Ruptures d'un processus linéaire
Que les royalties aillent à ceux qui les touchent et que mes remerciements touchent Alixe qui est toujours là pour me faire aller de l'avant….
35 - A qui sait attendre…
On était revenu à la case attente : attente des plaidoiries finales, attente de la réaction du Ministère, attente du verdict, attente…
Mais, Justin avait d'autres affaires, Ron ou Parvati travaillaient, Hermione avait son déménagement et sa thèse… Harry lui attendait. Il avait même l'impression que sa vie ne se résumait qu'à cela : attendre… Comme si on lui imposait sur le tard une patience qu'il n'avait jamais su maîtriser.
Quand l'attente était devenue insupportable, Harry avait d'abord trouvé refuge auprès de Remus, Hope et Melyor – mais il en vint à se dire qu'il imposait aux trois loups-garous un rôle bien cruel de consolateurs. Remus attendait autant que lui le résultat de leurs démarches, et le voir tant douter lui était sans doute pénible – non qu'il s'en plaignit, mais ça ne changeait rien. Hope n'était que sympathie, mais elle se démenait dans suffisamment de problèmes quotidiens pour n'avoir pas à supporter les interrogations métaphysiques de Harry sur le sens de sa vie. D'ailleurs Melyor avait fini par lui dire sans détour : « t'as pas grand-chose à perdre quand même, Harry… au pire, tu devras peut-être t'éloigner un peu, mais tu en as les moyens… non ? »
Alors Harry essayait d'attendre chez lui ou il errait dans le Londres moldu – depuis qu'une journaliste bulgare l'avait débusqué au stade de Wimbledon où il était allé voler avec la complaisance de Melyor et de son chef, il avait décidé qu'aucune activité magique ne lui était possible avant le verdict – pour autant qu'elles le redeviennent par la suite.
Il passait donc l'essentiel de ses journées à réviser la partie théorique de son test d'Auror de juin – test qui lui paraissait un peu hypothétique, mais il était arrivé à se convaincre qu'il avait déjà accompli suffisamment de choses hypothétiques dans sa vie pour y croire encore.
Harry se rendit d'ailleurs compte pendant ces journées qu'il ne se posait même plus la question de s'il voulait faire cela ou pas. Il semblait avoir finalement fait sienne la conviction que Justin. Quelque soit l'issue, il ne pourrait plus se contenter de se fondre dans la masse : soit il serait un Auror efficace qui grimperait des échelons, soit il devrait songer à une complète reconversion.
Fort de cette certitude, il révisait parce que c'était ce qui semblait le mieux à faire jusqu'au verdict et, chaque jour, en attendant le retour de ses amis.
Ce fut Ron qui rentra le premier ce soir-là. Sans hésitation, il alla directement dans la chambre de Harry, sûr de le trouver sans ses bouquins.
« T'es tout seul ? » s'étonna ce dernier.
« Parvati est restée à la division, une arrestation compliquée… désolé », répondit Ron en s'effondrant tout habillé sur le lit d'Harry.
« Mauvaise journée ? » demanda celui-ci avec la crainte immédiate et immense que son ami ait encore eu à faire face à des choses qui ne lui seraient pas arrivées s'il n'était pas en relation avec le Survivant.
« Heu… on est resté trois heures en planque sous la pluie pour chopper un réseau de diffusion d'objets de magie noire rue des Embrumes… quand on a décidé d'intervenir, on a découvert qu'ils disposaient d'un putain de labyrinthe en sous-sol pour se cacher ! Plein de saloperies de toutes sortes ! On aurait cru une épreuve de l'Académie ! »
« Eh bien, ça devait être rigolo », décida Harry qui aurait bien échangé des interviews, des discussions juridiques, des auditions au Magenmagot et des révisions théoriques pour un peu de défense appliquée contre les forces du Mal.
Ron releva la tête, le sourcil arqué et secoua la tête :
« T'es malade, Harry ! Personne ne peut trouver rigolo d'affronter d'affilée trois épouvantards ! »
« Non, bien sûr », s'excusa Harry.
« Enfin, on en a choppé la plupart », annonça Ron avec satisfaction.
« Super ! »
Ron ne réagit pas autant qu'on n'aurait pu s'y attendre à cet étalage de bonne volonté amicale. Il resta allongé sur le lit de Harry, les yeux perdus sur les livres étalés sur le bureau avant de finalement s'asseoir pour déclarer :
« J'ai rompu avec Tamara. »
« Quoi ? » balbutia Harry, plus surpris par la manière brutale dont son ami lui annonçait ça que par le dénouement lui-même. « Quand ça ? »
« Ce matin, au petit-déjeuner, chez elle. »
« Vous vous êtes disputés ? »
« On a rompu », le corrigea Ron.
« Mais… pourquoi ? »
« Elle m'a reproché de ne plus faire attention à elle depuis que Hermione était revenue : je lui ai dit qu'elle avait malheureusement raison, mais que j'étais incapable d'aimer une autre fille qu'Hermione. Elle a pleuré et elle m'a dit de foutre le camp. »
Ron avait énoncé ça comme il aurait lu le journal – pas plus d'émotion. Harry ne savait pas quoi dire.
« Tu as revu Hermione ? » demanda-t-il finalement.
« Un peu », avoua Ron.
Harry inspira pour se donner du courage.
« Et elle… »
« Je m'en fous qu'elle soit prête ou non, ou – comment dit-on déjà ? – qu'elle partage mes sentiments ou pas ! La vérité est que je ne pourrais jamais aimer personne d'autre comme je l'aime elle ! » - l'interrompit Ron en sautant sur ses pieds comme pour souligner sa conviction. « Dire ou faire croire le contraire serait mentir ! »
L'aveu ne surprenait pas réellement Harry. Il avait été aux premières loges de la naissance et du développement d'une relation plus qu'amicale entre ses deux meilleurs copains. Il savait combien Ron avait souffert quand Hermione avait préféré s'éloigner – quelque en soit les raisons. Harry savait aussi que Tam, aussi brillante, jolie, intelligente soit-elle, n'était pas Hermione. Que lui restait-il à dire à tout ça ?
« Eh puis, tu sais, Harry… Tam, ça lui fait un choc, c'est sûr, mais elle s'en remettra ! Elle n'aura qu'à essayer Justin ! » - reprit Ron avec un peu de colère dédaigneuse.
Harry ne put s'empêcher de sourire :
« Il va falloir que tu lui donnes ton autorisation en trois parchemins, à Justin ! »
« Tu parles, comme si ça l'avait empêché de lui faire du gringue qu'elle soit avec moi ! » éternua Ron – mais Harry sentit que ça ne le touchait pas. Effectivement, il n'était pas si amoureux que ça de Tam.
« Mais, elle, a résisté ! » fit remarquer Harry, heureux que l'insouciance triomphe.
« Dommage, comme ça, j'aurais pu aller me faire consoler par Hermione », lança Ron. Et, comme Harry faisait mine de protester, il ajouta moqueur : « Et oui, mon vieux, pas avocat, mais toujours meilleur stratège que toi ! »
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« Ça va donner quoi, alors, ta plaidoirie », s'enquit Hermione. Ron, assis à côté d'elle, la dévorait des yeux et elle ne semblait pas s'en agacer, observa distraitement Harry.
« Je vais leur dire ce que je leur avais annoncé », expliqua sobrement Justin.
Parvati leva les yeux au ciel : « Les trois questions ? »
« Mais oui, Parvati, les trois questions ! Est-ce qu'on n'y a pas répondues aux trois questions ? » - contre-attaqua l'avocat.
« Mais est-ce que Pénélope ne va pas répéter que c'est une jolie histoire, mais qu'on n'a pas de preuves ? » s'enquit Harry – après tout, Parvati et lui en avaient parlé toute la nuit.
« Ça, c'était avant Rogue », contra Justin sans cacher sa satisfaction.
« Et donc, qu'est-ce que vous croyez qu'elle va dire, Justin ? » demanda très doucement Remus. Harry y entendit comme une prière : ne me dites pas qu'elle peut nous faire tomber, Justin.
L'interpellé prit un air pensif.
« J'essaie de me mettre à sa place… Je pense que le plus probable est qu'elle plaide l'erreur compréhensible – Sirius est innocent, mais les conditions ne se prêtaient pas à une enquête approfondie. Ce n'est pas très ambitieux, mais c'est raisonnable. Tout le monde peut se tromper, même le Ministère… Sirius est peut-être innocent, mais le Ministère a triomphé de Vold… »
« Attends, attends, c'est Harry qui a… » - s'insurgea immédiatement Hermione, et Ron acquiesça vigoureusement. Pour un peu, ledit Harry aurait explosé de rire.
« Harry aurait-il pu triompher sans la protection du Ministère ? » s'enquit suavement Justin.
« Comme si le Ministère avait jamais protégé Harry ! » continua Hermione avec ce feu qui avait toujours impressionné ses camarades – et que Ron semblait boire comme du petit lait.
« Tout le monde se fiche de l'Ordre tel qu'il a été présenté », estima froidement Parvati.
Harry décida qu'il n'allait pas donner raison à l'une ou à l'autre – qu'elles règlent ça entre elles ! Il essaya plutôt ses propres obsessions :
« Est-ce qu'on parle bien de la même Pénélope, Justin, le fauve blessé qui était prêt à me sauter à la gorge ? »
Justin sourit en l'entendant citer ses propres paroles, mais réfléchit de nouveau avant de répondre.
« J'ai beau retourné tous les faits dans ma tête, je vois pas réellement d'ouverture pour elle, pas de bouc émissaire… pas après ce qu'a dit Rogue… »
« Ce que tu as fait dire à Rogue », précisa Hermione sur le ton de la leçon.
« Rogue ne dit que ce qu'il veut bien dire ! » - se défendit Justin avec un peu d'agacement. « Je lui ai tendu la perche, il aurait pu la refuser ! »
« Donc, elle va juste négocier les dommages et intérêts », demanda Parvati, dubitative.
« Ça fait parti de son boulot », commença Justin, « mais…pour être tout à fait honnête avec Harry, il me semble qu'elle a une alternative. »
Peu d'autres introductions auraient pu provoquer un silence aussi complet autour de la table.
« En fait, vu les positions que Percy a prises récemment, je me suis demandé si… si elle n'allait pas se dire que, perdu pour perdu, c'était elle qui allait achever Fudge… »
Personne ne put faire autre chose que de regarder Justin comme si une tête d'hippogriffe venait brusquement de remplacer sa coupe de mannequin moldu.
« Est-ce possible ? » finit par articuler Remus.
« Si vous voulez savoir, Remus, si elle en a les moyens, la réponse est oui… Qui serait mieux placée ? Est-ce formellement interdit ? Eh bien, son mandat – comme le mien - est la défense des intérêts de son client ; c'est donc purement une question d'interprétation ! »
Comme toujours Justin s'animait de manière étonnante en suivant ses raisonnements.
« Est-ce que c'est éthique ? Là, je dois répondre non. Mais est-ce que la perspective de se faire saquer, pousse aux raisonnements éthiques ? »
« Bref ça dépend de Percy », conclut brusquement Ron.
« On va dire que, de lui, dépend sans doute le degré de combativité de Pénélope… »
« Toi, Justin, tu ferais ça », comprit Hermione.
L'avocat eut l'air singulièrement gêné par la clairvoyance de la jeune femme.
« A sa place, peut-être.. » - finit-il par répondre. « Quitte à me retrouver dans un placard ensuite, je prendrais soin de me mettre bien avec ceux qui peuvent m'en sortir ! » précisa-t-il une once de défi dans la voix.
« Parce que tu crois que Percy va se présenter ? » demanda Parvati les sourcils froncés.
« Non, mais il est grandes manoeuvres, vous le savez comme moi, pour être considéré comme un opposant à Fudge ! »
« Marchbank l'a envoyé paître », annonça avec une jubilation mauvaise Ron. « Ensuite, elle a appelé Papa et lui a dit qu'elle était désolée mais que Percy avait l'air de la prendre pour une amnésique ! »
« Comme quoi, elle s'y prend mal, elle aussi », jugea Justin.
De nouveau tous le regardèrent et l'avocat expliqua, presque à contrecoeur :
« C'est pas le moment de refuser des candidatures ! Elle peut lui dire ce qu'elle pense de lui en face et lui imposer de faire ses preuves, mais Percy n'a pas fait sa carrière uniquement grâce à Fudge ; son soutien équivaut à celui de dizaine de fonctionnaires du Ministère et de leurs familles ! L'humilier, c'est se les mettre à dos ! »
« Des opportunistes ! » - estima Ron avec une moue dégoûtée.
« Ce que Justin veut dire, c'est que pour remplacer Fudge, faut un rassemblement large, pas seulement une bande de redresseurs de torts », intervint Hermione avec l'air de peser soigneusement chacun des arguments de l'avocat.
« Sinon, Harry pourrait se présenter », plaisanta Parvati avec une pression de la main en signe de démenti.
« Justin serait visiblement mieux aguerri », sourit Remus. Ça ressemblait à une blague mais Harry ne put s'empêcher de se demander si la pique était aussi innocente que les sourires et les pressions de mains semblaient l'affirmer. Mais Justin répondit avant qu'il n'ait eu le temps de faire étalage de sa paranoïa.
« Je suis encore trop jeune », décréta alors ce dernier, sur un ton qui montrait bien qu'il y avait sérieusement songé. Harry se rendit compte que ça ne l'étonnait pas.
« Mais, tu soutiens qui ? » s'enquit alors Hermione, toujours une pensée d'avance sur la tablée.
« Scrimgeour m'a demandé de faire parti d'un groupe de réflexion sur la réforme du système de justice magique », avoua l'avocat partagé entre la satisfaction et la gêne.
« Finalement, en politique, c'est comme pour les voyages », annonça Ron dans le silence pantois qui s'installait, « qui veut aller loin, ménage sa monture…. »
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« Berk ! C'est quoi ces horreurs ? » s'enquit Dudley par-dessus l'épaule de Harry.
« Des Inferi », répondit distraitement Harry occupé à vérifier qu'il n'avait oublié aucune de leurs caractéristiques et des moyens de s'en débarrasser. « Tu les appellerais sans doute des morts-vivants… »
« C'est… Tu veux dire qu'ils ont été des humains ? » - demanda Dudley avec un effort patent pour maîtriser le doute et le tremblement de sa voix.
« Oui… un adepte de magie noire les a asservis- parfois il les a même tués à dessein… En général, il a recours à eux pour la défense d'un lieu… Ils sont redoutablement efficaces… quand on les réveille… » - répondit Harry toujours distrait par ces propres lectures.
« Ça, z'ont une sale tronche ! » reconnut Dudley. « Et, c'est sérieux ou… »
Cette fois, Harry releva la tête et regarda le livre ouvert sur un coin de son bureau. Non, ce n'étaient pas de sympathiques Ronflaks cornus comme Dudley avait dû en voir des représentations chez les Lovegood.
« C'est pas très courant en Angleterre », expliqua-t-il, plus diplomatiquement, « Voldemort était connu pour y avoir fait appel… et en avoir créé une véritable armée… C'est heureusement pas à la portée de n'importe qui ! »
Il referma, un peu gêné, le livre. Même si Dudley avait maintenant pas mal pénétré les secrets de la communauté magique, il n'aimait pas avoir à lui expliquer que la magie n'était pas à l'abri des détournements les plus horribles.
« C'est pour ton examen final d'Auror », demanda inutilement Dudley.
« Oui », confirma Harry avec l'impression que son cousin était venu lui parler d'autre chose mais qu'il ne trouvait pas comment commencer. Pris d'une soudaine inspiration, il proposa : « Et Tam, ça va ? »
« Oh, Tam ? Oh… elle…. Elle est un peu… elle n'est pas habituée à ce qu'on la quitte et là, ça fait deux mecs qui lui préfèrent des sorcières la même année », expliqua son cousin avec un petit sourire. Il haussa les épaules et ajouta un peu timidement : « Faut qu'elle digère… Maintenant,… je ne suis pas sûr qu'elle aurait trouvé longtemps Ron suffisamment… exotique… »
« Justin lui irait mieux », se risqua Harry.
« Ça, faudrait être aveugle pour ne pas s'en rendre compte ! » sourit Dudley.
Harry lui rendit son sourire mais le sujet était épuisé. Dudley soupira.
« En fait, Luna veut que je te parle… C'est pas qu'elle n'ose pas le faire elle-même, » ajouta-t-il un peu précipitamment, « mais elle n'avait pas le temps de venir avant ce soir et elle ne voulait pas que tu l'apprennes d'une autre source qu'elle… »
Dudley semblait toujours chercher les mots adéquats mais Harry ne trouvait pas le début d'une question à poser pour l'aider à vider son sac. Il essayait de sentir rationnellement curieux, plutôt que compulsivement paranoïaque, et se taisait patiemment.
« Son père s'est déclaré candidat au Ministère », finit par lâcher son cousin.
« Quoi ? » s'étrangla Harry partagé entre l'étonnement et le rire.
« Oui, il a profité que Luna était partie à Berlin pour un colloque sur… j'ai oublié sur quoi… bref, il a obligé l'équipe du Chicaneur à publier sa candidature… »
« Y'en a de pires ! » sourit Harry.
Dudley parut singulièrement embêté de sa réponse.
« En fait, dans l'article, il dit qu'il a ton soutien…Il est le patron du journal qui a toujours pris ton parti, etc, etc… » - développa-t-il comme s'il craignait que le silence s'installe.
Cette fois, Harry n'arriva pas à articuler un son. Il craignait depuis des semaines d'être récupéré par les uns ou les autres… Il avait refusé de rencontrer Marchbank ; il avait enjoint Justin à ne pas trop diffuser son engagement auprès de Scrimgeour avant le verdict par crainte qu'on interprète le soutien de l'avocat comme le sien… et finalement, c'était le vieux Lovegood qui l'utilisait à ses propres fins !
« Luna est complètement désolée ! » - s'empressa d'ajouter Dudley. « Quand elle est revenue, c'était trop tard, les hiboux étaient déjà partis ! En fait, elle en a discuté avec Tam et Justin et il n'y a qu'une solution ! »
Ne trouvant pas la force de s'indigner que son avocat soit au courant avant lui, refusant de réfléchir à ce que Tam venait faire dans cette affaire, Harry hocha faiblement la tête, pour dire qu'il était prêt à tout entendre.
« Faut que tu acceptes un interview dans la prochaine édition du Chicaneur », annonça son cousin, en évitant son regard, « pour remettre toi-même les choses au point sur tes priorités, ta vision de la communauté magique, etc.. »
« Etc. » répondit Harry avec l'envie soudaine et irrépressible d'étrangler son cousin. A eux tous, ils n'avaient pas trouvé d'autres alternatives que de lui proposer d'accepter ce à quoi il se refusait depuis des mois.
« Tam pense que ce serait bien que ce soit Vivien qui t'interview… »
« B'en voyons », gronda très bas Harry avec ce sentiment de nasse qui se refermait sur lui comme les mains des morts vivants.
« Il est d'ailleurs partant »
« Etonnant ! »
« Harry, Luna est vraiment désolée », insista Dudley d'un ton un peu geignard qui eut raison des dernières barrières nerveuses de Harry.
« Je vois pas pourquoi », lança-t-il avec fureur, « au pire, elle aura l'exclusivité des déclarations du Ministre ! »
« Tu veux dire que tu vas te présenter Harry ? » demanda Dudley d'un ton incertain.
Harry se demanderait plus tard s'il avait ressenti la même fureur depuis le jour funeste où il avait gonflé sa tante Marge comme un ballon. En tout cas, les vitres de la pièce tremblèrent, terrifiant Dudley au-delà du descriptible. Finalement, quand il eut repris le contrôle de sa respiration, Harry arracha son blouson au porte-manteau et claqua la porte de l'appartement derrière lui.
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« Merci, Harry », dit Luna en le regardant fixement de derrière ses lunettes.
« Tu sais Luna, je viens plus pour moi que pour toi », répondit assez sèchement Harry.
La jeune femme pencha la tête de côté et déclara de sa voix rêveuse inimitable :
« Tu sais, Harry, je suis très fière de la candidature de mon père. Je désapprouve seulement qu'il ait utilisé ton nom sans ton accord. Il me semble que ce qu'il a à dire ou à apporter à notre communauté n'a rien à voir avec toi… »
Son ton ne permettait pas de douter de sa franchise – d'ailleurs, Harry ne se rappelait pas avoir jamais pu la prendre en flagrant délit de mensonge. Luna avait une lecture personnelle de la réalité, mais celle-ci excluait le mensonge. Même quand ce qu'elle disait était faux ou perturbant, nul ne devait douter qu'elle le pensait.
« Ce qu'il a apporté ? » - s'enquit Harry presque malgré lui.
« Eh bien, un peu plus d'ouverture d'esprit que la moyenne des sorciers, non ? » demanda Luna, très sérieusement. Harry ne vit pas comment lui donner tort. Mais ce constat, au lieu de le rassurer, lui donna envie de fuir.
« Luna… qu'est-ce que tu crois que je vais dire ? » demanda-t-il, désolé du ton soupçonneux qui perçait dans sa question.
« Ce que tu veux, Harry, ce en quoi tu crois », répondit la journaliste. « Pas ce que les autres pensent que tu souhaites. Et ça va rendre un grand service à tout le monde ! »
« Mais… enfin, je n'ai pas arrêté de dire ce que je pensais pendant tout ce procès, qui… Même Pieternel sait ce que je veux ! »
« Tu crois, Harry ? J'en suis pas si sûre. Moi, je crois au contraire que chacun aura pris ce qu'il avait envie d'entendre dans ce que tu as dit. Je ne dis pas que cet interview suffira à lever tous les doutes mais, au moins, ça empêchera certaines personnes…mon père, le premier… de te faire dire des choses ! »
Comme souvent face à Luna, Harry ne put trouver comment articuler son désaccord. Et faute de mieux, il acquiesça, espérant confusément que Vivien saurait poser des questions plus claires. Luna le conduisit donc au travers des bureaux des éditions Lovegood, jusqu'à son propre bureau où Vivien était plongé dans la lecture de l'édition française de « 25 jours d'humanité ».
« Harry ! » s'exclama-t-il en le voyant entrer.
« Bonjour Vivien », répondit Harry beaucoup plus froidement. « Il serait temps de le lire », ne put-il s'empêcher de persifler en montrant le livre que le journaliste français tenait entre ses mains.
« Je l'avais lu en anglais », se rembrunit ce dernier. « Luna m'a demandé ce que je pensais de la traduction, en t'attendant… »
Puis Vivien interrompit ses excuses pour lever un regard brun inquisiteur et profond sur Harry et conclure : « tu n'as pas aimé mon interview de Lupin. »
« Ce…je… je ne lis pas le français », avoua Harry, se sentant immédiatement vulnérable et ridicule entre le regard soucieux magnifié par ses lunettes de myope Luna et celui sombre et sérieux du journaliste français. Une nouvelle fois, il eut envie de battre retraite et de laisser tomber. Comme s'il avait lu dans son esprit, Vivien de Lusignan prit une grande inspiration et proposa un armistice :
« OK, on recommence…Bonjour, Harry », proposa-t-il, tendant une main solide et soignée.
Harry la prit avec circonspection mais décida de lui laisser une dernière chance. Si le journaliste lui proposait des termes acceptables, il le laisserait l'interviewer.
« Harry, on ne peut plus parler de l'actualité de la communauté magique britannique sans citer ton nom… Accepterais-tu de me donner un peu de ton temps pour clarifier ta position sur le procès en cours et les élections qui semblent se profiler ? »
On pouvait difficilement faire plus direct. Harry apprécia cette présentation. Il hocha la tête.
« Est-ce que c'est un oui, Harry ? » demanda encore Vivien.
« Est-ce que je pourrais relire cette interview ? » demanda Harry.
« Bien sûr », intervint Luna.
« Et tu me traduiras ton article français ? » s'enquit encore Harry en regardant Vivien bien en face.
« Aucun problème, Harry »
« Alors, d'accord.»
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La suite contient bien plus que l'article de Vivien… c'est bien pour cela que j'ai mis tant de temps à l'écrire… Il s'appelle, la volonté de quelques uns… Que ça vous inspire pendant que je ponds la suite…
