Un Récital

Je ne compte pas le nombre de fois que je me suis rendue à Saint Seiros ces dernières semaines. Si je viens trop souvent sans passer voir ma grand-mère, Rhea, je risque de me faire tirer les oreilles et personne ne veut voir cette femme en colère. Son bureau ne serait plus assez grand aujourd'hui pour que je reste en planque dessous.

Je suis la première à arriver devant l'académie et je coupe le contact lorsque Catherine me rejoint sur sa Harley. Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous nous sommes rencontrées sur un salon pour motards. Si j'avais cru ce jour là que je rencontrerais une fille pareille... Moi, tout ce que je voulais, c'était voir de gros modèles briller sous mes yeux que j'aurais jamais eu le luxe de m'offrir. Sept ans après, on est comme qui dirait cul et chemise, elle et moi. Quant à Shamir, c'est son amie de toujours alors c'est très naturellement que je me suis incrustée dans leur duo.

—Eh beh, ils rigolent pas ici.

Elle retire son casque et secoue ses mèches blondes qui se livrent bataille sur le dessus de son crâne. Ses yeux azur scrutent l'ancienne herse puis chaque bâtiment qui pointe vers le ciel. Ouais, Saint Seiros fait toujours cet effet la première fois.

—C'est sûr que ça a plus de gueule que ta boutique de slip, j'éclate de rire devant sa mâchoire qui se décroche devant l'épaisseur des colonnes qu'elle touche pour vérifier qu'elles sont vraies.

—Hey, on dit lingerie ! Je t'en foutrais, des slip ! D'ailleurs rappelle moi d'où viennent ceux que tu portes, hein ?

Je lève les mains en signe de paix, loin de moi l'envie d'avoir cette discussion sur les boxer que je porte. Je dois cependant avouer qu'ils sont très agréable à porter, le coton est divin et laisse la peau respirer. Mais bref, je m'égare.

—Allez, je fais en passant la grille. Ramène-toi !

Bon, maintenant, c'est l'heure de trouver Edelgard, enfin, de me mettre en quête jusqu'à la trouver afin de l'épier dans l'ombre. Quelques minutes histoire que Catherine voit à quoi elle ressemble en personne, et on s'en va ni vu ni connu ! Simple, rapide, efficace. Ou pas... Et merde, elle est passée où celle-là ?!

Sérieusement, j'ai cligné des yeux une seconde, et ma partenaire de moto n'est plus là. C'est dingue, une tête de plus que moi et une grande gueule, elle a pas pu juste s'évaporer dans la nature non ?!

—Tu cherches quelqu'un ?

Je me retourne et voit s'approcher l'homme à la barbe de Jade et aux cheveux bien coiffés. S'il tombe sur Catherine avant moi, il va s'interroger sur mes fréquentations... Et hop, le rapport direct sur le bureau de Rhea !

—Seteth ! Eh bien, pour tout te dire...

Il lève le poing, sans rien dire, l'air sévère, et son pouce pointe par dessus son épaule. Je me met à peine sur la pointe des pieds pour zyeuter à mon tour, avant de souffler, exaspérée...

—Je la connais pas, celle-là, je me défends sans convaincre personne.

—Ha oui ? Pourtant vos deux motos sont garées à côté devant l'entrée.

Ho, que le ciel est joli aujourd'hui, ce bleu et ces petits nuages blanc qui dorment paisiblement sur cette toile, ce soleil qui brille, qui darde ses rayons. Une magnifique journée oui, magnifique.

—Byleth.

—Oui ?

—Va dire a ton amie que les chats de l'académie n'ont pas besoin d'être nourris avec du chocolat avant qu'elle ne finisse par les empoisonner.

—Ouais... j'y vais...

Je soupire et dépasse l'homme qui garde sa posture droite, les mains croisées dans son dos. Il est tellement sérieux, avec son air sévère et dur. Pas ma faute si elle se ballade seulement avec des barres de chocolat et non des boites de thon dans les poches.

Je regarde derrière moi, mon oncle me jette un regard à la fois prévenant mais également impérieux, puis je m'accroupis vers mon amie entourée de boules de poils qui ne s'arrêtent plus de ronronner. Ils ont pas l'air friands de chocolat, l'honneur est sauf.

—Qu'est-ce que tu fou, sérieux ? Tu veux que ma famille me renie ?

—Ho, ils t'aiment bien trop pour ça !

Elle a pas tort et difficile de rester de marbre devant tous ces chats qui enfouissent leur petite tête tour à tour dans sa main. Je lui tape gentiment sur l'épaule et me relève. Seteth est parti et moi, j'ai quelqu'un à trouver.

—Ho, Byleth ?

Encore ? Je cherche d'où vient la voix de la personne qui m'interpelle jusqu'à voir un petit microbe descendre quelques marches. Haute comme trois pommes, les cheveux blanc, aucun doute sur l'identité de la gamine qui approche, un paquet de gâteaux - encore - dans les pattes.

—Qu'est-ce que tu fais ici ? elle demande avant de regarder curieusement le ballet ronronnesque qui se déroule à côté. Edelgard n'a pas entraînement aujourd'hui.

—Ouais, je crois qu'elle est avec Dorothea.

—Elles doivent être à la cathédrale alors, il y a un récital.

Un récital ? A la cathédrale ? Imaginer un tas de gamins chanter en chœur fait déjà saigner mes oreilles, bonjour l'état de mes tympans. Je pense que je vais attendre que ledit récital soit terminé pour m'y rendre, pas envie d'être sourde... Ha, mais... Elles sont passées où les deux ?

Je me retourne et balaye l'environnement pour finalement apercevoir les deux qui s'en vont en discutant, s'échangeant des sucreries, en direction de la capitale. Vraiment ? Catherine est-t-elle vraiment en train de partager un gâteau avec Lysithea ? Pourquoi j'ai accepté de l'emmener, déjà ?

Je prends une profonde inspiration et essaie de garder mon calme et mon sang-froid avant de les rejoindre, mais puisque ma présence ne semble pas essentielle à leur séance blabla et biscuit, je pourrais presque m'éclipser pour finalement faire... n'importe quoi d'autre, en fait.

Nous arrivons devant le fameux pont devant laquelle je m'arrête régulièrement pour me rendre dans les quartiers de Rhea. Les deux femmes sont concentrées et semblent s'entendre à merveille ce qui me laisse perplexe mais finalement, pourquoi pas ? L'âge ne fait pas tout et je suis bien placée pour le savoir. Et puis... Qu'elles ne remarquent pas mon absence m'arrange puisque me voila qui monte les marches jusqu'au bureau de ma grand-mère.

J'entre dans la grande pièce au plafond terriblement haut que pourtant, j'admire comme chaque fois que je me rends ici. Les rayons du soleil frappent au travers des vitraux, parsemant le sol de centaines de couleur. Cette pièce en impose, c'est clair, mais moi, j'aime me trouver ici, ce qui n'est certainement pas le cas des élèves lorsqu'ils y sont convoqués.

—Rhea ?

Mais personne ne répond. Bizarre. Je fais le tour de la grande salle d'audience avant d'aller jeter un œil dans le bureau parfaitement rangé de ma grand-mère. Personne non plus.

—Elle est à la cathédrale.

Elle aussi ? Me revoilà à me gratter le crâne puisque je ne pourrai apparemment pas échapper au crevage de tympans aujourd'hui. Peu importe, si mes oreilles se sentent mal d'avance, ce n'est pas le cas de mes lèvres qui s'étirent quand je vais dire bonjour à ma lointaine cousine en la prenant furtivement dans mes bras.

—Tout le monde est à la cathédrale ?

—Oui, c'est un récital important, répond celle aux cheveux torsadés.

—Assez important pour me faire perdre un sens, tu crois ? je m'amuse alors.

—Byleth ! Ce n'est pas si horrible que ça, tu sais.

Pour une musicienne, c'est vrai que c'est assez contradictoire mais qu'y puis-je, je ne contrôle pas mes goûts. Impossible de me faire écouter du raggea et du rap, par exemple, alors des chœurs d'église, ce n'est pas si choquant.

C'est finalement accompagnée que je traverse donc le pont qui relie le hall principal à l'énorme bâtiment situé au fin fond de cet ancien monastère. Lui aussi, en impose. Les portes sont entre-ouvertes et j'entends d'ici les notes s'élever. C'est étrange, mes poils ne se hérissent pas les uns après les autres et je n'ai pas non plus envie de me boucher les oreilles.

Flayn pousse l'un des deux énormes battants pour me permettre d'entrer, et lorsque je fais un pas à l'intérieur, c'est tout mon corps qui se fige. Sur le devant de la scène, je n'ai aucun mal à reconnaître la chevelure ondulée de Dorothea dont les yeux malachite, je le vois même de là où je me trouve, brûlent de milles feux. Ses lèvres s'ouvrent sur des notes qui me subjuguent, me paralysent presque, me mettent en transe. Jamais je n'avais entendu une personne chanter comme cela et avec cette capacité de souffler tout et toute chose...

—Elle est douée, chuchote ma cousine en me tirant par le bras vers l'un des bancs situés les plus en retrait.

Je la suis et m'assieds sans protester, loin de moi l'envie de perturber cette prestation dont j'ai toujours du mal à me remettre. Dorothea a l'air si... Si heureuse. Sur les premiers bancs, j'aperçois déjà Ingrid qui ne quitte pas sa petite amie des yeux, probablement sa plus grande fan. A ses côtés, les longueurs albâtre recouvrant une chemise blanche ne laissent aucun doute quant au fait qu'il s'agit d'Edelgard, elle aussi... en admiration ou presque devant la chanteuse. Catherine et Lysithea se sont installées un peu plus loin et comme me l'avait dit Flayn, Rhea aussi est présente. Je n'en reviens toujours pas... La brune chante si bien, divinement, que même les chœurs situés derrière elle semblent muet tant sa voix porte et résonne. Ce talent force le respect. Le respect et l'admiration.