »
« La...magie noire ? », s'esclaffa la jeune femme.
« La magie noire », répéta Ron, sombrement, presque menaçant.
Le sourire moqueur de Tam devint amer à force d'être plaqué sur ses lèvres comme une défense. Personne dans la pièce ne faisait un geste.
« Attends, attends », explosa-t-elle soudain avec un rire nerveux. « Ne me dis pas que vous... vous faites partie d'une de ces sectes néo-druidiques ? »
Elle sembla trouver quelque vigueur et de contenance en développant sa nouvelle hypothèse : « C'est ça ? Vous vous réunissez à Stonehenge le 21 juin et vous accouplez au hasard, en vous prenant pour des cerfs sacrés ? Je vous trouvais bizarres, mais là ! »
Comprenant en même temps que Harry et Parvati que Ron allait sans doute exploser si Tamara continuait de le comparer à un cerf, Dudley intervint :
« Tam, ils ne font pas partie d'une secte. Ce sont juste des gens... différents de toi et moi... »
« Différents ? Qu'est-ce qu'ils ont de différents ? Pour autant que je puisse en juger : Ils mangent, ils baisent et ils puent des pieds comme n'importe qui ! » - répliqua sèchement la journaliste.
« Mais ils ne vont pas chez un médecin, ils ne vont pas dans nos écoles et ils portent en permanence sur eux des couteaux qui résistent à la magie noire », contra patiemment Dudley. « Ils ont des...pouvoirs »
« Des pouvoirs ? »
« Oui, des pouvoirs magiques – Attends ! – ils ont des baguettes, des balais volants, ils peuvent voyager dans l'espace en se... dématérialisant... Ils ont leur propre Ministère et leurs propres lois ! »
Tam ne parut pas une seconde impressionnée par la profession de foi de Dudley.
«On dirait que tu parles d'extra-terrestres, Dudley ! Tu passes trop de temps sur tes jeux vidéo ! Tout ça est impossible ! Impossible ! Harry est ton cousin ! »
« Oui, c'est le fils de ma tante. Et c'est un sorcier, comme sa mère et son père avant lui... »
Harry leva brusquement la tête en entendant ces mots – Etait-ce la fréquentation de Luna qui rendait Dudley capable d'accepter aussi calmement la magie et même de revendiquer sa parenté avec des sorciers ? Etait-ce qu'il avait attendu depuis tant d'années ? Mais les yeux de son cousin volaient autour de la pièce comme à la recherche de nouvelles idées.
« ...comme Parvati, comme Ron et comme Luna aussi... » - ajouta-t-il finalement.
« Luna ? » cracha Tamara. « Ça s'est sûr que cette fille t'a ensorcelé ! »
Un ange douloureux passa dans la pièce. Ron fut le premier à se secouer. Avec un certain courage, reconnut Harry.
« Dudley dit la vérité », dit-il doucement. « Je suis un sorcier, Tam... Je suis Aspirant Auror... Je lutte contre les usages interdits de la magie... »
« Et tu te fiches de moi ! »
« Non, Tamara »
Ils se dévisagèrent avec un mélange de défiance et d'affection qui émut Parvati.
« Il faut lui montrer, Ron », souffla-t-elle.
« Me montrez quoi ? N'espérez pas me convertir à l'adoration de Cerridwen », lâcha Tam, un peu nerveusement. Le rouquin soupira avec fatalisme et ouvrit son blouson d'où il sortit sa baguette. Tamara sursauta en la voyant.
« Qu'est-ce que c'est ça ? »
« Ma baguette », répondit Ron, avec une patience que Harry ne lui connaissait pas. « Tu veux quoi ? »
« Comment ? »
« Qu'est-ce que je pourrais faire pour te convaincre ? » - explicita Ron, avec une dérision douloureuse. « Transplaner ? Métamorphoser un objet ? Transformer Harry en singe ? »
« Hé ! » - protesta pour la forme ce dernier, « on avait dit pas de transplanation dans l'appart ! »
« Ah et l'autre jour alors ? » demanda innocemment Dudley.
« Quel autre jour ? »
« Quand tu t'es matérialisé dans l'étagère à épices, devant ma mère en plus ! »
« Ta tante est venue ici ? Et tu m'as rien dit ? » - s'écria Parvati. « Ça s'est passé comment ? »
« Mal. » - avoua Harry, agacé des regards offusqués de Ron et de Parvati. « Je croyais qu'on expliquait à Tam la magie ! »
Tous les regards retournèrent vers la jeune femme qui semblait encore hésiter.
« Vous me faîtes une blague, hein... c'est... c'est un scénario de jeu de rôle, c'est ça ? », affirma-t-elle, cherchant de nouveau une explication qu'elle puisse maîtriser.
« C'est quoi un jeu drôle ? » - demanda avec lassitude et exaspération Parvati. Mais Dudley secoua la tête.
« Tam, tu devrais leur laisser une chance ! »
« Une chance de quoi ? De se foutre de moi ! »
« De te montrer leurs... pouvoirs »
Tamara le fusilla du regard.
« Toi, tu crois que tu ne m'en as pas assez fait ? Faut que tu te ligues avec eux... »
« Oh merde ! » - s'exclama Dudley, pas très gentiment. « Montre-lui Ron, peut-être que ça la fera taire ! »
Ron hésita visiblement. Puis très lentement, il sembla se décider et désigna la chaise en formica devant Tamara :
« Tu veux que j'en fasse... un fauteuil ? » - demanda-t-il assez timidement.
Comme Tamara regardait, affolée, toutes les personnes présentes dans la pièce, sans doute dans l'espoir que quelqu'un mette enfin un terme à la blague, Ron soupira et leva sa baguette. Dans un pop très net, un lourd et confortable de cuir vint prendre tout l'espace disponible dans la petite cuisine.
Tam sursauta, lâchant un petit cri apeuré.
« Comment... comment tu fais ça ? »
« Métamorphose », répondit Ron.
« Ça impressionne toujours, hein ? » - commenta Dudley avec une certaine jubilation.
Quand Tam sembla oser bouger, elle fit le tour du fauteuil, l'inspectant sous toutes ses coutures comme à la recherche d'un truc, pour finir par s'y asseoir un peu lourdement.
« Je suis folle à lier», murmura-t-elle, le visage entre les mains.
« Tamara, les Moldus au courant de notre existence sont très peu nombreux », commença Parvati, souhaitant sans doute la réconforter.
« Les Mol-quoi ? »
« Ceux qui n'ont pas de pouvoirs magiques » - traduisit automatiquement Harry. « Toi, Dudley... »
« Donc, vous êtes tous capables de changer les chaises en fauteuils ? » s'enquit Tam.
« Pas seulement... on peut... allumer un feu », répondit Parvati en pointant sa baguette vers l'évier ou s'élevèrent rapidement des flammes violettes. Tam sursauta de nouveau, peut-être un peu moins haut que la première fois.
« Ou encore déplacer des objets », continua Parvati, attirant à elle le livre de cuisine, « transplaner », proposa –t-elle encore, disparaissant d'un bout de la cuisine pour réapparaître à l'autre.
« Ça, ça fout un de ces mal au coeur ! » commenta Dudley pour le bénéfice de Tam qui lui jeta un regard vide.
Mais Parvati cherchait encore des exemples : « Ou faire des métamorphoses plus complexes, transformer un objet en animal, par exemple... »
« Tu sais faire tout ça, toi ? » demanda Tam se tournant vers Ron qui se vexa légèrement.
« Bien sûr qu'est-ce que tu croies ! »
Tam baissa les yeux, regardant ses mains posées sur les accoudoirs du fauteuil, et Ron reprit :
« Tiens ce fauteuil...je peux... je peux en faire un animal ! » - proposa-t-il et de nouveau, Harry et Parvati échangèrent un regard inquiet. La métamorphose n'avait jamais été le grand fort de Ron sans parler de transformations trans-espèces !
« Comme quoi ? » demanda Tamara sur ses gardes.
« Ce que tu veux ! » - répondit Ron.
Tam sembla étudier la question sérieusement et murmura :
« Un chien ? »
« Un chien ? N'importe quel chien ?» - s'enquit Ron, un peu nerveux cette fois. MacGonagal n'a jamais pensé à nous dire que la métamorphose serait un argument de drague auprès des Moldues, songea Harry, avec dérision.
« Oh, un setter irlandais ? » demanda Tam avec un haussement d'épaules fataliste.
« Un setter irlandais », répéta Ron, visiblement à la recherche d'une image mentale assez précise pour le guider dans sa métamorphose.
« Je peux le faire », proposa gentiment Parvati, mais Ron lui lança un regard noir et commença à murmurer les diverses incantations nécessaires. Parvati se dépêcha de faire lever Tamara qui se laissa étrangement conduire.Un nouveau pop fit apparaître un chien à poil long et au regard humide, qui sauta joyeusement sur toutes les personnes présentes dans la pièce. Il ressemblait assez à un setter irlandais, encore que Parvati trouva qu'il était aussi raide qu'une chaise.
« Attends, il a jamais réussi un truc aussi dur du premier coup », le défendit loyalement Harry. « On devrait prendre une photo et l'envoyer à Hermione ! »
« Bon, allez, ça suffit », marmonna Ron, les oreilles écarlates – et Harry se demanda un peu tard si c'était les critiques de Parvati ou la référence à Hermione qui le gênaient le plus « Finite incantem »
La chaise revint, intacte et singulièrement commune après ces transformations, et Tam, blanche et défaite se laissa de nouveau tomber dessus. Elle semblait avoir renoncé à trouver ses propres explications.
« J'ai pas rêvé, hein ? »
« Non, Tamara », dit doucement Ron en lui prenant doucement la main.
« Bon », commenta Parvati, en dressant de nouveau sa propre baguette « Maintenant, je vais pouvoir préparer ce curry normalement et nous allons enfin pouvoir dîner ! »
000
« Jeune homme, pouvez-vous vous présenter ? » - demanda Rivers tout doucement.
« Je m'appelle Mel, Melyor Hespero », répondit le jeune loup-garou, visiblement impressionné par la magnificence du bureau de la juge.
« Melyor ? » répéta le greffier, la plume suspendue dans les airs.
« Oui, M. E. L. Y. O. R. », explicita l'interpellé, avec un sourire triste. « Mes parents avaient de grandes ambitions pour ma soeur et moi, voyez-vous : l'espoir et l'excellence... » (2)
La juge toussota, sans doute pour dissiper l'émotion qui flottait dans la pièce, et reprit de son ton le plus neutre :
« Vous avez été mordu en même temps que votre soeur ? »
Hope Hespero avait été la première à témoigner le matin même. Justin avait pensé que son maintien modeste et respectueux était plus à même de bien disposer la juge en leur faveur. Et en effet, Shauna Rivers avait été impressionnée par son histoire douloureuse comme par sa narration factuelle et polie. « Si Mel ne se lance pas dans une diatribe contre les préjugés sorciers, ça devrait rouler », avait estimé Tonks entre les deux auditions.
« Oui... Greyback a attaqué la maison de nos parents... Mon père était botaniste et ma mère sage-femme... Il leur a reproché de ne pas être venue aider une louve-garou qui était morte en couche peu avant – je n'ai jamais su si elle leur avait vraiment demandé de l'aide...Peu importe, d'ailleurs...Greyback a rodé autour de la maison jusqu'à la pleine lune... Mon père croyait qu'il arriverait à nous protéger – ou qu'il n'oserait jamais réellement nous attaquer... mais il se trompait... »
Harry se rappela de ce Noël où Lupin avait parlé de sa propre morsure. Là encore, Greyback avait tenu ses parents pour responsable d'un quelconque désagrément et s'en était pris à leur enfant. Sans doute était-ce la raison pour laquelle Remus n'avait pu laisser les enfants loups-garous sans aide.
« Vous avez été conduit au campement de Greyback... » - reprit la juge, suivant les éléments déjà donnés par Hope.
« Oh, on en a fait des campements », soupira Melyor. « Des cachettes provisoires, des grands campements souterrains secrets... On a beaucoup bougé avant d'arriver à un campement où vivaient déjà une dizaine d'enfants comme nous... On y est resté là deux ans... jusqu'au jour où... on nous a aidés à nous enfuir. »
« Je sais que nous nous éloignons du sujet qui vous amène aujourd'hui dans ce bureau, mais pouvez-vous nous dire pourquoi vous vous êtes enfuis ? »
« Vous savez ce que c'est de n'avoir pas dix ans mais de manger de la viande crue trois fois par jour parce que c'est votre vraie nature ? » demanda agressivement le jeune homme. « Nous étions tous malades...On vomissait, on avait la diarrhée...On ne mangeait pas assez...et jamais rien de cuit ou de chaud...On n'avait pas le droit aux vêtements chauds en hiver parce que nos poils devaient nous suffire... »
Il secoua la tête.
« Beaucoup sont morts... » - conclut-t-il « Des faibles, ils disaient... Hope a été malade elle aussi et j'ai cru qu'elle allait mourir...J'avais tellement peur qu'elle meure elle aussi. Et puis cet homme, plus âgé et plus calme que les autres, l'a soignée avec des potions, des vraies... En cachette...C'était interdit les potions, vous savez... Un truc de sorcier... Il venait nous voir... il nous parlait de dehors, de la guerre... de pourquoi on était là, de ce que nous voulions... Un jour, on a été sept à lui dire qu'on voulait partir... Il s'est arrangé pour qu'on le fasse...»
« Cet homme était... un loup-garou ? » s'enquit Rivers, sans chercher à cacher sa curiosité.
« Oui. »
La juge attendit mais il fut très rapidement clair que, comme sa soeur avant lui, Melyor ne dirait rien de plus sur l'identité de l'homme qui les avait arrachés à Greyback. Justin à sa droite fit d'ailleurs un geste que la juge interpréta correctement :
« Ce qui nous amène à ce que vous avez fait part la suite », reprit Rivers, reconnaissant sa défaite. « Vous avez vécu six ans dans une famille sorcière... »
« Oui... des gens courageux, n'est-ce pas ? Ils n'avaient pas eu d'enfants... Ils se sont occupés de nous comme ils ont pu... mais ils étaient âgés et pauvres eux aussi. Hope a pensé que nous devions nous débrouiller seuls... Elle a prit des petits travaux de ci de là et je l'ai suivie... »
Cinq ans plus tard environ, réfléchit Harry. La guerre était terminée... est-ce que Remus était d'accord ? Est-ce qu'il était toujours en relation avec eux ? Remus n'avait pas parlé de cet épisode dans ses mémoires, et même si Harry comprenait pourquoi, il trouvait cela plutôt dommage.
« Vous êtes néanmoins aujourd'hui jardinier, et considéré comme particulièrement compétent dans le traitement des maladies magiques des plantes, la pousse accélérée des gazons et les croisements de fleurs », lut la juge à haute voix.
Harry reconnut devant Rivers le rapport que Tonks et lui avaient écrit après être allés, à la demande de Shacklebolt, interroger le chef jardinier de Wimbledon. Ce dernier qui avait paru particulièrement inquiet qu'ils posent des questions sur Hespero :
« Mel ? C'est un gamin un peu chaud et impulsif ! Mais quand on sait le prendre, c'est un bon gars et puis il n'a pas son pareil pour vous remettre une pelouse en état après un match de Quidditch ou faire des compositions originales pour les mi-temps ! Qu'est-ce qu'il a fait ? C'est pas trop grave, j'espère ? »
« Rien, il a juste été témoin d'un trafic et nous faisons une enquête de moralité », avait expliqué Tonks. « Vous nous rassurez, l'avocat de la défense pourra pas nous le démolir !»
Harry espéra que le vieux jardinier ne briserait pas les derniers rêves de Melyor quand il apprendrait la nature du trafic et pourquoi le jeune homme y était mêlé.
« Oui, ça vous épate, hein ? » répondait le jeune jardinier avec agressivité.
Justin posa la main sur le bras de Melyor qui leva les yeux au ciel.
« Votre père vous a sans doute transmis la passion des plantes ? »
Melyor haussa les épaules.
« Vous savez, il n'y a pas beaucoup d'autres voies pour un loup-garou que les petites fleurs... Une des rares connaissances qui ne nous est pas refusée... je suppose qu'on croit que ça nous intéressera pas ! »
« Vous avez étudié la botanique ? »
« Oui »
« Dans les livres ? »
« Dans les livres et avec des professeurs bénévoles... des gens qui ont voulu aider les enfants enlevés par Fenrir Greyback... »
Un silence plana dans la pièce – combien de temps faudra-t-il pour que cette guerre ne soit plus un tabou, pour qu'on puisse en parler ouvertement, pour que toutes les souffrances soient reconnues ? - se demanda Harry, se retenant de soupirer. Finalement, Mel ajouta, plus amer qu'agressif :
« Bien sûr, tout cela était interdit... mais nous avons été discrets et, jusqu'à présent, personne n'est venue nous empêcher de nous entraider... »
L'implicite pesa une nouvelle fois sur l'ambiance de la pièce.
« Malgré votre travail, vous avez été obligé de vendre... » - reprit finalement Rivers, revenant au motif officiel de cette entrevue.
« Mes ongles et mes cheveux... c'était l'année dernière, entre deux contrats à Wimbledon... Hope n'avait pas de travail... Elle avait déjà vendu ses cheveux et ses ongles et elle venait de vendre deux dents... Sans me le dire ! »
La colère rentrée de Melyor était brûlante. Et Harry eut le sentiment qu'il était peut-être aujourd'hui dans ce bureau autant à cause de cette colère qu'en raison des bonnes paroles de Remus Lupin.
« Vendre des dents ? Vous vous rendez compte ! » - s'écriait le jeune loup-garou. « Elle voulait y retourner et je le lui ai interdit ! »
Il sourit furtivement – et Harry se dit que sourire lui allait bien ; ça le rendait plus jeune et plus sympathique.
« D'habitude, c'est elle qui m'interdit des trucs – elle a toujours peur que j'ai des ennuis.. » - leur confia-t-il. « Mais là, c'est moi qui ait poussée une gueulante ! Elle a pleuré qu'on avait plus d'argent pour le loyer, qu'on avait déjà demandé de l'aide à ...d'autres loups-garous... Alors j'y suis allé - j'ai vendu mes cheveux et mes ongles... J'ai refusé de vendre des dents ! » - précisa-t-il.
On entendit le glissement de la plume du greffier pendant les secondes qui suivirent. La juge hocha longuement la tête et demanda :
« Vous n'y êtes allé qu'une fois ? »
« En revenant, je me suis dit que c'était pas possible, que ça ne pouvait pas continuer comme ça... » - répondit Melyor avec la même colère rentrée, la même fierté blessée que précédemment. « J'ai écrit à... à notre vieux protecteur que j'avais besoin de lettres de références pour que le chef jardinier de Wimbledon m'engage durablement... »
« Votre vieux protecteur ? »
« Celui qui nous a aidé à nous enfuir, qui nous a trouvé une famille d'accueil...nous a permis d'avoir une éducation... et nous a convaincus de venir vous parler aujourd'hui », explicita Mel, comme à regret « Vous voulez que je l'appelle comment ? »
« Par son nom ? » suggéra la juge.
« Et ça vous avancera à quoi ? » rétorqua le jeune Hespero avant même que Justin puisse lever la main pour s'interposer.
« Sans doute, pouvons-nous nous en passer à ce stade », reconnut la magistrate, à regret. « Vous avez vu Alexander à cette occasion ? »
« Non, mais tout cela se passait dans son magasin, enfin dans l'annexe où ils préparaient des potions... Et ce gars, Negri, il nous a parlé de lui plusieurs fois... dans le genre, n'allez pas bavasser ou Alexander vous retrouvera ! »
Rivers hocha la tête et regarda Tonks et Harry qui avaient écouté sans un mot les deux interrogatoires.
« J'ai bien fait d'insister, dites-moi ! Nous avons maintenant la preuve de la durée et de la préméditation...Et de vraies victimes...Intimidation, exploitation...Le dossier se tient ! »
Les deux Aurors remercièrent la juge du compliment d'un signe de tête, mais celle-ci s'était déjà tournée vers Melyor : « Nous allons pouvoir réunir le tribunal et, pendant les premières audiences, nous nous référerons à des témoignages protégés... Cependant, jeune homme, il est important que vous réfléchissiez à la possible nécessité de devoir répéter tout cela devant un tribunal public.»
« Est-ce que ça suffirait à l'envoyer en prison ? » - s'enquit Melyor, clairement dubitatif.
« Si votre 'conseiller juridique' manoeuvre aussi habilement que nous en avons l'habitude », répondit la juge, avec un regard entendu vers Justin, « ça devrait même vous permettre d'offrir une maison à votre soeur ! »
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Oui, bon c'est l'été et je suis désespérément optimiste sans doute sur la marche du monde... mais, dans le prochain, Fudge contre-attaque, Mollyu vient petit-déjeuner et le procès commence...ça s'appelle, pour vous donner une idée : La mesure de l'ennemi...
Notes
(1) Je devais depuis longtemps à Vert ce que j'entendais pas Athamé... voilà... Robin utilise ce terme dans une de ses fics et comme je les traduis, j'ai cherché ce que c'était... C'est effectivement un couteau druidique, utilisé pour certaines cérémonies et préparations... De là à en faire un peu plus que ça...
(2) Un autre prénom puritain anglais... Je les trouve complètement incroyables non, ces prénoms... Ils me font penser aux prénoms cathares et occitans – mais je crois que je vais vous pondre une communauté sorcière cathare un de ces jours alors, j'aurais l'occasion d'y revenir...
