Ruptures d'un processus linéaire
oeuvre
sans retombée financière...
mettant en scène des
personnages bien connus dans des situations fantaisistes
et
bénéficiant en plus du soutien inconditionnel d'Alixe
et Vert...
La version que vous lisez aujourd'hui a été
relue et revue
par
les bons soins de Thalys,
en mars 2008
27 - En fonction de pratiques antérieures
Harry avait appris très jeune que tout lieu, même le plus inhospitalier, à force d'être fréquenté, finit par paraître familier, voire rassurant. Et il semblait en être de même aujourd'hui avec la Quatrième salle d'audience du Magenmagot. Au bout d'une semaine de procès, il y avait ses habitudes.
Il n'avait pas attendu le procès pour pénétrer dans le plus haut tribunal magique – la première fois était même plus vieille que son inscription à l'Académie de préparation à la défense de la magie blanche. Mais sa pratique antérieure du Magenmagot l'avait amené soit dans le box des accusés, soit à la garde des grandes portes des salles d'audience, soit à s'asseoir à côté du représentant du Ministère.
Aujourd'hui, dans un costume civil, il attaquait ce même Ministère et il avait beau connaître de vue la totalité des greffiers, des juges ou des Aurors qu'il croisait dans les couloirs, ça changeait pas mal les choses. Il découvrait le Magenmagot sous un nouvel angle : pas d'uniforme pour lui ouvrir les portes – il avait pris une disponibilité pour le temps du procès, que Shacklebolt avait accepté sous réserve qu'il soit présent aux audiences du procès Alexander où son témoignage pouvait être important ; pas de protection autre que celle offerte par les connaissances juridiques et la rouerie de son avocat. Lui face au Ministère. Alors autant avoir quelques habitudes, comme de poser sa cape sur le même siège, tourner son siège de façon à ne pas voir le public ou savoir que la chaise de droite était plus dure que la chaise de gauche.
Pour le reste, les changements étaient patents. Dans les couloirs du Magenmagot, les saluts étaient souvent timides, les journalistes pressants et les murmures dans son dos lui rappelaient les pires heures de Poudlard. Mais surtout, il savait plus ou moins consciemment que le résultat de ce procès-là changerait sa vie de manière radicale.
« Mais tu croyais déjà que la fin de Voldemort changerait tout », se répétait-il comme un mantra depuis le début de la troisième phase – selon la nomenclature de Justin. Ça le rassurait parfois mais, dans ses moments de plus grande lucidité, il devait admettre que si rien ne changeait, il aurait peut-être du mal à le supporter.
Les premières audiences avaient été très techniques, malgré les promesses audacieuses de réécriture de l'histoire par Justin et les non moins véhémentes assurances de l'intégrité et de l'attachement à la vérité offertes en retour par Pénélope Weasley. Harry avait eu l'impression de revivre le précédent procès : Drago Malefoy revint reconnaître du bout des lèvres que les limites de l'expertise du Département des Mystères étaient politiques. Khan, représentant un Shacklebolt qui s'excusait, amena la Pensine de la Division et un petit flacon contenant les souvenirs du Commandant de l'époque. Dans la pénombre du prétoire, l'image du Commandant, qui avait été celui de Sirius et de son père, expliqua à ses descendants comment le Haut Code avait été suspendu pendant la guerre et comment, pendant l'affaire Potter, le résultat l'avait emporté sur la procédure.
Bien sûr, il ne disait pas penser qu'ils avaient pu se tromper. Au contraire, il s'enorgueillissait des résultats particulièrement rapides et de l'arrestation quasi-immédiate de cette « ordure de Black ». Mais cette véhémence et cette assurance étaient, plus qu'autre chose – et Justin n'avait pas manqué de le souligner, une preuve du manque de distance que l'équipe de l'époque avait manifesté envers Sirius Black.
« Coupable avant qu'on ait aucune preuve », avait conclu Justin.
Bien sûr, Pénélope avait objecté. Bien sûr, les trois juges avaient reproché au jeune avocat son manque de précautions oratoires, mais le mot avait été lâché. Et Harry n'était plus assez naïf en matière de procédures pour demander à son avocat s'il l'avait fait exprès.
« Non, je ne suis plus aussi naïf », répéta Harry ajustant le col de sa robe devant le miroir de la salle de bain de Parvati.
« Qu'est-ce qu'il y a, Harry ? », cria celle-ci depuis la cuisine.
« Rien », répondit Harry, rougissant presque d'avoir parlé tout seul dans l'étroit cabinet de toilette. La jeune femme, sans doute peu dupe de ces dénégations, s'encadra bientôt dans la porte.
« T'as le trac ? »
« C'est pas comme si c'est moi qui devais parler », répondit l'ancien Gryffondor. Cessait-on un jour d'être Gryffondor ? Il faudrait poser la question à Remus, décida-t-il.
« J'aimerais tant pouvoir venir ! », soupira sa compagne.
« Dommage que tu sois pas assignée à la garde du Magenmagot ! », ironisa Harry.
« Remarque, au train où va ce procès, c'est pas sûr que Shacklebolt puisse très longtemps nous sauter Tonks, Ron et moi dans la distribution des rôles !», rétorqua la jeune femme.
« D'après Justin, on entre dans le vif du sujet là ! », remarqua Harry, presque avec nostalgie.
Ça avait eu lieu hier. Hier seulement, ils avaient achevé ces auditions techniques qui répondaient essentiellement aux objections de formes posées dans sa plaidoirie d'ouverture par Pénélope Weasley. Sans surprise, elles avaient toutes été rejetées, et le président du tribunal s'était de nouveau tourné vers Justin pour lui demander quelle stratégie de réexamen il comptait adopter. Harry avait senti, sans avoir besoin de se retourner, aux bruissements des robes, les journalistes se redresser sur leurs bancs et se pencher en avant, comme s'ils craignaient de perdre un seul mot de ce que Justin allait dire. Mais celui-ci avait parlé de sa voix tranquille et distincte, sans trace de crainte ou de doute. Et Harry l'avait aimé pour cela.
« Votre Honneur, mesdames et messieurs les juges, pour réévaluer avec équité la culpabilité de Sirius Black » - Harry avait noté la précaution oratoire qui sonnait comme une nouvelle excuse pour ses débordements précédents – « il nous faut répondre à trois questions. »
Harry avait senti sa gorge se serrer et la salive lui manquer. Trois questions. La vérité, comme réponse à trois simples questions. Une vérité ternaire. Le vertige.
« La première est une question que peu se sont posés à l'époque, nous semble-t-il », avait repris Justin, presque badin. « C'est pourtant une question presque naïve tant elle est simple. »
L'avocat avait marqué un silence avant de relever la tête et de dévisager chacun des membres du tribunal. Harry avait remarqué que même le greffier semblait suspendu à ses lèvres.
« Cette question est : Sirius Black pouvait-il être un Mangemort en 1981 ? »
Dans la nouvelle pause que s'était ménagée Justin, Harry avait entendu les murmures nerveux et excités des journalistes, les grincements de la plume à papote du greffier. Il n'avait pas osé lever les yeux vers Pénélope : sa surprise l'aurait désolé, mais le contraire l'aurait trop inquiété. Il avait préféré se concentrer sur les mains soignées de Justin, sur les éclats dorés que lançait sa montre bracelet moldue à chaque fois que ses manches se relevaient.
« Nous devrons ensuite nous interroger sur l'affirmation qui a conduit, en 1981, Sirius Black à Azkaban », avait continué l'avocat, d'une voix tranquille, comme si ces paroles impies n'avaient rien d'outrageant pour la justice magique. « Nous nous poserons donc la question suivante : Sirius Black a-t-il trahi la confiance de James et Lily Potter ? Ou, plutôt, a-t-il PU le faire ? »
De nouveau, un silence calculé était venu souligner le point. Croisant le regard de Rivers, qui essayait de rester impassible, Harry avait eu le sentiment que Justin avait atteint son premier objectif.
« Je veux leur curiosité, Harry, leur sympathie viendra plus tard », avait-il affirmé à Harry quand celui-ci l'avait étourdiment questionné sur sa stratégie dans les séances à venir.
Comme il l'avait alors annoncé à Harry, il n'avait pas développé plus avant comment on pouvait mesurer a posteriori la capacité de Sirius à trahir, ou non, le secret des Potter.
« On va quand même pas lui mâcher le boulot à Pénélope ! »
A la raideur de la représentante du Ministère, Harry avait jugé, avec un pincement sauvage de son muscle cardiaque, que Justin avait réussi à la déstabiliser. Sans l'ombre d'une hésitation, Justin avait énoncé alors son incroyable but ultime – et en l'entendant Harry avait cru qu'il allait pleurer, comme un enfant qu'il n'était plus pourtant :
« Quand nous aurons répondu à ces deux questions, nous aurons sans doute tous les éléments nécessaires pour proposer une version alternative et convaincante des événements dramatiques de novembre 1981. »
La raideur de Pénélope s'était accentuée, les murmures avaient de nouveau ronflé dans la Quatrième salle d'audience du Magenmagot et le président du jury avait hoché la tête en prenant des notes sur un parchemin devant lui :
« Vous nous aviez parlé d'un voyage, Me Finch-Fletcher, c'est une odyssée ! »
Les journalistes avaient apprécié le mot d'esprit, et leurs plumes à papote courraient encore sur le parchemin quand le juge posa la question de procédure : « Quel est votre premier témoin ? »
Une nouvelle fois, une mouche aventureuse aurait connu son heure de gloire dans le prétoire du Magenmagot. Justin avait pris le temps d'établir un contact visuel avec chacun des membres du tribunal avant d'annoncer :
« Votre honneur, nous aimerions entendre Andromeda Tonks, née Black »
Il avait fallu un grand nombre d'étincelles pour calmer les commentaires des spectateurs.
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« Présentez-vous au tribunal »
« Je m'appelle Andromeda Tonks, Andromeda Morrigane Tonks… Enfin, j'imagine que je ne serais pas là si mon nom de naissance n'était pas Black… Andromeda Morrigane Black, épouse Tonks », résuma la femme, raide, haute et sèche qui se tenait face au tribunal. Harry fut touché par surprise de sa ressemblance avec Sirius.
Le président du jury fronça les sourcils. Sans doute le ton désabusé ne lui a pas plu, songea Harry.
« Maître Finch-Fletcher ? »
Justin s'approcha avec un sourire rassurant pour Andromeda de la barre centrale.
« Madame Tonks, est-il raisonnable de dire que vous avez bien connu Sirius Black ? »
« Il était mon cousin… mon cousin au premier degré, nos pères étaient frères… »
« Il était plus jeune que vous, je crois. »
« Oui, bien que mon oncle soit plus âgé que mon père, il s'est marié plus tard ; ses enfants étaient plus jeunes. »
« On ne peut donc pas dire que vous ayez été des amis »
« Enfants, non. J'ai plus souvent couru 'après' lui que couru 'avec' lui, si vous voyez ce que je veux dire… mais adolescent, enfin dans son adolescence, ses choix, ses choix l'ont rapproché de moi… Il aimait dire que nous étions les deux seules personnes décentes de la famille - avec feu notre oncle Alphard, le dernier frère de nos pères !»
Elle s'était étrangement animée en parlant, étrangement humanisée, comme si ses souvenirs enfouis la rajeunissaient. Ou peut-être parce que pour elle aussi, Sirius était la vie même, avait douloureusement supputé Harry.
« Dites-nous qu'est-ce que c'était de grandir dans la maison des Black. »
« Votre honneur », objecta Pénélope, « nous savons tous le rôle désolant que cette famille a joué dans cette guerre et… »
« Votre honneur », l'interrompit Justin, « il s'agit justement d'évaluer à quel point Sirius Black était ou non d'accord avec sa famille ! »
« Accepté. Mme Tonks, répondez s'il vous plaît ! »
Andromeda soupira plusieurs fois avant de répondre.
« Nous étions très riches, immensément riches… Même enfant, je me rendais compte qu'il ne semblait pas y avoir de limites à ce que nous pouvions acheter… Jamais je n'ai entendu ma mère ou ma tante nous opposer que quelque chose pouvait être trop cher… Nous étions aussi immensément respectés et, sans doute, craints… à juste titre d'ailleurs… Mais nos pères s'enorgueillissaient qu'on s'écarte automatiquement et partout devant un Black… Et Sirius a été élevé pour prendre leur suite. »
Ses derniers mots semblèrent l'arrêter comme s'ils résumaient tout pour elle.
« Devenir le chef de la maison Black ? », la relança Justin, ne semblant pas s'inquiéter de la peinture désabusée qu'elle dressait de Sirius.
« Oui. Pendant longtemps, ils n'ont pas vraiment eu de raisons de s'inquiéter. Sirius était intelligent, doué, beau… Il aimait sans doute un peu trop rire pour eux… Je me souviens de ma tante lui reprochant de manquer de dignité… Ses blagues l'exaspéraient, mais j'imagine que tous pensaient qu'il s'assagirait avec le temps… »
« Vous nous décrivez là, Sirius Black, avant Poudlard ? »
« Oui, sans doute… parce que son entrée à Poudlard a sans doute beaucoup entamé leurs certitudes », commenta Andromeda avec une certaine satisfaction.
« Pouvez vous nous rappeler ce qu'il s'est passé à cette époque. »
« Sirius a été envoyé à Gryffondor, le premier Black à Gryffondor depuis des générations et des générations, peut-être depuis la fondation de Poudlard, elle-même. Moi-même j'avais quelques années plus tôt fait mes études à Poufsouffle – une indignité de l'avis de ma famille, mais rien à côté de se retrouver dans la maison de Godric Gryffondor… Mon oncle a remué ciel et terre pour faire annuler la répartition mais Dumbledore, Albus Dumbledore, a tenu bon. »
« Votre honneur, ceci ne prouve en rien que Black n'ait pas, par la suite, rejoint la cause de Vous-Savez-Qui ! »
« Je me disais exactement la même chose, Maître Deauclair, mais je venais de décider de laisser Maître Finch-Fletcher poursuivre sa ligne de questionnement… », trancha Rivers.
« Merci votre honneur. Mme Tonks, quelles ont été les relations de Sirius Black et de sa famille après cette répartition ? »
« Terribles ! Je croyais avoir tout subi d'eux mais ils se sont révélés pleins d'imagination envers Sirius ! Il était l'héritier, vous comprenez, le voir s'éloigner d'eux, ils ne le supportaient pas… Ils ont tout essayé : les promesses de gloire, les menaces, le chantage affectif… mais ils ont dû se rendre compte, année après année, que Sirius faisait les choix inverses des leurs. Il se fichait de son nom, de sa famille, de sa fortune… Enfin, il le prétendait – je pense que, comme moi, il aurait aimé que le conflit ne soit pas la seule issue ! »
« Votre honneur, le témoin ne peut pas prétendre savoir quels sentiments le jeune Black pouvait avoir ! »
« Je vous entends Maître Deauclair, s'il vous plaît Mme Tonks, restez dans le cadre des faits ! »
Avant que Justin n'ait pu s'excuser de la dérive du témoignage d'Andromeda ou poser une question plus factuelle, celle-ci explosa :
« Vous voulez des faits ? Le 26 juin 1976, deux jours après la fin de l'année scolaire, Sirius a été déshérité par ses parents. Les portes de Place Grimmaurd ont été enchantées pour le repousser et il s'est retrouvé à seize ans, seul et sans une mornille, dans les rues de Londres. »
Justin laissa la déclaration s'imposer dans le prétoire avant de reprendre la conduite de l'entretien :
« Où est-il allé ? »
« Chez les Potter, chez les parents de James… Ils l'ont accueilli comme un fils jusqu'à sa majorité. »
« Avez-vous eu des contacts avec lui à cette époque ?»
« Quelques uns. Quand j'ai su où il était, je lui ai écrit que je pouvais l'aider… Moi aussi, j'avais été déshéritée et … j'avais eu ma fille, et nos fins de mois étaient très difficiles. Sirius le savait… Finalement, sa situation financière s'est arrangée quand notre oncle Alphard est mort en lui laissant toute sa fortune… De toute façon, à l'époque il était entré à l'Académie des Aurors et il n'avait pas beaucoup d'intérêt pour les questions matérielles. »
« Ce legs était-il important ? » demanda Justin, et Harry se demanda où il voulait en venir. Andromeda eut l'air surprise elle aussi.
« Relativement, oui… Même si Alphard était moins riche que mon père ou celui de Sirius, il avait de quoi oublier les questions matérielles…. »
« On peut donc penser que Sirius Black était à l'abri de l'appât du gain ? »
« Objection ! »
« Je retire cette question », dit immédiatement Justin
« Maître Finch-Fletcher, vous êtes jeune mais pas assez pour ignorer les règles de cette cour ! »
« Oui, votre Honneur », répondit humblement l'avocat.
« Vous ne pouvez pas faire de telle supposition ! Ni demander à un témoin de se prononcer sur de pures spéculations ! »
« Oui, votre Honneur. »
« Greffier, je veux que cette question soit rayée des minutes du procès. Et vous, maître Finch-Fletcher, rappelez vous que j'arrête cette déposition si vous recourrez une fois de plus à ce procédé déloyal ! »
« Oui, votre Honneur», répéta Justin, image même de l'humilité.
« Reprenez », conclut sèchement Rivers.
« Madame Tonks, que pouvez nous dire des relations entre Sirius et sa famille après sa sortie de Poudlard ?»
« Il n'avait aucune relation avec eux », affirma Andromeda.
« Est-ce une opinion ou tenez vous cela pour un fait ?», demanda Justin avec une précaution marquée.
Andromeda eut l'air de réfléchir à comment répondre.
« J'ai rencontré Sirius pour la dernière fois, six mois avant… avant les terribles événements de novembre 1981… », commença-t-elle d'une voix étonnamment distante. « Il est venu me voir, avec un cadeau pour Nymphadora, ma fille… Nous avons parlé de la guerre, évidemment… Regulus… son frère… venait de mourir… Sirius m'a révélé qu'il lui avait écrit juste avant d'être… assassiné par les Mangemorts. Il voulait quitter le pays, fuir. Sirius tenait ses parents pour responsable de la mort de son frère… Il m'a dit cette chose terrible : 'Comme si j'avais eu besoin d'une raison supplémentaire de les haïr'… »
Pénélope leva la main et Rivers l'arrêta :
« Vous aurez l'occasion de poser vos propres questions au témoin, maître, je ne vois aucune raison formelle d'interrompre cette déposition une nouvelle fois. Poursuivons ! »
Justin regarda ses notes quelques secondes avant de reprendre :
« Mme Tonks, avez-vous jamais envisagé que Sirius puisse avoir une quelconque sympathie pour la cause de Voldemort ? »
« Pas une seconde. »
« Même quand il a été condamné ? »
« Pour moi, cette condamnation a toujours constitué une injustice flagrante. »
Une nouvelle fois, Pénélope objecta que cette déclaration était une opinion et non un témoignage recevable ; Justin se tourna vers la juge et expliqua :
« Votre Honneur, acceptez-vous que Mme Tonks puisse développer si elle a des raisons de croire en l'innocence de Sirius Black ? »
« Pourquoi pas », finit par répondre la juge après un conciliabule avec ses deux assesseurs.
« J'en veux pour preuve la réaction de notre famille », répondit Andromeda, et un rose pâle vint allumer ses joues. « Narcissa – Narcissa Malefoy, ma sœur, ma plus jeune sœur – était la seule qui me donnait deux fois de l'an de ses nouvelles. Elle m'a écrit après l'arrestation de Sirius. Elle regrettait, évidemment à mots couverts, l'arrêt de la prise de pouvoir de Voldemort. Elle se disait triste de penser que son fils allait grandir dans un monde qui tournait le dos aux valeurs de pureté. Je me souviens m'être dit qu'elle avait un certain courage d'écrire ça noir sur blanc. »
« Parlait-elle de Sirius dans cette lettre ? » intervint Justin, sans doute inquiet de la voir partir dans une longue lamentation envers sa famille alors que les juges attendaient toujours de voir où il voulait en venir.
« Oui. Elle me disait que son accusation était ce qui pouvait arriver de mieux à la famille, que ce n'était que justice que sa trahison à son sang soit refusée par le Ministère… qu'il soit un Black malgré lui… comme Regulus… que la mort valait mieux que le déshonneur »
« Un Black malgré lui », répéta Justin, soucieux de faire passer le message.
« Oui », s'échauffa Andromeda, avec une amertume très ancienne. « Etre considéré comme un Mangemort après toutes les déclarations enflammées, toute sa rébellion, tous ses efforts pour détourner Regulus des Mangemorts…- malgré lui… »
Justin fit apparaître un mouchoir qu'il tendit à la dernière des Black qui se tamponna avec dignité les yeux.
« Vous n'avez pas fait part de vos doutes aux autorités à l'époque », reprit l'avocat très doucement.
« Non. Je sais que j'ai été lâche mais comme je vous l'ai déjà dit, j'étais dans une situation matérielle très précaire et… et, même si la guerre semblait finie, j'ai eu peur… peur pour ma fille… Et puis, peur que personne ne me croie… J'étais une Black, les Mangemorts étaient pourchassés, ma sœur Bellatrix était à Azkaban… Qui allait me croire ? »
« Merci, Madame Tonks », conclut Justin.
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La dernière des Black
Par Vivien de Lusignan, envoyé spécial du Monde magique
La rédaction du Chicaneurremercie notre collègue français d'avoir accepté que nous reprenions son article publié hier soir à Paris.
« Le monde magique change-t-il ? Le monde magique peut-il changer ? C'est la question non dite du procès Potter contre le Ministère, qui menace aujourd'hui de bousculer sérieusement la communauté magique outre-manche.
Nous autres sorciers savons confusément que nous sommes des conservateurs. Nous chérissons la mémoire de Ptolémée, de Merlin ou de Flamel. Nous bénéficions de vies longues, qui nous font aimer la stabilité et la répétition, et nous tendons à pousser nos enfants à répéter des gestes ancestraux plutôt qu'à en inventer d'autres. Les plus vieilles familles magiques ont fait de ces travers, un art de vivre. (Ndr – Vivien de Lusignan provient d'une des plus anciennes familles magiques de France et ses lecteurs ne peuvent que prendre cette affirmation avec sérieux) Et ceci est également vrai des deux côtés de la Manche.
J'en veux pour preuve le témoignage hier d'une des dernières représentantes de la famille Black, cousine de ce parrain dont le Survivant voudrait réhabiliter le nom, 24 ans après la mort de ses parents qui lui a été imputée.
Andromeda « née Black » nous a décrit un jeune homme élevé pour défendre les valeurs de cette aristocratie sorcière, et apparemment muni de toutes les qualités pour le faire. Elle nous a raconté sa rébellion progressive contre l'interprétation familiale de ces anciennes valeurs et, plus précisément, contre leur décision quasi-collective de soutenir, à la fin des années 1970, Lord Voldemort, quitte à menacer l'intégrité du monde magique.
Chaque lecteur se souviendra de l'inquiétude qui nous étreignait quand nous observions nos voisins britanniques se débattre contre le mouvement des Mangemorts, qui recrutait dans les meilleures familles et les entraînait loin de toute position de compromis avec les Moldus, les sang mêlés, sans parler des « créatures ». Qui a oublié la fascination malsaine que ces développements ont suscitée dans certaines parties de notre propre jeunesse ?
Quelque part, nous aurions voulu plus de Sirius Black, plus de jeunes gens prêts au conflit pour éviter la fracture en deux de leur monde. Mais ce que Andromeda Black nous raconte ensuite semble indiquer que, justement, 'être un Sirius Black' a été tenu en suspicion.
Déshérité et rejeté par sa famille, ce jeune Sirius Black s'était engagé parmi les fameux Aurors britanniques, dont la réputation a passé la Manche depuis longtemps, pour mener à bien son combat. Ce chemin l'a emmené finir à Azkaban, accusé d'avoir été un espion à la solde de ce même Voldemort qu'enfant, il avait refusé de suivre.
Nous avons observé hier les efforts de la représentante du Ministère visant à disqualifier les preuves apportées hier par la cousine de Sirius Black pour montrer qu'il n'avait jamais pu être prêt à rejoindre les Mangemorts. Il nous a semblé qu'Andromeda Black a su d'une phrase les anéantir : « Croyez vraiment qu'il aurait pu vendre son meilleur ami, que dis-je, son frère d'adoption, à un monstre qui venait de faire tuer son frère de sang parce que celui-ci refusait de jouer les petits soldats ? »
En accusant Sirius Black, il y a vingt-cinq ans ou presque, la justice magique britannique semble ainsi avoir condamné une famille toute entière, parce qu'elle avait tourné le dos à la lumière, niant les destins individuels qui pouvaient s'y révéler. Il nous semble qu'elle a refusé par principe la possibilité de changement dans le monde magique. »
« Eh bien, il y va pas avec le dos de la cuiller l'amoureux de Fleur ! » - commenta Parvati en s'étirant. « Il a un certain cran de laisser publier ça en Angleterre, Fudge va lui sucrer son visa ! »
« Il ne peut pas faire ça », estima Harry, « mais Luna, elle, prend des risques ! »
« Tout le monde a l'habitude que Luna publie n'importe quoi », affirma Parvati.
Harry tourna les pages et tomba effectivement sur la tribune libre offerte au défenseur du vol en hippogriffe. Il sourit.
« Et puis, elle pense qu'en publiant des comptes-rendus étrangers du procès, elle exerce une pression importante sur ce qu'écrivent ses petits collègues », ajouta-t-il.
« Ça a l'air de marcher », répondit Parvati en agitant la Gazette où paraissait en une l'accroche de l'article de Rita Skeeters : « Mon cousin n'a jamais été un Mangemort, interview de Andromeda Black. »
« Fais voir ! », dit Harry, attrapant le poignet qui tenait le journal au vol. Mais il sembla perdre l'équilibre et se retrouva allongé de tout son long sur la jeune femme.
« Ne me dis pas que c'est par hasard ? »
« Mes expériences antérieures m'indiquent qu'il est peu souhaitable de laisser cela au hasard ! », confirma Harry en l'embrassant.
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Le suivant devrait s'appeler « L'emballement du processus »… et balancer entre le témoignage d'Hagrid et le développement du procès des agneaux...
