Un Espoir
C'est avec une déception sans précédent que je me réveille, seule, dans mon lit. Mon premier réflexe est de passer la main sur les draps, là où se trouvait le corps d'Edelgard il y a quelques heures encore, là où nous avons échangés bien plus que des mots. Ils sont froids, ça doit faire un moment qu'elle est partie, et je ne l'ai pas entendue. Je n'ose même pas sortir de mon lit, ni même de ma chambre tant j'appréhende d'entendre quelque chose comme « c'était une erreur » ou bien « ça n'arrivera plus ». Ce n'est pas comme si je pensais déjà à lui refaire l'amour même si, l'idée est en effet fort séduisante, mais je ne veux pas être seulement cela : une erreur, un moment d'égarement. Des mots qui font mal à être seulement pensés, et pourtant, je ne peux qu'espérer...
Je finis tout de même par franchir le pas et me rhabille avant de pousser le battant de la porte. Le séjour est vide, la cuisine également, alors je me dirige vers la porte de l'ancien bureau de mon père. La pièce est vide également, pas comme mon estomac dans lequel je sens une boule désagréable grossir. Elle est partie ? Mes craintes se vérifient, finalement.
Je erre dans mon séjour, observant mon piano, entendant déjà les notes des plus tristes musiques que je connaisse s'élever, avant de sursauter quand la porte de l'entrée s'ouvre. Mes yeux s'agrandissent quand Edelgard entre avant de se déchausser, un sachet en carton dans les mains.
—Tu es là ? je pense tout fort, incertaine.
—Où voudrais-tu que je sois ?
Elle entre dans la pièce en me regardant comme si je sortais tout droit d'un univers parallèle, de quoi me laisser dubitative quant à mon expression mais peu importe, le soulagement que je ressens en vaut la peine.
—J'ai pensé que tu aurais faim et puisque toi comme moi sommes toutes les deux des catastrophes en cuisine alors...
—Je sais faire le café.
—Ce n'est pas avec cela que tu vas te nourrir.
Elle recommence, avec ses petits airs supérieurs, hautains et condescendants, mais cela m'est égal puisque je me précipite vers elle pour la serrer dans mes bras.
—B- Byleth ? Attends...
Le plat de ses mains se posent sur ma poitrine pour me reculer quelque peu, ou mieux se séparer de moi, cela revient à dire la même chose après tout. Je sens que ce qui va suivre ne va pas me plaire.
—Tu ne crois pas qu'il faudrait que l'on parle ?
—Parler ? De quoi ? je fais en prenant le sac en carton pour y tirer un croissant que j'engouffre en quelques secondes seulement.
—De ce qu'il s'est passé hier, elle répond sans attendre. De ce qu'il s'est passé cette nuit, ajoute-t-elle, du fait qu'on a... enfin... qu'on a... elle bégaie maintenant.
—Alors tu n'arrives même pas à le dire, Edelgard ?
—B- Biens sûr que si, elle parait gêner.
—Alors ? Qu'est-ce qu'on a... ? je me moque sans vergogne.
—Pourquoi tiens-tu absolument à ce que je le dise ?! elle s'offusque devant mon manque de manière ce qui a le don d'étirer mon sourire.
—Je n'y tiens pas, je te dis juste que tu es incapable de prononcer ces mots.
—C'est n'importe quoi ! elle rétorque tout de même.
Bon sang, plus têtue qu'elle, tu meurs vraiment ! Elle est tellement butée.
—Alors dis-le ? Ce n'est pourtant pas si difficile, Edelgard. Dis-le... je fais en approchant malicieusement, que toi et moi, nous avons fait l'amour...
Elle dégage aussitôt ma main qui s'apprêtait à rencontrer sa joue, sa joue devenue rouge d'ailleurs. Comment peut-elle se leurrer de la sorte ? Franchement, tout son corps la trahit.
—Bien, alors quoi, tu vas me dire que tu regrettes ? Ou bien que c'était un moment passablement agréable mais que cela ne se reproduira plus ?
Il faut que j'arrête de faire des suppositions au risque de finir par entendre l'une d'elles sortir de sa bouche, et ça... Je ne le veux pas. Définitivement pas.
—Il serait hypocrite de ma part de dire que je regrette, elle me répond avec un calme légendaire.
—Mais ? dis-je en levant un sourcils. Il y a un mais, non ?
—Il y en a un, elle confirme. Je ne veux pas que nos parents le découvrent.
—Je me fiche éperdument de ce qu'ils peuvent penser.
—Ce qui n'est pas mon cas.
Je soupire lourdement bien que je puisse toutefois comprendre. Comment réagirait mon père, et Anselma ? Encore une fois, quelque chose qui ne me dise rien qui vaille. Pourquoi tout est toujours si compliqué ?
—Ils ne rentrent que dans deux jours alors on pourrait peut-êt-
—Byleth, me coupe-t-elle brusquement, ce n'est pas parce que tu fais un excellent café et parce que, oui... nous avons passé un très agréablement moment, que cela signifie que je peux oublier le reste...
Chose que je comprends aussi alors je ne dis rien. Je ne peux pas lui tenir rigueur du fait qu'elle m'en veuille, qu'elle ne puisse me pardonner. Comment le pourrait-elle, après ce que j'ai fais ? Pire encore, après ce que j'ai pu penser ? A sa place, je n'aurais même pas passé la nuit avec moi, et serais partie bien avant.
—Tu ne m'as pas demandé...
—Demandé quoi ?
—Ce qu'il s'était passé.
—C'est inutile, je l'ai lu.
Ha, mon livre. Bien sûr, j'ai enjolivé le scénario, changé quelques détails mais dans son ensemble il colle plutôt bien à la réalité. L'élève tombant éperdument amoureuse de son professeur, nourrissant pour elle de profonds sentiments, osant enfin l'embrasser le jour de ses dix-huit ans, avant de voir sa muse s'envoler. Du jour au lendemain, sans dire mot. Ouais, ça colle plutôt bien, vraiment bien même.
—Et puis... elle finit par avouer, je ne suis pas certaine de vouloir en savoir davantage.
Mon silence parle pour moi et je préfère ne rien dire au risque de la blesser un peu plus. Peut-être qu'un jour, elle voudra en parler, et peut-être que ce jour n'arrivera d'ailleurs jamais. Quoiqu'il en soit, c'est sur elle que j'ai envie de me concentrer et pas sur ce passé qui parasite mon présent. Non pas que je veuille l'oublier, je veux seulement qu'il ne vienne pas tout gâcher, mais cela me semble mal engagé pour l'instant.
—Tu sors ? je demande en la voyant attraper son trousseau de clef.
—Oui, je dois retrouver Dorothea à l'académie. Est-ce que... tu veux venir ?
Je la fixe un moment mais refuse d'un geste de la tête. Bien sûr, j'ai envie d'être avec elle, mais à l'instant, il me parait plus raisonnable de la laisser respirer pour décanter tout ça.
—Ne m'attends pas pour déjeuner dans ce cas, je ne rentrerai qu'en fin d'après-midi.
Lorsqu'elle quitte l'appartement et que je termine d'engouffrer croissants et pains au chocolat, j'envoie un message sur le groupe où se trouve les deux seules amies que j'ai encore aujourd'hui.
[10 :53] Ashen Demon : Yo, vous êtes dispo aujourd'hui ? Il n'y a personne chez moi.
Je tourne en rond de longues minutes avant d'avoir enfin une réponse, et dés que mon téléphone vibre, je m'empresse de lire ce qui y est écrit, avant de soupirer désagréablement, contrariée. Putain, j'en ai quoi à foutre des nouvelles offres promotionnelles d'EDF ? Je n'ai même pas d'appartement à mon nom ! Il vibre une seconde fois, et j'espère que ce n'est pas une quelconque publicité au risque de voir mon téléphone apprendre à voler au travers de la pièce.
[11 :02] Thunderstrike : Shamir bosse, mais t'as de la chance, c'est mon jour de repos !
Son jour de repos ? On a besoin de repos quand on vend de la lingerie ? Je pense pour la taquiner avant de réaliser qu'elle ne peut entendre ma remarque. Quoiqu'il en soit, j'envoie aussitôt l'adresse de chez mon père et Catherine décolle aussitôt reçu.
Je profite du temps qu'il me reste pour me prendre une douche froide, j'en ai particulièrement besoin. Ha, Edelgard a oublié l'un de ses flacons dans la douche. Mon premier réflexe est de l'attraper, et le second de l'ouvrir afin de m'enivrer de cette odeur que je préfère prendre directement sur sa peau. Je suis complètement jetée, accro avant même de savoir s'il existe une chance de pouvoir être avec elle.
J'ai à peine le temps de sortir de la douche et de passer un pantalon et un t-shirt que j'entends frapper à la porte. A m'égarer dans mes pensée je n'ai pas vu le temps filer. Je me gratte la tête et vais ouvrir, avant de découvrir le sourire de Catherine qui prend au moins les trois quarts de son visage. Quelque chose me dit qu'elle à une idée derrière la tête, celle-là...
—Tu entres ? je demande voyant qu'elle prend racine sous le chambranle.
—Enfile tes pompes, j'ai une meilleure idée.
Et voila, j'aurais du parier là dessus. Je souris avant de soupirer, sérieux, elle arrive toujours à me traîner dans ses plans foireux. Enfin, c'est pas comme si je protestais puisque j'attrape ma veste et enfonce mes pieds dans mes pompes de moto avant de verrouiller derrière moi. Nul besoin de réfléchir très longtemps pour savoir à quoi elle pense, celle là. J'espère néanmoins que tout cela n'est pas une trop mauvaise idée, de l'embarquer avec moi, à moins qu'elle ne m'embarque avec elle.
