Le Tigre et ses Démons
4
La semaine se termina très vite, et le dimanche, comme promis, il se rendit chez Ken afin de finir l'exposé. Il était à peine quatorze heures, il activa le pas puis sonna. Après un long moment d'attente, il se décida à pousser la porte, la maison semblait déserte, il grimpa l'escalier et frappa à la porte de la chambre du goal, mais personne ne répondit. Il poussa la porte, et trouva un Ken prostré dans un coin de la pièce à moitié emmitouflé dans une couette. Il ramassa les papiers qui traînaient çà et là, remit la chaise de bureau sur ses pieds, puis se dirigea vers son ami. Il passa machinalement la main dans ses cheveux mais Ken ne réagit pas à la première caresse. A la seconde, il vit le corps se tendre et deux de grands yeux s'ouvrirent, tandis qu'il hurlait en repoussant la personne qui n'était autre que son Capitaine de toujours.
- Laissez-moi ! »
- Ken ? »
Wakashimazu releva la tête, Kôjiro put voir l'état des dégâts, Ken venait sûrement de se battre avec son père, il avait un bleu le long de la joue. Le jeune homme fit une moue, puis baissa la tête, comprenant que le tigre n'était pas là pour lui faire du mal. Il y eut un court moment de silence avant que son goal ne se rue dans ses bras et se mette à déballer l'affaire. Il avait dit à son père qu'il ne voulait plus voir Miyabi, une longue discussion s'en était découlé, son père avait perdu patience et l'avait frappé. Ensuite il était sorti et n'était toujours pas rentré. Ken avait passé la nuit comme ça, dans sa chambre, attendant le retour de son père en sachant qu'il le punirait, il se doutait que celui-ci lui interdirait l'accès au club, s'en était fini du gardien de but karatéka… Kôjiro essaya de le rassurer, mais sa crainte se vérifia quand le père entra dans la chambre avec perte et fracas !
- Ken ! »
Le père s'arrêta, dévisagea Kôjiro un court instant avant de reprendre.
- Qu'est-ce qu'il fait là, celui-là ! »
- Il est venu réviser avec moi ! »
- Réviser ? Et tu crois que je vais te croire ! Je reviens de chez les Kawasaki ! Miyabi m'a parlé tu sais ! »
Ken se tendit, il se leva et se mit à hurler.
- J'en ai rien à foutre tu m'entends, je ne l'aime pas ! Je ne vais pas passer ma vie, avec une fille que je n'arrive pas à apprécier ! Je ne l'aime pas ! Jamais ! Maintenant si tu veux m'obliger à arrêter le foot, fait-le ! Mais je te jure, quitte à être déshérité, je ne remettrais plus jamais les pieds ici, je ne veux pas être karatéka. Je me fiche bien que tu aies été le meilleur, je n'aime pas ce sport, je veux… »
- Tout ça à cause de ce… »
- Ce QUOI ? »
- Ce petit vaut rien ! Si tu ne l'avais jamais rencontré, tu serais encore mon digne fils, mais évidemment si tu préfères traîner avec ce moins que rien… Fait-le ! Mais je te préviens… Ne reviens pas pleurer ! Ce basané t'a foutu des idioties dans la tête quand tu comprendras que le foot n'est rien, et que tu seras prêt à tenir le dojo à ma place, on en reparlera ! Pour lors, si tu veux rester sous mon toit, tu vas me faire le plaisir de ne jamais le revoir, je viens de t'inscrire dans un autre lycée ! »
- Quoi ? »
- Tu es encore mineur et à ce que je sache, je suis TON père ! »
- Je… tu… tu n'as pas le droit de faire ça ! Que tu n'aimes pas ce sport je le comprends, mais c'est ma vie… Si je veux devenir un looser, je le ferais, si je veux continuer le foot, même si tu m'en empêches, je continuerais, et si tu veux que j'arrête de voir Kôjiro et bien je… »
- Ken calme-toi… »
Kôjiro posa une main sur son épaule, il ramassa la couette et couvrit le corps de son ami, les larmes avaient envahi son visage, sa colère était devenue folle, Kôjiro n'aimait pas le voir ainsi, Ken était si tranquille, une rivière calme, qui apaisait le Tigre qui était en lui, le voir ainsi l'inquiétait.
- Tu m'empêcheras jamais de voir Kôjiro tu m'entends ! Jamais ! »
- Oh que si mon petit, après ce que vient de me dire Miyabi, j'ai de quoi t'éloigner de ce parasite ! »
- Qu'a-t-elle dit encore ? »
Wakashimazu-san s'emporta, il attrapa son fils par le cou, et le projeta contre le mur. Il n'avait pas voulu y croire, jusqu'à la dernière minute, il avait refusé cette idée, mais là, là, tout ça allait beaucoup trop loin !
- Tu sais très bien ce qu'elle m'a dit ! Et c'est pour cette unique raison que ce mariage aura lieu ! Et plus vite que tu ne le penses ! »
Ken baissa les yeux, et se mit à pleurer à chaudes larmes, son père se dirigea vers la porte de sa chambre et avant de la refermer brusquement, il ajouta :
- Que cette vermine ne soit plus sous MON toit quand je reviens ! Tu m'as bien compris ? »
- Hey Monsieur ! Je veux bien comprendre que cette histoire de karaté soit primordiale, mais à ce que j'ai pu voir, Ken a très bien réussi à mener correctement les deux, il suit vos entraînements à la lettre ! Je ne vois pas pourquoi vous lui demandez d'arrêter le foot, vous lui aviez promis, que tant qu'il continuerait le karaté, il avait droit de participer au club, vous l'avez vu pendant le championnat, c'est le meilleur goal du Japon, et vous savez ce qui fait la différence, c'est son agilité, c'est votre entraînement qui le rend si prompt à arrêter les balles ! »
- Et c'est pour ça que vous avez été battu par la Nankatsu ! Mon fils a perdu, la Meiwa a perdu, c'est assez les enfantillages, il ne remettra pas les pieds à la Tôho ! »
Sur ce, le père ferma la porte et dévala les marches.
- Kôjiro… pardon, pardonne-moi ! »
- Chut ! T'as rien à te faire pardonner ! »
Kôjiro prit son précieux goalkeeper dans ses bras et essaya de le consoler, peu importait, tous les deux ils arriveraient à trouver une solution à tout ça. Rien ne leur était impossible, s'ils cherchaient une solution tous les deux.
- Il a dit des choses horribles ! »
- Je m'en balance, il peut dire ce qu'il veut ! Il n'y a que les idiots pour juger sans connaître ! Mais plus important qu'a dit cette Miyabi ? Pour qu'il se mette dans cet état ! »
- Rien… »
- Ken ! »
- Sort d'ici… sort de chez moi, Kôjiro… c'est fini, tu m'entends c'est fini ! »
Comment ça, comment ça c'était fini ? Il ne pouvait pas mettre presque dix ans d'amitié dans une poubelle à cause d'une fille et d'un père chiant ? Pourquoi il ne voulait pas lui parler, qu'avait-il à cacher ? Le poing du Tigre percuta Ken de plein fouet, c'était parti sans qu'il s'en aperçoive. Une rage folle lui était montée le long du dos, d'un coup comme ça, d'un simple claquement de doigt, Ken mettait à la poubelle plus de dix ans d'amitié, il n'arrivait pas à en croire ses oreilles !
- Aidez les gens et ils vous le rendent ! N'ose même pas venir me reparler ! »
Kôjiro dévala les marches et claqua la porte d'entrée, froidement. Il n'arrivait pas à comprendre l'attitude de son meilleur ami. Son meilleur ami, oui, le mot meilleur n'avait plus aucune signification. Que Ken stoppe le foot, c'était dur à entendre mais, si son père le décidait, y'avait pas grand-chose à faire. Si Ken devait changer de Lycée, d'accord, il ferait avec, mais pourquoi le renvoyer lui ? Ils étaient amis ? Ainsi donc l'amitié pouvait être jeté quand bon semblait dans la famille Wakashimasu ? Une larme dévala la joue mate du tigre qui poussa un cri sauvage en arrivant chez lui, annonçant la couleur à sa famille, ne pas entrer dans sa chambre sous peine de se prendre une méga engueulade.
