Point de vue : Harry

Je claquais la porte de la villa derrière Mia qui venait d'entrer timidement dans le séjour.

"Tu es rentrée ! Dieu merci. Tu vas bien ? Tu veux que je te fasse quelque chose à dîner ?", Mia était accueillie par Julia qui lui avait sauté au cou dès son entrée en la câlinant et en lui parlant avec sa voix la plus douce.

"Je te remercie Julia, je vais plutôt aller me reposer", Mia avait répondu d'une petite voix et d'un sourire qu'elle voulait rassurant mais je la savais gênée car son regard était fuyant et elle ignorait Théo et Charlie. Je l'encourageais donc à se réfugier dans sa chambre, après une étreinte rapide et un baiser tendre sur son front. Je m'asseyais et poussais un soupir d'épuisement sous les yeux préoccupés de Charlie, Théo et Julia après son départ. J'étais vraiment à bout de nerf lorsque Charlie s'adressait à moi pour la première fois depuis les évènements

"Comment est-ce qu'elle va ?", je me sentais bouillonner en entendant la question de Charlie mais je ne pouvais pas courir le risque d'un débordement aussi proche de Mia et de nos amis.

"Suis-moi. Il faut que je te parle seul à seul", je me levais donc froidement après cette directive et je me dirigeais vers la plage, à bonne distance des témoins et de la chambre de Mia. Charlie me suivait et me rejoignait sans un mot dans l'espoir d'obtenir une réponse à sa question et il allait être servi. Je lui en faisais un très bon résumé avec ce crochet brutal, grâce à l'effet de surprise. Je le regardais, l'instant d'après, au sol avec l'arcade sourcilière ouverte et le visage maculé de sang. La vue n'était pas reluisante mais je n'avais aucun état d'âme. Charlie était mon exutoire depuis des mois, je savais que j'avais été injuste avec lui à plusieurs reprises, mais ce soir, il le méritait largement. Il méritait que je lui fasse payer les malheurs de Mia. J'aurai préféré qu'il se défende et rende les coups mais il restait silencieux et au sol. Je pouvais voir la culpabilité et la honte défigurer ses traits. Il avait parfaitement conscience de le mériter et sa sagesse m'incitait à reprendre un peu le contrôle de mon corps.

"Je n'ai pas dit à Mia que tu avais été le premier à la trouver et à l'abandonner dans les bras de cette pourriture à cause de ta jalousie maladive. Je t'interdis de lui avouer pour soulager ta petite conscience", Charlie recevait mon ordre en baissant la tête avec un mélange de honte et de soulagement et je poursuivais.

"On ne va pas revenir non plus sur tes autres conneries. Je vais te laisser une dernière chance de bien faire avec elle, Charlie. Si elle souffre encore une fois par ta faute, je m'arrangerai pour que tu disparaisses définitivement de sa vie", je partais sur cette dernière menace acerbe, bien décidé à aller me coucher pour me remettre des émotions folles de la nuit et du nouveau drame qui venait d'être évité.

Point de vue : Charlie

Ces dernières 24h avaient été les pires. Je n'avais pas fermé l'œil. J'étais incapable de sortir de ma tête les images de cette nuit dramatique. Je revoyais Mia, faible et impuissante, à la merci de cette ordure qui avait eu beaucoup trop de temps par ma faute pour parcourir son corps et toucher ses lèvres. J'étais rongé par la culpabilité et à bien y réfléchir, aucune nuit n'avait été aussi difficile sur l'Ile en comparaison.

J'entendais les voix s'élever au rez-de-chaussée pendant que je me torturais et je trouvais le courage de les rejoindre uniquement pour la revoir et j'hallucinais de les entendre tous parler du programme de la journée comme s'il ne s'était rien passé. Je trouvais la scène surréaliste et révoltante mais je me contentais de faire une arrivée discrète.

"Mon dieu Charlie, qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?", Mia s'était levée de sa chaise subitement en amorçant un geste vers ma blessure au visage.

"Ne t'inquiète pas pour ça", j'attrapais sa main avec douceur pour l'empêcher de raviver la douleur encore lancinante.

"Ce n'est vraiment pas beau. Laisse-moi m'en occuper", Mia avait maintenu sa main dans la mienne et elle m'entraînait avec elle dans la salle de bain de l'étage. Ce premier geste me faisait déjà beaucoup de bien. Je la laissais ensuite m'asseoir sur le rebord de la baignoire et je la regardais s'afférer à sortir sa trousse médicale et ses différents matériels, vestiges de son ancienne vie. Elle entamait son interrogatoire en même temps qu'elle commençait à désinfecter ma plaie et j'avais une place de choix pour l'admirer. Je me passionnais de ce rictus de concentration sur son front, des reflets miel de ses yeux et de la douceur de ses lèvres gourmandes.

"C'est un cadeau de Harry ? J'ai remarqué ces tensions entre vous depuis votre arrivée au Mexique. Qu'est-ce que j'ai raté durant mon absence qui explique que vos relations se soient autant dégradées...?", j'avais entendu sa question mais je me taisais en repensant aux dernières paroles d'Harry. Je ne pouvais pas lui avouer mon obsession pour elle et encore moins mon erreur impardonnable d'hier alors je me contentais de changer de sujet.

"Comment est-ce que tu peux être là, plus belle que jamais, à sourire, me soigner et te préoccuper de nos états d'âme ? Ou est-ce que tu trouves cette force ? Après l'Île, après ces derniers mois...et après hier...?", les mots étaient sortis péniblement et douloureusement de ma bouche. Je continuais de la regarder avec mon cœur en peine. Je la sentais se déconcentrer au même moment et je voyais plusieurs expressions contradictoires traverser son visage. Je souffrais plus que jamais pour elle. Mes peines de cœur et crises de jalousie égoïstes étaient les dernières de mes préoccupations aujourd'hui.

Point de vue : Mia

Je sentais le regard brûlant et inquiet de Charlie et je faisais de mon mieux pour me concentrer sur ma tâche et ne pas me perdre dans ses yeux. J'avais ralenti mes gestes malgré moi lorsqu'il s'était mis à me poser toutes ces questions.

"J'ai besoin de savoir que tu vas bien...", je ressentais les tremblements et le désespoir dans sa voix et j'étais bouleversée de le savoir si préoccupé par mon état. J'étais troublée par la gravité de son regard et ensuite par ses mains qu'il venait de glisser autour de ma taille.

"Je vais très bien", j'avais choisi le mensonge par réflexe en soutenant son regard, le mensonge qui me permettait de fuir une fois de plus et celui qui l'apaiserai. Je sentais ensuite une de ses mains quitter ma taille et gagner ma nuque avec encore plus de douceur que d'habitude. Charlie m'obligeait à affronter son regard et je le voyais ensuite poser son front contre le miens. Je voyais ses yeux humides, son regard épuisé et je réalisais que c'était la première fois que je le voyais si vulnérable. Je sentais son regard me sonder profondément et me faire perdre pied. J'étais complètement déstabilisée et surprise de son comportement.

"Tu mens", son jugement était sans appel. Charlie avait dû sentir mon cœur battre à toute allure et il avait dû apercevoir la tristesse dans mes yeux. Je craignais sa confrontation mais il s'était tût et avait préféré les actes aux mots une fois encore. Il fixait mes lèvres avec obsession, son visage à quelques millimètres du mien et je devinais avec beaucoup d'émotion qu'il mourrait d'envie de m'embrasser. Je le voyais débattre intérieurement et je le voyais renoncer avec un air tourmenté. Charlie s'était contenté de poser sensuellement très sa tête contre ma poitrine, en laissant échapper un soupir d'agonie. Il avait resserré simplement son étreinte en parsemant mon cou de baisers. J'étais pétrifiée par l'intensité et l'intimité de ses gestes et je me décidais après beaucoup d'hésitation à lui rendre ses caresses. Je caressais ses cheveux, sa nuque puis ses épaules carrées et son dos musclé. J'entendais ses soupirs de bien-être à cette réponse de ma part et je m'abandonnais encore plus en retour à cette parenthèse de douceur inespérée dont j'avais tellement rêvé ces derniers mois.

Mais c'est le moment qu'avait choisi Harry pour faire irruption dans la pièce et éclater ma bulle de bonheur. Je m'attendais à ce qu'il fasse demi-tour mais il restait planté sur le pas de porte à nous fixer. Je l'avais vu froncer les sourcils et regarder durement Charlie. J'attendais la rébellion de Charlie mais je le voyais bien au contraire soupirer, abdiquer puis partir après un dernier baiser étourdissant à la commissure de mes lèvres.

Harry, lui, était toujours là après son départ et je prenais la parole avec beaucoup d'agacement.

"C'est une blague ? Tu n'as pas eu l'impression de déranger ?".

"Charlie n'en mérite pas plus pour l'instant", Harry était resté immobile et droit.

"Pardon ? Et c'est à toi d'en décider ? Ça ne t'a pas suffi de lui refaire le portrait ? Tu as décidé maintenant de lui coller aux basques et de le menacer à chaque fois qu'il s'approchera de moi ? Pour une peine de cœur ? ", j'étais en train de m'emporter quand je voyais Harry baisser la tête honteux et las.

"Je ne veux plus te revoir souffrir. Crois moi, il n'y a rien de pire que l'amour pour briser quelqu'un", je m'approchais de lui sur cet aveu touchant et cette référence indirecte à Victoria, et j'essayais de le raisonner avec un nouvel argumentaire.

"Et je ne te remercierais jamais assez de veiller sur moi et d'être cet ami merveilleux, Harry, mais tu ne pourras jamais me protéger de mes sentiments. Il faut que tu me donnes de l'air. On ne s'est pas bien compris hier visiblement alors je te le redis maintenant que le choc est passé. Charlie n'a jamais voulu me faire de mal, il ne pouvait pas se douter de ce que je ressentais et de ce que je voulais. Tu ne peux pas lui reprocher mes névroses, ce n'est pas juste. Il faut que tu nous laisses tranquille...", je faisais un effort de diplomatie et de douceur pour raisonner Harry en repensant à tout ce qu'il venait de vivre et faire pour moi.

"...Je vais essayer", Harry acceptait de rendre les armes à mon grand soulagement. Je ne m'étais pas imaginé que cela se ferait avec autant de facilité. Je m'en réjouissais et j'essayais de poursuivre avec plus de légèreté.

"Tu as intérêts parce que je te promets que je te ferai regretter le prochain coup que tu porteras à son si beau visage", je finissais dans une tentative d'humour en sermonnant l'éternel bagarreur qu'était Harry. Je l'entendais rire de sa dernière réplique en partant.

"C'est entendu, Princesse. Je viserai son ventre la prochaine fois", et mon sourire s'élargissait à la touche d'humour mais surtout en entendant ce surnom si cher à mon cœur et qui m'avait tant manqué pendant tous ces mois.

Point de vue Harry

Je regagnais ma place à table à côté de Julia et Théo et je regardais Mia, à ma suite, se laisser tenter par les bras grand ouverts de Charlie . Je la voyais poser sa tête contre son torse et fermer les yeux de bien-être pendant qu'il la serrait contre lui et lui caressait délicatement les cheveux, dans ce canapé. Si la scène était attendrissante à première vue, je voyais surtout le danger de la situation puisque Mia ne s'était jamais mise à nue avec aucun homme de toute sa vie et j'avais peur de la confrontation prochaine entre sa candeur et la force des sentiments de Charlie.

Mais j'essayais de reconsidérer ma dernière conversation avec elle. J'étais tombé comme un cheveux sur la soupe pendant ce moment brûlant d'intimité et j'avais pourtant été incapable de me retirer de la pièce. C'était une évidence que cette histoire entre eux finirait par être consommée quoique je fasse mais ma première idée avait été de faire mon maximum pour ralentir les choses. Mon élan protecteur habituel me hurlait que l'enfer était également pavé de bonnes intentions mais Mia m'avait rappelé à l'ordre avec son tempérament et sa force de caractère éternels. J'aurai été suicidaire de persévérer dans cette voie et j'étais également tenté de laisser sa chance à Charlie qui avait reçu tous les avertissements utiles pour bien faire. J'étais aussi forcé d'admettre qu'il n'avait que des intentions louables désormais avec elle. C'est donc en la voyant s'endormir dans ses bras et en voyant Charlie lutter également contre le sommeil que je me décidais à me rapprocher discrètement de lui, en repensant à la dernière promesse faite à Mia. J'allais leur donner de l'air.

"Charlie ?", je secouais l'épaule de Charlie pour le sortir de son début de sommeil. Je continuais à voix basse en voyant que j'avais toute son attention.

"On va prendre l'air comme prévu avec Théo et Jul. Reste ici avec Mia. Les médecins ont prévenu des coups de fatigue et étourdissements donc doucement avec elle, d'accord ?" , je voyais son début de sourire taquin à la mention de ces derniers mots.

"Je suis très sérieux... restez au calme et reposez-vous. Tu t'y tiens si tu ne veux pas que je te refasse l'autre arcade", je savais que je le fatiguais avec ces nouvelles menaces mais je trouvais utile de lui rappeler que ce n'était ni le jour ni le moment de conclure quoique ce soit dans l'état où se trouvait Mia. J'espérais qu'il tiendrait compte de mes conseils et je décidais de hisser encore plus haut le drapeau blanc en le voyant acquiescer en retour.

"Et ne nous attendez pas pour dîner".