Le Tigre et ses Démons
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Ken se leva en retard, il se précipita au dojo sans manger pour suivre l'entrainement de son père. C'était un accord qu'il avait avec lui, et même si il s'était rebellé pour rester aux côtés de son capitaine, il continuait d'honorer sa parole. Il ignorait si ça faisait encore plaisir à son paternel, car il était sûr d'une chose, même si il avait compris qu'il ne s'était rien passé entre Kôjiro et son fils, quelque chose c'était irrémédiablement brisé entre le père et le fils. Ils n'étaient plus qu'entraineur et élève. Lorsque son professeur termina l'entrainement, il se changea rapidement et parti rejoindre son Tigre, un peu comme tous les jours depuis la fin du Lycée. Il frappa à la porte, la mère du Tigre lui envoya son plus beau sourire en le faisant pénétrer dans l'entrée.
- Ken, comment vas-tu mon petit ? »
- Heu Bien… est-ce qu'il… »
- Oui ! Kôjiro ! Y'a du courrier pour toi ! Et t'as de la visite ! »
Kôjiro descendit les escaliers quatre à quatre, il attrapa la lettre que sa mère tenait, d'un mouvement sec, et l'ouvrit précipitamment. Son cœur se serra, tandis que ses yeux glissaient sur le papier, son air sérieux se désagrégea lorsqu'il lut la dernière phrase… un sourire de triomphe s'était installé sur son visage.
- Maman ! Maman ! Je… Je suis pris pour aller dans une équipe professionnelle ! »
- Ha oui ? Mais c'est bien ça ! »
- Je vais en Italie ! En Italie, tu te rends compte ! L'Italie ! Maman ! »
Le sourire de Ken s'évapora, il regarda celui qu'il appelait capitaine il y a encore une quinzaine de jours soulever sa mère du sol, en la faisant tourner. Il était normal que le Tigre soit contente, il allait perfectionner son football en Europe et deviendrait certainement un grand joueur de league un. Il était heureux, au fond, pour son capitaine, mais un gout âpre s'était emparé de sa bouche. L'Italie, voilà un nom qui semblait totalement étranger et bien trop loin... beaucoup trop loin !
- Calme-toi chéri, ha, arrête, tu vas trop vite ! »
Il déposa sa mère à terre et se mit à sautiller sur place. Le Tigre était trop excité pour avoir remarqué quoi que ce soit. Perdu dans ses rêves qui devenaient réalité, il en avait oublié les sentiments de Ken, leur promesse de rester ensemble. Il s'avança, avec un sourire comblé, vers Ken et lui fit subir le même sort que sa mère, Kôjiro avait envie d'hurler de joie, c'était le plus beau jour de sa vie, il avait enfin la récompense qu'il souhaitait, il réaliserait son rêve d'enfant ! Il partirait et ferait vivre sa famille grâce à sa passion !
- L'Italie, tu entends ça ! L'Italie ! Ken ! Je vais en Europe ! En Europe ! Ha ha ! »
- Cap… »
Deux larmes s'écrasèrent sur le visage de Kôjiro, sa mère regarda la scène tristement, bien sûr, elle était ravie pour son fils, bien qu'elle n'était pas encore prête à le voir partir si loin, mais ce qu'elle redoutait venait de se produire, bien entendu Kôjiro avait de quoi être heureux, mais il ne devait pas se rendre compte que son bonheur détruisait celui de Ken… Le Tigre le lâcha, il avait du mal à comprendre le sens de ces larmes, Ken devrait être heureux pour lui, non ?
- Chut ! »
- Capitaine… »
- Chut ! »
- Je suis content pour toi… »
Kôjiro attrapa son visage et l'amena en face du sien, soudainement conscient de ce qui se passait.
- Hey, tu m'as juré de me suivre ! Non ? Dans un mois on décolle pour l'Europe, on fait notre dernière coupe junior, on va se battre encore avec l'Allemagne, et on va écraser le Kaiser ! Alors remet ce bras en marche, pour arrêter ses boulets de canon ! Tu seras notre meilleur atout ! Et là-bas, je suis sûr qu'ils te remarqueront ! Et même si, au début tu n'es pas en Italie avec moi, je ferais tout ce qui est en MON pouvoir pour que tu me rejoignes ! »
- Kôjiro… je mérite… »
- Tss ! Assez, maintenant, si on allait se balader ! J'ai une soudaine envie de bouger ! »
- Capitaine… »
- Hum ? »
- Je… je pense que je vais rentrer… »
- Tu viens d'arriver ! »
- J'ai un peu mal au bras, je… »
- Ken ? »
- On se voit demain ? »
- Ken ? »
- A demain capitaine ! »
- KEN ! »
- Quoi ? »
- Retourne-toi bon dieu! »
Wakashimazu tourna un visage remplis de larmes, il baissa la tête, essayant en vain de se calmer.
- Kôjiro, là-bas tu seras bien, tu seras parmi les meilleurs, tes vœux vont se réaliser… Moi, moi j'ai jamais voulu être footballeur professionnel, je n'ai pas cette ambition… Et, il serait mieux pour moi, comme pour toi que… »
Kôjiro leva la main, la claque partie toute seule, une impulsion, un cri, un cri, que le cœur du Tigre, n'avait su encore une fois qu'exprimer que par la violence.
- Petit idiot ! »
Les larmes de son ami se firent plus nombreuses, il se retourna et essaya de partir.
- Ah non ! Non, non ! Reste là ! Tu passes ton temps à fuir quand rien ne va ! Qu'est-ce qui t'arrives bon sang ! »
- Il m'arrive que les sentiments que j'éprouve pour toi sont chaque jour de plus en plus présents, de plus en plus forts, Kôjiro tu n'es plus mon ami, tu ne le seras jamais plus. Et chaque jour j'essaye, je fais semblant. Tu sais Kôjiro, je fais de mon mieux, mais je n'y arrive pas ! Ce n'est pas suffisant ! Je pense qu'à toi jours et nuits ! C'est pour ça que je ferais mieux de rester ici… parce que si je te suis ce n'est pas ton goalkeeper qui partira avec toi, c'est Ken, celui qui t'aime plus que sa vie ! Et Ken ne t'est d'aucune utilité, tu ne vois qu'un goalkeeper en moi ! Un ami tout au plus… »
Le Tigre se mit à bouillonner, il attrapa le visage de Ken et d'un mouvement brusque, il le colla contre le mur, sans faire attention aux plaintes de son ami.
- Tu me fais mal ! Kôjiro ! »
- Kôjiro ! Lâche-le ! Lâche-le immédiatement ! »
La mère se précipita dans le hall d'entrée, son fils était capable de tout dans ces moments-là, elle essaya de lui faire lâcher prise sans grand résultat. Sans écouter ce que disait sa mère, ni les mots de Ken il s'approcha plus près de sa « victime » et colla son corps contre celui du goalkeeper. Dans un regard féroce, il se plaça devant lui…
- Répète ? »
- De ? »
- Répète ce que tu viens de dire ! »
- Kôjiro lâche-le ! »
- Je… »
Ken laissa de nouvelles larmes sortirent de ses yeux, il envoya un regard paniqué à la mère Kôjiro qui tenta une nouvelle fois de séparer les deux jeunes hommes.
- Tu vas arrêter de chialer, oui ! »
- Kôjiro ? Je t'en prie lâche-le, tu lui fais mal, pense à sa blessure, chéri, ne fais pas de bêtises ! KÔJIRO ! »
Le Tigre attrapa le cou de son vis-à-vis et l'amena près de lui, il hésita un moment, puis inclina la tête, et après avoir heurté le nez de Ken, il posa ses lèvres sur les siennes dans un baiser chaste et maladroit. Ken resta paralysé, son cœur s'emballa et lorsque Hyûga rompit le baiser, il dut se retenir pour ne pas lui sauter dessus, il essaya de se reculer, mais il était déjà contre le mur, il bégaya quelque chose et s'enfuit en courant.
Kôjiro s'écroula par terre, ses poings se serrèrent, ses yeux le piquaient, qu'avait-il fait, sa tête partie en arrière, et ses larmes se frayèrent un chemin le long de son visage, qu'avait-il osé faire à Ken ?
- Mais qu'est-ce que j'ai fait ? »
Il se mordit la lèvre, il ne comprenait pas ce qui venait de se passer, pourquoi avait-il eut envie de l'embrasser comme ça ? Il se releva effaça ses larmes, sortit de chez lui et rattrapa Ken en bas de la rue.
- Ken attend ! »
- S'il te plait laisse-moi ! »
- Ken… »
- Que ressens-tu pour moi ? »
- … »
Kôjiro ne savait que répondre, il lâcha le bras de Ken, et baissa le regard. Il ne supportait pas celui de Ken, il était bouleversé, mais plus que cela, il était blessé…
- Tu n'avais pas le droit de me faire ça, pourquoi ? Pourquoi tu m'as fait ça capitaine ! »
Le goal se retourna brusquement et se mit à courir à toutes jambes. Kôjiro se sentait coupable jusqu'au bout des ongles, pourquoi agissait-il toujours par pulsions ? Il faillait qu'il se serve un peu plus de son cerveau, son prof avait raison, il n'avait que des muscles, aucune tactique, même pas sur le terrain, c'était un bulldozer ! LE bulldozer et il était comme ça aussi en réel, avec ses amis, avec Ken… ça passe ou ça casse ! C'était toujours comme ça qu'il fonctionnait. Et là ça venait de casser, Kôjiro se baffa mentalement, il avait envie de pleurer…
