Ruptures d'un processus linéaire.
Générique habituel, personnages développés par une
autre, intrigue mijotée à vélo, avec le soutien de Vert et les
conseils techniques de Alixe…
La version que vous pouvez lire
aujourd'hui a été finalisé avec Maître Thalys, le roi des
détails, le 5 mai 2008.
Trente-deux – Ce qu'on ne lit pas dans le journal
« Ne fais pas cette tête ! »
Harry leva la tête de la Gazette pour dévisager Tam avec un air scandalisé. Quelle tête aurait-il donc dû avoir ? Reposé ? Oui, il était fatigué et sur les nerfs ! Oui, il avait une tête à faire de l'ombre à Lupin après une transformation ! Il le savait ! Mais croyait-elle qu'il dormait ?
Quand il ne bossait pas avec Justin, il se rongeait les sangs sur ce que Fudge pouvait mijoter de nouveau ou il cherchait des auspices dans les comptes-rendus et les chroniques de presse – Autant pour les feuilles de thé ! Croyait-elle qu'il avait le temps de se détendre ?
« Ils ne reviendront pas », ajouta encore Tamara en continuant, imperturbable, de se maquiller devant un petit miroir. « C'était juste un coup d'intimidation ! Et, même s'ils revenaient, Justin dit… »
« Justin dit : qu'ils continuent comme ça et ils finiront à Azkaban ! » termina Harry un peu abruptement.
Justin dit…. Justin avait pris une place incroyable dans leur vie : arrivaient-ils encore à faire une phrase ne contenant pas une référence à l'opinion de l'avocat ? Faut dire qu'ils le voyaient tous énormément, et Harry plus encore que les autres. Si on ne prenait que ces dernières quarante-huit heures, il en avait passées quarante avec son avocat. Bien sûr, il s'agissait de préparer son témoignage, mais le soi-disant cambriolage moldu qu'avait subi leur appartement le lendemain de la visite de Fudge n'avait rien arrangé à l'affaire.
Ils auraient peut-être cru à la visite de voleurs moldus, si l'ordinateur de Dudley avait disparu :
« N'importe quel moldu aurait au moins emporté l'écran, Harry, il est léger et vaut une fortune !»
Ils n'avaient pas eu besoin de plus de preuves que les visiteurs qui avaient retourné l'appartement étaient des sorciers quand ils avaient retrouvé leurs balais réduits en miette – aucun moldu ne s'en prend aux balais, Tam et Dudley avaient été catégoriques. Les trois Aurors avaient alors jeté les sorts nécessaires et ils avaient pu détecter qu'on avait utilisé la magie et qu'on avait essayé de le cacher.
« Ça vaut toutes les signatures », avait conclu Parvati.
Ils s'étaient relayés depuis, nuit et jour, pour monter la garde – en prévision d'un sortilège placé dans l'appartement à retardement ou d'un retour des « cambrioleurs ». Shacklebolt avait confirmé le lendemain matin, au petit-déjeuner où ils l'avaient convié, que ce n'était pas une opération officielle de la Division – « A moins qu'une partie de la Division n'ait rejoint Fudge sans me le dire mais, franchement, je ne le crois pas ! »
Shacklebolt avait convenu avec Justin que le plus probable était une opération d'intimidation menée par des proches de Fudge avec l'espoir de tomber sur un double des dossiers de Justin.
« Pourquoi pas les chercher chez Justin ? » avait demandé Parvati.
« Parce qu'un cambriolage – moldu ou non – chez l'avocat de l'année, à ce moment, ça ferait très gros ! », avait répondu le commandant de la Division. « Vous ne semblez pas vous en rendre compte, mais Fudge est totalement discrédité ! Même les elfes du Ministère traînent les pieds pour exécuter ses ordres et croyez-moi, les elfes ont un sixième sens en matière d'autorité ! »
Quand ils n'avaient pas discuté de Fudge, Justin et Harry ils avaient bossé sur la prochaine audience et la déposition de Harry. Et bosser avec Justin, Harry l'avait découvert, c'était pire que de réviser des BUSE avec Hermione. Il n'y avait pas de pauses et pas de limites. Harry devait considérer comme une grâce exceptionnelle qu'aujourd'hui, l'avocat étant pris par des affaires moldues qu'il ne pouvait pas refiler à ses confrères, il n'ait que l'après-midi à lui consacrer.
« Tu sais, c'est pas facile non plus pour Ron », ajouta Tamara, comme si elle avait lu dans la tête de Harry.
« Oui, je sais », répliqua Harry sèchement.
« Sa mère l'appelle tous les jours… En fait, il semble que ce soit à lui qu'elle ait besoin de parler ! »
Sans doute les aînés sont trop loin, les jumeaux trop directs, élimina mentalement Harry.
« Et Ginny ? » s'enquit-il naïvement. Tam haussa les épaules. Oui, sans doute Tam se fiche de savoir ce que font les autres, comprit-il.
« C'est quand ton audience ? », continua la jeune femme.
« Jeudi »
« Dans deux jours alors ! », s'exclama-t-elle avec un certain appétit.
Harry pensa qu'il aurait aimé l'avoir derrière lui, mais c'était sans doute une faiblesse de le reconnaître devant Tam – et il devait s'entraîner à moins montrer ses faiblesses ; Justin n'avait cessé de le lui répéter ! Il hocha donc la tête de l'air le plus détaché qu'il put.
« Et quels sont les pronostics ? »
« Justin…Les pronostics sont de Justin », précisa-t-il sans que ce soit nécessaire. Tam acquiesça patiemment. « Justin dit donc que c'est devenu un peu le procès de Fudge – même s'il n'est jamais nommé… »
« Et que comme Fudge t'a choisi comme ennemi, ça devient un peu le tien ! » compléta la jeune femme.
Harry acquiesça un peu nerveusement. Il y avait dans tout ça un parallèle qui le gênait un peu. Voldemort l'avait choisi, Fudge l'avait choisi… La première fois lui avait paru suffisamment injuste sans que cette vindicte ne se reproduise. « Mais les deux sont liées », avait inlassablement répété Justin. Alors, espérons que ça ne portera pas plus bonheur au second qu'au premier, songea Harry en s'essayant au cynisme.
« Je regardais votre presse », reprit Tam, après avoir longtemps joué avec une énorme bague orange fluo qu'elle portait à la main droite. « C'est clair que Fudge est sur la sellette… Cette Ombrage, qui semble le lâcher en beauté ! Et ce gars des Affaires internes que Ron déteste…. »
« Stiffen », souffla harry.
« Oui, Stiffen, qui la soutient ! » confirma la journaliste moldue avec un air très sérieux. « Ça paraît être uniquement une question de temps ! »
Oui, les rats quittent le navire, songea Harry tout en pensant qu'aucun des deux ne lui inspiraient une once de confiance !
Il y avait bien d'autres noms qui circulaient : Scrimgeour – qui avait fait un passage remarqué à la tête des Aurors et qui parlait d'un retour à l'ordre – sans qu'on sache réellement de quel ordre il s'agissait. Scrimgeour n'avait fait aucun mystère qu'il était le favori du Ministère. Le seul aspect qui le rendait sympathique à Harry était que le père de Luna le tienne pour un vampire – « même si y'a pas plus prêt à la discrimination que ceux qui en ont souffert », avait estimé Seamus en apprenant la rumeur.
On parlait aussi de la vieille Griselda Marchebank, vieille amie de Dumbledore et envers laquelle Harry avait toujours là encore des sentiments mitigés. Il lui avait toujours semblé qu'elle aurait pu faire mieux que ça quand elle l'avait blanchie en 5e année. Ancienne juge, celle-ci incarnait sans doute aussi un retour au droit. « Mais qu'elle est vieille ! » – avait soupiré Ron et Harry n'avait pu que lui donner raison.
« Fred me disait que si Stiffen choisissait Marchbank, c'était bien pour leur famille puisque Percy avait de grandes chances de suivre », reprit Tam, le tirant brusquement de ses pronostiques politiques.
Ah, songea Harry. Ils sont patients les Weasley avec Percy !
« Justin pense qu'il y a une chance pour que Fudge essaie de rendre Pénélope responsable du cours pris par le procès ; Percy pourrait revoir ainsi sa position…. » – reconnut-il, répétant une fois de plus l'opinion de Justin.
Lui-même estimait que c'était une réflexion
bizarre, a priori écœurante d'opportunisme, mais portant en elle
les germes d'un nouveau compromis des Weasley – contre Fudge !
Il
espérait que Ron, en bon stratège, saurait mieux que lui quoi en
penser !
« Hum… ce Fudge, il va sacrifier tout le monde pour essayer de se sauver », estima Tam.
« Ça semble probable », répondit prudemment Harry, en se levant. Cette conversation semblait distiller un poison très insidieux dans ses veines. Il se sentait bouillir sur place. « Je dois retourner voir Justin pour qu'on bosse ensemble sur ma déposition. »
« Moi aussi, faut que je file », dit Tam, en finissant de mettre son manteau et en attrapant son sas. « A ce soir alors ! »
« Oh, ce soir… ce soir, on voulait rester au calme… Parvati et moi… chez elle », annonça Harry se sentant rougir.
Tam sourit de cet air supérieur donné à certaines jolies filles – sans qu'on sache jamais si elles en ont conscience ou si elles ont fait quoique ce soit pour le mériter. Harry se sentit obligé d'expliquer :
« C'est sympa, tous les six ici, mais… Parvati et moi… on voudrait passer une soirée sans discuter de la Gazette ou du procès ! »
« Eh bien bonne soirée, Harry », conclut la jeune femme en enfilant son manteau. « Et bonjour à Justin ! »
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C'était sans doute quelque chose que Parvati lui avait appris. On pouvait passer du temps à faire la cuisine sans se sentir exploité, comme chez les Dursley pendant toute son enfance, ou ridicule, comme Ron et lui le croyaient au début de leur cohabitation – ce qui les amenaient à se nourrir de pizzas et de plats tout prêts et à dévorer le dimanche le repas de Molly.
Non, on pouvait trouver une réelle satisfaction à préparer soigneusement des plats, à découper des ingrédients, à mesurer des épices, à surveiller la cuisson et à se préparer à les savourer avec des gens qu'on aimait. C'était une sorte de version améliorée des potions, décida Harry. Il y fallait pas mal de rigueur, les ratages étaient tout aussi spectaculaires… même si moins dangereux. Bon, la finalité et la compagnie changeaient pas mal les choses !
Harry avait aussi découvert que d'avoir les mains occupées laissait du temps pour réfléchir tout en libérant son corps d'une partie du stress que ces pensées pouvaient générer. Il n'aurait pas fait autant d'efforts, s'il avait dîné seul ou tous les jours. Mais, ce soir, ça lui avait paru la seule chose à faire.
Après une demi-journée de réflexions stratégiques (plan A, plan B, plan C) sur la meilleure manière d'utiliser les erreurs de Fudge et de répétitions de son témoignage avec Justin, ça lui paraissait une bonne façon de se préparer à tout autre chose : accueillir dignement Parvati quand elle rentrerait, lui faire oublier une journée passée à courir après des sorciers peu intègres et à échapper à des journalistes à peine plus intègres que les premiers. Il était donc fier de son poulet tandoori qui marinait depuis deux heures, de sa salade de pamplemousses et de crevettes roses… et du flan à la noix de coco qu'il venait de mettre au frigidaire.
Non, cet après-midi avec son conseil juridique n'avait pas été de tout repos. Le pire avait été quand Justin avait voulu qu'ils travaillent le contre-interrogatoire. Ses questions avaient coupé le souffle à Harry qui avait protesté qu'il n'était pas venu pour que son avocat doute de sa santé mentale ou lui ressorte les maltraitances des Dursley comme explication à une éventuelle difficulté à discerner entre une image parentale responsable et des avatars plus douteux.
« Tu te rends compte de ce que tu insinues, Justin ! Que je suis aveuglément Lupin comme j'ai suivi Sirius parce que j'ai besoin d'un père ? » – s'était étouffé d'indignation Harry
« Si j'étais Pénélope, Harry, je ne m'en priverais pas », avait répondu l'avocat stoïque face à l'orage. « La psychologie de bazar, c'est encore ce qui marche le mieux, chez les sorciers comme chez les moldus ! »
« Et tu veux que je réponde quoi, moi, à des trucs pareils ? Que le premier est mort avant de pouvoir le faire et que le second a toujours refusé ce rôle ? »
« Eh bien, surtout pas, Harry !»
« Quoi ? »
« Si tu dis ça, tu soulignes au contraire le vide affectif dans lequel tu as grandi…. Tu pourrais dire que ta famille moldue n'était pas si terrible que ça – la preuve, tu partages maintenant un appartement avec ton cousin ! » – proposa Justin, les yeux perdus sur les volumes qui couvraient les murs de son bureau et échappant ainsi aux manifestation de l'indignation de Harry. « Tu pourrais aussi dire que Dumbledore était ton guide spirituel et que c'est sa confiance envers Black et Lupin qui t'a fait les écouter… »
« Mais c'est faux ! C'est exactement l'inverse ! »
« Harry, on n'est pas là pour écrire ta vie, mais pour réécrire celle de Sirius, ok ? »
« Avec des mensonges ? »
Justin avait inspiré et Harry s'était vaguement senti insulté par ses démonstrations de patience :
« Harry… qui a embauché Lupin en troisième année ? »
« Dumbledore mais… »
« Qui a fait de la maison de Sirius le siège de l'Ordre ? »
Harry avait entendu la logique implicite et avait mollement acquiescé.
« On est à la recherche d'une vérité... praticable, Harry, pas absolue – Tu sens la différence ? » – avait insisté l'avocat. « D'ailleurs, beaucoup de philosophes moldus te prouveraient que la vérité est toujours subjective… »
Harry avait laissé Justin continuer seul ce voyage aux limites de la vérité. Il venait de se convaincre qu'il n'y avait pas d'issue et ne croyait pas que la théorie l'aiderait à l'accepter. Il n'y avait jamais eu qu'Hermione pour croire au pouvoir de la théorie !
Alors ce soir, interdiction formelle de discuter de l'affaire, des témoins, des contre-attaques possibles, probables ou impossibles. Ce soir, il voulait Parvati et son sourire, se répéta-t-il en essuyant ses mains sur le tablier rose de sa petite amie.
L'interphone sonna et Harry regarda l'heure – six heures ! Parvati était là si tôt ! Ravi, il couru jusqu'à la console moldue et avait déjà répondu quand une partie logique de son cerveau lui fit remarquer que Parvati avait des clés et qu'elle ne s'embarrassait pas des interphones !
Il proféra donc un « oui » relativement circonspect et reçut en réponse un « Parvati ? » encore plus prudent.
« Non », reconnut-il, « elle n'est pas encore rentrée, vous êtes ? »
« Siddhârta Patil et vous ? »
« Sid… son père ? »
« Oui, je suis son père ! »
Il y avait une très nette trace d'agacement dans la voix de l'homme que Harry imagina collé à l'interphone – peut-être inquiet d'être surpris par des moldus, peut-être s'interrogeant sur l'utilisation du dit interphone.
« Je vous ouvre », annonça-t-il précipitamment en appuyant sur le bouton noir.
Le dos contre la porte, il examina le salon, se demandant vaguement s'il était présentable, ce que Parvati penserait en trouvant son père en rentrant et ce qu'il convenait de dire à Monsieur Patil. Il ne trouva aucune réponse à ses questions parce que son cerveau se contenta de continuer à répéter en boucle : « Mais pourquoi il débarque sans prévenir !? »
On sonna dans son dos et il sursauta. Déjà. Il inspira profondément et, aussi nerveux que pour son premier match de Quidditch, il ouvrit la porte.
Monsieur Patil était aussi petit et rond que sa fille était élancée. Il était un peu chauve et portait des vêtements indiens très recherchés – le tissu satiné et la coupe précise le disaient bien – sous un long manteau noir de lainage anglais. Harry le trouva impressionnant.
Monsieur Patil n'était pas seul. Une femme plus grande que lui, aux vêtements aussi indiens et recherchés, se tenait à sa droite. Mme Patil, à n'en pas douter.
Harry déglutit, hésita puis s'essaya à un sourire et se présenta.
« Bonjour, je suis Harry, Harry Potter... »
« Dieux du ciel », balbutia Mme Patil en pâlissant notablement.
Monsieur Patil leva les yeux au ciel et affirma d'un ton plutôt acerbe :
« Je ne suis pas assez gâteux pour ne pas vous reconnaître Monsieur Potter – on vous voit suffisamment dans les journaux ! Mais il me paraît judicieux de continuer cette conversation à l'intérieur ! »
Harry s'écarta obligeamment pour les laisser passer et remarqua à cette occasion qu'il portait toujours le grand tablier rose fuchsia de Parvati. Alors qu'il se dépêchait de l'enlever, il vit une lueur amusée dans les yeux de Mme Patil. Mais quand celle-ci croisa son regard, elle s'enfuit dans la kitchenette de sa fille. Au bruit qu'il percevait, elle inspectait le frigo ! Avec la remarque de Monsieur Patil à la porte, ça lui parut clairement une invasion de sa vie privée.
« Ainsi c'était donc vrai », lança alors Siddhârta Patil, arpentant pesamment le salon de sa fille. Il ne le regardait pas mais Harry pensa qu'il s'adressait à lui. « Je ne suis pas le genre d'homme qui croit tout ce qu'il lit dans les journaux, Monsieur Potter. Je savais que vous étiez Auror et un ami de Parvati – elle nous l'avait écrit. Je ne vous cache pas que je n'ai jamais réellement soutenu son choix de carrière ! Tant d'or investi dans son éducation pour qu'elle aille se faire tuer par le premier Mangemort venu ? Mais je me disais qu'elle finirait peut-être par rencontrer un jeune et intéressant sorcier britannique qui lui donnerait d'autres perspectives ! »
Harry comprit tout seul qu'il avait beau être jeune, il ne constituait pas le gendre britannique sorcier dont rêvait Monsieur Patil. Est-ce que Neville qui étudiait l'herbologie indienne rentrait mieux dans la définition ? Est-ce que Padma constituait une bonne diversion ?
« Je n'ai donc pas particulièrement pris pour argent comptant les allégations qui faisaient de ma fille votre petite amie… malgré tout mon respect pour la presse britannique, Rita Skeeters ne me convainc pas toujours ! »
Un bon point pour vous ! – songea Harry avec sincérité.
« Mais là, ça atteint des sommets ! Savez-vous jeune homme que le Wizard Indian Times m'a demandé d'infirmer ou de confirmer vos fiançailles ! » – demanda-t-il, s'arrêtant brusquement et se tournant vers Harry.
Ce dernier ne trouva comme réponse qu'un petit haussement des épaules – franchement, plus rien ne l'étonnait en matière d'intérêt de la presse envers lui ! Il pensait même que Parvati en rirait. Son père, lui, n'avait pas l'air de trouver ça drôle !
« C'est que je ne suis pas n'importe qui, moi, jeune homme », reprit Siddhârta Patil, « Je viens d'une des plus anciennes et influentes familles magiques indiennes ! »
Comme on se retrouve ! – songea amèrement Harry. Toujours pur depuis douze siècles, vous aussi ? Sinon, j'ai mieux en magasin, si vous voulez !
« Je suis le propriétaire de nombreuses apothèkes – magiques et moldues ! Je fais parti du Conseil magique indien…. Je… Enfin ! Qu'est-ce que vous avez fait à Parvati pour qu'elle se jette dans une aventure pareille ? »
Harry compte silencieusement jusqu'à dix pour être sûr que Monsieur Patil ait fini.
« Monsieur Patil, sachez d'abord que Parvati et moi avons toujours voulu vous préserver vous et votre femme ! J'ai longtemps espéré à tort que nul ne s'inquièterait de mes fréquentations – Parvati a toujours été plus lucide que moi sur ce point ! » Harry estima qu'il trouvé une introduction tout à fait équilibrée : sincère mais diplomatique. Il conclut donc : « Maintenant, il n'est nulle question de fiançaill… »
« Quoi ? Etes-vous en train de me dire que votre relation n'est pas sérieuse ! Que vous compromettez l'avenir professionnel, la sécurité et l'honneur de ma fille, Monsieur Potter, sans compter à aucun moment vous engager ? »
Monsieur Patil était très rouge et sa femme s'élança vers lui avec une certaine inquiétude. Il se laissa conforter par elle sans se calmer d'un iota. Et c'est sous leurs deux regards noirs que Harry s'essaya à ne piteuse dénégation :
« Non, je n'ai jamais… enfin, nous n'en avons jamais vraiment parlé…»
De nouveau, Siddhârta Patil eut un haut le cœur et s'écria :
« Quoi ? Retiens-moi, Taran ! Je traverse le globe pour voir ma fille ! Je tombe sur le dernier fauteur de trouble à la mode qui lui fait la cuisine et vit chez elle ! Et ils n'ont jamais discuté d'avenir ! »
« Siddhârta, Monsieur Potter est un grand sorcier, tout de même », intervint très doucement sa femme. Elle avait une voix douce, chaude et ronde, comme un thé masala.
« Un grand sorcier ? Et il cuisine pour notre fille à six heures de l'après-midi ? C'est comme ça que vous comptez gagner votre procès Monsieur Potter ! Et Fudge qui semble se laisse déstabiliser par des gamins versatiles ! Ah, Taran ! »
Monsieur Patil s'appuya assez dramatiquement et brusquement sur l'épaule de sa femme qui avait l'air habituée. Harry les regardait, aussi démuni que devant une boule de cristal dans laquelle il aurait dû lire son avenir quand la porte de l'appartement derrière lui s'ouvrit.
« Harry ? » dit la voix de Parvati mais le studio n'était pas assez grand pour qu'elle ignore très longtemps qu'il n'était pas seul : « Papa ? Maman ? Mais qu'est-ce que vous faites là ? »
« Ils sont en mission pour le Wizard Indian Times », annonça Harry tout à trac. « Dis-moi Parvati, qu'est-ce qu'on met sur la dépêche ? Allons-nous nous fiancer ? »
« Quoi ? »
La jeune femme se dirigea vers ses parents les sourcils froncés. Mais Harry l'intercepta quand elle passa à côté de lui :
« Oui ou non ? »
« Mais enfin, Harry ! Qu'est-ce qui te prend ? »
« Ton père me fait remarquer que je manque à tous mes devoirs, que je ne m'engage pas alors que tu risques ta vie à mes côtés, alors je te demande : tu irais jusqu'à m'épouser ? »
Parvati explosa de rire – Harry se demanda plus tard si c'était à cause de la forme de sa question ou de la tête de ses parents !
« Si c'est un défi ! », s'esclaffa-t-elle, en se pendant à son cou, « Avec plaisir ! »
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La présence des Patil vint finalement à point nommé pour distraire Harry du procès et des possibles conséquences.
Bien sûr, ils ne purent totalement éviter le sujet. Harry découvrit ainsi que, pour eux, la guerre contre Voldemort était « ce curieux et regrettable combat fratricide de nos amis britanniques ». Il constata aussi que l'attachement affirmée de Parvati envers des valeurs de liberté et d'égalité comme aux principes de légalité, de justice et de choix tenait aussi de la réaction à la position globale de son père : Toute instabilité est nuisible au commerce, et ce qui est nuisible au commerce est nuisible aux humains. Il ne put s'empêcher de penser à Sirius à la voyant se disputer avec lui et de mesurer combien celui-ci avait dû devoir se battre pour penser par lui-même ! Comme les répliques de sa fiancée et ses futurs beaux-parents semblaient tout aussi au point que celles que Remus et lui pouvaient échanger sur l'or, il décida néanmoins de garder ses commentaires pour lui.
Il passa ainsi un mercredi en observation, jusqu'au moment où, le soir venu, Taran Patil suggéra qu'ils aillent au restaurant pour donner à ces « pré-fiançailles » un caractère plus officiel. Elle demanda à Harry s'il n'avait pas un peu de famille à inviter pour l'occasion.
« Comme vous le savez, mes parents sont morts quand j'étais bébé et ma famille moldue serait… »
Monsieur Patil grimaça et Taran intervint :
« Nous pensions à un restaurant sorcier », révéla-t-elle comme si cela était une bonne explication. « La Salamandre Pourpre… depuis le temps que j'ai envie d'y aller ! »
Ça fera sans doute chic dans le compte rendu du Wizard Indian Times ! – songea Harry partagé entre l'amertume et l'amusement tant Taran Patil avait énoncé ce souhait comme une petite fille parle de ses futurs cadeaux de Noël. Néanmoins, comme Parvati levait les yeux au ciel, il décida qu'elle ne prendrait pas mal son offensive :
« Il reste un ami de mes parents, une sorte d'oncle pour moi », avança-t-il de sa voix la plus innocente.
« Magnifique ! » se réjouit immédiatement Taran Patil, joignant les mains et secouant la tête dans un grand tintement de bijoux. « Il est à Londres ? »
« Cet oncle est un loup-garou », annonça Parvati, plutôt sèchement. « Mais vous êtes au dessus de ça, n'est-ce pas ? »
Son père et sa mère s'entre-regardèrent.
« Un loup-garou ? »
« Rassurez-vous, ça ne se voit pas ! » – continua leur fille, coupant définitivement l'herbe sous le pied de Harry qui avait espéré que la conversation ne dévierait pas aussi vite en un autre affrontement.
« C'est un homme très cultivé, il a été professeur à Poudlard », intervint-il, décidé à ne pas reculer sur ce terrain-là.
« A Poudlard ? » s'étonna doucement Taran Patil – son mari semblait lui avoir définitivement laissé la conduite de cette conversation-là.
« Il avait toute la confiance de Dumbledore », ajouta Parvati qui ne semblait se faire aucune illusion sur la réaction de ses parents.
« Mais… » – commença Mme Patil – et Harry sentit son cœur se serrer – « Où en sommes nous sur le calendrier lunaire ? »
Parvati se jeta alors dans les bras de sa mère et, devant la réconciliation de sa famille, Siddhârta sembla décider de garder ses opinions pour lui. Comme la lune était décroissante, Harry se retrouva donc un quart d'heure plus tard chez Hope et Melyor pour demander à Remus s'il acceptait de jouer une fois de plus le vieil oncle d'Ecosse auprès de ses futurs beaux-parents.
Le projet matrimonial provoqua les félicitations de Hope, les yeux brillants, et Harry se promit d'inviter les deux jeunes Hespero à son mariage – où qu'il ait lieu.
« Un vieil oncle ou un vieil oncle lycanthrope ? » – s'enquit Lupin, après un temps de réflexion.
« Il n'est pas du tout question de cacher quoi que ce soit de ta condition ! », promit Harry. « Je ne dis pas que ce sera LE sujet du soir, mais on leur a dit qui tu étais ! »
« Oh, je croyais les Patil plus conservateurs que cela…. »
« Ils le sont, mais je crois que tu es leur geste de bonne volonté », avoua Harry.
Lupin se gratta le menton et haussa les épaules.
« La Salamandre Pourpre ? Je n'y avais plus mis les pieds depuis le dîner de fiançailles de tes parents, Harry ! Tu crois que la robe que j'avais à l'audience l'autre jour suffira ? »
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On avait beau s'y préparer, répéter ses répliques, peaufiner ses arguments, se retrouver sur la chaise des témoins n'avait rien d'anodin. Harry se demanda si les autres – Arthur, Hagrid, Andromeda – avaient eu la même sensation étrange de passer un test où les critères du jury étaient des plus opaques.
Le premier avait semblé prendre l'épreuve comme une plaisanterie – comme une opportunité longtemps refusée d'exprimer vraiment ce qu'il avait à dire ! Il s'amusait beaucoup de l'intérêt nouveau que certains opposants à Fudge lui portaient depuis.
Harry n'avait pas eu l'occasion d'en discuter avec les deux autres. Andromeda était repartie dans sa demeure perdue au milieu de la campagne où elle essayait, en passant pour une vieille dame noble désargentée et excentrique, d'oublier le chemin difficile où l'avait menée ses choix. Quant à Hagrid, il s'était enfui dès la fin de l'audience.
« A croire qu'il ne voulait pas me voir », avait regretté Harry à haute voix.
« Je ne crois pas qu'il se sente de taille à assumer ton regard sur ce qu'il est devenu », avait répondu Justin d'un ton rêveur. « Ou qu'il ait vraiment envie de se rendre compte que tu as changé depuis Poudlard… »
« Mais je suis… OK, j'ai changé, mais Hagrid reste important pour moi ! »
« Il m'a dit qu'il ne voulait pas te dire que tu allais gagner et te mentir, Harry », lui avait alors révélé l'avocat alors qu'ils marchaient tous les deux au bord de la Tamise.
Harry avait alors été content que le vent et la pluie cachent ses larmes.
Et maintenant c'était son tour. Les trois juges se tenaient au centre de la plus grande salle d'audience du Magenmagot – celle-là même où il avait été déjà jugé tant d'années auparavant – il y avait de meilleurs augures ! Sauf que cette fois, la presse semblait de plus en plus de son côté. Les deux avocats étaient dos au très nombreux public qui se pressait sur les gradins. S'il le regardait, il pouvait distinguer la mare de cheveux roux qui signalait la présence de la famille Weasley. Percy lui était au premier rang à côté de Stiffen. Les journalistes les entouraient. Six Aurors surveillaient la salle dont Khan, Seamus, Quint et Crivey.
Et lui était au milieu de tout ça, comme le Souaffle au coup d'envoi du Quidditch.
Il portait une robe noire – sobre et chic. La couleur rappelait qu'il était un Auror mais la coupe se voulait civile. C'était évidemment Justin qui l'avait choisie. Harry avait même tenté de se coiffer malgré la certitude que le résultat ne serait jamais à la hauteur de ses espérances. Parvati avait souri en le regardant faire :
« Si un jour, tu me mets au défi de te faire des enfants, Harry, j'espère que nos aurons des garçons, avec un épi pareil ! Si ce sont des filles, elles seraient bien inspirées de prendre mes cheveux ! »
La perspective avait asséchée la bouche de l'interpellé :
« Des ? » avait-il doucement demandé.
« La probabilité génétique que je fasse moi-même des jumeaux est relativement élevée », lui avait-elle appris avec un petit sourire narquois.
Mais pour l'heure, tout projet familial paraissait singulièrement déplacé ! Il était là, un peu crispé sur sa chaise, répétant son nom, celui de ses parents, leur mort, son enfance moldue – sans aucune idée que la magie puisse exister ! – et son entrée à Poudlard. Il se retrouva de la même façon à rappeler dans un silence assourdissant, ses différents affrontements envers Voldemort jusqu'à l'affrontement final.
Comme Justin le lui avait annoncé, il ne lui demanda pas de raconter ce dernier. « Laissons-les baver d'envie ! » Il avait semblé simplement rebondir sur la mention faite par Harry de la présence de Peter Pettigrow lors du dernier affrontement.
« Vous êtes sûr, Monsieur Potter ? On nous a déjà rappelés pendant ce procès que Monsieur Peter Pettigrow était mort juste après vos parents ? »
« Eh bien, son cadavre a été retrouvé sur les lieux et je sais que ce fait est dans le dossier… J'ai vu ce dossier une fois… Dumbledore me l'avait montré !» – s'était-il senti obligé d'ajouter.
Au clignement des yeux de Justin, il avait senti que celui-ci aurait préféré une autre réponse. « Contente-toi de répondre à mes questions ; ni plus, ni moins ! »
« Oui ; ce fait est dans le dossier », avait néanmoins approuvé l'avocat, se retournant vers les juges pour indiquer le dossier et le rapport. Un greffier était sorti chercher la preuve à la demande des juges.
« Néanmoins, il existe aussi dans ce tribunal, un dossier indiquant la mort de Peter Pettigrow en novembre 1981, tué par un certain Sirius Black au beau milieu d'une rue moldue… » – avait repris Justin, d'un ton badin, comme s'il ne faisait que préciser des faits, en revenant vers Harry. « Vous connaissiez cette histoire en 1996 ? »
« Oui », reconnut Harry, espérant paraître tout aussi factuel.
« Alors, comment saviez-vous que c'était bien Peter Pettigrow ? » insista Justin.
« C'était la troisième fois que je le rencontrais », indiqua Harry, suivant sur le fil bien répété avec Justin
« La troisième fois ? » répéta Justin, pour le cas peu probable où quelqu'un n'ait pas été suspendu aux lèvres de Harry. « Parlez-nous des deux autres fois, Monsieur Potter. »
« Eh bien, la fois précédente, c'était en cinquième année, en 1996, en juin, à la fin du tournoi des trois sorciers, à Poudlard… J'étais un des candidats… de Poudlard. »
Revenir sur cette année-clé était profondément douloureux malgré les exercices offerts par Justin. Il sentit sa voix trembler et choisit d'aller directement aux faits :
« Voldmort avait réussi à transformer la coupe en Portoloin et quand… Cédric Diggory et moi l'avons pris, en même temps… nous avons été transportés dans le cimetière de Little Angleton et…. Voldemort a demandé à Peter Pettigrow de tuer Cédric »
Tue l'autre ! Combien de cauchemars ? Est-ce que réhabiliter Sirius apaiserait aussi Cédric ?
« Pourquoi ne l'a-t-il pas fait lui-même ? » s'enquit Justin, toujours terriblement détaché alors qu'il fourrageait dans les terreurs intimes de Harry.
« Voldemort n'avait pas encore retrouvé son corps », répondit Harry assez sèchement.
Un frisson prévisible avait parcouru l'assistance. Et, sans doute, nombreux espéraient une narration de Harry mais Justin continuait sur sa lancée :
« Lord Voldemort l'a appelé par son nom ? »
« Non, par son surnom, Queudever », répondit docilement Harry, bien content de ne pas avoir à faire part de ses sentiments.
« Vous connaissiez ce surnom ? »
« Oui, Remus Lupin et Sirius black m'avaient révélé en troisième année les surnoms qu'ils utilisaient quand ils étaient à Poudlard : mon père était Cornedrue, Lupin, Lunard, Sirius, Patmol et Peter Pettigrow, Queudever… »
« Ce sont d'étranges surnoms, non ? »
« Ils correspondent – sauf pour Lupin, évidemment – à la forme de leur Animagus : le cerf, le chien et le…rat »
Pénélope ne fut pas la seule à être surprise par le tour de la conversation. La haute salle se répandit en commentaires.
« Ils étaient déjà des Animagus à Poudlard ? », s'étonna Justin.
« Oui, ils l'étaient devenus en 5e année pour accompagner sans risque Remus Lupin pendant les pleines lunes. »
Harry pensa à Remus assis parmi les Weasley – Arthur s'en était assuré. Changeons l'histoire : des sorciers sont capables d'aimer sincèrement un loup-garou !
« Avez-vous eu l'occasion de voir ces Animagus ?»
Ils arrivaient à une des parties qu'ils avaient le plus mise en scène, pour éviter toute interruption d'ordre procédurier et tenir leur public en haleine. « Un peu de théâtralisation ne fait jamais de mal ! » – avait estimé Justin.
« Eh bien, oui, la première fois que j'ai rencontré Sirius Black et Peter Pettigrow. »
Harry raconta donc cette longue nuit où Ronald Weasley s'était fait attaqué par un énorme chien à cause de son rat de compagnie, où ils avaient cru que Sirius Black allait les tuer, où Remus Lupin était arrivé à point pour provoquer les explications et où, sans l'intervention malencontreuse du professeur Rogue, la vérité aurait été connue plus tôt.
« Quelle vérité Monsieur Potter ? »
« Peter Pettigrow était le gardien du secret de mes parents et c'est lui qui les a trahis auprès de Voldemort…. Sirius – Sirius Black – était le seul à savoir la vérité et il est donc parti à sa recherche après… après la destruction de Godric's Hollow…. Quand il l'a retrouvé au milieu d'une rue moldue, Pettigrow a provoqué une explosion et a fait semblant de disparaître en se transformant en rat… »
« Qui vous a dit cela ? »
« Peter Pettigrow l'a reconnu devant moi… C'est Lupin et Sirius – Sirius Black – qui posaient les questions mais c'est lui qui l'a reconnu… Ron Weasley et Hermione Granger étaient là, avec moi, quand il l'a fait ! C'est lui l'assassin de mes parents !»
Harry pensa confusément qu'il s'était sans doute trop excité dans sa dernière réponse, il avait quitté le détachement douloureux conseillé par Justin mais l'amphithéâtre autour de lui explosa en commentaires et il sut que de toutes les façons, un acte venait de se terminer. Ils avaient abattus leurs cartes et tout dépendrait de la réponse de Pénélope.
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Si vous saviez comme je suis terrorisée d'avoir à
finir toute cette histoire, à démêler entre tous les possibles…
angoisse totale mais bon, vous savez déjà que si vous voyez
celui-là, c'est que la suite a déjà un peu pris forme !
Après
avoir hésité entre plusieurs titres – notamment « ce que pensent
les jokers » – je crois qu'on s'achemine vers « La pratique
solitaire de la justice »… ou Harry face à Pénélope…
