Point de vue : Charlie

Théo avait osé mais j'avais décidé de me taire pour ne pas lui laisser l'opportunité de déblatérer plus de connerie. Mia n'avait pas besoin d'autre drame dans sa vie alors j'avais serré les dents à m'en déboiter la mâchoire et j'avais gravé dans ma tête la date et l'heure pour ne pas oublier de lui faire mordre la poussière à la prochaine occasion. J'avais senti Mia perdre pied lentement ensuite pendant que les autres retournaient à leurs occupations et que la musique s'élevait sur la terrasse. Je n'avais pas non plus manqué un seul passage de sa tentative d'évasion. Je m'étais mis à décompter les secondes dans ma tête et à vider mon verre d'une traite pour lui laisser un temps de répit et mobiliser le courage nécessaire pour lui faire enfin face, seul à seul.

Je la rejoignais, sur la plage donc après un temps mort. Mia était debout, sur le sable, à fixer l'horizon dans sa robe blanche, les épaules dénudées et les bras croisés. Dieu qu'elle était belle et ce malgré son air triste et tourmenté. Je m'approchais d'elle à faible allure, encouragé par le rythme suave de la musique qui provenait de la villa, je m'avançais lentement, les mains dans les poches, en attendant qu'elle remarque ma présence.

"Hey"

"Hey"

Nous avions pris la parole en même temps et de la même façon. Je lui adressais un sourire sincère et tendre. Elle me rendait un sourire timide et coupable. C'était notre premier échange depuis six mois. Enfin.

"Je comprendrai que tu aies envie de rentrer à Paris en courant après ça", Mia avait pris la parole avant moi. Elle s'était mise à baisser la tête honteusement et à me tourner le dos pour s'orienter de nouveau face à la mer. Elle était à mille lieux de la vérité. Rentrer à Paris était la dernière chose dont j'avais envie en ce moment alors j'essayais de lui faire comprendre simplement en me rapprochant d'elle, en collant avec douceur mon corps au sien, en caressant ses épaules nues et en l'enlaçant tendrement dans mes bras. J'avais pourtant prévu les mots pour la rassurer et m'excuser pour cette grossesse mais j'étais trop enivré par ce contact et l'odeur de son parfum pour parler. Je voulais qu'elle comprenne par mes gestes que je n'avais aucune intention de la quitter et que rien n'avait changé malgré tous ces mois de séparation.

Mon cœur ratait un premier battement en retrouvant la douceur familière de sa peau, puis un deuxième en la sentant accueillir mon geste de tendresse avec une vague de frisson.

Point de vue : Mia

Mon corps avait réagi instinctivement en reconnaissant cette tendresse qui l'avait tant de fois réconforté et choyé sur l'Île. Je laissais échapper un profond soupir de bien-être en recevant à nouveau les caresses et les baisers si doux de Charlie. J'abandonnais sans retenue ma tête contre son torse pour profiter davantage de la chaleur de ses bras en me sentant ramenée à la réalité en l'entendant murmurer à mon oreille. Je sentais ses lèvres contre ma peau et ce nouveau contact me provoquait encore une nouvelle vague de frissons incontrôlables.

"J'hésite encore pour Théo. Tu préfères la noyade ou l'écartèlement ?", je souriais malgré moi face à son trait d'humour et je réalisais aussi que je n'avais plus aucun ressentiment grâce à ses gestes de réconfort. Il avait eu l'intelligence de ne pas m'obliger à parler, ni à me confier. C'est ce qui était si bon avec Charlie : j'avais connu mille hommes dans ma vie mais Charlie était le seul à savoir s'y prendre avec moi, avec Harry.

"Ou la mutilation et l'asphyxie. Je pourrai faire appel à un cartel des environs dès demain", je répondais à Charlie en achevant ma réplique d'un rire discret et avec le cœur plus léger puis je sentais Charlie me prendre par les hanches et me retourner. Je le laissais poser ses mains sur ma joue, je me perdais définitivement dans ses yeux bleus merveilleuse et je frissonnais une fois de plus. Il avait marqué un temps d'arrêt et continuait de me regarder avec ses yeux et son sourire que je trouvais toujours aussi irrésistibles malgré tout le temps passé dans les bras de Ricardo à essayer de l'oublier.

"Théo est un imbécile heureux Mia mais il a raison. J'aimerais que tu profites de cette soirée avec nous et que tu ne laisses plus ce sourire quitter ton visage", mon cerveau s'était déconnecté face à la douceur de son intervention et j'avais été incapable de lui répondre car j'étais trop concentrée sur ses caresses et mes réactions physiques très vives.

"Très bien. Puisque la méthode douce ne fonctionne pas...", je sentais au même moment Charlie me basculer sans difficulté sur son épaule et me traîner de force jusqu'à la villa. Je feignais de protester pour la forme mais j'allais comme toujours me plier à ses désirs.

Point de vue : Harry

"Je meurs. Ces deux-là sont tellement beaux ensemble", Julia observait au loin Charlie et Mia sur la plage avec ses yeux de gamine en mimant un tir de flèche imaginaire.

"Je crois qu'il va falloir t'armer de patience Cupidon. Charlie est un romantique, plutôt lent au décollage", Théo lui répondait d'un baiser, en jetant un bref coup d'œil aux protagonistes.

De mon côté, je restais silencieux et j'observais Charlie revenir à la villa avec Mia sur son épaule. J'essayais d'imaginer ces deux là ensemble, maintenant que toutes les cartes du jeu étaient révélées. Je me disais également que si Théo était peut-être le mieux placé pour parler des méthodes de Charlie, j'étais sans aucun doute le mieux placé pour parler de celles de Mia. Et s'il y a bien une chose que je savais de mon amie, c'est qu'elle était particulièrement impatiente et capricieuse avec les hommes. Elle n'était pas le genre de femme à attendre sagement que l'on décide de son sort donc si Charlie s'était mis en tête de la courtiser en parfait gentleman qu'il est, il déchanterai très vite en se frottant au tempérament volcanique de Mia.

La soirée s'était terminée ensuite beaucoup mieux qu'elle n'avait commencé encore. L'air s'était rapidement réchauffé, nous avions tous fini cette nuit-là sur la plage puis à l'eau. En quelques heures, nous étions passés du coq à l'âne, aidés par le cadre idyllique et l'alcool qui coulait à flot. Charlie et moi avions scellé un nouveau pacte de paix. Théo et Mia avaient repris leurs éternelles chamailleries. Mia et Charlie avaient passé la nuit à danser, se baigner et se provoquer et nous nous sommes tous réveillés le lendemain, sur la plage, les uns à côté des autres et Mia dans les bras de Charlie. De mon côté, j'étais aussi au paradis, d'avoir retrouvé ma meilleure amie, d'avoir été libéré de toute cette rancœur qui ne me quittait plus depuis des mois, de retrouver le calme et la paix intérieur en compagnie de mes meilleurs amis.