Une Soirée
Comme Shamir l'avait prédit, je n'ai eu aucun mal à trouver d'où provenait l'effroyable brouhaha une fois l'affreuse maisons peinturée colorée passée. Je suis dans le quartier chicos de Leicester et probablement devant la baraque la plus immense. On dirait presque un manoir mais aucune chance de trouver un quelconque mort à l'intérieur avec la musique qui déverse les décibels à plusieurs pâtés de maison. Comment les voisins peuvent-ils supporter tout ce bruit ? A moins qu'il n'y ai que des vieux et que tous soient sourds. C'est une possibilité qui me parait cohérente.
Pourquoi Edelgard a-t-elle tenue à se rendre ici à pieds ? C'est à plus d'une heure de marche ! Elle a besoin de faire du sport en plus de ses entraînements quotidiens pour se tailler un corps de rêve ou bien ? C'est vrai qu'elle est particulièrement bien... Elle n'est pas désagréable à regarder, loin de là, mais je m'égare.
Cette fois, je garde mon casque sous le bras quand je descends de ma bécane que je gare dans le rue, à une distance raisonnable de cette bande d'adolescents un peu alcoolisés. Beaucoup alcoolisé pour certain je pense, je suis quasiment certaine que les traces au sols, fraîches, dont l'odeur est assez pestilentielle pour m'arracher un rictus de dégoût, est le contenu d'un estomac déversé. Ma foi, je passe le petit portail et remonte lentement l'allée qui découpe en deux un immense terrain verdoyant. La famille qui vit ici doit être particulièrement friquée, je pense alors.
J'avais dit un tour, seulement un tour, mais me voila déjà à passer entre quelques groupes d'individus fumant buvant jusqu'à franchir la porte restée ouverte sous le auvent de ce manoir, ignorant pléthore de regards insistants. Si on ignore que j'ai probablement une dizaine d'année de plus que chacun, je trouve pourtant avoir l'allure pour me fondre parfaitement dans la foule.
—Byleth ?! Byleth !
Il n'y a que deux personnes qui pourraient me connaitre, ici, et puisque mon prénom n'a pas été prononcé avec la sentence d'un juge j'imagine qu'il s'agit de...
—Dorothea ! Salut !
—J'ignorais que tu devais venir ! elle s'écrie en approchant de très près. Edie ne m'avait pas prévenue, petite cachottière !
Inutile de lui expliquer que c'est uniquement puisque, en théorie, dans les faits, très logiquement, je ne devrais certainement pas être là, mais passons. Je la regarde porter son petit cocktail rose et conique à ses lèvres entre lesquelles le contenu coule en une dernière gorgée.
—T'es pas un peu jeune pour boire ça ?
—Ho, voyons, ma chère, j'ai déjà dix-huit ans !
—Vraiment ? J'allais finir par croire qu'il n'y avait que des mineurs à cette... soirée.
—C'est parce que la plupart le sont encore ! Mais... elle fait en s'approchant de mon oreille, c'est un secret !
Un secret ? Mais elle est complètement ivre, ou bien ? Avec le boucan qu'ils font, je m'étonne encore que la police ne soit pas déjà là ! Ces gamins ne feraient certainement pas les fiers.
—C'est vraiment... je souffle en regardant partout autour de nous.
Un désastre, je pense tout bas. Mais j'imagine que mon expression ne laisse que peu de place à l'interprétation puisque Dorothea répond à cette remarque que je n'ai même pas prononcée.
—Tout est sous contrôle ! Après tout, c'est Claude qui organise, et crois-moi, il n'est pas du genre à laisser quelque chose au hasard.
Claude ? C'est qui, ce Claude, encore ? Si c'est le type à qui appartient la baraque, tu m'étonnes que la police ne soit pas encore là. J'imagine déjà le môme payer les flics pour qu'ils n'interviennent pas, mais bon, ce genre de chose n'arrive que dans les films, pas vrais ? Quoique, après certains événements auxquels j'ai assisté, je reste perplexe sur l'efficacité des forces de l'ordre. On les appelle pour tapage nocturne et ils finissent par rester boire un verre.
—Ho, Ingrid, ma puce, vient par ici !
Ca y est, elle est repartie, plus rien ne l'arrête. C'est cependant la seconde fois que j'entends ce prénom et j'imagine aisément que son second fameux rendez-vous a du bien se finir vu la façon dont elle a interpellée la jolie blonde aux yeux verts qui approche. Cette dernière à l'air plus raisonnable mais me dévisage plus sévèrement que les autres.
—Je te présente Byleth, tu sais, la sœur d'Edie ?
—En fait je ne suis pas tout à fait sa...
—Mais où est passée notre chère Edie d'ailleurs ! elle me coupe sans même m'écouter.
—Dorothea, tu devrais peut-être rester tranquille un moment.
La blonde prend son verre malheureusement déjà vide qu'elle pose sur un buffet avant de replacer l'une des boucles chocolatées en place. Où trouve-t-elle toute cette énergie, bon sang ? C'est vraiment de l'alcool, dans ces verres ? Car j'ai vu des jus de fruits très sucrés faire tout autant d'effet.
—Tu veux boire quelque chose ? demande ladite Ingrid en laissant Dorothea partir visiblement en expédition impromptue.
—Non merci, je conduis, je réponds en pensant à la bière que j'ai déjà bue plus tôt.
—Alors c'est toi, la fille du compagnon de sa mère ?
—Il parait, dis-je laconiquement.
—Tu sais que ça ne va pas lui plaire de te savoir ici, m'informe très sérieusement celle à la longue tresse dorée.
—Je sais, mais... je laisse quelques secondes en suspend. Je m'inquiétais, j'avoue finalement.
—Eh bien, il vaut mieux s'inquiéter pour rien que de rester les bras ballants à ne rien faire, n'est-ce pas ?
Je ne réponds pas, et mon silence lui donne raison. Cette Ingrid à l'air d'avoir la tête sur les épaules, ce qui me plait, et je ne parle en rien de sa beauté naturelle et du charisme qu'elle dégage. Elle a surtout l'air sobre, ce qui me conforte sur ma première idée.
—Mais ça ne lui plaira pas, répète celle aux yeux amandes. Edelgard ne supporte pas de se sentir surveillée.
—Surveillée ?
Je n'ai pas le temps d'attendre une réponse que Dorothea revient sourire au lèvres, chantonnant à moitié, appelant sa compagne avant de déposer un chaste baiser sur ses lèvres. Ingrid à visiblement l'air également pudique, puisque ses joues virent immédiatement au rouge. Ha, elle ne revient pas seule, j'imagine que c'est l'heure du procès.
—Yo, Edelgard ! je fais naturellement accompagné d'un geste de la main.
La blanche s'arrête et ses yeux sont plus violents que deux revolvers pointés à bout portant. Elle ne dit point mot cependant, et m'attrape par le bras pour me traîner dehors, loin de la foule. Après tout, on ne lave pas son linge sale en public !
—Qu'est-ce que tu fais ici, Byleth ?! Est-ce que tu me suis ?
J'ignore quoi lui répondre et aucune réponse ne saurais calmer cette véhémence. Au point où j'en suis, eh bien, autant être honnête avec elle.
—Je voulais savoir où tu allais, oui, dis-je très franchement.
—Eh bien, maintenant, tu le sais, alors rentre chez toi !
Ses bras se croisent devant son chemisier vermeille. Ses joues sont légèrement rosées, ce qui m'indique qu'elle a bu ou bien, qu'elle est simplement en colère. Il doit s'agir des deux, sans aucun doute.
—En fait, je préfère attendre que cette fête se termine afin de te ramener, je proteste sans hésiter.
—Pardon ?
—Tu as bien entendu, Edelgard, alors retourne t'amuser si tu le souhaites, je peux attendre, j'ai tout mon temps.
—Je n'ai nul besoin d'être maternée, Byleth ! Je n'en ai jamais eu besoin alors ce n'est pas aujourd'hui que...
Mais elle s'arrête sans finir sa phase avant que ses doigts ne viennent se rejoindre sur l'arrête de son nez. Bon, je ne risque rien à affirmer que je l'ai mise en pétard, mais qu'y puis-je, après tout ? Si je suis sa « grande sœur » comme certains aiment penser, ma présence à cette fête n'est pas si surprenante. Je ne me suis pourtant aucunement donner une quelconque mission de surveillance, je voulais juste... Juste... Juste quoi, en fait ? La voir ? La ramener chez nous ? Chez-nous ? je me répète silencieusement. Sérieux, à quoi je pense.
—Tout va bien, El ?
El ? C'est qui, le type qui l'appelle ainsi ? Ha, à y regarder de plus près, je crois que c'est le garçon qui était en arrière plan sur une des photos de Dorothea. De près, il m'agace encore plus. Et c'est quoi, cette affreuse coupe de cheveux ?!
—Cette personne t'importune ? Tu veux que je lui demande de partir ?
C'est moi, cette fois, qui croise mes bras sur ma poitrine. Je n'ai cependant aucune intention de me mettre sur la défensive, mon truc, c'est plutôt l'attaque franche.
—Et si tu t'adressais directement à moi, pour commencer, gamin ?
Bon, il fait au moins... Une bonne tête de plus que moi, mais ne m'impressionne guère. Ce beau regard électrique fait peut-être son petit effet sur ces dames, et son expressions sérieuses et ferme sur ces garçons, mais il me laisse indifférente. Enfin, ce n'est pas tout à fait exacte puisqu'il a ce don naturel de beaucoup m'énerver.
—C'est bon, Dimitri, ne t'en mêles pas.
—Tu es sûre ?
—Et toi sourd ? j'ajoute spontanément.
—Byleth, ça suffit !
—Et puis, tu es censé être qui, en fait ? Son chevalier servant ? Son mec peut-être ? je le questionne sans m'arrêter. Ou bien tu es...
—Son frère, il m'interrompt.
—Ouais, et moi je suis sa... Attends, je reste pantoise, son frère ?
—Eh bien, tu ne plaisantais pas en ce qui concerne son caractère, ajoute le blond en descendant d'un ton.
—Dimitri !
—Même si tu n'avais pas dit son prénom, sa façon de parler ne laissait que peu de place aux doutes, El.
Encore ce surnom qui m'énerve. Son frère ? Est-ce l'un de ceux dont m'a parlé Rhea ?
—Dimitri Alexandre Blaiddyd, fait le blond en me tendant sa main.
Je reste perplexe devant ce geste d'un coup très maniéré alors qu'il voulait juste me foutre dehors, il y a pas cinq minutes, mais j'attrape sa main afin de rester un minimum courtoise, si je peux encore l'être.
—Je cherche encore l'air de famille, je lâche nonchalamment en jonglant d'Edelgard au jeune homme.
—C'est parce que j'étais, il commence avant de se reprendre, je suis son demi frère par alliance.
Par alliance ? J'ignorais que mon père avait un fils caché, ou bien il s'agit d'un précédent mariage d'Anselma ou de son père, et bien évidemment, cette option a plus de sens. Putain, j'ai les boules lorsque je comprends que cela signifie qu'Anselma s'est mariée une première fois avant de se mettre avec mon père. Mais il s'est passé quoi, en dix ans ? C'était déjà le cas à l'époque ? Plus le temps passe, plus je me sens perdue, et les principaux concernés ne veulent absolument rien me dire.
—Maintenant que tu es plus calme, s'il te plait, rentre, exige impétueusement Edelgard qui a retrouvé la parole.
—Ou bien tu peux rentrer boire quelque chose, propose surprenamment le jeune homme aux allures chevaleresques.
Il me suffit de regarder la gamine pour comprendre qu'elle n'est en rien d'accord avec la proposition que son demi-frère vient de me faire, mais puisque je n'ai rien de plus intéressant à faire que de l'énerver, j'accepte et suis le garçon dans le salon ou je refuse cependant ledit verre.
Finalement, l'ambiance n'est pas si mal, ici, et je ne dis pas seulement cela puisqu'ainsi, je peux garder un œil sur Edelgard. Non, je peux en avoir un sur toutes ses fréquentations. Je préfère tout de même m'isoler dans une pièce, à côté, ma présence se remarque et loin de moi l'envie de la mettre mal-à-l'aise. J'ai donc opté pour la cuisine où les chips et autres conneries ne manquent pas. Je ne peux pas boire, mais je ne risque rien à remplir mon estomac, surtout que je n'ai pas dîner.
—On peut discuter ? j'entends alors que j'enfourne une poignée de gâteaux apéritifs plus grosse que ce que peut en contenir ma bouche.
Je manque de m'étouffer mais avale très rapidement et tout aussi difficilement les biscuits salés devant deux orbes parme qui lèvent au ciel. Je l'entends penser tout haut que je n'ai aucune manière, mais très franchement, cela me fait plus rire qu'autre chose dans l'immédiat.
—Bien sûr, je réponds alors simplement.
Elle approche et s'adosse à la table sur laquelle, moi, je suis assise. Encore une preuve de mon manque de manières, n'est-ce pas ?
—Je ne le dirai qu'une seule fois, mais s'il te plait, cesse de me suivre et de me surveiller.
—Je ne faisais ni l'un ni l'autre, Edelgard, tu n'es plus une gamine. Si tu veux faire la fête, sortir, boire, je ne t'en empêcherai pas, t'es assez grande pour être responsable de toi-même.
Je m'attends à ce qu'ils pleuvent des remarques, qu'elle rétorque quelque chose, mais à la place, elle sourit. Ce changement d'attitude me laisse aussi surprise que je me suis sentie stupide tout à l'heure devant Dimitri.
—Qu'est-ce qui te fait sourire ? demandé-je alors.
—Rien, c'est juste que c'est la première fois que l'on s'adresse à moi comme si j'étais une adulte, enfin, je parle de... elle hésite très rapidement. Peu importe, elle se reprend plus sérieuse.
—Si je t'avais suivie, je serais d'ailleurs certainement arrivée plus tôt, j'essaie de détendre l'ambiance.
—Alors qu'est-ce que tu fais ici ? elle demande en braquant son regard sur moi.
Cette fois, je ne lis ni jugement, ni colère, seulement de la curiosité, et une once d'inquiétude, peut-être, mais si j'ignore d'où cette dernière provient.
—Je ne sais pas. Je n'avais rien à faire, et je n'aimais pas la façon dont tu étais partie. Te comprendre est parfois... difficile.
—Et donc, pour me comprendre, tu es venue jusqu'ici ?
—Je n'ai pas dit que c'était une décision très raisonnable, je plaisante quand je la vois quitter sa position tantôt braquée.
—Et c'est moi, qui suis difficile à comprendre ? Tu m'exaspère, elle souffle lentement. Bien, rentrons.
Je la suis, dubitative devant ce soudain changement d'attitude mais peu importe, je suis plus détendue, et je suis surtout rassurée de la voir agir plus ou moins normalement. Normalement en comparaison de sa façon d'être habituelle, bien sûr. Edelgard va saluer un jeune homme basané accompagné d'une femme aux cheveux cerise qui semble droit sortie d'un tout autre univers - l'hôte de la soirée et sa petite amie j'imagine - avant de sortir du manoir. J'en fais autant et la suis, silencieuse. Qu'aurais-je à ajouter ?
—Donc, dis-je en me grattant le crâne avant de mettre la clef sur le contact de ma moto. Je te ramène, cette fois ?
Son hésitation en regardant mon engin me laisse à penser qu'elle n'avait pas pensé, pendant une minute, au fait que j'étais véhiculée mais pas elle. Pourquoi refuse-t-elle d'ailleurs toujours que je la raccompagne ? Je pensais qu'elle ne voulait simplement pas monter sur un deux-roues, au début, puis je me suis dit que ma présence l'importunait. Finalement, je ne sais plus quoi penser de tous ces refus.
—Tu as un casque ? elle fini par demander après un moment resté en suspens.
—Bien sûr, j'en ai toujours un deuxième avec moi.
J'ouvre le coffre sous la selle et tire l'équipement dont la couleur me fait immédiatement sourire. Je lui tends, elle l'observe avant de le saisir, en fait autant avec les gants, puis me questionne, évidemment.
—Tu l'as acheté spécialement pour moi ? elle devine non sans mal.
—Pas du tout, que vas-tu imaginer ? je mens alors.
—Byleth, il y a encore l'étiquette.
J'attrape le carton qui pendouille et l'arrache pour lui donner tort bien qu'on sait parfaitement toutes les deux qu'il est trop tard pour ma dignité.
—Tu grimpes ?
Et de nouveau, elle hésite. Une seconde, puis autre jusqu'à ce qu'une demi-douzaine ne s'égraine ainsi dans la nuit. Elle fini par soupirer devant mon regard appuyé, et monte derrière moi. J'ai à peine le temps de démarrer, de débrayer et de passer la première que ses bras m'enserrent fermement.
