Un Mystère

J'ai du mal à circuler au milieu de la foule. Certains quittent les lieux, d'autres vont saluer les deux finalistes. Difficile de suivre Dorothea au cœur de ce pléthore d'individus, et encore plus difficile pour Lysithea, plus petite, de me suivre moi. Lorsque je me tourne vers cette dernière, j'ai l'impression que la masse informe formée par ce raz-de-marée humain tente de l'engloutir alors j'attrape sa main afin de la tirer hors de là, histoire qu'elle ne se perde pas en route. Finalement, avec les minutes qui s'écoulent, les gens se font de moins en moins nombreux, et c'est soulagée que nous arrivons enfin à atteindre Edelgard.

—Edie ! s'écrie la chanteuse en prenant la finaliste dans ses bras.

Lysithea fait un signe de la main, et moi... Je me contente de ne rien dire, incertaine de la réaction de la blanche.

—Tu es venue ? elle demande en approchant, étrangement calme.

—Je n'avais pas envie de rater ça, je souris en retour.

Elle vient de perdre, est censée m'en vouloir - ou bien est-ce moi qui lui en veut ? je ne sais plus trop - mais agit pourtant comme s'il ne s'était jamais rien passé entre nous. En bien comme en mal. En fait, je ne trouve rien à redire dans son attitude.

—Byleth, m'interpelle-t-elle soudain plus sérieusement, cela te dérange-t-il si les filles rentrent avec moi ?

Les filles ? Ha, v'la que Dorothea sourit innocemment et que Lysithea me fixe, j'ai pas besoin d'en voir plus pour savoir que ce sont lesdites filles.

—Pourquoi me demandes-tu la permission ?

—Parce que c'est chez-toi.

Franchement, c'est plus chez-elle que chez-moi, mais passons sur ce point.

—Ca ne me dérange pas, je lui indique après cette très courte aparté personnelle.

—Bien, vous n'avez qu'à partir devant, je dois prendre une douche ou bien ces vêtements vont finir par coller à ma peau.

—Pourquoi tu ne la prends pas chez-nous ? je l'interroge en insistant bien sur la fin.

Elle m'observe une seconde, deux peut-être, et j'ignore si c'est parce que je parle de chez-nous, ou bien si c'est car son regard est naturellement pénétrant.

—Je vais chercher Ingrid !

—Et moi, mes vêtements, elle accepte donc.

Ce qui nous laisse plus qu'à deux alors que les gens se dispersent.

—J'imagine que vous la ramenez ? Elle ne pourra pas monter derrière moi dans cette tenue.

—Monter derrière toi ? me répète la petite incrédule.

—Ouais, je suis garée devant l'académie.

Elle me fixe un instant, un très long instant d'ailleurs, troublée.

—Quelque chose ne va pas ? je demande devant son manque de réaction.

—Non, tout va bien, seulement...

—Seulement quoi ?

Elle soupire, prend une moue embarrassée, ou contrariée, j'ai du mal à le dire, mais quelque chose la perturbe.

—C'est les dizaines de gâteaux avalées qui t'obstruent soudain les cordes vocales ? je m'impatiente.

—Ecoute, Edelgard n'accepte jamais de rentrer en voiture, alors en moto...

—Elle l'a pourtant fait, je lui affirme. Faut dire qu'à force d'insister... j'ajoute un sourire conquérant sur les lèvres qui la laisse toutefois indifférente.

La plus jeune de la clique n'a pas le temps d'ajouter quoique ce soit que Dorothea, Edelgard, ainsi qu'Ingrid débarquent. D'ailleurs, celle-ci a du trouver le temps de se changer puisqu'elle revêt son uniforme et dégage une très subtile odeur de menthe. Son shampoing, j'imagine, puisque quelques goûtes d'humidité perlent encore ses cheveux.

Alors que les filles bavardent un instant, je rencontre un visage familier dans la foule, salué par des hommes dont certains, en uniforme, ont l'air particulièrement importants.

—Partez sans moi, je vous rejoins plus tard, dis-je avant de m'éclipser.

Je me faufile comme je peux entre les quelques individus persistant et approche enfin du garçon que j'ai aperçu au loin. J'imagine qui a encore son lot de remerciements à recevoir mais peu importe.

—Dimitri ! je l'interpelle alors.

Une dernière poignée de main et il s'approche de moi.

—Félicitations, dis-je en tendant la mienne qu'il attrape.

Pourquoi n'a-t-il pas l'air heureux d'avoir gagné ? Ils ont tous un problème de modestie, ici, ou bien est-il seulement pudique en ce qui concerne la joie ? Il était bien plus expressif que cela, à la soirée.

—Je te remercie, lâche-t-il enfin.

—Je pensais que remporter un tournoi susciterait plus de joie que cela, je lui fais remarquer, sourire en coin.

—S'il s'agissait d'une vraie victoire, peut-être que cela serait le cas.

—Comment ça ?

—Son attaque, la dernière, je la connais par cœur.

—Et alors ? je ne suis pas sûre de comprendre.

—Elle le savait.

Tout cela me laisse dubitative. Il approche de moi, attrape délicatement mon bras pour me tourner légèrement, sans me quitter de ses beaux yeux azur.

—Tu vois cet homme, en costume noir et vermeille, à quelques mètres, au fond ?

Ma tête bascule à peine tandis que je tente de regarder par dessus son épaule.

—Ne le regarde pas, il m'arrête cependant très vite. C'est Volkhard, l'oncle d'Edelgard, il travaille pour son père.

—Dimitri... je soupire, je suis pas vraiment certaine de te suivre.

—Il était là pour s'assurer de la victoire d'Edelgard.

J'essaie de jeter un coup d'œil, furtif, cette fois, et remarque enfin l'homme imposant, parfaitement coiffé, en très intense discussion avec d'autres tout aussi bien coiffés sapés. Tous ces gens sont vraiment tirés à quatre épingles.

—Edelgard fait de l'escrime depuis l'âge de cinq ans, elle a toujours remporté ses tournois, pour le plus grand plaisir de son père.

Mes orbes bleuet interrogent Dimitri qui reste aussi droit qu'une statut faite de marbre. Son expression est d'ailleurs faite du même matériaux.

—Alors quoi, elle a volontairement perdu pour... Déplaire à cet homme ?

—C'est ce que je crois, tu comprends bien que dans ces conditions, la victoire me laisse un goût particulièrement amer.

Chose que je peux comprendre, mais ce que je ne comprends pas, c'est quelles raisons la pousseraient à agir ainsi. Franchement, ça n'a vraiment aucun sens. Ne pratique-t-elle donc pas pour elle-même ? Elle avait pourtant l'air de maîtriser parfaitement tous ses gestes. Trop bien, même. Trop pour perdre de la sorte.

—Tu te demandes pourquoi, mais ce n'est pas à moi de te répondre sur ce point.

Encore des mystères qui entourent ma cadette. Des mystères qui ne font que s'ajouter à des questions que j'avais laissées dans un coin de ma tête et qui bien évidemment, ne demandaient qu'à frapper de nouveau. L'occasion est parfaite.

—Je ne devrais certainement pas te le dire, mais El se montre bien plus forte qu'elle ne l'est en réalité.

Il regarde autour de nous avant d'amarrer de nouveau son regard au mien.

—Ne la laisse pas disparaître.

Mais c'est lui, qui disparaît, après m'avoir salué pour rejoindre des impatients prêts à le découvrir, lui et sa gueule de prince. Putain, en plus, il se comporte comme un vrai chevalier, j'ai l'air de quoi, moi, à côté de personnes comme lui ? Toutes les personnes autour d'Edelgard on quelque chose de particulier, quant à moi... Je suis juste encombrante. Comment pourrait-elle seulement me remarquer, pour autre chose que cela ?

Cette histoire me parait encore démesurément sombre, ce qui me fait une belle jambe. Peu importe, lorsque je retourne sur mes pas, les filles ne sont plus là et il est temps pour moi également de partir. Je suis venue dans le seul but de voir la gamine vaincre, et je repars avec un lot incroyable de questions dans la tête.

Avant de quitter la pièce, je me retourne une dernière fois vers Dimitri, en pleine poignée de main avec ce fameux Vollkard. Alors, comme ça, c'est l'oncle de la blanche ? En l'observant avec plus d'attention, c'est vrai qu'il me rappel quelqu'un et quand il se tourne dans ma direction, quelque chose me frappe. Je ne pouvais pas le voir tout à l'heure puisqu'il demeurait dans la pénombre d'autres hommes, mais son regard... C'est le même éclat parme qui m'a hanté pendant des jours et au moins autant de nuits. Puisqu'il travaille avec son père, j'aurais juré que c'était son frère à lui, mais force est de constater que je me trompais lourdement. Je ne comprends plus rien, et décide de rentrer cette fois.