Une Personnalité
Après deux heures de routes sous un soleil de plomb, j'arrive dans un petit quartier isolé de la ville. Une banlieue assez chic toutefois qui me rappelle parfois celles de certaines séries qui passent sans cesse en boucle à la télévision. Je me gare dans la petite allée devant une maison dont le portail est resté grand ouvert pour m'accueillir. J'ôte mon casque que je pose sur la selle de ma bécane encore brûlante et me dirige vers la porte à laquelle je frappe avant d'entrer sans attendre. J'ai l'habitude de le faire.
Je me dirige vers le salon dans lequel je trouve un jeune homme, assis devant une table, les yeux rivés sur les petites pièces sombres qui passent entre ses doigts. Je le regarde silencieusement en assembler quelques unes, ajouter une touche de peinture sur d'autres, très concentré dans sa tâche, avant de le sortir de son monde.
—Emile, comment tu vas ?
—Bien, il répond seulement.
—Je tire une chaise pour m'asseoir près de lui et le regarde une minute supplémentaire sans dire mot.
—C'est une nouvelle maquette ? Qu'est-ce que c'est ?
—Un cavalier.
—J'aime beaucoup son masque.
—C'est celui du Chevalier Macabre.
Bon, il est assez effrayant, mais dans l'ensemble, la figurine qu'il assemble et peint en parallèle à de la gueule, je dois l'avouer.
—Comment va Jeritza ? je m'enquiers ensuite. Je suis certaine que le Chevalier Macabre va beaucoup lui plaire.
—Il dort encore.
—Tu lui passeras le bonjour lorsqu'il se réveillera !
Emile souffre d'un trouble dissociatif de la personnalité et contrairement à ce que beaucoup peuvent penser, il n'est pas fou, ni même malade, il n'a absolument rien d'un schizophrène. J'ai été très surprise, au début, mais je me suis habituée à ces deux personnes dans ce même corps. Malheureusement, la majorité des gens jugent sans savoir de quoi ils parlent, ce qui a valu à Emile une isolation plutôt précoce. De fait, c'est un jeune homme plutôt froid et distant, mais il n'est pas méchant, très loin de là, même si les réactions de Jeritza paraissent parfois un peu agressives. Il suffit d'apprendre à connaitre les deux, pour que les choses se passent bien.
—Ha, Byleth, tu es là ?
Je lève la tête et sourit en retour à Mercedes qui descend de l'étage, avec toute sa sérénité qu'elle dégage en permanence.
—Je ne t'ai pas entendue entrer, j'étais au téléphone.
—Difficile de ne pas entendre sa moto bruyante pourtant, rétorque le frère sans lever les yeux de son chevalier sombre.
Décidément, ma moto prend cher en ce moment, mais peu importe. Je me lève, replace la chaise, ébouriffe les cheveux longs d'Emile comme s'il était mon propre frère, avant d'approcher de ma petite amie et de déposer un furtif baiser sur ses lèvres pour la saluer.
—On monte ? je suggère en désignant sa chambre.
Elle acquiesce et nous laissons le garçon dans sa concentration imperturbable. A peine les escaliers grimpés, la porte refermée et verrouillée derrière nous, je prends possession des douces lèvres de Mercedes tout en en ôtant ma veste qui tombe bruyamment sur le sol.
—Il ne va pas monter ? je souffle déjà dans le cou de ma partenaire qui referme ses bras délicatement sur moi.
—Non, elle m'assure, lorsqu'il est sur ses maquettes, impossible de l'en sortir avant des heures.
—Des heures ? Est-ce que cela sera suffisant ?
Mon sourire caresse le lobe de son oreille sous ses cheveux châtain sur lequel je les referme impatiemment.
—Ne serais-tu pas en train de surestimer tes capacités ?
Je la pousse sur son lit avant de me placer sur elle pour seule réponse. J'ôte mon t-shirt qui dévoile ma poitrine avant de reprendre fougueusement possession de sa bouche. Nos langues se joignent et je ressens déjà cette sensation très caractéristique au creux des reins. Ses doigts se logent dans ma crinière, s'agrippent lorsque mes baisers longent sa mâchoire, et je l'entends gémir quand je pince la pâleur de son cou.
—Tu m'as manqué, elle soupire gravement malgré sa voix aiguë
Là encore, c'est mon genoux qui glisse lentement entre ses cuisses sous sa robe qui lui répond à ma place. Je défais le ruban de sa chemise, écarte les pans pour embrasser le galbe de ses seins couverts d'une très délicate dentelle fine. Mercedes parait si sage en apparence mais ces dessous sur lesquels je souris avec malice témoignent qu'elle attendait impatiemment mon arrivée.
—J'espère que la Déesse ferme les yeux, car ce qui t'attend n'a rien de très chaste...
—Tu es particulièrement présomptueuse aujourd'hui...
—C'est parce que j'ai très envie de toi, Mercie.
Je lie les gestes à la parole et mes doigts dévalent ses hanches pour se placer sous ses fesses que je soulève afin de coller son bassin au mien. Par tous les Saints, elle a raison, je suis impatiente et me sens brûler aujourd'hui. Ca ne fait pourtant qu'une dizaine de jours que je ne l'ai pas vue mais tout mon corps la réclame. J'ai envie de la toucher, de la caresser, de me fondre dans son regard lavande, de m'imprégner de cette douce et agréable odeur d'agrumes...
—Putain ! dis-je soudain en reculant à peine, choquée de mes pensées.
D'agrumes ? Mercedes ne porte pas ce genre de parfum, ni aujourd'hui, ni même jamais.
—Byleth ? Tout va bien ? elle s'enquiert, inquiète.
Mon cœur frappe à tout rompre dans ma poitrine, je suis tétanisée. Elle pousse sur ses avant bras pour se relever vers moi et ses doigts se posent sur ma joue, caressent mon expression figée ailleurs.
—Je... hésité-je, excuse moi, je...
—Ce n'est rien... elle me rassure en réchauffant ma joue. Nous ne sommes pas obligées de le faire si tu n'as pas envie.
—J'en ai envie ! je la contredis immédiatement, c'est juste que... J'ai l'impression que ma tête va exploser...
Sérieusement ? Une migraine ? Maintenant ? C'est quoi mon problème ?
—Je vais te chercher quelque chose, elle m'informe en glissant sur le lit avant de se relever.
Je lui attrape le bras, la retiens avant qu'elle ne quitte cette pièce même si c'est pour quelques minutes seulement. Je n'ai pas envie d'être seule pourtant, je suis ailleurs. Quelle piètre petite-amie je fais...
Finalement, pas de sexe aujourd'hui, et après avoir discuté plusieurs heures avec ma petite amie, après des embrassades et câlins réconfortants, j'ai décidé de rentrer à la tombée de la nuit. La température est descendue de quelques degrés, rien de cependant suffisant pour me rafraîchir les idées, ni pour remettre de l'ordre dans mes pensées. J'ai expliqué à Mercedes que j'étais seulement préoccupée, que j'avais certainement la tête ailleurs avec les récents changements. Elle a été si compréhensive, si bienveillante... Tellement que je me sens coupable. Cette fille est un trésors duquel j'ai l'impression de ne pas prendre assez soin. Qui a une personnalité aussi belle, de nos jours ? Cela me refait penser à la conversation que j'ai eu avec Edelgard, sur la gentillesse de ma compagne, à côté de laquelle, n'importe qui pourrait paraître ne pas l'être. Mais pour moi, c'est encore différent. J'ai l'impression d'être avec une femme, mais que mon cœur bat ailleurs. Je suis vraiment dégueulasse... Et j'ai conscience que Mercie mérite bien mieux que cela...
