Point de vue : Mia
Je l'entendais tambouriner à ma porte depuis vingt minutes et je n'avais absolument aucune intention d'aller lui ouvrir. Charlie me harcelait depuis cette fin de soirée catastrophique et j'étais restée complètement insensible à ses tentatives de réconciliation depuis. J'avais effacé tous ses messages sans même les consulter parce que j'avais mis cet homme sur un piédestal et il venait de briser le mythe. J'étais incapable aujourd'hui encore d'éprouver autre chose que de la déception et du ressentiment à son sujet. Il n'avait finalement rien de différent de tous les autres malgré ses allures de prince charmant et j'aurai dû m'en douter puisqu'il avait été capable de tromper Catherine avec moi.
"Mia, ouvre moi. Je ne partirai pas. S'il te plaît", je l'entendais nettement mais il était strictement hors de question que je réponde. Je prenais mon verre pour le finir en terrasse et m'éloigner ainsi du tapage qu'il faisait. Au bout de quelques minutes, les bruits avaient cessé mais je me relevais plus colérique que jamais en le découvrant à quelques mètres de moi.
"Comment est-ce que tu es entré ?", je m'étais adressée à lui froidement, sans un bonjour et sans une once d'amabilité.
"J'ai utilisé les clés", je le voyais me répondre douloureusement, blessé face à cet accueil glacial.
"Tu les déposeras sur la table en partant dans ce cas", et je passais devant lui sans un regard ni geste en regagnant ma chambre. Charlie avait été plus rapide que moi et s'était faufilé à ma suite avant que je ne lui claque la porte au nez. Il avait tenté de prendre mon bras mais j'avais ressenti une brûlure et une pointe insupportable au cœur qui m'avait poussé à le rejeter.
"Mia, je t'en supplie, on peut au moins parler ? C'est de cette façon que ça va se passer entre nous, à la moindre dispute ? Tu vas me claquer la porte au nez et t'enfermer ?", je n'appréciais pas du tout cette entrée en matière beaucoup trop assurée et je ressentais immédiatement le besoin de le blesser comme il m'avait blessé.
"De quel "nous" tu parles Charlie ? Il n'y a pas de "nous" et il n'y aura plus de prochaine dispute. Tu peux rentrer chez toi maintenant que les choses sont claires", je l'ai vu se décomposer face à cette conclusion à laquelle il ne s'attendait visiblement pas. J'avais eu mal au cœur aussi de lui confirmer mais je n'en pouvais plus de toutes ces émotions, des larmes, des peines parce que j'avais besoin plus que jamais de retrouver un peu de calme et de sérénité. Et j'étais prête à tirer un trait sur lui si cela pouvait me l'apporter.
"Qu'est-ce que tu racontes ? Comme ça ? A cause des paroles d'une femme blessée ? Je suis désolé, Mia. J'ai complètement déconné, je le sais. Mais tu ne vas pas tout gâcher à cause d'elle ?"
"Ce n'est pas la faute de Catherine, Charlie. C'est à cause de toi. Je n'ai pas survécu et je ne suis pas rentrée du Mexique pour laisser encore un homme comme toi entrer dans ma vie. Je passe mon tour, tu peux t'en aller".
"Un homme comme moi ...? ", Charlie était encore planté devant moi avec son regard meurtri. Il refusait visiblement toujours de s'en aller et continuait de m'agacer. J'allais devoir aller encore plus loin pour qu'il cesse de m'infliger sa présence et ses excuses tardives inutiles.
"Oui, un homme obsédé par la seule envie de me baiser. Un homme capable de tromper sa petite amie et un homme incapable de l'assumer", Charlie était choqué, je voyais son regard s'obscurcir et sa bouche s'ouvrir pour se défendre. Je coupais court à son initiative dans l'espoir d'obtenir enfin la paix et de le faire sortir de chez moi.
"Et je déteste les hommes jaloux, Charlie. Et c'est ce tu es, jaloux, et jaloux au point de m'avoir abandonné sur la plage entre les mains de ce criminel... J'ai pensé un moment que tu arrivais peut-être à la cheville d'Harry, mais je me suis trompée", j'avais identifié ma porte de sortie grâce aux derniers aveux de Julia sur cette nuit sur la plage et la jalousie de Charlie. Le résultat ne s'était pas fait attendre, j'avais vu la honte et l'abandon passer sur son visage, comme je l'avais prévu. Je l'ai regardé partir ensuite, comme tous les autres, à l'exception près que c'était le premier que je voyais pleurer.
Point de vue : Charlie
Harry semblait compatir à la vue de mon teint livide et de mes yeux rouges en me voyant rentrer et m'affaler sur le canapé.
"Elle vient de me plaquer"
"Et donc quoi ?"
"Et donc quoi, quoi ?", qu'est-ce qu'il voulait bien que j'ajoute à cela ?
"Tu vas t'arrêter là et laisser couler ?".
"Si tu savais tout ce qu'elle m'a balancé à la gueule, crois moi, c'est sans espoir", je venais de lui répondre l'air abattu et je l'entendais soupirer.
"Charlie, à quoi tu t'attendais ? Mia a mangé par le passé, si tu savais le nombre de connards sur lequel elle est tombée. Pourquoi est-ce que tu crois que j'ai été si dur avec toi jusque très récemment ? J'ai lâché prise uniquement parce qu'elle m'a demandé de le faire et a décidé de te faire confiance. Et toi tu te plantes comme le dernier des bons à rien en lui laissant ce goût amer de déjà-vu", si ses paroles étaient faites pour me réconforter, c'était vraiment raté.
"J'ai trop honte dans tous les cas. Elle sait pour le soir sur la plage, je ne sais pas comment mais elle me l'a craché à la figure. Je ne pourrais plus jamais la regarder dans les yeux après ça. Et elle ne s'est pas privée non plus pour me dire que je n'étais pas à ta hauteur".
"Pour la plage, elle n'a pas pu l'apprendre ces derniers jours car elle n'a parlé ni à Théo, ni à Julia, ni à moi. Ça veut dire qu'elle le sait depuis plus longtemps et pourtant, ça ne l'a pas empêché de roucouler. C'est la preuve que j'ai raison et qu'elle ne pensait pas ce qu'elle disait. Théo t'avait prévenu sinon de rester à l'abri et ce n'est pas pour rien, Mia est très dure quand elle est blessée et énervée, elle sait parfaitement où frapper. "
"Ça me rappelle quelqu'un", c'est vrai qu'elle m'avait laissé la même acidité en bouche que lors des colères de Harry.
"Exactement. Et c'est vicieux de sa part d'avoir parlé de moi mais elle a eu raison de le faire puisqu'elle voulait que tu disparaisses et c'est ce que tu as fait. Elle a touché ta corde sensible. Elle sait comme moi que cette notre amitié te rend dingue ", je ne lui répondais. Ma jalousie s'était incontestablement calmée mais je la gardais toujours dans un coin de ma tête et Mia venait de la raviver en quelques mots.
"Il faut que tu te détendes avec ça d'ailleurs. Il n'y a jamais rien eu et il ne se passera jamais rien entre Mia et moi. On est incompatible de ce point de vue là. Je t'assure que ce serait le divorce dans l'année ou le crime passionné avec nos deux tempéraments explosifs et notre liste de défauts en commun. Donc oui, on a très vite compris qu'on aurait bien plus de bonheur à retirer d'une amitié. C'est limpide depuis des années, Charlie et ça ne va pas changer avec toi", son raisonnement se tenait mais j'avais vraiment beaucoup de mal à comprendre comment deux personnes aussi proches et attirantes physiquement pouvaient ne pas s'assembler.
"Je sais que ça ne te poserait pas de problème si j'avais l'allure d'un crapaud mais je ne peux pas changer ça donc il va falloir que tu digères définitivement puisque c'est partie pour la vie entre elle et moi. Tu peux déjà t'estimer heureux de ne pas nous avoir connu à l'époque où on était partenaires. Tu n'as plus aucune raison de t'inquiéter ou de douter aujourd'hui, c'est ridicule. Et c'est à toi de prouver à Mia que tu vaux mieux que les autres, comme je l'ai fait. Il faut que tu redoubles d'effort pour gagner sa confiance. C'est tout", j'étais étonné qu'Harry mette autant les pieds dans le plat.
"Tout ça pour te dire que les paroles de Catherine n'avaient rien d'anodines. Elle a affirmé que ce n'était qu'une histoire de cul pour toi. Je vais essayer de décoder puisque tu n'as pas eu la chance de pratiquer Mia depuis dix ans : en la laissant dire, tu l'as laissé croire que c'était vrai. Tu es peut-être persuadé que ton amour déborde suffisamment pour qu'elle en ait conscience mais je t'assure que ce n'est pas le cas. Mia ne sait pas ce que c'est. Le seul homme à lui avoir jamais dit je t'aime et à le penser c'est moi donc on ne peut pas dire que ce soit à mettre sur un pied d'égalité. Si tu veux la récupérer, il va falloir commencer par lui avouer et t'attendre à devoir lui répéter, parce qu'elle risque d'avoir du mal à se faire à l'idée. Vraiment, ne la laisse pas filer. Tu t'en mordras les doigts si tu en reste là et pour si peu. Elle en vaut largement la peine", Harry venait de conclure en quittant la pièce après une tape amicale et réconfortante sur mon épaule.
J'appréciais l'effort qu'il faisait pour me donner ces conseils et en quelque sorte aussi sa bénédiction, mais ça ne servait à rien si Mia refusait de me parler. J'étais dans ses réflexions au moment où Théo arrivait à son tour. J'en profitais pour creuser.
"Harry a dit que je pouvais m'estimer heureux de pas avoir connu Mia à l'époque où ils étaient partenaires. Ça veut dire quoi au juste ?"
"Je ne sais pas, je ne les ai pas connu à cette époque", je voyais le sourire en coin très moqueur de Théo.
"Ne me fais pas croire que tu n'es pas au courant. Tu es la plus grande commère de France, je suis sûr que tu as déjà creusé le dossier"
"Possible. Mais je t'aime bien Charlie, donc on va dire que je ne sais pas", je regardais Théo me quitter au même moment avec un air mystérieux et désolé. Ça devait être plutôt grave pour qu'il se retienne, lui, de parler.
J'étais donc parti me coucher en essayant de ne plus y penser mais je n'avais pas pu m'empêcher de fouiller et j'avais fini par tomber sur ce qu'il avait voulu me cacher à force de remonter les réseaux sociaux. Je comprenais parfaitement maintenant pourquoi Harry avait arrêté de danser avec Mia après avoir rencontré Victoria. Elle n'aurait jamais pu l'accepter et le supporter. C'était le genre de spectacle auquel on ne pouvait pas facilement se livrer quand on était fiancé.
Je découvrais que Mia et Harry n'étaient pas juste de bons danseurs comme je l'avais constaté. Ils avaient été des dieux de la danse à en juger par la quantité et la qualité des vidéos que j'avais trouvé. J'ai été impressionné par les dizaines de millions de vues et le nombre encore plus important de commentaires et je n'avais pas pu m'empêcher de me torturer à toutes les regarder.
Mais le problème ce n'était pas la danse. C'était les rôles qu'ils avaient endossé. Ils avaient joué jusqu'au bout la carte du couple débordant de beauté et de sensualité du haut de leur jeunesse décomplexée. J'avais commencé par des vidéos qui m'avaient simplement impressionné et étonné. J'étais resté bouche bée de voir Mia danser, je réalisais qu'elle ne montrait qu'un dixième de ses talents et de sa beauté en soirée. Je m'étais d'abord amusé de leurs poses lascives et plus ou moins chaudes au cours des chorégraphies. Je me suis ensuite complètement crispé sur les vidéos plus toxiques qui jouaient avec les limites de la vulgarité. J'étais tombé notamment sur deux vidéos très problématiques et virales qui les mettaient en scène de façon trop peu vêtue, ils avaient donné le meilleur pour relever des challenges nationaux : une représentation façon magic mike pour Harry et une danse privée beaucoup trop sexy de Mia. L'objectif de ces vidéos étaient de faire grimper l'audience mais de mon côté, j'avais juste envie de gerber. J'aurai dû être au summum du trouble avec ces vidéos mais bizarrement, les danses qui m'avaient le plus perturbés avaient été les dernières. Mia et Harry avaient abandonné progressivement les vidéos tapageuses et s'étaient spécialisés dans des danses bourrées de sensualité, avec beaucoup plus de maturité, sans vulgarité. Et là, je n'ai pas réussi à le supporter. La qualité et la beauté d'un niveau nettement supérieur des images, des chorégraphies et des lingeries de Mia y étaient sûrement pour quelque chose mais c'était l'image de cette union parfaite et de ces deux âmes parfaitement synchronisées qui m'avait torturé.
C'était absolument impossible qu'un homme et une femme normalement constitués n'aient pas craqué. Je remettais cruellement en doute la parole de Harry sur le fait qu'il n'y ait jamais rien eu entre eux et je me demandais aussi et dans tous les cas, au vu des derniers échanges intenses entre eux auxquels j'avais assisté, si le combat pour le cœur de Mia n'était pas perdu d'avance.
Point de vue : Harry
"Tu es de bonne humeur ce matin...", je venais de parler ironiquement à Charlie qui venait d'entrer dans le salon sans un regard ni formule de politesse pour Théo ni moi. Il continuait de m'ignorer et se concentrait sur son téléphone sans me répondre.
"Parce que j'ai la nausée", et je le regardais me balancer son téléphone sans délicatesse. Je le prenais en mains avec méfiance et je tombais nez à nez sur une de nos anciennes et meilleures vidéos de danse avec Mia. Il n'avait pas pu s'empêcher de s'infliger ça, et dans le pire des moments qui plus est. Je savais qu'il les verrait un jour mais j'aurai aimé soigner la façon et le moment, comme je l'avais fait avec Victoria.
"Je t'avais dit de ne pas fouiller ", qu'est-ce que je devais répondre de plus ? Je pouvais comprendre que le spectacle lui déplaise, en voyant cette vidéo 7 ans après et sortie de son contexte. Je ne m'étonnais même pas que Charlie ait choisit celle-ci plutôt que les vidéos beaucoup plus connotée. Il l'avait choisit elle puisque cette chorégraphie était une des plus belles et des plus émouvantes. Il l'avait choisit elle aussi puisqu'elle nous montrait aussi avec Mia, pendant le délibéré des juges, étroitement enlacés et plus fusionnels que jamais parce que ce l'émotion avait été très forte ce jour là d'être parvenus à exécuter parfaitement cette chorée pour notre première compétition officielle. C'était un de mes moments préférés avec elle et un de nos moments les plus intenses alors c'était normal qu'il soit perturbé.
"Oh putain, oui je crois que c'est ma préférée aussi. Mais t'as été fouiller un peu Charlie ? T'as t'es rincé l'œil sur le petit lap dance de Mia ?" c'est ce moment que choisissait Théo pour intervenir avec son ton désinvolte et provocateur. J'avais été incapable de retenir un rire en repensant à cette vidéo très chaude et en imaginant la tête de Charlie en la voyant mais j'avais cessé mon rire très vite en voyant l'orage passer dans son regard. Je me dépêchais de le rappeler à l'ordre.
"Oh, commence pas à me chauffer par contre avec ta réaction de puceau. On était devenus quasiment professionnels à cette époque. C'était le but de provoquer de l'émotion et de vendre ce spectacle au public, donc arrête de te monter la tête".
"Je ne crois plus à ton baratin de frère incestueux".
"Oh tu recommences...Mais quelle lourdeur ! Je t'ai dit que je n'avais JAMAIS-COUCHE-AVEC-MIA. Et contrairement à toi, je ne mens pas sur ces choses là. C'était ma meilleure amie, la plus belle et la plus talentueuse de l'école de danse et on était tous les deux célibataires donc explique moi pourquoi j'aurais dû choisir une autre partenaire et pourquoi on aurait dû se mettre des limites ? Il n'y a pas plus compétiteurs que Mia et moi, bien sûr qu'on a tout donné et bien sûr qu'on s'est appliqué"
"Charlie, il y a prescription. Et je t'assure qu'on ne bande pas tous comme toi en regardant Mia danser", Théo venait de plaider en mon nom avec la même finesse et efficacité habituelle. Je me retenais encore de rire mais je redevenais sérieux en voyant que Charlie ne décolérait pas malgré nos arguments de défense.
"Parfait. Fais ce que tu veux mais je n'ai pas à m'excuser pour cette époque révolue et encore moins d'avoir vécu ma passion avec Mia. Ce qui t'emmerdes, c'est surtout d'être mis sur le banc de touche aujourd'hui mais ça mon gars, c'est ton problème, pas le mien. Tu n'as qu'à prendre les choses en mains avec elle. Mais fous moi la paix puisque je n'ai rien demandé. C'est la dernière fois que je me justifie à propos de Mia", Charlie avait gardé le silence après ma réplique, il n'avait pas surenchérit et il était parti en s'enfermant dans sa chambre pendant des jours et en refusant de me parler. C'était autant de temps qu'il passait à penser à lui au lieu d'aller réconforter Mia, ce qui commençait sérieusement à me poser problème.
"Jul, je vais avoir besoin de ton aide", je venais d'avoir une idée. Un peu risquée et osée, mais j'étais à peu près sûr qu'elle le sortirait de son mutisme.
"Pas de soucis dis moi".
