Contribution : Isa'ralia Faradien


#3 - Apprendre à épargner
(Zannah, 11 ans, canon)

- Tout est en place, Seigneur Eddels, croassa le Muun en tendant un datapad à son Maître. Tout ce dont vous avez besoin se trouve ici.

Zannah n'avait encore jamais vu un Muun, et elle jugeait l'apparition de celui-ci très perturbante. Il était assez grand pour regarder Bane droit dans les yeux, mais sa tête, son corps et ses membres étaient allongés et très fins, comme s'il avait été horriblement étiré jusqu'à atteindre sa taille actuelle. Sa peau était pâle, d'un blanc maladif, avec des reflets rosâtres. Ses traits étaient plats, ses yeux enfoncés et ses joues creusées, les commissures de ses lèvres abaissées comme dans une expression de constante désapprobation, et il ne semblait pas posséder de nez. Son crâne était chauve, et il portait une tenue marron assez lugubre. Sous les soleils jumeaux de Tatooine, le Muun paraissait extrêmement mal à l'aise, mais aussi trop professionnel pour exprimer son inconfort.

Plus tôt, Bane avait expliqué que cette rencontre dans l'immensité sableuse de la Mer de Dunes constituait le point culminant d'un plan mis en branle près d'un an auparavant, peu après qu'ils se furent posés sur Ambria. Un plan dont elle avait été le catalyseur, sans le vouloir. Griffonnée au dos du manuscrit qu'elle avait découvert et remis à son Maître, au camp Sith sur Ruusan, figurait une longue liste incompréhensible de nombres - en réalité, des comptes anonymes avec le Clan Bancaire InterGalactique.

Le Seigneur Qordis, lui avait expliqué Bane, avait rempli l'office de collecteur de trésors rares et très coûteux. Au fil des ans, il avait ainsi détourné une fortune incroyable sur les comptes de la Confrérie de Kaan, sommes qu'il avait mises en sûreté, et dans lesquelles il puisait lorsqu'il faisait l'acquisition d'un autre trésor pour satisfaire sa monomanie. La Confrérie disparue, Bane était désormais le seul encore au courant de ces agissements, et il aurait été en droit d'exiger la restitution intégrale de tous ces fonds - mais la richesse matérielle n'avait aucun attrait pour le Maître de Zannah, au-delà de ce qu'elle permettait d'accomplir.

- Le renseignement est une marchandise. Il peut être échangé, vendu ou acheté. En fin de compte, la seule valeur des crédits réside dans celle des secrets qu'ils permettent d'acquérir.

Durant l'année écoulée, Bane s'était mis à dépenser ces crédits. Des agents administratifs, occupant des postes clés, avaient été soudoyés pour lui donner accès à des dossiers confidentiels, des espions gouvernementaux et des criminels notoires engagés pour devenir ses agents. Grâce à cette fortune, il mettait sur pied un réseau d'informateurs qui seraient ses yeux et ses oreilles sur cent mondes différents.

Mais Bane n'avait jamais aucun contact direct avec ces gens. De par sa qualité de dernier des Sith, il était vital pour lui de conserver le masque de l'anonymat. Tout ce qu'il avait fait, l'avait été par l'entremise d'un courtier : le Muun qui se tenait maintenant devant eux.

- Vous avez suivi mes instructions à la lettre ? lui demanda-t-il.

- À la virgule près, Seigneur Eddels. Tous les paiements seront effectués au travers de comptes sans relation avec le reste, de sorte qu'il sera totalement impossible de remonter à leur source véritable. En retour, vous recevrez des envois réguliers, ainsi qu'un flot constant d'informations, légales et illégales. Toute instruction que vous souhaiteriez communiquer à vos agents, le sera par l'intermédiaire d'un système de messagerie sécurisée, parfaitement intraçable.

- Et personne d'autre n'est au courant de mon implication dans tout cela ?

- Vous connaissez ma réputation, lui rappela le Muun. Je m'enorgueillis de pratiquer une discrétion totale dans ces matières. C'est d'ailleurs pourquoi les gens s'adressent à moi, Seigneur Eddels.

- Alors, nos relations d'affaires prennent fin ici.

Après un bref regard à Zannah, le Muun tourna les talons et s'éloigna à pas lents en direction de son vaisseau. L'apprentie l'observait, et attendait avec un peu d'impatience de découvrir quelle mort serait la sienne. L'idée que son Maître puisse laisser le Muun repartir vivant ne l'avait pas effleurée une seule seconde. Lui seul connaissait l'identité de l'individu responsable de la création d'un réseau d'espions et d'informateurs, qui couvrait toute la galaxie. Lui seul avait vu le visage de Bane.

Le Muun atteignit son appareil sans incident et grimpa à bord. Les propulseurs s'allumèrent, et le vaisseau commença à s'élever du sol. Lorsqu'il disparut à l'horizon, Zannah tourna un visage incrédule vers son Maître.

- Vous l'avez laissé vivre ?

- Il a toujours une certaine valeur pour moi, répondit Bane.

- Mais il vous a vu ! Il sait qui vous êtes !

- Il ne sait de moi que ce qu'il a besoin de savoir : un homme riche, qui s'est présenté sous le nom de Seigneur Eddels, l'a engagé pour mettre en place un réseau anonyme d'informateurs. Il ignore qui je suis réellement, et quels peuvent être mes buts véritables, tout comme il ignore comment et en quel endroit me trouver, tant que je ne lui indique pas un lieu pour une prochaine rencontre.

Zannah se remémora alors une anecdote que son Maître lui avait racontée, au sujet d'un guérisseur sur Ambria, un certain Caleb. Bane était alors agonisant, et il était venu voir cet individu, dont il avait exigé l'aide. Caleb avait senti le pouvoir du Côté Obscur dans cet inconnu, et il avait refusé. Bane avait fini par l'obliger à coopérer en menaçant la vie de sa fille. Une fois le Seigneur Sith remis d'aplomb, celui-ci n'avait rien fait au guérisseur, lequel avait pourtant osé le défier. L'homme détenait certains pouvoirs, et le Maître Sith avait estimé qu'il avait plus de valeur vivant que mort.

- Aucun intérêt à le tuer..., murmura Zannah.

Elle se mordilla la lèvre inférieure, perdue dans ses pensées...