Contribution : Isa'ralia Faradien
#4 - Sirannon
(Zannah, 11 ans, headcanon)
Zannah, onze ans, se réveilla en sursaut, réprimant un hurlement. Le cauchemar avait été particulièrement violent et ignoble, et il avait su briser le voile du sommeil en le déchirant avec brutalité.
Tremblante, elle se débattit dans ses couvertures, pour finalement parvenir à s'en extraire et à poser les pieds au sol. Elle sentait la sueur couler dans son dos, un long et mince filet froid dans la nuit déjà fraîche.
La fillette essuya les quelques larmes qui avaient coulé sur ses joues, et décida de sortir de sa tente pour se réchauffer auprès du feu de camp.
Elle s'immobilisa immédiatement après avoir ouvert les pans du rideau de toile. Bane se trouvait déjà à côté du feu de camp, probablement frappé d'insomnie.
Zannah allait tourner les talons et retourner se calfeutrer à l'intérieur, lorsque son Maître tourna la tête vers elle.
- Je... je ne voulais pas vous déranger dans vos méditations, Maître, bafouilla-t-elle.
- Tu ne me déranges pas, Zannah, répliqua-t-il calmement, mais j'aimerais bien savoir ce qu'il t'arrive pour t'éveiller ainsi en pleine nuit.
- C'est... ce n'est rien, Maître, rien du tout.
Elle ne voyait pas comment une apprentie Sith pouvait être crédible en admettant avoir peur de ses propres cauchemars.
- Viens t'asseoir à côté de moi, lui ordonna Bane sur le même ton calme.
Zannah retint de justesse un soupir de frustration, qui aurait été mal interprété par son Maître, et fit ce qu'il lui demandait. Elle vint s'asseoir en tailleur, petite silhouette gracile à côté d'une montagne de muscles et de puissance - mais la carrure de Bane ne l'impressionnait plus depuis longtemps.
Ce n'était donc pas la raison de ses tremblements résiduels. Ils étaient plutôt dus au froid et aux images résiduelles qui l'avaient tirée du sommeil. Elle fit de son mieux pour les camoufler aux yeux de son Maître.
Cela ne devait pas être suffisant, car il tendit la main vers une couverture pliée près de lui, et il en enveloppa la fillette avec une douceur qu'elle ne lui connaissait pas. Sans un mot, Zannah le considéra avec gratitude, même si le regard de Bane ne dévoilait rien de ses pensées.
- Les cauchemars sont une part inévitable de toute existence, reprit-il posément de sa voix grave et profonde. En tant que Sith, nous ne devons cependant pas les laisser nous influencer par la peur qu'ils créent en nous.
- Je... je comprends, Maître.
- J'ai appris cette leçon par l'expérience, révéla Bane. J'ai assassiné un autre élève de l'Académie, et les cauchemars sont venus me tourmenter pour me forcer à éprouver des remords, pour me forcer à prendre peur que mon pouvoir devienne incontrôlable. Ils ont été instructifs, une fois qu'ils ont cessé de freiner mon apprentissage. Ils m'ont appris qu'ils seraient toujours là, mais ils m'ont aussi permis de comprendre que je n'étais pas aussi incapable de contrôler ma puissance que je ne le craignais.
- Celui que j'ai fait ne m'a pas l'air aussi instructif que les vôtres, marmonna Zannah en fixant le feu de camp sans vraiment le voir.
- Tu comprendras probablement son intérêt plus tard, lorsque tes idées seront redevenues claires.
- J'y ai vu mes parents, lâcha la fillette sans vraiment se rendre compte de ce qu'elle disait.
Elle n'en prit conscience qu'une fois les mots prononcés, et elle plaqua une main sur sa bouche, celle qui l'avait trahie.
- Ce n'est vraiment pas important, Maître, lui assura-t-elle en tentant de ne pas lui sembler l'implorer de passer au-dessus de cet incident.
- Et pourquoi cela ? l'encouragea plutôt Bane.
- Parce qu'ils m'ont abandonnée, murmura-t-elle en n'osant pas croiser son regard. Parce qu'ils m'ont confiée à l'orphelinat où mes cousins se trouvaient déjà.
Un silence les enveloppa tous les deux dans le froid nocturne.
- Je pense, au contraire, que tout cela est instructif, souffla Bane pensivement. Ton cauchemar reflète ta peur profonde de l'abandon, et tu sais désormais que tu devras lutter contre elle.
- Je n'ai pas peur de l'abandon, protesta Zannah dans l'espoir de récupérer un semblant de dignité dans cette affaire.
- Tu n'as pas à en avoir honte, Zannah. C'est une peur naturelle, que tous les enfants éprouvent, car l'abandon signifie qu'ils auront moins de chances de survie. Parfois, elle est particulièrement éveillée par certains événements. Il te suffit d'apprendre à la contrôler, peu importe le temps qu'il te faudra pour y parvenir.
Bane posa sa main gigantesque et calleuse sur sa frêle épaule, dans un geste de réconfort particulièrement inhabituel venant de lui.
- N'oublie pas que tu ressortiras endurcie par toutes les épreuves que la vie mettra en travers de ton chemin, tant que tu ne baisseras pas les bras devant les difficultés. C'est un long et tortueux cheminement, mais le pouvoir du Côté Obscur se cache tout au bout, t'attendant.
- Et vous, Maître, avez-vous déjà connu quelque chose comme ça ? couina-t-elle, sentant qu'elle allait trop loin mais ne pouvant s'empêcher de poser la question, dans une tentative de se réconforter.
Bane la regarda quelques instants sans rien dire, et Zannah prit peur d'une sanction qu'elle n'oublierait jamais.
Finalement...
- J'étais comme un enfant abandonné, avoua-t-il à voix basse. Ma mère est morte en couches, et mon père, bien que toujours vivant, me haïssait pour ça.
- Et pourtant, vous êtes devenu un grand Seigneur Sith...
- Tout comme tu as le potentiel de le devenir, et même celui de me dépasser.
Le silence revint de nouveau s'installer entre eux, plus longtemps, et leurs regards se tournèrent finalement vers le feu de camp, bien que la main de Bane ne quittait pas l'épaule de Zannah.
- Est-ce que..., reprit Zannah d'une petite voix, est-ce que ça vous a déjà traversé l'esprit que, si votre mère avait survécu, vous n'auriez peut-être pas eu la même vie du tout ?
Elle-même avait déjà pu songer, une ou deux fois depuis le début de son apprentissage, que si ses parents ne l'avaient pas confiée à un orphelinat, elle ne serait probablement pas partie avec ses cousins pour Ruusan.
- Parfois, admit Bane, et souvent lorsque j'étais enfant. Alors que j'étais blessé par les coups de mon père, je me retrouvais seul, à serrer une couverture en laine inachevée. Elle me rappelait ma mère, qui l'avait tricotée. J'avais presque l'impression que Sirannon Heldane était là, mais hors de portée, un fantôme tant désiré mais inutile.
- Sirannon..., murmura pensivement Zannah. Un joli prénom...
- Je ne sais même pas à quoi elle ressemblait... mais cela n'a plus la moindre importance aujourd'hui, continua Bane d'une voix plus assurée. La Force voulait que je devienne le fondateur d'un nouvel Ordre Sith. C'était mon destin, et je me suis battu pour qu'il devienne réalité.
- Et c'est cet état d'esprit que vous voulez que je développe, je présume ?
- C'est le seul état d'esprit qui te servira à développer tout ton pouvoir, conclut Bane avec l'ombre d'un sourire sur les lèvres.
Zannah sentait que la conversation était terminée, et que la fenêtre d'ouverture qu'elle avait sur le cœur de son Maître se refermait aussi brutalement qu'elle ne s'était ouverte. Pourtant, une dernière question lui brûlait les lèvres...
- Est-ce que c'était... est-ce que c'était Sirannon qui a choisi votre prénom ?
Elle savait que c'était sa propre mère qui l'avait présentée comme Zannah à Root, le gardien du petit orphelinat. Le surnom de Rain n'était venu que bien plus tard.
- Oui, en effet, c'était elle. Elle m'a appelé Dessel.
- Pourquoi ne l'avez-vous pas gardé ?
- Parce que mon père me surnommait Bane, et que c'est lui qui a forgé mon tempérament, par la force des choses. Mais il est tard, Zannah, poursuivit-il en changeant définitivement de sujet. Tu devrais retourner dormir, car ce n'est pas parce que nous avons eu cette conversation que je serai pour autant plus indulgent au petit matin.
