Ruptures d'un processus linéaire

Générique habituel et réponses directes… Sauf pour ceux qui ne se loguent pas (pas de ma faute, à moi !)

36 – La volonté de quelques uns

« Au terme de ce procès, certaines choses sont, je pense, devenues relativement incontestables », annonça Justin se détournant légèrement des trois juges qui lui faisaient face pour regarder Pénélope.

Le silence du Magenmagot – qui était complet depuis qu'il avait pris la parole pour sa plaidoirie finale - changea subtilement de nature. Il se fit excité. Harry sourit presque à son insu en constatant qu'il était arrivé à cette étrange qualification : un silence excité. Pourtant il pouvait tout autant sentir l'excitation présente dans l'air qu'il entendait le souffle retenu par la foule et les officiels du Magenmagot.

« Deux des propositions que je vous ai annoncées au début de son procès sont maintenant devenus inattaquables », reprit Justin en revenant aux juges qui, imperceptiblement, hochèrent la tête. « La première est que Sirius Black n'a jamais eu aucune raison de trahir les parents de mon client, Harry Potter. Les différents témoins – amis, famille, et comment dire, ennemis, qui se sont succédés ici nous l'ont tous répété : Sirius Black n'a jamais été un Mangemort et il n'a pas pu faire passer sa loyauté envers sa famille avant l'amitié véritable et sincère qu'il ressentait pour James et Lily Potter. »

Le silence était maintenant fébrile – à moins que ça soit moi qui tremble, ajouta mentalement Harry luttant pour rester en pleine possession de ses moyens intellectuels. Il lui semblait que cette émotion-là aurait raison de sa santé mentale plus vite qu'un troupeau de Détraqueurs.

« Mais nous avons appris une seconde chose », continua Justin de sa voix calme, mesurée, raisonnable – la voix de la sagesse, et tout le Magenmagot semblait la suivre. « Cette seconde chose est que Sirius Black n'a pas eu les moyens de trahir les Potter pour la bonne raison qu'il n'était pas le gardien de leur secret. »

Harry crut entendre dans le silence total qui suivit un assentiment. Même Pénélope ne semblait pas pouvoir ou vouloir objecter à ces deux affirmations. Est-ce que ça pouvait être aussi simple ? Est-ce que tous pouvaient se réconcilier finalement autour de l'innocence de Sirius ? Est-ce que les souffrances de son parrain seraient ainsi effacées ?

« Il reste bien sûr une troisième proposition », reprit Justin loin de la rêverie douloureuse d'Harry. L'avocat parlait d'une voix humble, comme si les points qu'il marquait un à un ne s'inscrivaient pas en chiffre d'or dans l'esprit de tous ceux qui l'écoutaient. « Peut-on aujourd'hui sans aucun doute tenir pour cohérente et convaincante la théorie alternative que plusieurs témoins nous ont proposée. Pour être plus simple, est-ce que Peter Pettigrow a trahi les Potter et envoyé, par sa duplicité, sa ruse et sa fourberie, Sirius Black en prison à sa place ? »

Harry faillit sourire en se rappelant de l'article de Vivien qui tournait autour de la même question :

M. Potter, en cherchant à désigner le véritable responsable de la mort de vos parents, ne menez-vous pas un combat très personnel dans lequel la communauté magique n'est pas obligée de se reconnaître ?

Si la question était aussi personnelle, si je cherchais encore une sorte de vengeance, - Harry se souvenait comme il avait eu du mal à formuler une réponse cohérente et, malgré les efforts de réécriture de Vivien, il lui semblait que ça se sentait toujours dans ce passage de l'interview - je ne vois pas pourquoi je viendrais m'asseoir depuis trois mois, plusieurs fois par semaine, à la table de la partie civile au Magenmagot.
Peter Pettigrow est mort et on peut même considérer que, d'une certaine façon, je suis responsable de sa mort. Si c'était la vengeance que je cherchais, je l'ai déjà depuis longtemps. Maintenant, le fait est que cette histoire n'est pas seulement la mienne, c'est aussi celle de la communauté que je veux servir et je ne crois pas qu'elle ait quoique ce soit à gagner à continuer de répéter un mensonge.

Harry ne pouvait toujours s'empêcher de s'étonner que tant de sorciers puissent s'intéresser à ses motivations profondes – mais, si le nombre d'exemplaires du Chicaneur vendus tenait lieu de preuves, il n'y avait pourtant pas lieu de douter.

« On nous a dit que le jeune Pettigrow était un suiveur et non un leader, et que c'est la raison même pour laquelle James Potter et Sirius Black ont pensé que personne, même Lord Voldemort, ne pouvait l'imaginer garant d'un tel secret…. On nous a aussi dit que moult témoins moldus avaient vu Pettigrow et Black s'affronter, et le second faire disparaître le premier », énumérait Justin, isolant un de ses doigts à chaque phrase comme s'il récitait une liste établie par quelque autre que lui. « Mais on nous a aussi appris que ce même jeune timide et apparemment innocent Pettigrow faisait partie des cercles proches des Mangemorts dès sa sortie de Poudlard… On nous a encore apporté les preuve que ce même Pettigrow était mort finalement en 1994 au cours de l'affrontement final entre Harry Potter et Lord Voldemort … Cette Cour dispose donc maintenant d'un faisceau de preuves, de sources variées, qui doit l'amener à considérer cette éventualité avec attention…. »

Mais qu'est-ce que le communauté britannique a à gagner à savoir que c'est Peter Pettigrow qui a vendu la cachette de vos parents et non Sirius Black ?avait demandé Vivien de Lusignan.

C'est une bonne question. Est-ce que ce n'est pas intéressant pour elle d'accepter que les soutiens de Voldemort n'étaient pas aussi rares qu'on le prétend ? Est-ce que ce n'est pas important pour elle de se rendre compte qu'en abandonnant ses propres valeurs, par peur de Voldemort, elle lui a donné des moyens supplémentaires pour la diviser, l'affaiblir ? Est-ce que ce ne serait pas de l'honneur du Ministère de reconnaître qu'il est faillible et qu'il a donc sans doute besoin d'autres acteurs qui surveillent ses actions ?

Là encore, Harry s'agaçait de ne pas trouver de présentation aussi brillante et claire que celles que pouvaient élaborer Justin. « Pourtant, tu touches exactement le nœud du problème », avait commenté Parvati, en lisant l'article.
Combien de fois s'étaient –ils tous, ces derniers mois, interrogés sur l'ampleur des changements à attendre du procès ? Combien de fois s'étaient-ils dits qu'ils devraient se satisfaire de peu ? Harry s'émerveilla une fois de plus de la combativité de son avocat pour une cause qui tenait pour beaucoup de l'idéalisme.

« Dans tous les cas, nous pensons qu'il est maintenant clairement établi que les évènements qui ont conduit à la mort de James et Lily Potter en ce terrible Halloween 1981 ne sont pas ceux qui sont décrits dans les livres d'Histoire », concluait l'avocat, fidèle à son fil rouge comme une araignée à sa toile. « Ce qui m'amène naturellement à exprimer devant vous, ce que mon client, Harry Potter espère de ce procès – c'est après tout la question que mon estimée confrère lui a posé à la fin de son témoignage et sur laquelle la presse ne cesse d'exposer sa créativité…»

Le nom de Harry provoqua le même frisson discret de l'auditoire. Comme si le dénommé Harry ne s'était pas trouvé dans la même salle qu'eux. Comme si le Survivant, dont les malheurs et le courage faisaient tant frissonner était un autre Harry Potter. Mais, là encore, il était possible que ce soit l'écho de l'article de Vivien qui nourrissent cette émotion permanente :

Ce qui nous amène à la question à 10 mornilles, M.Potter, et j'espère que vous ne m'en voudrez pas de vous la poser : Qu'est-ce que vous aimeriez que les juges disent ?

Je voudrais avant tout qu'ils reconnaissent l'innocence de mon parrain Sirius Black ; qu'ils reconnaissent qu'il n'a jamais eu un procès équitable et une chance de prouver son innocence. J'aimerais que ce procès reste dans notre mémoire comme la fin du règne de Voldemort non seulement sur nos vies mais aussi sur nos mémoires…

« Hé, Harry, celle-là elle est rudement bien trouvée ! » avait commenté Ron en lisant l'interview.
« J'ai peur que Vivien ait su mieux que moi exprimer ce que je voulais dire », avait dû reconnaître Harry

Justin avait arrêté de marcher pour poser sa requête :

« Mon client estime qu'en ne diligentant pas une enquête réelle sur les conditions de la mort de ses parents, le Ministère britannique de la Magie lui a porté tort à plusieurs titres : il l'a privé de l'affection et de la sécurité matérielle que son parrain aurait pu lui donner après la mort de ses parents. En ne confondant pas Peter Pettigrow, le Ministère a échoué à extraire les racines du mouvement séditieux créé par Lord Voldemort et peut ainsi, en partie, être tenu pour responsable du retour de Lord Voldmort et des nouveaux périls que mon client a dû affronter… »

Harry n'aimait pas trop cette dernière affirmation ; il ne s'était jamais félicité de devoir affronter Voldemort, mais il n'avait jamais réellement souhaité fuir. S'il avait voulu changer quelque chose dans le passé, c'était sans doute le drame inconnu qui avait nourri tant de rancœur chez un Peter Pettigrow. Mais sans doute la réalisation d'un tel souhait n'entrait pas dans les attributions du Magenmagot.

« En reconnaissant son erreur et en réhabilitant Sirius Black », conclut Justin après une dernière pause, « le Ministère montrerait sa sympathie pour le destin tragique de mon client ; il permettrait qu'il termine enfin son travail de deuil et se tourne, finalement, vers l'avenir. »

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Rivers remercia Justin et annonça une pause avant la plaidoirie finale de Pénélope Deauclaire-Weasley. Le public se leva et s'étira, semblant donner raison aux juges. Harry trouvait ça étrange et surréaliste. On parlait de vies brisées, d'amis trahis, de jeunes gens tués… On affirmait que des lois avaient été bafouées, que des principes avaient été sacrifiés à la raison d'Etat, et la question qui flottait dans la salle derrière lui était la qualité du café dans le Grand Hall du Magenmagot en comparaison avec celui du Hall du Ministère.

Aussi, quand Justin lui proposa d'aller boire quelque chose, Harry refusa, prétextant qu'il avait donné suffisamment d'interviews. L'avocat s'esclaffa presque.

« Tu crois vraiment que tu en auras fini avec les journalistes ? Quelque soit le verdict ? »

Ce n'était pas vraiment une pique. C'était plutôt un sursaut de bonne humeur de quelqu'un qui venait sans doute de donner le meilleur de lui-même. Justin n'avait d'ailleurs pas insisté, comme s'il comprenait les difficultés de Harry à se jeter une fois de plus en pâture au public sorcier. Il était sorti seul, encore que Harry ait vu Vivien venir le rejoindre dès la sortie de la salle. Pénélope n'était que quelques pas derrière eux, et le jeune Auror s'était demandé à quoi elle pouvait bien penser. Sortait-elle pour le café ? Sortait-elle pour surveiller ce que Justin allait dire aux médias ? Avait-elle déjà en tête des déclarations qui pèseraient sur les débats ?

Pour tromper son angoisse, Harry déplia le Chicaneur et tomba sur la première question de Vivien.

Bien que tous les journaux magiques titrent sur vous régulièrement, il est rare de vous voir accorder une interview, Monsieur Potter.

Je suis beaucoup plus dans les médias que je ne le souhaiterais, et la preuve en est que je donne très peu d'interviews. Maintenant, ces mêmes médias me donnent ces jours-ci un peu trop d'opinions à mon goût, et je me suis dit qu'il était peut-être temps d'y mettre un frein en proposant ma propre vue de ce que je pense.

Vous êtes, de fait, mêlés à différentes affaires qui défraient l'actualité…

Je vous arrête. Je ne suis partie que d'une seule affaire, le procès de réhabilitation de mon parrain, Sirius Black. J'ai pris une disponibilité de la division des Aurors pour cette période afin que mes intérêts et ceux du Ministère n'entrent pas en conflit. Tout ce que vous pourrez lire sur d'autres sujets tient de la spéculation des commentateurs…

Dans le bureau de Luna, Harry se rappelait avoir été plus direct : « Ce n'est pas de ma faute si tous journalistes en manquent d'inspiration m'inventent des intentions plus spectaculaires ! » Vivien avait arrondi les angles – là comme dans d'autres réponses. Néanmoins, Harry pensait que l'interview lui allait.

A la décharge de mes confrères, l'affaire Black déborde largement le cadre privé, c'est une complète réécriture de l'histoire contemporaine de la communauté britannique qui se profile derrière elle.

Je ne crois pas qu'il faille tout ramener à la personne de mon parrain ou même à la mienne. Si cette affaire fait tant de bruit, c'est qu'elle est en quelque sorte révélatrice d'une époque : Des innocents sont allés en prison ; des coupables ont été épargnés ; les procès étaient expéditifs et l'Histoire était réécrite. Je pense que beaucoup en étaient conscients même si le coût pouvait paraître acceptable à l'époque. Les choses ont peut-être changé aujourd'hui.

Voulez-vous dire que la communauté britannique juge négativement son passé ?

Je n'en sais rien. Si j'en juge par ce que pensent mes amis – et certains de mes ennemis -, je crois que collectivement, plus ou moins consciemment, elle souhaite un futur différent, une rupture. Il me semble que vous avez écrit plusieurs articles en ce sens vous-même et il ne fait pas de doute qu'un observateur extérieur est souvent mieux placé pour sentir ce genre de chose.

Harry sourit en remarquant l'incise auto-promotionnelle du journaliste – il n'y avait pas de fin aux manipulations, il fallait juste apprendre à en ignorer certaines sans en être dupe. Combien de temps lui avait-il fallu pour comprendre ça ? Est-ce que les gamins que le Choixpeau envoyaient chaque année à Serpentard savaient déjà cela, est-ce que tout le monde sauf lui savait cela ?

Un bruit de pas le tira de sa réflexion. Une personne seule, un pas léger… ce n'était pas la reprise de la session. C'était Pénélope qui retournait, sans un regard pour lui, à sa table – sans doute pour relire ses notes avant de prendre la parole.

Harry ne put s'empêcher de l'observer de son abri de papier. A quoi pouvait-elle penser ? Avait-elle peur de l'échec ? Avait-elle trouvé une réponse à Justin ? Pensait-elle à sa carrière, à la colère de Fudge, à l'ambition de Percy ou à ses enfants et leur innocence ? Lui en voulait-elle à lui, Harry, d'avoir provoqué toutes ces complications ?

Le retour de la Cour brisa toutes ces réflexions. Comme si le temps s'accélérait, Pénélope se retrouva au centre de la Grande Salle avec un air résolu et conquérant qui ne pouvait faire que frissonner. Et quand elle commença sa plaidoirie, elle ne s'embarrassa de préliminaires.

« Comme mon estimé collègue nous l'a rappelé dans sa conclusion, un certain nombre d'incertitude ont été levées dans ce procès », annonça-t-elle en guise de préambule, et c'était un peu comme si la pause n'avait jamais eu lieu.

« Il est sans doute difficile de continuer d'affirmer que Sirius Black a pu et eu envie de trahir ses meilleurs amis. Et, si je tiens pour vrai tout ce qui nous a été raconté avec beaucoup d'émotion dans ce prétoire, c'est sans doute une bonne nouvelle pour tous ceux qui croient au choix individuel des hommes à leur libre-arbitre », continua-t-elle, avec une fougue que Harry trouva presque étrange. C'était comme si la jeune avocate voulait en finir très vite avec des préliminaires qu'elle jugeait presque inutiles. Pourtant, c'était le résultat de semaines de procès !

« Il reste sans doute plus de zones d'ombre dans la vie de ce nouveau coupable qu'on nous a désigné : Peter Pettigrow », enchaîna-t-elle, commençant à se déplacer lentement dans le prétoire, à son habitude, «bien qu'un réel faisceau de présomptions semble mener à sa culpabilité. Il serait néanmoins malvenu pour cette cour de condamner un homme que personne ici n'a pris la peine de défendre… »

Un point pour elle, songea Harry qui regarda par réflexe Justin qui, une fois sa surprise surmontée, lui fit presque un signe admiratif de la tête.

« Mais, et ce sera mon dernier point, nous avons appris d'autres choses au cours de ce procès – et je vais très humblement supplier cette cour de bien réfléchir à ce point. Qu'est-ce que Harry Potter nous demande de juger ? Des institutions millénaires, comme on a essayé de nous le faire croire ? Des politiques, sans doute insuffisamment préparées, comme mon estimé collègue l'a laissé entendre ? Je ne crois pas. »

Un, deux, trois pas, que tout le prétoire compta avec Harry, la séparèrent de sa phrase suivante.

« Il me semble que ce que nous devons démêler est quelque chose de beaucoup moins politique, de beaucoup moins historique et de beaucoup moins intimidant. Quelque chose que le Magenmagot connaît bien : la faiblesse de quelques hommes. »

Le silence abasourdi qui suivit ses paroles angoissa Harry. Il imagina que le Ministère tout entier s'était tu, que la ville – moldue comme sorcière - retenait son souffle – et toute l'Angleterre avec elle… on pouvait même imaginer que la stupeur traverse la Manche et gagne la France comme une grippe. La satisfaction de Pénélope fut perceptible à tous.

« La clé du mystère Potter serait, nous venons juste d'en parler, la responsabilité d'un homme dont on peine à mesurer la solitude pour en avoir été réduit à de telles extrémités », continua-t-elle un peu plus calmement, comme si avoir lâché sa bombe l'avait quelque peu apaisée. « Je parle bien sûr ici de Peter Pettigrow. L'orgueil de deux autres hommes me semblent aussi en cause : James Potter et Sirius Black ont, en quelque sorte, appelé le malheur sur eux par leur pauvre jugement et leur arrogance. Est-ce que les choses auraient suivi le même chemin désastreux si James Potter s'était plus humblement soumis à la protection du Ministère ? Est-ce que lui et son meilleur ami n'ont pas pêché par orgueil quand ils se sont cru plus malins que le Seigneur des Ténèbres ? »

Ça faisait des années maintenant que personne n'avait targué devant Harry de l'arrogance juvénile des Maraudeurs pour disqualifier ses propres attentes. Etait-ce une vengeance personnelle de Pénélope ? Percy lui avait-il confié qu'il était particulièrement sensible à ce genre de remarque ? Dans tous les cas, Harry comprenait mieux pourquoi elle avait semblé si pressée d'en finir avec les préliminaires ! Les mèches blondes de Pénélope ne devaient tromper personne sur sa détermination de fauve blessé. Même les morts n'auraient pas sa pitié !

« Mais je sais que cette cour refusera, avec raison, de rejeter toutes les fautes sur un groupe d'hommes qui sont morts et qui ont tous visiblement lourdement payés leurs erreurs », conclut-elle, s'offrant un nouveau silence songeur. « Elle demandera avec raison et justice que les vivants prennent leurs responsabilités…. Que les quelques uns qui ont voulu façonner notre histoire répondent de leurs choix….»

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Est-ce que cette rupture peut arriver d'elle-même ou doit-elle s'incarner ?

Si votre question est « qu'est-ce que vous êtes prêts à faire pour que ce changement ait lieu », je vais tout de suite en profiter pour dire ce à quoi je ne suis pas prêt : dans aucun cas je ne suis candidat au poste de Ministre…

Harry avait été fier de lui quand il avait – au style près – développer cette idée auprès de Vivien. Il avait l'impression de tracer un grand trait sur toutes les élucubrations plus ou moins bien inspirées qui l'avaient amené à accepter d'être interviewer. Pourtant, ça ne semblait maintenant d'aucune utilité quand il devait se frayer un chemin entre les hordes de journalistes déchaînés.

« Est-ce que vous pensez que Fudge va démissionner ? »

La question rebondissait autour de lui sans répit et il se demanda s'il arriverait à ne pas leur hurler de se taire avant d'arriver aux cheminées publiques du Magenmagot. Même pour Justin, ça avait été un impératif : aucun autre commentaire que notre satisfaction de voir la mémoire d'un homme réhabilitée. Harry l'avait laissé ainsi affirmer à la meute de journalistes qui les avait assaillis : « Il était temps que sa famille, ses amis et son filleul puissent le pleurer sans se cacher, puissent évoquer son souvenir sans être regarder de travers, puissent l'aimer en paix… » Et les mots de son ami et défenseur l'avaient une fois de plus bouleversé.

Mais les journalistes avaient moins retenu la conclusion du Magenmagot sur l'innocence de Black que l'appel de Pénélope à juger les « vrais » coupables de tant d'erreurs et de malversations. En y regardant bien, il n'était même pas sûr que les juges eux-mêmes n'aient pas été plus intéressés par la deuxième question que par la première.

Quand le Magenmagot était revenu, après quarante minutes de délibération pendant lesquelles même Justin avait été incapable de prétendre au détachement, Harry confusément attendait une fin. Ballotté par la foule dans les hauts couloirs du tribunal, il devait accepter qu'il s'était là encore trompé. C'était peut-être la fin du procès de Sirius mais ce n'était qu'un début pour la communauté magique.

Rivers, Simmons et Grimright étaient entrés avec une mine grave et un pas pesant – Harry doutait qu'ils auraient eu l'air moins sévères s'ils venaient annoncer l'envoi de quiconque à Azkaban. Ils avaient tendu un parchemin à un greffier qui avait amplifié sa voix pour le lire.

« Le Magenmagot remercie toutes les parties pour les efforts déployés durant ce procès par tous en faveur de la vérité. Le tribunal, sous la présidence de Shanna Rivers, a examiné la requête du plaignant, Harry Potter, comme les arguments apportés en réponse par le Ministère et y à apporter les réponses suivantes. »

Le greffier fit une pause avant d'annoncer les résultats et Harry eut l'impression de ressentir dans son corps l'excitation et l'attente du public.

« A la question, est-ce que la condamnation de Sirius Black, en 1981, a une peine d'enfermement à perpétuité à Azkaban était une décision légale et légitime, le tribunal répond : non. »

Harry avait retenu son souffle, mais l'annonce de la décision tant attendue ne suffit pas à lui rendre sa respiration.

« A la question, les preuves disponibles permettent-elles de soupçonner Sirius Black d'avoir trahi les Potter et révélé leur localisation à Lord Voldemort, le tribunal répond : non. »

Il y eut dans le public des youpi et des sifflets très vite réprimés par les Aurors qui surveillaient les débats.

« A la lumière de ces deux décision, le Magenmagot demande au Ministère de présenter des excuses publiques aux héritiers de Sirius Black pour le préjudice de réputation et le manque affectif qu'ils ont pu subir… »

Préjudice ? Manque ? Les larmes se battaient furieusement pour que Harry les laisse sortir. Justin lui prit l'épaule.

« A la question, est-ce que Peter Pettigrow peut être soupçonné, à la lumière des preuves apportées, des crimes de trahison et d'association avec la magie noire, le Tribunal répond : oui. Il ajoute même une information : si la partie civile demande une enquête officielle, le Magenmagot y apportera une réponse favorable. »

Harry se fichait comme d'une guigne de faire condamner un Queudever, qui était depuis longtemps réduit en cendres. Mais cette porte ouverte par le Magenmagot avait un autre sens ; c'était une reconnaissance implicite de la proposition de Pénélope : certains des « vrais » coupables devaient répondre de leurs actes. Et il ne fit aucun doute dans l'esprit de Harry que Justin n'avait pas raison en y voyant la rupture finale entre Pénélope et Fudge.

Il y avait une question que Vivien lui avait posée mais qu'il n'avait pas gardée dans son article :

« Harry, est-ce que vous pensez que vous pourrez échapper au débat sur la succession de Fudge ».

« Je le souhaite, Vivien mais, si j'ai appris quelque chose de cette demi-année de procès, c'est que ce sera sans doute impossible… non pas parce que je veux sa place mais parce que lui m'a choisi comme son ennemi… »

« Avoir le Survivant comme ennemi, c'est assez flatteur finalement, non ? » - avait souri Vivien.

« Certains de mes amis vous diraient que ça a rarement servi à quiconque de me choisir comme adversaire », avait répondu Harry sur le même ton.

Luna, qui écoutait leurs échanges dans un tel silence immobile qu'ils l'avaient oubliée, intervint alors :

« Est-ce si difficile pour toi de refuser un combat, Harry ? »

« Parce que tu crois qu'on me laisse le choix ! » s'était étouffé Harry.

L'éditrice avait haussé les épaules :

« Tu sais, Harry, je ne crois pas tellement que Voldemort ou Fudge t'aient pris au hasard ; s'ils voient en toi un ennemi, c'est que tu es dangereux pour eux…. »

Comme Harry s'étranglait encore entre ses objections concernant la limite de toute prophétie, le hasard et les différences entre un mage noir et un ministre, Luna avait continué :

« …il n'y a pas tant de gens sur terre qui ont la volonté nécessaire pour leur faire face, tu sais. »

La plaidoirie de Pénélope revint alors étrangement dans l'esprit de Harry et il considéra son hypothèse : la volonté créait une responsabilité. Il frissonna un peu, légèrement impressionné, mais se sentit étrangement rasséréné : son père s'était peut-être trompé de méthode mais il était mort en faisant face et si cela était tout son héritage, son fils l'acceptait.

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Un à un les fantômes s'apaisent…

Le suivant s'appelle Rien d'ordinaire, et je suis déjà sur la suite Quelques degrés au dessus de l'horizon… qui sera (ou pas) la fin… j'espère bien que ça vous donne l'envie de m'écrire !