Ils venaient tout juste d'entrer dans leur salle de cours, le premier de la journée, quand Harry posa ses affaires à côté de Draco. Ce dernier tourna la tête et le regarda faire. Voir Harry s'asseoir à côté de lui surpris tout le monde et les chuchotements avaient commencé aussitôt.
- Qu'est-ce que tu fais ? Lui demanda Draco à voix basse.
- Oh… Tu ne veux pas de moi… ?
Son air si triste serra le cœur de Draco.
- Non, ce n'est pas ça, ne put-il s'empêcher de dire.
Harry fut instantanément soulagé. Il lui fit un petit sourire et, avec un coup d'œil rapide, lui expliqua sa présence.
- J'avais envie de m'asseoir à côté de toi. Je ne comprends pas trop, mais j'ai envie d'être près de toi.
C'était tellement horrible à entendre. Et Draco ne pouvait rien faire. Rien pour rendre sa vie à Harry ou pour s'empêcher de dégager cette attraction. Si seulement il le pouvait.
Leur professeur fit taire les conversations et se lança dans son cours. Sur son siège, Draco n'arrêtait pas de jeter des coups d'œil à Harry. Et à chaque fois, il le surprenait à le fixer. Fermant les yeux un moment, il ravala la boule qu'il avait dans la gorge. Il ne lui avait fallu que quelques secondes pour lui faire cet effet, c'était affolant.
- Harry, souffla-t-il au milieu du cours.
- Hm ?
Curieux, le garçon tourna la tête vers lui. Draco essaya de trouver le courage de lui dire ça. C'était beaucoup plus dur que ça en avait l'air.
- Je sais que tu veux être proche de moi, mais…
- Mais quoi… ? Demanda Harry, la voix étranglée.
Voilà pourquoi c'était particulièrement dur. S'il n'employait pas les bons mots, ou qu'il ne lui faisait pas comprendre correctement les choses, alors il irait probablement se jeter du balcon de la tour d'Astronomie.
- Tu veux bien me faire plaisir ? Quémanda Draco en se tournant vers lui.
Le regard d'Harry s'illumina et il hocha vivement la tête. Draco lui fit un petit sourire rapide. Si Harry avait été dans son état normal, il aurait pu déceler la mélancolie que laissait échapper Draco. Mais pour l'instant, il ne voyait que la beauté à l'état pur. Pour lui apporter un peu de joie, Draco s'approcha légèrement et lui sourit un peu plus. C'eut l'effet escompté. Le cœur d'Harry s'était mis à battre la chamade dans sa poitrine et son visage commençait à virer au rouge.
- Je voudrais que tu passes un peu de temps avec tes amis, révéla Draco.
- Pourquoi ?
Non. Il ne voulait pas. Pourquoi faire ?
- Et avec ton frère, ajouta le Serpentard.
- Pourquoi ? Redemanda Harry, comme un enfant.
Il ne voulait pas faire ça ! Il voulait rester avec Draco… Pourquoi il ne voulait pas de lui ? Draco balaya la salle des yeux et, quand il fut sûr que personne ne les regardait, il passa la main dans les cheveux d'Harry en lui souriant.
- Pourquoi je dois faire ça… ?
- Parce que tu comptes pour eux. Je ne veux pas qu'ils me détestent parce que tu restes tout le temps avec moi, tu comprends ?
Il comprenait, mais il n'y voyait pas l'intérêt pour autant.
- Je te laisserais rester avec moi autant que tu veux si tu me promets que, tous les jours, tu passeras un peu de temps avec tes amis et ta famille.
Puisqu'il n'avait pas vraiment le choix et qu'il ne voulait surtout pas renoncer à Draco, Harry accepta. Le Serpentard lui souffla un remerciement et se reconcentra sur leur cours. Harry, lui, commença à ruminer dans son coin. Qu'est-ce que ça voulait dire, exactement, « un peu de temps » ? Quelques minutes ? Une heure ? Plus ? La tête appuyée sur sa main, il tapotait le bout de sa plume contre son parchemin. Il n'en avait aucune, mais alors aucune, envie. Il s'ennuyait rien qu'à penser à ses amis.
En sortant de cours, Draco se tourna vers Harry et l'arrêta. Il voyait, derrière lui, ses deux meilleurs amis se diriger rapidement vers lui. Il n'avait pas spécialement envie de les confronter.
- Quoi ? Demanda Harry.
- Je n'ai pas le même cours que toi, rappela Draco. Alors va avec tes amis.
- Mais…
- Tu viens de me le promettre, Harry.
Draco lui fit un sourire avant de s'en aller rapidement. Il n'arrivait plus à réfléchir correctement. Il n'était même plus capable d'être lui-même à cause de ce qu'il avait fait. Pourquoi ne s'était-il pas enfermé ? Hermione arriva aux côtés d'Harry avant Ron. Elle posa sa main sur son épaule et chercha son regard.
- Harry ? Harry, ça va ?
Le garçon ne répondit pas, laissant le temps à son meilleur ami de se joindre à eux.
- Hey, c'est quoi ce bordel ? Demanda-t-il. Pourquoi t'es allé t'asseoir avec Malfoy ?
- Ça te regarde pas, répondit Harry.
Une jalousie venait d'éclore à l'intérieur de lui. Quelque chose de primitif et de violent le poussait à vouloir à tout prix protéger ce secret qu'il partageait avec le Serpentard. Personne ne devait savoir. Personne ne devait l'avoir. Personne, à part lui. Il devait être le seul à pouvoir admirer Draco. Hermione et Ron se regardèrent, perturbés par l'attitude d'Harry. Ils essaieraient de tirer ça au clair plus tard. Pour l'instant, ils devaient se rendre en cours.
Le seul problème, c'est qu'Harry n'avait jamais été aussi compliqué à gérer. Ils s'étaient à peine installés en classe qu'il s'agitait déjà. Ses jambes n'arrêtaient pas de trembler et son envie de partir se lisait sur son visage sans doute possible.
- Harry, calme-toi, lui chuchota Hermione.
- Je suis calme.
Il avait beau le dire, son ton et son attitude laissait penser l'exact opposer. Est-ce que Malfoy lui avait fait quelque chose ? Ça expliquerait peut-être pourquoi il s'était assis à côté de lui, un peu plus tôt. Voulant vérifier sa théorie, Hermione se tourna vers Ron et lui fit signe de se pencher.
- Ron, tu crois qu'Harry se comporte bizarrement à cause de Malfoy ?
- Tu penses qu'il lui a fait quelque chose ?
- Je ne sais pas… Mais il n'était pas comme ça hier soir.
- Et ce matin non plus, fit remarquer Ron. On verra ça plus tard.
La jeune fille acquiesça. Elle tourna le menton en direction d'Harry, qui ne s'était pas calmé d'un poil. Ça l'inquiétait vraiment. Ils auraient peut-être dû écouter Tommy plus tôt, quand il leur disait qu'Harry était bizarre ces derniers temps. Mais, d'un autre côté, Tommy était toujours persuadé que quelque chose n'allait pas avec Harry. Le cours avait été une véritable catastrophe. Harry n'avait cessé d'être agressif et impatient. Dès qu'ils avaient été libérés, il s'était enfui de la salle en courant.
- Alors là, c'est sûr, on lui a fait quelque chose, commenta Ron.
- Viens, on va essayer de trouver Malfoy et de tirer ça au clair.
- Ouais.
Sur le chemin de leur prochain cours, ils essayèrent de trouver Harry, mais pas moyen de lui mettre la main dessus. Où est-ce qu'il avait bien pu passer ?
Harry s'était en réalité rendu dans le bureau de Dumbledore, avec une idée très précise en tête. Il grimpa les marches deux à deux et déboula complètement essoufflé dans la grande pièce.
- Monsieur Potter, constata Dumbledore. Qu'est-ce vous faîtes ici ? Ne devriez-vous pas être en classe ?
- Monsieur, je veux changer de maison ! Exigea Harry.
- Changer de maison ? Pourquoi ?
- Je veux aller à Serpentard.
- Monsieur Potter, souffla le vieil homme en s'asseyant sur son fauteuil. Même si j'acceptais, je ne pourrais pas vous changer de maison.
Harry resta immobile, la bouche ouverte. Pourquoi ne pouvait-il pas changer ? Au fond, ça n'était rien de plus que d'immenses dortoirs !
Pendant ce temps, entre les étages de Poudlard, Hermione et Ron venaient de tomber sur Draco et s'étaient approchés à grands pas.
- Malfoy, arrête-toi, on doit parler ! Héla Hermione.
Le jeune homme s'arrêta et fit un tour sur lui-même. Le moment qu'il redoutait tant était en train de se produire. Pas qu'il craignait l'un ou l'autre d'une quelconque façon. Seulement, il ne pouvait pas leur dire ouvertement que si Harry allait le suivre partout, c'était parce qu'il était à moitié sirène. Ça, c'était une information qu'il gardait pour lui. Seule une poignée de personnes avaient le privilège de connaître son secret.
- Qu'est-ce que vous voulez ? Demanda Draco avec un soupir. Je n'ai pas le temps.
- Qu'est-ce que t'as fait à Harry ? Renchérit Ron.
- Pourquoi est-ce que vous pensez que c'est moi qui lui ai fait quelque chose, hein ?
Bon, en l'occurrence, c'était bien le cas, mais ça restait particulièrement blessant de se faire accuser de la sorte sans preuve.
- Parce qu'il était normal avant d'entrer en classe.
- Et donc ? C'est nécessairement ma faute ? Il a peut-être simplement voulu enterrer la hache de guerre ? Peut-être qu'il est juste plus dégourdi que toi, Weasley.
- Si tu lui as fait quelque chose, on veut le savoir, déclara Hermione.
- De toute façon, peu importe ce que je pourrais vous dire, vous resterez persuadé que c'est moi qui lui ais fait quelque chose. Donc ça ira beaucoup plus vite de vous snober.
Le rouquin se mit à bouillonner de l'intérieur, retenu par Hermione qui tentait de calmer la situation.
- On veut juste comprendre ce qui lui arrive, expliqua-t-elle. On ne veut t'accuser de rien.
- C'est pourtant ce que vous êtes en train de faire, cracha Draco. Si vous voulez savoir ce qu'il a, demandez-le-lui au lieu de venir m'emmerder.
- Surveille ta langue, Malfoy !
- Quand tu surveilleras ton haleine, Weasley.
Malfoy leur tourna le dos et s'en alla. Ça ne servait à rien de se prendre le bec avec eux. Surtout qu'Harry n'était pas là. Ce qu'il trouva bizarre.
Plus loin dans les couloirs, Draco s'arrêta et se mit à réfléchir. S'il n'était ni avec Weasley et Granger, ni avec lui, alors où est-ce qu'il était ?
