Draco commençait sérieusement à être effrayé par le chemin de réflexion qu'il avait emprunté. D'accord, jusqu'à présent il n'avait jamais beaucoup apprécié Potter. Que ce soit pendant leur enfance ou à l'école. Encore moins à l'école d'ailleurs. Avant qu'il ne devienne ami avec Weasley, il était encore à peu près supportable.

Quand il vit Blaise et Pansy passer juste à côté de lui, sans le remarquer, Draco saisit vivement le bras de son ami. Blaise se tourna, d'abord dans l'idée d'être insultant, avant de se raviser en voyant l'un des siens.

- Draco ?

- Si t'étais complètement obsédé par quelqu'un qui te rejette, tu ferais quoi ? Où est-ce que t'irais ? Demanda-t-il.

- Comment ça ? Je comprends pas, souffla Blaise, perdu.

- Obsédé comment ? Demanda Pansy.

- T'arrives pas à te contrôler, t'as un besoin viscéral d'être avec lui mais tu ne peux pas l'être tout le temps.

La jeune fille se mit à réfléchir.

- Bah, je crois que j'essaierai d'être avec elle en cours, commença Blaise.

- Et après ? Pressa Draco. Si vous n'aviez pas de cours en commun ?

Il ne voulait pas l'avouer, mais ne pas savoir où pouvait se trouver Harry lui faisait une peur bleue. Il ne voulait pas être responsable d'un malheur parce qu'il l'avait rejeté.

- S'il était dans une autre maison, j'essaierais peut-être de changer pour être dans la sienne, proposa Pansy.

Une illumination passa dans le regard de Draco.

- C'est ça ! Pansy t'es un génie ! Merci !

Les deux Serpentard virent ensuite leur ami partir en courant. Ils le trouvaient tous les deux particulièrement étrange. Il y avait quelque chose dans l'air ? Potter et maintenant Draco. Un jour à ne pas sortir du dortoir.

Bousculant bons nombres d'élèves dans les escaliers, Draco monta des dizaines et des dizaines de marches en courant, jusqu'à arriver dans le couloir où se trouvait le bureau du directeur. Alors qu'il faisait une pause devant la statue pour reprendre son souffle, il l'entendit bouger. Quelques secondes plus tard, Harry apparut devant lui, la mine abattue.

- Potter ! Cria Draco, le faisant sursauter.

Harry le regarda avec de grands yeux surpris. Draco avait l'air vraiment furieux. Est-ce qu'il était en colère contre lui ? Qu'est-ce qu'il avait fait ?

- Tu réalises à quel point tu viens de me faire peur ?! Continua Draco sur le même ton, entre deux respirations saccadées. Espèce d'abruti !

Ouvrant et refermant la bouche, Harry ne sut pas trop quoi dire pour sa défense. Il se sentait vraiment minable d'un coup, parce que Draco lui en voulait.

- Je te demande pardon, finit-il par dire, baissant le nez.

- Tu ne sais même pas pourquoi tu t'excuses…

Draco soupira et se frotta le front pour essayer de se calmer. Ce n'était pas juste de s'en prendre à lui, alors qu'il n'avait rien fait, au final. Quand il retrouva un souffle correct, il posa le regard sur Harry. Il avait toujours le regard fixé sur ses chaussures. S'approchant doucement, Draco lui releva le menton d'un doigt. Harry avait les larmes aux yeux et la mâchoire serrée, il l'aurait parié. Se le reprochant intérieurement, Draco prit sur lui.

- Tu es allé voir Dumbledore pour changer de maison, pas vrai ?

Harry détourna le regard. Il se doutait que ça ne lui plairait pas vraiment, mais il n'y pouvait rien. Même s'il essayait, il n'arriverait pas à vouloir autre chose qu'être avec Draco. Il avait besoin de lui pour vivre. Ça paraissait fou, après seulement quelques heures.

- Harry, appela Draco d'une voix douce.

- Oui, admit-il d'un murmure.

Draco avait une soudaine envie de se frapper la tête contre un mur, de hurler de toutes ses forces. Il aurait préféré ne pas naître, si c'était avec une telle emprise sur les autres.

- Qu'est-ce qu'il a dit ? Reprit-il après quelques minutes de silence.

- Non…

La voix d'Harry s'était cassée dans sa gorge. Ne pas pouvoir être dans la même maison que celui qu'il aimait l'affectait d'une façon qui dépassait largement l'entendement. Même lui n'arrivait pas à comprendre à quel point il était important à la survie d'Harry. Il pourrait littéralement en mourir s'il ne le voyait plus, ou pas assez. Alors qu'Harry était sur le point de pleurer sa peine, Draco s'avança un peu plus vers lui.

- Approche.

Il passa l'une de ses mains dans les cheveux d'Harry et l'attira contre lui. Sa tête finie sur son épaule et il l'enlaça tendrement pour le réconforter.

- Tout va bien, lui murmura-t-il à l'oreille en caressant ses cheveux.

Harry passa ses bras autour de sa taille et le serra doucement, retenant ses larmes du mieux qu'il pouvait. Il écoutait Draco lui dire que ça allait, et il voulait y croire, mais il aurait tellement voulu pouvoir aller à Serpentard. Pouvoir passer plus de temps avec lui.

- C'est pas grave, Harry, continua Draco.

- Mais je…

Harry laissa échapper un sanglot et le serra un peu plus fort. Draco en fit de même, le cœur serré. Il avait tellement mal de le faire autant souffrir.

- Écoute-moi, reprit-il. Peut-être que Dumbledore ne veut pas que tu changes de maison, mais ça ne veut pas dire que tu ne peux pas venir.

N'étant pas sûr de comprendre, Harry se décolla et plongea son regard dans celui de Draco. Ses larmes avaient fait rougir ses yeux et il se mit à renifler légèrement. Étirant sa manche, Draco essuya ses joues et fit son possible pour lui faire un sourire rassurant.

- Je vais te donner notre mot de passe, et si tu me promets de ne pas en abuser, je te laisserais venir.

- Autant que je veux ? Demanda Harry.

- Autant que tu veux, confirma Draco.

- Même si je veux dormir avec toi ?

Sur le coup, Draco ne sut quoi dire. Il aurait dû le voir venir. Ça ne faisait même pas un jour et Harry en était déjà là… Soit il était particulièrement sensible à ses charmes, soit il était dans un état psychologique instable. Vu ce qu'il avait cru comprendre avec les bouts de conversations qu'il avait pu entendre, il penchait plus pour la seconde option.

- Tu veux pas ? Comprit Harry.

Ses yeux se mirent à nouveau à déborder de larmes.

- Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, répondit Draco en essuyant les nouvelles. Tu pourras. Mais seulement si tu dors dans ton dortoir au moins une fois par semaine.

- Pourquoi y'a toujours un compromis ?

- Parce que c'est comme ça, sourit Draco.

En vérité, il ne voulait pas de tout ça. Il se forçait. Mais c'était sa faute si Harry était aussi obsédé par lui, même après moins de vingt-quatre heures. Alors, il pouvait au moins faire en sorte de ne pas le couper totalement du monde. Il n'arriverait probablement jamais à comprendre comment ses congénères aquatiques faisaient pour attirer volontairement les humains dans leurs filets. Lui, il l'avait fait quelques fois sans le savoir, ni le vouloir, et une seule fois en étant conscient de ce qui se passait. Cette seule fois suffisait à le briser totalement. Ça brisait absolument tout. Son cœur, son âme, ses certitudes, ses principes.

- Arrête de pleurer, demanda gentiment Draco.

- Je t'aime, répondit Harry avec un reniflement.

- Je sais.

Draco s'approcha et l'embrassa sur la joue. Il savait que ça suffirait largement à le faire se sentir mieux. Maintenant qu'Harry ne pleurait plus, il le reprit dans ses bras et le berça de longues minutes.

Pendant qu'il s'évertuait à le réconforter, Draco réfléchit à plusieurs choses. Il arriverait peut-être à rendre ses esprits à Harry. Après tout, ça ne serait pas le premier à être désenvoûté, même si ça prendrait un peu de temps. Il pensa aussi au fait que si Harry continuait à le coller sans cesse, en lui déclamant probablement son amour à longueur de journées, il finirait peut-être par succomber.

Le soir même, Harry s'était faufilé hors de la tour Gryffondor, après l'heure du couvre-feu, pour aller chez les Serpentard. Draco, qui n'était pas assez bête pour croire qu'il ne saisirait pas l'opportunité, l'avait attendu dans un fauteuil de la salle commune. Dès qu'Harry avait retiré sa cape, il l'avait pris par la main et l'avait emmené dans son dortoir. Les autres garçons avaient râlé, refusant catégoriquement que le Gryffondor partage leur dortoir, mais Draco avait su se faire entendre. Harry avait dormi avec lui, dans son lit, la tête posée contre son cœur pendant que le Serpentard lui caressait les cheveux.