Ruptures d'un processus linéaire
Générique inchangé – droits d'auteur préservé, relectures toujours assurées par Alixe et Vert… RAR à ceux qui se loguent ou dont j'ai le mail… Merci à tous ceux qui laissent des traces dans la neige……….
34 – les deux faces du joker
L'ancien Maître des Potions de Poudlard pénétra dans le Magenmagot de la même manière qu'il était, pendant des années, entré dans le donjon où il enseignait son art à des élèves terrorisés : la tête haute, le cheveu gras, sa robe drapée autour de son corps sec, le pas sonore et décidé.
Pourtant, Harry se surprit lui-même en voyant immédiatement les différences : les épaules étaient légèrement voûtées, le cheveu avait blanchi, la coupe de la robe trahissait son âge, le pas n'était plus aussi rapide.
Rogue aussi avait vieilli.
Le constat tomba sur Harry comme une révélation.
Mais l'homme ne marqua même pas une hésitation quand il passa devant la table où Harry et son défenseur étaient assis. Pas un regard, pas un arrêt. Comme quoi la révélation est une expérience individuelle, songea Harry, invoquant toutes ses défenses émotionnelles.and il passa devant la table où Harry et son défenseur étaient assis. ion.
Pénélope se leva immédiatement et se dirigea vers le centre du tribunal, plusieurs parchemins couverts de notes à la main. Ses pas pressés, son regard avide ne laissaient pas beaucoup de doute sur ses intentions. Harry ressentit un profond dégoût, mêlé de peur, pour tout le processus et il soupira pour les éloigner de sa conscience immédiate.
Justin traça sur la feuille blanche devant lui : « trop vite ! ». La partie la plus lucide de Harry essaya de faire confiance à l'expertise de l'avocat et de ne pas croire la partie jouée par avance. Pourtant dans ses premières réponses, Severus Tobias Rogue se laissa guider apparemment sans résister par Pénélope : il avait été un élève brillant à Poudlard, un Maître des Potions encore plus brillant et maintenant un expert indépendant respecté. Autant pour les trous : les années auprès de Voldemort, les raisons de son départ de Poudlard après la mort de Dumbledore ! - songea Harry avec ressentiment.
« Ce tribunal vous remercie de consacrer un peu de votre précieux temps, professeur Rogue, à cet exercice de vérité », annonça respectueusement Pénélope. « Votre nom a été cité plusieurs fois pendant ce procès par différents témoins et il nous a paru difficile de continuer sans vous. »
Rogue parut entièrement partagé son avis et Harry dut faire appel à tout son empire sur lui-même pour ne pas physiquement fuir la suite des débats. Il ne voulait pas entendre que les Maraudeurs avaient été insupportables, cruels et suffisants, ni que lui-même avait été un élève médiocre et prompt à la désobéissance… Il ne savait pas s'il serait capable d'écouter un nouvel étalage des griefs – pas tous infondés – de Rogue sans le transformer immédiatement en chauve-souris !
Le projet
lui fit penser à Ginny qui avait toujours tenu cette méthode
comme la meilleure réponse possible à ceux qui
l'embêtaient et, par un enchaînement d'idées,
les appels au calme et au stoïcisme que Hermione, Ginny et
Parvati lui avaient prodigué toute la soirée de la
veille revinrent en force.
« Harry, tu as fait le pire
maintenant », lui avait raisonnablement assuré la
première, les yeux brillants.
« Tu peux pas nous
faire ça maintenant, Harry », avait plaidé
la seconde, « pas au moment où Percy lui-même
commence à douter de ses choix ! »
« Et
puis, si ça marche pas, il nous restera notre jardin, Harry.
Il nous restera à être justes envers nous même,
mais au moins, on ne regrettera rien ! » - avait
conclu un peu solennellement la troisième.
Elles ont
toutes les trois raison, se répéta Harry, et il sentit
son cœur se calmer un petit peu. Ça fonctionna la
demi-seconde qui précéda la trop prévisible
question suivante de Pénélope :
« Vous étiez élève à Poudlard en même temps que Sirius Black, n'est-ce pas ? »
Harry sentit aussitôt le pessimisme le plus profond l'envahir et le glacer aussi sûrement qu'un troupeau de Détraqueurs. S'il y avait une chose que Severus Rogue ne semblait jamais avoir su dépasser dans sa vie, c'étaient les humiliations que les Maraudeurs lui avaient fait subir à Poudlard.
« Oui », répondit sèchement Rogue, le visage plus sec qu'une lame de couteau.
« Vous n'étiez pas proches ? » s'enquit Pénélope avec telle anticipation positive qu'elle semblait devenir palpable autour d'elle. De nouveau, Harry eut envie de vomir.
« Je dirais plutôt que j'étais trop proche de lui et de ses petits amis pour mon propre confort, Maître », répondit Rogue, toujours satisfait de ses propres jeux de mots. Il condescendit néanmoins à l'expliciter avant que Pénélope ne le lui demande : « Sirius Black avait tendance à penser que j'avais été mis sur terre pour être son souffre douleur… »
Il n'était évidemment pas de réponses qui auraient pu plus plaire à Pénélope Deauclaire. Elle invita l'ancien Maître des potions à développer cette image sombre d'un jeune Black suffisant, arrogant et violent. Ça faisait évidemment bien dans le portrait de futur traître et assassin, estima Harry, le sang bouillant dans ses veines.
« On nous a dit durant ce procès que son petit groupe d'amis avait réussi à devenir en cinquième année des Animagus », demanda Pénélope, clairement dubitative dans sa voix. « Cela vous semble possible ? »
Rogue haussa les épaules.
« Je l'ignorais à l'époque, mais vu leur inconscience du danger et leurs indéniables qualités de sorcier », expliqua-t-il à une Pénélope qui acquiesçait d'avance, « ceci n'est ni étonnant, ni impossible… Ils ne manquaient même pas d'une bonne raison pour le faire – si jamais ils en avaient eu besoin pour se lancer dans un projet aussi dangereux et inconsidéré ! »
Déstabilisée par les doubles sens contenus dans les propos de Rogue, Pénélope cilla et lui demanda ce qu'il voulait dire - question qui fit lever les yeux au ciel de l'interpellé.
« C'est, après tout, une des seules solutions pour fréquenter sans risques trop importants un loup-garou », expliqua-t-il de ce ton sec et méprisant qui résonna dans la tête de Harry – comme dans celle de tous ses anciens élèves – comme un mauvais souvenir. Pénélope s'empourpra d'ailleurs furtivement.
« Vous parlez de Remus Lupin ? » demanda-t-elle plus timidement que précédemment.
« Jusqu'à preuve du contraire, même Dumbledore n'a pas été assez optimiste pour accueillir plusieurs lycanthropes à Poudlard en même temps ! » - rétorqua l'ancien Mangemort en se drapant dans un rictus hautain.
Pas de limite n'est-ce pas ? - songea Harry avec rage : moquons nous de Lupin, lâchons Dumbledore ! Il fut furtivement heureux que le lycanthrope ait jugé « plus délicat de sa part de ne pas provoquer Rogue par sa présence ». Au moins, cette humiliation lui serait épargnée !
« Vous étiez au courant de… sa condition, à l'époque ? » hésita presque à poursuivre Pénélope
Harry trouva la mise en scène détestable. La suite était trop évidente. Rogue allait se faire un plaisir de raconter que Sirius l'avait jeté dans la gueule du jeune lycanthrope ! Après avoir démoli l'hypothèse même d'une innocence de Sirius, il allait salir l'image d'un loup-garou soumis à la communauté magique ! C'était la fin et Pénélope ne pouvait que le savoir ! De nouveau, il se réconforta en se rappelant que de tous les protagonistes de cette aventure malheureuse, seules Luna et Hermione étaient dans le public. Parvati et Ron étaient en service et Harry avait réussi au dernier moment à décourager Dudley et Tamara de venir.
« Il ne faut pas être un mage exceptionnel pour coller ensemble les disparitions chroniques de Lupin à l'infirmerie, tous les 28 jours, son excitation les jours précédents les pleines lunes ou sa fatigue les jours suivants et sa condition J'ai eu des doutes relativement tôt», répondit Rogue, avec une complaisance hautaine. « Un cours de défense contre les forces du mal où nous avons dû tour à tour affronter un épouvantard a fini de me convaincre : qui d'autre qu'un loup-garou aurait peur de la pleine lune ? »
L'exposition des détails de la vie d'un lycanthrope fit chuchoter le public, mais Harry était trop saisi par le tour de la conversation pour réfléchir au fait que la plupart des sorciers ignoraient ce que Rogue venait de poser comme une évidence. Rogue avait choisi de mentir, sûrement et délibérément à Pénélope. Peut-être que ce n'était pas un vrai mensonge…sans doute Rogue avait-il eu des doutes : Sirius avait évoqué le fait qu'il leur tournait beaucoup autour, qu'il les espionnait… mais il mentait par omission : il avait vu Remus transformé et avait failli y laisser la vie et ça, il le taisait.
Harry se sentit dépassé par les implications de ce silence, mais Justin chuchota : « si tu lui faisais confiance, Harry ? »
« Est-ce qu'éviter le pire est suffisant ? » répondit Harry sur le même ton et Justin haussa imperceptiblement les épaules, comme pour dire qu'il abandonnait Harry à son pessimisme méthodologique.
« Vous suggérez donc que… Sirius Black et ses amis ont fait cela pour….pour être plus proches de Remus Lupin ? » - demanda Pénélope visiblement moins convaincue de tenir le bon fil directeur, mais laisser s'installer le silence aurait été de mauvaise politique.
« Je ne sais pas s'ils ont fait ça par humanité, par amitié pour lui, comme ils ont sans doute aimé à le penser, ou par pur mépris pour les règles de Poudlard, voire par simple orgueil, Maître », commenta Rogue, son ressentiment pour les Maraudeurs clairement affiché, « mais … quand le professeur Dumbledore m'a révélé, plus tard, que Sirius Black se transformait en chien, je me suis toujours demandé ce que le vieux Black aurait pensé du choix de son fils ! »
Le cœur de Harry s'emballa à l'attaque contre son parrain, mais son esprit fut assez fort pour objecter : regarde, Harry, regarde donc, il confirme qu'ils sont Animagus, il invoque Dumbledore… sans y être obligé ! La première fois passe encore mais là….Son cœur eut un peu de mal à y croire mais pourtant le double discours continuait depuis suffisamment de temps maintenant pour que le doute soit permis. Rogue n'était peut-être pas venu pour régler ses comptes avec les Maraudeurs ou avec Harry.
« Dumbledore ? » interrogea d'ailleurs Pénélope avec précaution.
Le regard sombre de Rogue était un miroir parfait quand il commença à formuler sa réponse :
« Vous pensez bien, Maître, que les évènements de cette nuit de 1994 m'ont beaucoup posé question à moi aussi. Même si les premières observations semblaient les contredire, même si je n'ai pas personnellement assisté à la transformation de Peter Pettigrow, je me suis interrogé sur la véracité des affirmations du jeune Potter et de ses camarades – surtout qu'elles correspondaient à celles de Lupin… »
Il s'interrompit brusquement comme si, maintenant encore, il réfléchissait à la possibilité que Harry et Remus aient eu raison. Ledit Harry en eut le souffle coupé. Pénélope n'osait pas l'interrompre et sursauta presque quand il reprit d'un ton plus rageur :
« Il faut dire que, pour moi, Sirius Black et James Potter, étaient tellement proches et interchangeables que la trahison du premier m'a toujours paru extrêmement… »
Volontairement ou non – Harry aurait été bien en peine de le dire – il ne termina pas cette nouvelle phrase mais en commença une autre :
« Entendons-nous bien, Black n'a jamais été un saint mais s'il respectait quelqu'un, me semblait-il, c'était James Potter… »
Le nom de son père saisit Harry – il se rendit brusquement compte que Rogue ne l'avait pas nommé avant – comme s'il avait évité volontairement le sujet. Pendant que Harry pesait les implications de cette possible stratégie, Pénélope fit quelques pas pour digérer l'information qu'elle n'avait pas sollicitée.
« Nous pouvons aussi pensé que Sirius Black n'a pas eu d'autre choix…pour préserver sa propre vie », proposa-t-elle dans une tentative un peu bancale pour reprendre le contrôle de la conversation. Harry ressentit très intimement l'ironie qui faisait que Pénélope se serve des propres mots de Queudever pour justifier une trahison infâme.
« Il est facile de convenir que Lord Voldemort a accompli de plus grands prodiges que de retourner un homme contre ses propres amis », convint aimablement Rogue.
Pénélope acquiesça et allait reprendre, mais le Maître des potions la dépassa sur son propre terrain : « Je me suis aussi plus prosaïquement demandé comment Black avait pu s'enfuir de Poudlard, un lieu particulièrement bien protégé comme vous le savez tous… C'est en partageant ces interrogations avec le professeur Dumbledore, que ce dernier m'a appris les qualités d'Animagus de Black… Ce qui explique aussi en partie son évasion d'Azkaban »
Justin traça un nouveau petit trait dans le coin droit de sa feuille ce que Harry savait une comptabilité des points marqués. Son cœur accéléra dans sa poitrine mais pour de nouvelles raisons que la crainte. Il repensa à ce que Justin avait sous-entendu pendant des mois : Rogue est un témoin ingouvernable, un joker explosif… Pénélope l'apprenait visiblement à ses dépends. Et il était relativement peu probable qu'elle lui jette maintenant son passé de Mangemort à la figure – désavouer son propre témoin aurait tenu du suicide.
Putain de Justin, songea Harry avec une réelle admiration qui lui donnait l'envie folle d'éclater de rire et de partager sa joie avec tous les spectateurs attentifs.
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« Professeur, professeur ! »
L'ancien Maître des Potions de Poudlard se retourna très lentement comme à contrecoeur. Il est vrai que, pour lui, cette potion-ci doit être un peu amère, songea Harry sur les talons de Hermione. C'était la jeune femme qui avait insisté pour qu'ils retrouvent leur ancien professeur dans le dédale du Magenmagot où il cherchait à échapper aux journalistes : « Enfin, Harry, tu ne peux pas le laisser partir comme cela ! Pas après ce qu'il vient de dire, de faire, de reconnaître ! Comment peux-tu encore avoir de la rancœur contre lui ? »
Harry l'avait suivie – combien de fois avait-il réussi à dire non à Hermione ? Il n'était pas sûr d'atteindre son cinquième doigt ! – mais il n'était pas pour autant sûr que ce soit une bonne idée. D'abord parce qu'il doutait sincèrement que leur ancien professeur n'apprécie la démarche à sa juste valeur – pas après les aveux que Justin lui avait arrachés.
Ensuite, parce qu'il n'était pas convaincu lui-même de souhaiter réellement le remercier. Il était clair que l'ancien Mangemort était venu uniquement pour régler ses comptes avec Fudge et peut-être avec son passé ; on ne remercie pas quelqu'un qui effectue son propre chemin de croix !
« Attendez, professeur, s'il vous plaît ! » insista encore Hermione, reprenant sa course.
« Granger » l'accueillit froidement Rogue. « Je vous croyais en Amérique ? Ils se sont déjà fatigués de vous à Salem ? »
Hermione marqua une hésitation bien compréhensible – sans doute ne s'attendait-elle pas à ce qu'il soit au courant de sa carrière universitaire ; Harry lui trouvait ça relativement surprenant – mais Hermione restait une Gryffondor :
« Je suis venue pour le procès… » - avoua-t-elle.
« Evidemment ! » éternua Rogue. « Tenir la main de Potter ! Encore et toujours !»
« Je ne suis pas sûre que Harry ait eu besoin que quiconque lui tienne la main », répliqua immédiatement Hermione – et Harry se demanda fugacement si elle ne s'adressait pas plus à lui qu'à leur ancien professeur, « mais ce n'est pas parce qu'il ne s'agit ni de mes parents, ni de mon parrain que… »
« L'histoire de Potter est un peu la nôtre », persifla Rogue comme si Harry n'avait pas été à trois pas.
« Ça me paraît très vrai, professeur », objecta doucement Hermione.
Rogue soupira bruyamment et lui demanda sourdement :
« Et vous trouvez que votre ami Finch-Fletcher ne s'est pas suffisamment fait un vrai plaisir de me le rappeler ? Il faut que vous me pourchassiez dans les couloirs ? Qu'est-ce que je n'ai pas encore dit ? Une retenue qui vous serait restée en travers de votre délicate gorge ? »
Harry grimaça. Il était vrai que Justin n'avait pas épargné l'ancien Mangemort. Bien sûr, c'était un contre-interrogatoire d'un témoin présenté par la partie adverse mais… Harry ne pensait pas possible que Rogue se soit attendu à ça !
Quand Rivers avait demandé à Justin s'il avait des questions supplémentaires pour le témoin, que Pénélope avait fini de faire discourir ab nauseam sur le caractère violent de Sirius Black, l'avocat de Harry avait d'abord semblé hésiter. Il s'était mis lentement sur ses pieds, comme s'il réfléchissait encore à une stratégie, et avait murmuré :
« Juste trois questions, peut-être… »
Pourtant, Harry le voyait bien sur ses notes, les trois questions étaient là depuis le début et n'avaient rien de points de détails.
« Professeur Rogue », avait commencé Justin, « vous avez plusieurs fois aujourd'hui indiqué la confiance que le professeur Dumbledore vous faisait. »
« Je pense que les 25 années passées auprès de lui à Poudlard… »
« A Poudlard, vous avez toujours été Maître des Potions, n'est-ce pas ? » l'avait un peu rudement interrompu l'avocat.
« Oui »
« Pourtant, je me rappelle… et je suis sûr que mon estimée collègue s'en rappelle aussi, à chaque rentrée, la rumeur courrait que vous briguiez le poste de Défense contre les forces du Mal », avait continué Justin, causant autant de dégâts en quelques secondes que les indomptables balles rebondissantes des jumeaux Weasley.
Severus Rogue avait eu l'air d'avoir avalé un parapluie très long qui lui aurait allongé le visage et le cou quand il répondit avec une sècheresse extrême :
« Je ne suis pas là pour alléguer de rumeurs »
« Pourtant, vous êtes là, nous sommes tous là, pour juger de rumeurs », avait objecté calmement Justin. « Sirius Black aurait trahi les Potter, Sirius Black aurait été violent depuis sa plus tendre enfance, vous auriez été un Mangemort… »
Les mots résonnèrent incroyablement dans le prétoire plus que silencieux. Harry lui-même sentit qu'il avait la bouche ouverte de surprise. Sur la feuille de Justin la première question était : Dumbledore. Il n'avait jamais imaginé que Justin aborderait la question de cette façon là. D'ailleurs Rogue, avait lui-même semblé singulièrement décontenancé.
« Je…. »
« Ne vous méprenez pas, Professeur », reprit Justin, lui coupant de nouveau sans autre cérémonie la parole. « Je ne doute pourtant pas que le professeur Dumbledore vous ait tenu personnellement en grande estime, mais j'aimerais que vous éclairiez cette Cour sur les raisons de cette considération ! »
« Objection ! » avait alors crié Pénélope. « Nous ne sommes pas là pour juger de… pour mettre en cause le passé du Professeur Rogue ! »
« Je retirerais ma question si le témoin le demande », avait annoncé Justin sans quitter Rogue des yeux.
Rivers s'était franchement agacée du comportement de Justin :
« Ce n'est pas ainsi que les choses se passent dans mon trib… »
Mais Rogue l'avait ignorée pour annoncer d'une voix atone :
« Je vais répondre. »
Un silence épais avait immédiatement étouffé les murmures fiévreux qui avaient saisi la salle.
« Je… à ma sortie de Poudlard, beaucoup de mes amis ont été attirés par… recrutés par le Seigneur des Ténèbres et bientôt,… des propositions m'ont été faites… J'avais été un élève brillant, mais je venais d'une famille pure mais sans fortune… »
Rogue avait furtivement regardé Pénélope, qui l'écoutait la bouche ouverte confesser ce qu'elle avait prudemment tu, et Harry avait pensé à Percy Weasley. Est-ce que Rogue se sentait proche du fils d'Arthur ? Est-ce qu'il voyait un parallèle entre leurs expériences ?
« Même si j'étais entré au Ministère, la route aurait été longue, semée d'embûches et d'humiliations…j'ai été tenté… comment dire… d'accélérer les choses… »
« Vous êtes devenus Mangemort », conclut Justin, et le regard haineux que Rogue lança à l'avocat fit frissonner Harry, plus encore que s'il lui avait été personnellement adressé.
« Je me suis rapproché de ce cercle », le corrigea-t-il, et Harry avait eu un élan de pitié pour ces petits arrangements avec la vérité. Il semblait que si peu de gens pouvaient vivre avec la vérité ! « Mais j'ai très vite compris que… que ce n'était pas un projet que je pouvais soutenir. Malheureusement, je me sentais coincé… Comme je l'ai dit je n'avais ni famille connue, ni protecteur puissant et…en désespoir de cause, je suis retourné voir le seul homme que je croyais capable de m'entendre… »
« Albus Dumbledore », avait obligeamment complété Justin.
« Le professeur Dumbledore ne m'a pas déçu »
La fièvre gagna de nouveau les gradins de Mangenmagot comme une houle. Des gens s'exclamaient, d'autres se levaient… un brouhaha de tempête qui semblait descendre sur Harry.
« Vous êtes donc devenu Maître des Potions à Poudlard », reprit Justin avec une détermination palpable, « sans que Dumebldore ne vous demande rien en échange ? »
Rogue avait détourné brièvement la tête comme s'il craignait que la vue de Justin ne le fasse se saisir d'une si grande colère qu'il ne puisse se contenir.
« J'ai payé, Finch- Fletcher, j'ai payé ! » avait-il répondu d'une voix rauque. « Autant que Black, que Lupin ou que tout autre qui s'est fait broyé par notre chère communauté ! Oui, Dumbledore m'a accueilli, mais non, ça n'a pas été gratuit ! Qu'est-ce qui est gratuit ? Est-ce que vous travaillez pour rien ; pour l'histoire avec un grand H, Finch-Fletcher ! »
L'interpellé n'avait pas réagi, n'avait même pas ciller, mais Rogue avait repris avec la même agressivité.
« Oui, Dumbledore m'a demandé de garder des contacts avec mes anciens amis… de lui rapporter le maximum d'informations sur leurs projets… même pendant toutes ces années, où nous l'avons cru disparu… »
« Vous parlez de Lord Voldemort ? » - avait demandé Justin pour la forme.
« De qui d'autres pourrions nous parler ? » avait craché Severus Rogue, visiblement proche de sa limite de contrôle sur lui-même.
Justin s'était contenté d'acquiescer, changeant légèrement de position comme pour indiquer qu'il allait aborder un autre sujet.
« Est-ce qu'un de vos contacts a jamais fait allusion à Sirius Black comme celui qui avait effectivement rendu la fin des Potter possible ? »
« Non, Maître… jamais… mais en fait, personne ne savait qui avait renseigné le Seigneur des Ténèbres car, lui-même, avait disparu. »
La pique n'avait pas semblé affecter Justin outre mesure – il prend cela pour un réplique de bonne guerre, avait estimé Harry. L'avocat avait continué, calme et précis :
« Est-ce que Sirius Black a rejoint les Mangemorts après son évasion d'Azkaban et de Poudlard ? »
« Pas à ma connaissance… selon mes informateurs, tout le monde se félicitait même qu'il soit devenu l'ennemi public numéro un et qu'il détourne l'attention des Aurors », avait reconnu Rogue avec plus de calme qu'auparavant.
«Selon les mêmes sources, avez-vous jamais entendu parler d'un certain Peter Pettigrow ? »
Severus avait longuement regardé Justin avant de répondre :
« Peter Pettigrow a été, selon certains, celui qui a permis au Seigneur des Ténèbres de retrouver son corps… Potter a dû vous raconter cela, puisqu'il a assisté à cette… renaissance… Ce que je peux attester, c'est que Pettigrow ou Queudever comptait dans les rangs des Mangemorts après cette date… »
« Je crois, professeur, que je n'ai plus de question », avait conclu Justin comme on dépose les armes.
Alors, Harry ne pouvait pas réellement s'étonner que Rogue soit agressif après que ses secrets les mieux cachés aient été rendus publics de manière aussi brutale. Il doutait que Hermione, elle-même s'en étonne.
« Justement professeur, je… » - reprit celle-ci
« Ne m'admirez pas, Granger, je ne demande rien : ni absolution, ni remerciements, ni admiration, rien ! Il y a longtemps que j'ai cessé de me soucier du regard de mes contemporains ! » - l'interrompit Rogue, sa hargne intacte.
Sentant son amie désarmée, Harry s'avança :
« Professeur, moi aussi je… »
« Vous aussi, Potter, vous seriez bien inspiré de cesser de chercher l'approbation générale ! A moins que fort de votre petite célébrité, vous ne vous présentiez au poste de Fudge ! »
« Vous savez très bien que rien ne m'intéresse moins que le poste de Fudge », lui opposa calmement Harry. Etonnamment, Rogue se tut.
« Vous croyiez que vous serez comme lui, n'est-ce pas ? » demanda-t-il avec un dépit épais, « que vous arriverez un jour à sa cheville ? »
« De qui parlez-vous ? » souffla Hermione.
« Il parle de Dumbledore », répondit Harry et, pour la première fois, ses yeux rencontrèrent directement ceux de l'ancien Maître des Potions. Ce contact visuel lui rappela évidemment de douloureuses et trop fréquentes séances de légilimancie. Mais il sentit autre chose, quelque chose qu'il avait du mal à définir. Non, il ne pouvait pas dire qu'ils se comprenaient – il y aurait des compromis que Harry ne pourrait jamais comprendre ; il y avait des parentés que Rogue ne saurait jamais oublier, mais l'ambition que Dumbledore avait eu pour eux les rapprochait.
Cet instant de communication silencieuse ne dura pourtant pas car, du bout du couloir, Justin les apostropha :
« Harry ! Hermione, on vous cherchait partout ! »
Harry se retourna donc pour voir qui était « on » et vit, légèrement plus petit que son avocat mais tout aussi soigneusement vêtu, Vivien de Lusignan.
« Il n'aurait pas été aussi complaisant avec la presse », chuchota Rogue comme s'il avait lu les pensées de Harry avant même que celui-ci ne les formule objectivement.
« Mais, comme vous l'avez fait remarquer, professeur, je ne lui arrive pas à l'orteil », répliqua Harry, avec le sentiment de refaire une crise d'adolescence.
« Professeur Rogue ! » s'exclama alors Vivien, « c'est inespéré, j'adorerais… »
« Non », répondit sèchement l'interpellé.
« Mais », insista le journaliste, « Harry vous dira que je suis complètement de votre cô… »
« Mais, moi, monsieur, je ne suis du côté de personne », répondit sobrement Rogue. Sans laisser le temps à personne d'ajouter quoi que ce soit, l'ancien Mangemort leur tourna le dos et s'éloigna résolument. Même Hermione ne fit rien, cette fois, pour l'arrêter.
« Eh bien, et moi qui te trouvais trop fort, Justin, d'avoir laissé croire à Deauclaire qu'elle tenait son témoin ! » commenta le journaliste un peu surpris.
« Personne ne tient Rogue », affirma Harry, avec une conviction soudaine, « ni Pénélope, ni Justin, ni Dumbledore, ni même Voldemort… »
« C'est le propre des jokers », glissa Justin avec un sourire fatigué.
« Et on sait ce que tu penses des jokers », lui sourit Harry, tout aussi épuisé.
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Fin du juridico-juridique... Le prochain sera politico-médiatique et un peu amoureux…. Il s'appellera selon toute vraisemblance : A qui sait attendre
Je vais pas vous dire que pour le poster, il me faudra avoir écrit la suite, vous le savez déjà !
