Le Tigre et ses Démons

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Le Tigre erra à travers les rues jusqu'à ce que son ventre le rappelle à l'ordre. Il n'avait pas vu le temps passer, d'ailleurs, il n'avait fait que penser et repenser à tout ce qui c'était passé depuis le matin. Là, il devrait fêter sa réussite, sa future carrière en pro. Au lieu de ça, il se retrouvait presque déprime, ne sachant pas quel chemin prendre dans le bourbier qu'était son cœur. Y'avait trop de pensée, trop de doute et au final, il ne comprenait rien. Ça l'énervait ! Pourquoi avait-il ressenti autant de colère, autant de peine, pourquoi l'avait-il embrassé. Lorsqu'il poussa la porte de chez lui, il fut surpris que sa mère soit encore debout. Il l'observa puis soupira, allant la rejoindre dans la cuisine. Par pitié qu'elle ne le torture pas de question, il avait été sans pitié toute la journée !

- Kôjiro ? »
- Hum ! Maman ? »
- Viens j'ai à te parler. »

Kôjiro baissa la tête, il avait le pressentiment qu'il allait se faire engueuler, c'était la première fois qu'il ressentait de la colère dans la voix de sa mère, jamais elle n'était fâchée, jamais…

- Ok… »

Elle lui tourna le dos et versa de l'eau dans une théière, elle sortit du réfrigérateur des nigiris, qu'elle déposa sur la table, une main tremblante s'empara d'une boulette, attendant le couperet maternel.

- Alors on commence à s'apercevoir de ce que l'on éprouve pour son goalkeeper ? »
- Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça ! »
- Ha oui ? »

La maman servit du thé dans deux tasses, et en tendit une à son fils.

- Ton cerveau peut-être, mes tes hormones, elles, le savent ! »
- Maman ! »
- Et bien quoi ! C'est normal non ! C'est l'âge qui veut ça ! »
- NAN ! Je ne veux pas… »
- Hum ? Kôjiro ? Pourquoi ? »
- J'ai peur… »
- De ce que tu ressens ? »
- Hum ! Je lui ai fait du mal, je suis capable de tout, du pire… »
- Pourquoi ? »
- Parce que ça ne sort pas ! »
- Qu'est-ce qui ne sort pas ? »
- J'en sais rien ! »
- KOJIRO ! QU'ES-CE QUI NE SORT PAS ? »
- PUTAIN, JE VIENS DE DIRE QUE JE NE SAIS PAS ! »

Kôjiro avait envoyé tout ce qu'il y avait sur la table par terre, il était debout, ses yeux étaient haineux. Si quelque chose ne le retenait pas, au fond de lui, il aurait porté la main sur sa propre mère.

- Maman ? »
- Naoko ? »
- Maman pourquoi vous criez ? »
- Chut ce n'est rien, maman discute avec Kôjiro, va te coucher ma chérie, allez va ! »

La petite Naoko, regarda son frère, il avait l'air effrayant, elle ne lui dit même pas bonne nuit et partit en courant s'enfermer dans sa chambre. La mère de Kôjiro s'approcha de son fils, elle prit son visage entre ses mains et le regarda dans les yeux.

- Dit-le… »
- J'ai rien à dire ! »
- Oh que si mon chéri, qu'y a-t-il au fond de toi, que cache cette colère ? »
- Lâche-moi, lâche-moi, arrête ! »

Kôjiro poussa sa mère, il ne voulait plus voir ce regard, il perdit l'équilibre et se retrouva sur le postérieur, peut-être parce que consciemment, il avait fait en sorte de ne pas repousser sa mère trop brutalement. Son regard se fit encore plus méchant, il l'aurait bien frappé lorsqu'il croisa son regard perçant. Frapper sa propre mère, oui, il sentait son ras en être capable. Comme pour la protéger sa main gauche attrapa le bras droit pour le tenir fermement contre son corps. Mais la colère ne sortit pas sous forme de violence, et c'est prostré que le Tigre se mit à crier, il ne comprenait plus rien ! Ses cris s'étouffèrent dans sa gorge et devinrent des pleurs, des sanglots…

- Allez Kôjiro, dis-le mon chéri, ça ira mieux… »
- J'ai peur de moi… j'ai peur de lui faire encore du mal, j'ai peur de le perdre, j'ai peur qu'un jour ma rage ne le détruise, maman, pourquoi j'ai autant de colère en moi ! »
- Chut, je suis là, chut. »

Sa mère le prit dans ses bras, elle l'enlaça tendrement et se mit à chanter une vieille comptine, lorsque les convulsions de son fils s'arrêtèrent, elle plaça la tête de celui-ci au creux de son cou…

- Mon petit, depuis combien de temps, tu te défends de penser à lui autrement qu'en ami, depuis combien de temps, tu essayes de fuir la réalité ? Chéri, tu ne devrais pas faire ça… ça te fait du mal, et ça lui en fait aussi, il est normal qu'à ton âge tu aies des envies, que tu aies envie de lui, mais Kôjiro, ça ne doit en aucun cas se faire avec de la violence… Je ne sais pas pourquoi tu as arrêté de me parler après la mort de ton père… mais j'ai remarqué un énorme changement depuis, où est mon petit, où est mon fils ? Il avait toujours un sourire sur les lèvres, c'était une tête de mule, et il n'avait peur de rien, mais jamais, jamais il n'avait fait preuve de violence… Mon fils était un garnement qui cachait sa timidité sous une apparence de casse-cou… Tu te souviens quand tu es rentré à la maison un soir, tu t'étais cassé la jambe parce qu'un garçon de la maternelle avait dit que tu ne sauterais pas du haut du muret ? J'ai souri ce jour-là, tu étais si fier de l'avoir fait… Mais depuis la mort de ton père, tu ne t'occupes plus de toi. Tu passes ton temps à travailler, à t'entraîner, tu n'es pas une machine mon fils, tu as besoin de décompresser, tout ce qu'un jeune homme devrait faire, toi tu le laisses de côté, il y a des choses que tu ne dois pas laisser de côté, il ne le faut pas ! Alors tu vas me faire le plaisir d'essayer de t'apaiser, tu vas arrêter tes boulots dès demain ! »
- Maman ! »
- Chéri ! Tu ne te rends pas comptes de toutes ces petites choses, du vide qu'il y a en toi ! Tu n'as jamais eu envie d'être dans les bras de quelqu'un ? D'être avec quelqu'un que tu aimes, ne refuses pas toutes ces choses, elles font parties de toi, tu ne dois pas en avoir peur, tu ne dois pas en avoir honte… Mon chéri, tu as passé ton temps à refuser tout ça, tu ne le peux plus, il faut que ça sorte, et toutes ces choses que tu ne t'es pas accordé, que tu as refoulé, elles sont là en toi, elles te poursuivront tant que tu ne les écouteras pas, et quand tu n'arrives plus à les canaliser, elles sortent sous forme de violence… Et puis le petit Ken doit le savoir tout au fond de lui… il sait que tu n'es encore jamais sorti avec quelqu'un, il sait quel démon tu peux être… Il est tombé amoureux de toi, et de toutes tes facettes ! Alors n'ai pas peur de ce genre de choses, et parle-lui, au lieu de l'embrasser comme ça ! BAKA ! On ne commence pas comme ça mon chéri ! Parlez ! Sortez, je ne sais pas faites quelque chose tous les deux qui n'ait attrait ni au ballon, ni au foot ! Emmène-le dans un endroit que tu aimes, emmène-le au parc asseyez-vous tranquillement et parlez ! Tu dois lui dire tout ce que tu essayes de te cacher, tu vas enfin t'écouter et tu te sentiras mieux, tu verras. »

Sa mère se leva, et aida son à se relever en lui tendant un sourire.

- Il est froid ce carrelage, non ? »

Elle fit un petit sourire, Kôjiro le lui rendit, il la serra dans ses bras, il se sentait un peu mieux, même si… il n'était pas sûr où tout cela le mènerait.

- Ah, tiens, je n'ai jamais réellement pu t'en parler, tu n'as jamais voulu m'écouter ou m'en parler non plus, j'ai regretté que ton père ne soit plus là pour exercer ce rôle. Il aurait dû t'en parler en temps et en heure, mais malheureusement, il est parti trop tôt… »

La mère de Kôjiro, lui tendit un livre.

- L'école ne dit pas tout non plus, et ce n'est pas en regardant la télé qu'on en sait plus sur ce genre de chose, et je parie que ce n'est pas le genre de discussion que tu entretiens avec tes amis… Lit ça mon chéri, ça va te servir. »
- D'accord… »

Son regard un peu réticent regarda le livre qui était maintenant entre ses mains, jamais il lirait un truc pareil ! Une fois dans sa chambre, il jeta le livre sur son studio, mais après avoir compris que le sommeil se refuserait à lui avant qu'il ne revoit son gardien de but, le Tigre poussa un soupire, ok, mais juste quelques pages !