Point de vue : Charlie

Cette première nuit s'était déroulée comme si rien n'avait changé entre nous. Le réveil avait été divin avec le corps mince et reposé de Mia au creux de mes bras à la différence près que nous n'avions pas eu à nous cacher ce matin.

Il était désormais midi et nous étions attablés, à déjeuner et soigner nos maux de tête, avant notre départ en balade quand j'entendais sonner et ouvrais. Et je découvrais sur le pas de porte un homme beaucoup, mais beaucoup trop charismatique et viril à mon goût. Il avait la même tranche d'âge que moi et je notais que ses atouts charmes du parfait latino américain étaient à l'exact opposé des miens. Je lui laissais le bénéfice du doute avant de décider des suites à donner à sa visite mais je craignais un retour de flamme très désagréable, surtout en repensant aux dernières paroles de Harry sur les passe-temps de Mia au Mexique.

"Bonjour ? Ricardo, enchanté", j'étais pris de court par sa poignée de main que je subissais malgré moi. J'étais bloqué car je comprenais que c'était lui, l'inconnu de la plage dont m'avait parlé Julia et lui qui aimait amener Mia danser. C'était lui, le fameux "Ric" et j'aurai aimé ne jamais mettre de tête sur ce prénom et surtout pas cette tête et ce corps là.

"Est-ce que Mia est là ?", j'allais lui claquer la porte au nez de la façon la plus immature qui soit mais Julia arrivait à la porte également et se faufilait sous mon bras au même moment.

"Ricardo ! Hey ! Qu'est-ce qui t'amène ici ? ", et je m'offusquais de voir ma grande amie Julia sourire et embrasser chaleureusement l'ennemi.

"Salut ! Je commençais à m'inquiéter de ne plus voir Mia ces derniers jours. J'allais au bateau, je voulais m'assurer que tout allait bien en passant…", le fameux Ricardo répondait à Julia et prononçait le prénom de Mia avec beaucoup trop d'aise et de familiarité.

"Oui, on a reçu de la visite surprise comme tu peux le voir. Attends un instant je vais la chercher", je laissais Julia aller informer Mia et je décidais de tenir compagnie à notre beau Ricardo pour ne pas lui laisser le plaisir de se retrouver seul avec elle. Je me tenais droit face à lui et j'avais conscience de le toiser en ce moment avec mon sourire le plus hypocrite et hostile mais il ne semblait ni perturbé ni menacé. Il se mettait au contraire à démarrer la conversation.

"Je te reconnais, tu es un des amis de Mia non ? Un de ceux avec qui elle était… ", mais il était interrompu par l'arrivée de Mia.

"Hey ! Salut...Vous avez fait connaissance ? Charlie, je te présente Ricardo ; Ricardo, je te présente Charlie", ce n'était pas l'introduction qui m'arrangeait le plus pour clarifier les choses avec ce Ricardo, j'aurai aimé que Mia s'épanche un peu plus sur mon statut et sur le sien mais soit. Je me réjouissais de voir qu'elle n'amorçait aucun geste pour le saluer, et au contraire, Mia venait d'enrouler ses bras autour de ma taille et je me retenais de faire une danse de la joie et je m'autorisais à redescendre un peu en pression face à ce Ricardo. Le geste de tendresse n'échappait pas à ce type qui souriait en me voyant poser mon bras possessif autour de Mia en retour. Il ne semblait pas perturbé pour un sous et recentrait son attention sur Mia comme si de rien n'était.

"Oui, on commençait avant que tu arrives. Tu ne manques jamais nos soirées du vendredis donc je passais m'assurer que tout allait bien...", c'était sûr maintenant, je détestais la référence à ce rituel et je détestais encore plus la façon dont cet abruti la déshabillait du regard.

"Et je te remercie. Mais tout va bien. Rien à signaler !", je n'aimais pas non plus le ton et les sourires complices entre eux.

"Alors je m'en vais le cœur léger ! Et ah oui, je prévois un feu de camp ce soir sur la plage. Tu passes ? Tes amis...et Charlie, sont les bienvenus bien sûr", j'étais crispé à en avoir mal à ma mâchoire car cet homme avait eu l'audace de la rencarder sous mon nez. De mon côté, je pensais qu'il était hors de question qu'on y mette le moindre pied, mais Mia en avait décidé autrement.

"Avec plaisir, ils vont adorer ça. Tu peux compter sur nous. J'apporte la tequila, comme d'habitude",

"Parfait, à ce soir alors. Fais toi belle, comme d'habitude aussi", je détestais la réponse positive de Mia mais je détestais encore plus le sourire enjôleur de Ricardo et son dernier clin d'œil insupportable à son attention. C'était définitivement le moment d'écourter, je profitais de leur silence pour expédier des salutations forcées et pour refermer aussitôt la porte derrière cet apollon.

Je le faisais en contenant un soupir parce que c'était la douche froide. Je savais que je n'avais ni le statut ni la légitimité pour lui faire une quelconque crise de jalousie, et encore moins après ma tromperie avec Catherine, alors je prenais sur moi. Je le faisais mais péniblement car je mourrais d'envie d'avoir une réponse à la question qui me brûlait les lèvres.

"Ricardo, hein ? C'est qui ? Ton plombier ?", j'avais essayé avec le plus de finesse et de légèreté possible et en lui souriant pour lui soutirer l'information.

"Non. Mon agent immobilier", et malheureusement pour moi, Mia répondait au premier degré et quittait mes bras pour rejoindre sa place à table sans me donner plus d'information.

Je comprenais sans l'ombre d'un doute que cette femme allait me rendre fou et que cette soirée allait être longue, à coup sûr.

L'après-midi avait défilé à toute vitesse et nous étions maintenant tous sur cette plage, à la nuit tombée, à faire la fête avec ces mexicains plus qu'alcoolisés. De mon côté, je contemplais Mia sur la piste de danse qui s'était improvisée autour du feu de camp. Elle était étourdissante dans sa robe rouge tapageuse. Je l'admirais danser parfaitement sur les rythmes festifs avec Harry. Elle dansait aussi avec ce Ricardo mais à une distance acceptable. Et je la regardais, avec beaucoup d'envie, s'enivrer progressivement des verres et de l'ambiance de la soirée.

J'entendais ensuite la légèreté des sons laisser place à des mélodies plus suaves et endiablées. Je sentais la foule se réchauffer, les corps se resserrer et j'assistais en totale impuissance au rapprochement de Ricardo. Et je savais que j'allais détester ça avant même de le voir poser les mains sur elle. Et il le faisait bien sûr mais c'était pire que ce que je m'étais imaginé. Je regardais cet homme s'approprier le corps de Mia avec une intimité coutumière qui ruinait toute mon humeur. Je le voyais danser étroitement et sensuellement contre elle, ses bras autour de sa taille, ses mains sur la chute de ses reins. Je voyais le niveau de perfection et de coordination qu'ils mettaient dans leurs pas qui me confirmait qu'ils n'en étaient pas à leur première danse. Je subissais les regards fiévreux de cet homme et la facilité déconcertante avec laquelle il caressait son corps et embrassait sa peau. Autant de gestes qui me confirmaient qu'il y avait plus que de la danse entre eux. La vérité était amère et au bout d'un temps trop long, je me décidais à intervenir en considérant qu'il avait eu bien plus que ce qu'il méritait pour cette nuit.

"Ok, je crois que ça suffit pour ce soir", j'attrapais Mia par le bras et je l'éloignais sous le regard surpris mais docile de Ricardo. Mia s'en amusait, elle me suivait docilement sur la plage en finissant par m'interpeller avec un air faussement innocent.

"Charlie, tu pourrais te détendre et commencer enfin à profiter de la soirée ?", non je ne pouvais pas mais je ne pouvais pas lui avouer. Je ne m'étais pas préparé à l'idée évidente et pourtant prévisible d'avoir à la partager avec ces inconnus et ce nouveau mâle alpha.

"C'est vraiment mignon", Mia venait d'arrêter de se tortiller et elle s'était plantée face à moi, en ancrant ses yeux noisettes profondément dans les miens. Je m'étonnais de la trouver encore si désirable après cette douche froide mais j'essayais de garder les idées claires et de ne pas me laisser amadouer. J'imaginais sans difficulté qu'elle parlait de ma scène et je voyais à son regard provocateur qu'elle savait que j'avais eu Ricardo dans le viseur depuis le début de la journée. Je lui répondais avec un ton acide.

"Mignon ? C'est plutôt pitoyable comme adjectif.".

"On est tellement différents", Mia avait repris sérieusement, sans se laisser impressionner par mon attitude.

"C'est-à-dire ?", je lui posais la question en faisant de mon mieux pour paraître indifférent à son regard de braise et à ses mains baladeuses qu'elle venait de poser dangereusement sur mes épaules. Elle se collait à moi, ses mains autour de ma nuque et terminait sa phrase de la façon la plus érotique qui soit, ses lèvres à quelques millimètres des miennes.

"Tu es un romantique Charlie alors que moi, quand je veux une chose très fort, je ne tourne pas autour du pot : je la prends", et je frissonnais au contact de ses mains, à la proximité de mes lèvres et en lisant cette lueur dans le regard et cette attitude tentatrice qu'elle avait eu pour moi six mois plus tôt dans ce bassin.

Mia m'avait tenté également ce jour-là. J'avais fait de mon mieux pour résister encore à ce même regard sulfureux puis j'avais cédé honteusement et sans retenu lorsqu'elle s'était mise à coller sa poitrine et son corps contre le miens en réclamant les caresses et baisers que j'avais été incapable de lui refuser dans notre malheur sur l'Ile.

Je l'avais prise contre la paroi d'un rocher ce jour-là, sans préliminaire et sans douceur, comme j'en rêvais depuis le jour où je l'avais rencontrée. Ça avait été l'orgasme le plus interdit et libérateur de ma vie et elle s'était mise aussitôt à pleurer des larmes de désespoir en s'accrochant de toutes ses forces à mon cou.

Mia avait été ange et démon dans ce bassin avec moi. Sa fragilité et son tempérament de feu avaient laissé une marque indélébile sur ma peau. Quand elle m'avait rejeté les jours suivants, j'avais joué la carte de l'indifférence alors que chaque jour passé sur l'Ile me rendait de plus en plus fou d'elle. J'avais ensuite continué d'être là pour elle, de la façon qu'elle souhaitait, pendant qu'elle était là pour Harry.

Je trouvais donc la force en ce moment de lutter contre mes désirs pour ne plus revivre cette blessure. Il était impensable dans tous les cas que je cède aux avances d'une Mia saoule, sous les regards indiscrets de ces inconnus et de son amant. Pas quand la vie se décidait à m'offrir une seconde chance. J'étais décidé à faire les choses correctement avec elle. Je restais donc droit et fier, les mains solidement plantées dans mes poches. Je feignais la totale indifférence et la regardais s'étonner puis se heurter à mon refus. J'avais vu la frustration puis une autre lueur indescriptible dans son regard et je l'avais laissé soigner sa sortie sans un mot ni geste, en subissant un dernier baiser tentateur à la commissure de mes lèvres

"Comme tu voudras. Bonne nuit, Charlie".

Mia avait regagné la villa et moi la plage ensuite. J'avais rejoint Harry et Théo plus loin.

Nous étions allongés Harry, Théo et moi ; silencieux et enivrés par l'enchaînement des verres de cette fin de soirée.

Comme trop souvent dans notre histoire, nous nous retrouvions de nouveau ensemble face à la mer, à même le sable. Mais cette fois-ci, nous étions loin du drame et de la solitude.

Nous étions entourés par une foule joyeuse, bercés par la musique du feu de camp, enveloppés par la chaleur du Mexique et plus vivants que jamais.

Cela faisait six mois maintenant que nous avions survécus, Harry, Théo, Mia et moi. C'est le temps qu'il nous avait fallu pour accepter cette nouvelle chance, se retrouver et revivre.

"Cette femme est ingérable. Je n'y survivrai pas", je m'étais décidé à partager ma frustration et mon impuissance avec les garçons, encore tourmenté par mon dernier échange avec Mia.

J'entendais Théo rire de ma réplique et Harry me répondre

"Tu savais très bien dans quoi tu mettais les pieds, Charlie. Tu ne peux pas t'attendre à dompter la lionne en une journée. Je connais Mia, ne t'inquiète pas, ce n'est rien de sérieux avec Ricardo et ça ira bien mieux pour toi quand tu lui auras donné ce qu'elle veut". Je penchais la tête vers Harry soudainement très intéressé des conseils que pourrait avoir à me donner son meilleur ami.

C'est le moment que choisissait Théo pour intervenir avec son éternelle finesse.

"Une BONNE BAISE, mec ! Tout simplement ! Putain Charlie tu fais exprès ou t'as perdu ta queue sur l'Ile ?! ", Harry et lui avaient ensuite éclaté de rire face à mon air déconfit. De mon côté, je n'en menais pas large. C'était évident que j'avais l'intention de lui donner ce qu'elle voulait et plus encore, mais je souhaitais d'abord qu'elle me cède, entièrement, exclusivement et de toutes les façons possibles.

Point de vue : Julia

"Mon dieu Mia ! Tu verrais ta tête !", J'étais assise dans le canapé et sur le point d'aller me coucher quand je voyais Mia entrer dans le salon avec un air scandalisé sur le visage.

"Je viens de me prendre la honte de ma vie, Jul", je me redressais et l'invitais à me rejoindre sur le canapé, en lui ouvrant mes bras en guise de réconfort.

"Avec Ricardo ? "

"Cet homme me dévore des yeux et m'aguiche à la moindre occasion depuis qu'il est arrivé. Il passe ensuite sa journée et sa soirée à m'éloigner de Ricardo, pourquoi ? Mieux me recaler ensuite ! Mais pour qui est-ce qu'il me prend ? Je rêve !", Mia était furibonde et avait poursuivi sans même entendre ma précédente question. Je comprenais vite que la situation venait de tourner au vinaigre avec Charlie et qu'elle n'était pas habituée à ce qu'un homme lui résiste. Je commençais à me sentir mal à l'aise en comprenant que j'allais devoir manœuvrer habilement pour soutenir Mia, sans trahir mon ami Charlie.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ?", et Mia me racontait tout et j'avais les neurones en ébullition de devoir trouver un moyen de lui faire comprendre les choses, sans lui dire. Je devais amener Mia à envisager autre chose dans sa vie que des conquêtes et des histoires sans lendemain. Je devais aussi lui redonner le courage et l'estime qui lui manquait pour arrêter de fuir sa vie. La nuit s'annonçait longue.