Point de vue : Charlie

Je culpabilisais d'avoir poussé mon jeu aussi loin la veille et d'avoir repoussé Mia de la plus indélicate des façons. Je m'étais donc attendu à des représailles hostiles de sa part et je m'estimais heureux qu'elle se contente seulement de m'ignorer depuis le réveil, même si c'était douloureux.

Nous étions en ce moment avec Théo, Harry et Julia dans la cuisine à finir de boire nos cafés lorsque j'apercevais par la fenêtre Ricardo se diriger vers la terrasse de la villa, là où Mia était assise sagement dos à nous. Nous pouvions tout suivre depuis ce spot et Harry, Théo et Julia avaient décidé de céder à leur curiosité malsaine, en cessant tous leurs bruits pour mieux les écouter. Ma peine était encore vive de la veille mais je décidais d'écouter également avec un arrière-goût de masochisme.

"Salut", ce Ricardo venait d'arriver à sa hauteur et lui offrait un baiser sensuel qui démolissait pour de bon mon humeur.

"Qu'est-ce qui t'amène ?"

"On ne s'est quasiment pas vu des deux dernières semaines. Je voulais savoir si j'avais une chance de te voir ce soir sans tes amis ?", il s'était assis à ses côtés et déposait sa main sur sa cuisse avant de poursuivre avec un sourire charmeur.

"Et je suis sûr que ton corps se languit de mon absence et de cette dernière soirée au goût d'inachevé", la phrase et le geste étaient lourds de promesses et mes mains se crispaient sur ma tasse dans l'attente de la réponse de Mia.

"Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée, Ric", je retenais ma respiration après cette déclaration inattendue de Mia et je le voyais froncer également les sourcils face à ce rejet.

"Est-ce que ça à quelque chose à voir avec l'intervention de ton Charlie hier sur la plage ?...", j'attendais désespérément maintenant, comme lui mais Mia ne répondait pas.

"Ne me regarde pas comme ça. Il n'a jamais été question d'exclusivité entre toi et moi et je sais qu'en théorie ça ne me regarde pas, mais on peut quand même se dire les choses ? On est … amis...non ?", Ricardo lui souriait et j'essayais tant bien que mal de chasser de mon esprit les images obscènes qui me venait en tête en imaginant l'étendue de cette amitié. Mia ne répondait toujours pas mais ce Ricardo avait l'air tenace.

"Tu te souviens cette fois où tu as laissé fuiter un autre prénom ? Tu t'étais confondue en excuse et je t'avais fait rougir jusqu'à la racine des cheveux en te disant que tu pouvais crier et imaginer qui tu voulais tant que ça te mettait dans ces états. Ne recommence pas à rougir comme ça...je vais être obligé de te dévorer...Allez, je suis sérieux pour une fois donc concentre-toi !", il riait et en profitait pour lui taquiner le nez avant de continuer pendant que je serrais douloureusement le plan de travail de mes mains face à son baratin de séducteur et la découverte de ces détails outrageux.

"Charlie. C'est ce prénom que tu as eu en pleine action mais c'est aussi celui qui revenait régulièrement dans ton sommeil, Mia. Je le sais puisque j'en ai profité plusieurs fois à ton réveil", j'étais sous le choc de mon côté, l'information était capitale mais je n'arrivais pas à l'apprécier à cause de ses dérives perverses. Je subissais et je regardais Mia lui donner un cou inoffensif à l'estomac. Ce Ricardo en profitait pour l'emprisonner dans ses bras et poser ses lèvres de force sur les siennes pour la faire taire et j'avais un haut le cœur de voir Mia en sourire et en rire, ses lèvres sur les siennes. Mon corps était encore plus douloureux à tous les niveaux après ça parce que ce Ricardo avait mon rêve entre les bras et sur ses lèvres. Mais dieu merci, il en décollait.

"Je ne suis qu'un homme ! Arrête de me frapper, laisse-moi continuer. Donc... J'ai très vite fait le rapprochement en le voyant hier. J'étais plutôt prêt à rivaliser malgré l'allure parfaite de ce type. Si tu veux même tout savoir, j'ai commencé à imaginer ton état et les bénéfices que je pourrais en tirer si je l'invitais à une de nos soirées en privé pour te faire plaisir"

"RICARDO ! Bon sang mais tu es sans filtre ma parole !"

"Quoi ?! Ça ne t'a pas posé de problème jusqu'ici...Bref. J'aurai pu essayer, tu sais que j'en suis capable, mais ce type n'a pas l'air très partageur, c'est assez clair à sa façon de te dévorer des yeux et de me fusiller du regard. J'ai très vite chassé l'idée pour mon propre bien. J'aurai pu m'opposer quand il s'est permis de nous interrompre mais je ne l'ai pas fait puisque je savais que tu n'attendais que ça. Donc pas à moi, Mia"

J'essayais de faire abstraction des réactions de Théo et Julia qui étaient beaucoup trop bon public et surexcités à chaque révélation de Ricardo. J'aurai pu trouver un certain réconfort dans ses aveux mais ma mauvaise humeur prenait le dessus. La réponse de Mia ensuite me blessait plus que je ne l'aurai voulu mais elle était tout à fait prévisible et méritée après la douche froide que je venais de lui infliger.

"Ma décision n'a rien à voir avec Charlie. J'ai décidé de rentrer en France. Je pense qu'il est temps maintenant", sa réponse venait de faire l'effet d'une bombe dans la cuisine. Harry et Théo s'étaient agités à la nouvelle alors que Julia ne semblait pas surprise et me jetait un regard entendu. Ricardo de son côté, prenait un temps pour assimiler l'information et s'était mis ensuite à lui caresser délicatement le visage et les lèvres.

"Je mentirai si je disais que je suis content de te voir partir mais si tu décides de le faire pour les bonnes raisons alors ça me va. Je suis heureux que tu sois prête à aller de l'avant", j'espérais qu'il se contente de cette sortie mais il n'avait pas pu s'empêcher d'ajouter une proposition indécente qui me faisait grimacer de dégoût.

"Est-ce que j'aurai droit à une dernière soirée avec toi ?".

"...Restons-en là, tu veux bien ?", Mia avait répondu avec douceur et un sourire coupable. Je regardais Ricardo encaisser sa rupture puis reprendre, en se levant, avec un air résigné et taquin.

"OK...Tant pis pour toi...Tu m'appelleras ? Quand tu te seras lassé de ton anglais ?".

Je décidais de quitter la pièce au même moment pour ne pas avoir à subir leurs derniers adieux, plus tourmenté que jamais par la décharge d'émotions et d'informations contradictoires que je venais de recevoir.

Point de vue : Mia

Le réveil avait été difficile. Ma longue discussion avec Julia et l'humiliation vécue avec Charlie hier m'avaient bouleversée. Je gardais le silence depuis ce matin, la boule au ventre et encore indécise.

Mon corps était resté endormi et indifférent au premier baiser de Ricardo. Il ne réagissait pas plus à la main qu'il posait sur ma cuisse ou à ses sous-entendus aguicheurs. En revanche, j'avais été secouée par son analyse de la situation avec Charlie et je reprenais un peu espoir en considérant son point de vue sur l'intérêt que me portait Charlie. Au fur et à mesure que Ricardo s'exprimait, mon choix s'était profilé et affirmé et je rentrais donc à la villa avec une pointe de soulagement à la fin de notre conversation et je restais interdite sur le pas de porte en sentant Harry et Théo me soulever du sol avec une euphorie inattendue.

"Qu'est-ce qu'il vous prend ? Reposez-moi", je les regardais avec amusement en attendant leur réponse.

"Dis moi que tu rentres vraiment et que ça n'était pas juste un prétexte pour mettre un plan à ce mec ? ", Harry me regardait avec ses yeux d'enfant et je comprenais qu'ils n'avaient pas raté un traître mot de mon échange avec Ricardo et je paniquais en réalisant l'étendu des propos auxquels ils venaient d'assister. Une fois encore, le concept de vie privée leur était complètement inconnu. Je constatais avec soulagement que Charlie n'était pas avec eux. Je finissais par donner à Harry et Théo la confirmation tant attendue et je me laissais transporter par la liesse générale. Harry, Théo et Julia avaient décidé de sortir pour célébrer l'annonce. Charlie nous avait suivi sans laisser paraître quoi que ce soit.