Une Victoire
En deux heures, j'ai plus appris sur ce sport qu'est l'escrime qu'en un mois sur la vie d'Edelgard. Je ne m'en plains pas cependant puisqu'au moins, je comprends quelque chose à ce qu'il se passe. La pause sera bientôt terminée et les trois dernières manches vont pouvoir avoir lieux. J'ignore si la gamine qui me sert de colocataire a remarqué ma présence, mais Dorothea est tout sauf discrète, alors le contraire m'étonnerait fortement.
—T'arrêtes jamais de manger ? je demande quand Lysithea ouvre un second paquet de biscuits puisque le premier n'a vraisemblablement pas fait long feu.
—J- Je suis en pleine croissance ! tempête-t-elle immédiatement n'osant porter son gâteau à ses lèvres.
—Ouais, enfin c'est des légumes qu'on est censé manger, pas des gâteaux, je me moque devant ses joues qui virent de plus en plus au rouge.
Bon, je dis ça, mon alimentation est tout sauf parfaitement équilibrée. Je n'ai avalé que des sandwich et des parts de pizza, voire des pizza entières, ces deux derniers jours restée enfermée dans ma chambre puisque j'évitais Edelgard.
—Byleth ! La pauvre, tu vas la vexer !
Qui des deux va la vexer le plus, franchement ? Moi avec mes remarques diététiques ou Dorothea qui enlace la gamine comme si c'était un gros ours en peluche ?
—Ho ! reprend-t-elle en permettant enfin à celle aux yeux incarnadins de respirer. Ca va reprendre !
De quoi imposer le calme dans la globalité des gradins.
—Dis-moi, Dorothea, je fais en approchant de l'oreille de la susnommée. C'est qui ce type là bas au regard sombre qui a fixé Edelgard tout à chacune de ses manches ?
—Lui ? C'est un Vestra, il s'appelle Hubert, et c'est un peu... Disons le garde du corps d'Edie !
—Pardon ? Son garde du corps ?
—Sa famille travaille pour les Hresvelg et Hubert, en l'occurrence, est personnellement chargé de la surveillance de notre chère Edie !
—Pourquoi je l'avais jamais vu, alors ? je reste plutôt étonnée et encore plus perplexe.
—Disons qu'il s'est parfaitement rester discret.
Discret ? A quel point, discret, au juste ? Dit comme ça, ça me donne l'impression qu'il pieute aussi caché dans un placard de notre appartement. Je suis pas vraiment convaincue mais Seteth s'avance sur le terrain et appelle les nouveaux participants. Il s'agit cette fois d'Edelgard et d'Ingrid. Eh bien... Elle va l'avoir, son fameux combat.
—Aller, Ingrid !
Je tire sur la chemise de la chanteuse qui va finir par nous faire exclure à s'enthousiasmer autant pour la forcer à se rasseoir. Un peu plus, et elle passait par dessus les sièges de devant. Qui m'a collée une fille pareille, sérieusement ? Les deux femmes qui se sont avancées sur la piste n'ont évidemment rien manqué de tout ceci et si je doutais qu'Edelgard sache que je suis ici, maintenant, c'est cuit.
Les minutes passent et la tension est à son comble. Le duel est vraiment très serré entre Ingrid et Edelgard. Cette dernière mène seulement de deux points. Elles se tiennent tête et malgré son retard, Ingrid ne se relâche pas pour autant. Elles ont beau être en tenue d'escrime, ce qui est loin d'être comme dans les quelques pensées que la chanteuse m'a inspirée tout à l'heure, je reste fascinée du spectacle. Celui-ci prend malheureusement fin lorsque Seteth annonce la fin de la troisième manche puisque le temps est écoulé sans qu'aucune ne mette le nombre de point nécessaire, accordant ainsi une belle victoire à Edelgard.
—Sois pas déçue, Edelgard est seulement la meilleure, je souris malicieusement à la brune qui s'est rassise au fond de son siège, l'enthousiasme envolé.
—Je ne pensais pas que tu serais autant à fond, fait soudain la plus petite de nous trois qui a finalement bien entamé son paquet de biscuits.
Je m'en étonne moi-même, en fait, mais j'ai sincèrement envie de voir la blanche gagner. Lorsqu'elle se bat, je ne sais pas, j'ai l'impression qu'elle est libre, et que je respire enfin l'air dont j'ai été privé ces derniers jours.
Dimitri a sans surprise remporté son combat, lui aussi, contre une fille que je suis certaine d'avoir vu à la soirée chez Claude. Sa marque sous l'œil ne passe pas inaperçue. Cela signifie donc que la finale aura bien lieu entre le frère et la sœur, comme celle-ci en était persuadée. Décidément, elle ne laisse rien au hasard, on dirait bien.
—Les choses sérieuses vont commencer.
—Lysithea ! gronde la grande. Elles avaient déjà commencé !
—Ha, oui, pardon, Ingrid. C'est juste qu'avec ces deux là...
Juste une rivalité ? Mouais, ça a l'air bien plus intense que ça, j'ai l'impression d'être devant un duel à mort entre les deux chouchous du Capitole. Heureusement, aucun ne perdra la vie aujourd'hui.
—Ca commence...
Je n'écoute plus ni Lysithea ni Dorothea puisque mon regard est rivé sur les deux jeunes qui se saluent sur la piste. J'ai l'impression que mon sang boue dans mes veines quand ils s'avancent. Par tous les Saints, j'ai toujours critiqué les abrutis qui hurlaient des heures devant des matchs mais je sens l'excitation croitre seconde après seconde. Les deux sont entièrement vêtus de blancs, des tenues traditionnelles, protège poitrine et masque sombre. Pour ceux situés plus loin, il serait même possible de les confondre tant les vêtements griment leur silhouette. Edelgard est toutefois plus petite, mais elle porte également deux gants. Etrange, j'ai cru comprendre que la règle n'était que d'en garder un seul, celle de la main attaquante.
Le premier touché va à Edelgard qui est très rapidement passée à l'offensive devant son frère qui ne recule qu'à peine sous ses assauts répétés. A ce rythme, il y aura un vainqueur avant la fin des trois manches de trois minutes réglementaires, car les coups pleuvent sous mes yeux rivés sur la scène.
—Merde !
Ma favorite vient de mettre un pieds en dehors de la piste et se positionne donc avec un mètre de recul. C'est que j'en ai appris, des choses, lors de la première partie du tournoi, et je suis plutôt fière d'avoir retenu tout ça ! Je me reconcentre sur le duel et la blanche - enfin ils le sont tous les deux à l'instant - accule le blond qui met cette fois les deux pieds en dehors de la piste ! Ils sont à égalités !
J'ai l'impression que mon cœur bat la chamade mais que mon sang s'est gelé changé en lave dans mes veines. Les minutes s'écoulent, les secondes s'égrainent, et ils sont tous les deux à quatorze. Le prochain touché sera donc décisif.
C'est encore une fois Edelgard qui s'élance et je vis la scène au ralentie, sa main libre qui quitte son dos pour garder l'équilibre, son bras droit qui s'avance vers son adversaire, et son fleuret qui glisse le long de l'autre avant que ce dernier ne rencontre son buste. Quoi ?!
—Mais non ! je hurle presque en me levant de ma chaise avant de passer ma main dans mes cheveux complètement désordonnés.
—Elle a... commence Dorothea.
—Perdue ? finit Lysithea.
Edelgard ? Perdre ? Comment est-ce seulement possible ?!
Des cries de joie, d'autres de déception, s'élèvent dans les tribunes puis se font muets lorsque mon oncle demande le silence et accueille les deux finalistes qui ôtent enfin leurs masques. J'imagine déjà l'expression déçue d'Edelgard, et celle de vainqueur de son frère. Et pourtant, lorsqu'ils se découvrent avant de se serrer symboliquement la main, je ne lis que de l'indifférence sur leur visage rougi. Il a gagné, elle a perdu, mais aucun des deux ne semble vraiment parmi nous pour le comprendre.
