Point de vue : Harry
J'avais réussi à trouver le sommeil malgré mes tourments et je me réveillais au petit matin avec cette sensation d'avoir passé la nuit la plus réparatrice de ma vie. J'étais sur un nuage de bonheur dans ce lit au confort absolu, avec Mia à côté de moi. Je me risquais à regarder l'heure qui me confirmait que cette nuit avait été la plus longue de ma vie. Je tournais enfin la tête sur cette pensée et je souriais de la voir dans son peignoir blanc, encore profondément endormie. Je décidais de la laisser encore en profiter pendant que je passais en revue la quantité impressionnante de photos et de vidéos prises pendant cette semaine de vacances. Elles étaient certainement les plus réussies et les plus belles jamais prises de notre vie. J'avais vraiment le cœur en pagaille et le cerveau en ébullition en les regardant quand je sentais Mia bouger sous les draps. Je la regardais émerger lentement.
"Enfin ma Belle au bois dormant ! J'ai essayé de te réveiller, avec et sans la langue, mais tu étais imperturbable...", j'avais droit au premier sourire du matin grâce à ce trait d'humour.
"Ça ne marche qu'avec les princes charmants. Pas avec les trolls dans ton genre. Quelle heure il est ?", Mia me questionnait avec son adorable air ensommeillé.
"11h"
"Tu te moques de moi ? On a dormi pendant quatorze heures ? Comment c'est possible ?"
"Burning Man ?", elle riait de ma réponse très pertinente.
"C'était complètement fou... J'ai l'impression d'avoir rêvé tout le long, c'était trop parfait pour être vrai. C'était au-dessus de tout", je m'étais retourné encore plus vers elle pour profiter de ses confidences, en la couvant de mon regard et en taquinant son nez fin avec un sourire moqueur.
"Tu fais référence à ton petit moment avec la charmante Nina ? Si oui, je te confirme que tu n'as pas rêvé. C'est vraiment arrivé...Et c'était vraiment...Ppfff...", je la regardais maintenant se cacher le visage de honte. J'essayais au même moment de ne pas repenser à tout ce que j'avais ressenti en la voyant rendre à Nina ses caresses indécentes et ses baisers langoureux de l'avant-veille. Mia s'était en effet complètement laissée aller à l'esprit décomplexé et libidineux du Burning Man au terme de la soirée de clôture. Cet écart de conduite avait été très inattendu de sa part et très éprouvant pour moi.
"Tais toi ! Oh ! Je ne sais pas ce qu'il m'a pris...Charlie ne doit jamais savoir ça...", je souriais et j'approuvais silencieusement à son ordre. De mon côté, je savais très bien pourquoi elle l'avait fait. Elle l'avait fait parce qu'elle était trop fougueuse. Mia n'avait pas assez de ce qu'avait à lui offrir Charlie. Je n'avais eu de cesse de le remarquer pendant cette semaine à sa joie de vivre débordante et à tous ses écarts coquins. Je l'avais remarqué aussi à sa façon de grimacer à chaque fois qu'elle recevait un appel ou un message de lui auquel elle se sentait obligée de répondre. Charlie avait toutes les qualités sur le papier mais il n'était pas assez. J'étais certain au terme de cette semaine que ça ne marcherait jamais entre eux mais ce n'était pas à moi de lui dire et pas à moi de la désenchanter si la situation lui allait pour l'instant.
"Je l'emporterais jusque dans ma tombe. Et pour ce que ça vaut, ce n'est pas tromper si ça n'implique pas une autre queue mais bon, je ne suis pas non plus un modèle dans ce domaine", Mia s'indignait de ma réplique très crue et me frappait en retour sans cesser de sourire.
"C'est le moins qu'on puisse dire... Je t'ai vu filer sous la tente de cette américaine pendant la nuit puis sous celle de cette espagnole au matin ! Pervers ! A ce rythme là, tu vas chopper des MST", et je riais à gorge déployée. Mia m'avait démasqué alors que j'avais pris tous les soins pour m'éclipser le plus discrètement possible. Effectivement, j'étais en train de repartir comme en quarante mais j'avais surtout ressenti le besoin pressant d'extérioriser mes frustrations et mes envies. J'avais dû compenser avec cette américaine puis cette espagnole pour m'enlever toutes les images indésirables que j'avais eu après ce spectacle très éprouvant de Mia et Nina. Je me mordais les lèvres de nouveau en ce moment en la regardant pour m'interdire d'y repenser et je l'écoutais reprendre, sur le ton de la confidence et de façon plus sérieuse.
"Ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas autant profité, avec toi et avec autant de liberté. Merci d'avoir tenu promesse...C'était bel et bien le meilleur festival et anniversaire de ma vie", elle me le disait en se blottissant dans mes bras. Je soupirais de bien-être face au geste et à l'aveu. Je me sentais aussi merveilleusement bien. Je profitais comme elle d'un moment de recueillement précieux à somnoler dans cette position pendant facilement une demie-heure de fainéantise. Je n'avais eu aucune intention d'y mettre un terme mais Mia se levait maintenant très subitement et de quitter le lit brutalement. Je l'entendais vaguement parler au téléphone dans le salon et je la voyais revenir avec la même euphorie.
"Dépêche toi. J'ai quelque chose à faire avant de partir. Tu as vingt minutes pour te préparer ! Tu m'accompagnes !"
"Quelque chose ?"
"Tu verras..."
...
Je suivais maintenant Mia en traînant des pieds. Mon humeur était descendante en voyant l'heure du départ approcher. J'étais pensif et presque dépressif à l'idée du retour, en faisant le bilan de ces vacances et en pensant à la vie qui allait devoir reprendre son cours à Paris. J'imaginais déjà avec ennui et contrariété qu'elle serait de nouveau monopolisée par Charlie et que je serais de nouveau bridé avec elle sous les yeux revolver de mon colocataire.
Je ne remarquais même pas que nous étions arrivés à destination et je comprenais tardivement qu'elle nous avait ramené au salon de tatouage. Je n'étais pas d'humeur à la questionner sur ce qu'elle était venue chercher et je commençais à feuilleter un de ces classeurs pour tuer le temps pendant qu'elle discutait au loin avec le tatoueur. Mia était revenue vers moi ensuite et avait glissé ses bras autour de ma taille en passant sa tête par-dessus de mon épaule.
"Tu boudes, Harry ?"
"Mmh", je n'avais pas envie de parler et elle me regardait avec un sourire entendu. Nous étions interrompus par le tatoueur au même moment, avant que je n'ai pu lui répondre et lui partager mes frustrations.
"Je suis prêt. C'est ton tour, ma belle", Mia me prenait la main au même moment et nous guidait vers les tables. J'étais maintenant suspicieux face à son sourire énigmatique. Je devinais qu'elle avait bel et bien une surprise pour moi. J'osais espérer sur le moment qu'elle allait m'offrir ce tatouage que je lui avais montré il y a quelques jours.
"C'est ta première fois ?", le tatoueur avait repris la parole et je me demandais s'il blaguait compte tenu de la taille du tatouage qui s'étalait sur mon bras. Je relevais la tête pour sonder l'humour de cet homme mais il n'avait d'yeux que pour Mia et il semblait attendre une réponse de sa part. Je restais complètement interdit en l'entendant répondre à ma place.
"C'est ça...", le tatoueur se rapprochait d'elle. Je le regardais inspecter son dos nu.
"Il a bien tenu, on peut partir sur ça. Sans regret, c'est bien lui que tu veux ?", et je regardais Mia hocher de la tête positivement avec la même incompréhension.
"Alors tu peux te déshabiller et t'allonger confortablement sur le ventre. Inutile de te demander de rester immobile ?", je regardais Mia s'exécuter avec un stress visible. De mon côté, j'étais paralysé. Mon cœur s'était mis à palpiter à un rythme effréné en entrevoyant ce qu'elle était sur le point de faire. Je n'osais pas y croire, je restais immobile en fixant le tatoueur, la main sur ma bouche puis sur mon front. Je m'attendais à tout moment à le voir se saisir d'une peinture à l'eau pour mettre un terme à la mascarade et je manquais donc de m'évanouir en le voyant sortir en lieu et place son matériel stérile et en le voyant désinfecter le dos de Mia.
"Ça va faire vraiment mal ?", je m'autorisais enfin un regard à son attention en l'entendant parler avec ce ton angoissé. Mia se cachait la tête dans le trou de la table et elle la relevait frénétiquement. C'était forcément très sérieux compte tenue de son niveau d'appréhension. Mia elle allait le faire. Elle allait se faire tatouer mon rêve sur le dos, maintenant, pendant ce dernier jour de vacance, après onze ans de négociation acharnées.
"Mmh, disons que ce serait plus agréable si ton joli cœur te prenait la main. Ça ne prendra pas trop de temps. Courage !"
"Harry ?!", sa voix suppliante me ramenait sur terre. Je rappliquais à toute vitesse en m'asseyant sur le premier tabouret à proximité. J'étais à quelques centimètres de son visage et j'étais toujours choqué de ce qui était en train d'arriver mais je trouvais la force d'émettre un son.
"Qu'est-ce que tu es en train de me faire...?", j'étais encore dans une transe indescriptible et je caressais ses cheveux en attendant son explication. Je continuais de la regarder comme un mirage en attendant sa réponse.
"Je scelle notre union parfaite ?", elle me rendait un sourire irrésistible en réutilisant ces mots que j'avais eu pour elle quelques jours plus tôt. Je mordais ma lèvre de l'entendre le dire et le répéter. Je m'attendais à me réveiller à tout moment de ce doux rêve puisque c'était beaucoup trop beau pour être vrai. Mia ne pouvait pas être en train de m'offrir ce final de perfection. J'aurai dû lui dire d'arrêter, de reconsidérer, de prendre plus de temps pour réfléchir ou de choisir un modèle moins invasif ou tendancieux mais c'était au-dessus de mes forces. Je n'avais aucune envie de voir ce tatouage merveilleux s'effacer, je voulais le voir éternellement sur son dos et sa nuque parce qu'il nous représentait parfaitement et qu'il était le gage de ma place dans sa vie.
"Prête ma belle ?", je n'avais pas le temps de réagir, les choses sérieuses allaient commencer et le tatoueur n'attendait plus que l'accord de Mia. Son intervention et le bruit de l'aiguille me ramenaient doucement sur terre. Je sortais de ma transe pour lui apporter tout mon soutien, je la noyais de caresses et de baisers pour lui transmettre tout mon courage et la dissuader de se raviser. Je prenais instinctivement une de ses mains dans la mienne et je gardais mon autre main dans ses cheveux pour l'encourager. J'aurai pu l'étouffer d'amour et de tendresse en ce moment si les circonstances ne l'obligeaient pas à rester totalement immobile. Je la voyais inspirer profondément après mes gestes et je fermais les yeux de plaisir et d'excitation en l'entendant confirmer sa dernière volonté.
"Prête..."
Je sentais sa main se crisper dans la mienne au premier contact de l'aiguille sur sa peau. Je lui rendais des caresses très tendres pour l'apaiser et je la voyais s'habituer progressivement aux sensations. De mon côté, j'étais complètement hypnotisé par les gestes habiles et maîtrisés de cet homme. Mia ne m'avait pas préparé à cela. L'information était particulièrement lourde à encaisser mais je l'intégrais un peu plus à chaque nouveau mouvement d'aiguille. Je regardais cet homme graver mon fantasme. Je sentais mes yeux plus humides que jamais et l'émotion me submergeait de façon croissante au fil de l'opération. Cet engagement de Mia était en train de raisonner avec une force particulière. Il me bouleversait bien plus que n'importe quel autre. Je réalisais que je n'avais pas ressenti un dixième de ce frisson lors de mon échange de vœux avec Victoria. Je ressentais bien plus d'émotion en regardant ce tatouage irréversible sur son dos que je n'en avais ressenti en mettant cette alliance au doigt de ma femme. Elle venait d'accepter dans sa chair cette douce promesse. Je prenais la pleine mesure aujourd'hui de son engagement pour moi, elle me prouvait et me confirmait encore une fois et de la façon la plus durable qui soit qu'elle était convaincue de nous. Ce gage d'éternité était d'autant plus beau aujourd'hui parce qu'elle avait choisi de loin notre meilleur moment pour franchir le pas et sceller notre relation absolument unique.
Je voyais le tatoueur apporter la touche finale à son œuvre après plus d'une heure plus tard. Je le regardais terminer ses soins puis quitter la pièce. J'entendais Mia se remettre doucement de la douleur et tourner la tête vers moi. Je pouvais enfin fondre sur elle à volonté et la couvrir de baisers.
"C'est le plus beau jour de ma vie", je la regardais comme un imbécile heureux et je souriais très largement en l'entendant rire à mon aveu. Elle ne semblait pas en croire une miette alors que je débordais de sincérité.
"Ne me fais jamais regretter ça...", j'acquiesçai silencieusement face à son air faussement intimidant. J'espérais cette fois qu'elle me prendrait au sérieux et elle semblait convaincue de ça à en juger par ce sourire magnifique que je lisais maintenant sur son visage. Je la regardais ensuite se lever et marcher jusqu'au miroir. Je voyais à son sourire rêveur qu'elle était restée discrète ces derniers jours mais qu'elle aimait sincèrement ce tatouage autant que moi. Mon bonheur en ce moment ne pouvait donc pas être plus complet. C'était incontestablement un moment et un engagement que je ne pourrais jamais ni oublier, ni regretter.
...
L'avion avait décollé depuis plusieurs heures désormais. Il survolait l'océan atlantique quand je regardais Mia se lever de son siège.
"Tu me suis aux toilettes ?", mon sourire s'élargissait de malice après sa réplique.
"J'ai rêvé toute ma vie d'entendre cette proposition indécente de ta bouche", elle riait de ma bêtise et se levait sans attendre la suite. J'en faisais de même et je m'amusais largement de l'air choqué de cette passagère qui me regardait entrer dans les toilettes avec Mia de façon très tendancieuse. L'espace était très restreint. Mia était collée à moi et commençait à sortir les pansements et la crème de sa trousse de toilette.
"Tu t'appliques, s'il te plaît !", je recevais l'ordre avec amusement.
"Tu dois savoir que je suis très habile de mes mains...", j'avais répondu d'un ton sensuel et joueur en retour. J'avais déposé au même moment mes mains sur ses hanches en la retournant d'un geste ferme et viril contre la vasque. Je faisais glisser son gilet le long de ses bras et je lui retirais sans préavis son haut d'un geste très sensuel. Le visage gêné et outré qu'elle avait dans le miroir en ce moment valait tout l'or du monde, il me poussait au rire instantanément mais la vue merveilleuse de son soutien-gorge et de sa poitrine parfaite à laquelle je prêtais attention ensuite était loin de m'amuser. Je me concentrais particulièrement pour ne pas m'éterniser sur ces zones et pour garder la totale maîtrise de mon corps. Le retour était imminent et j'étais déterminé à laisser dans le Nevada tous mes moments d'égarement. J'avais la ferme intention de reprendre le cours normal de nos vies et de garder précieusement sous verrou cette indésirable boîte de pandore.
"Tu es démoniaque !", je souriais encore plus de sa réaction.
"Pas à moi, Mia. Je suis sûre que c'est le genre de chose dont tu rêves encore en repensant à ton Ricardo", Mia me fixait à travers le miroir avec colère et elle essayait simultanément de me gifler. Je n'arrivais pas à calmer mes rires malgré tout et je réussissais à parer son geste rapidement.
"C'est bon, je me tais. Promis. Arrête de gigoter et laisse moi faire", elle me fixait durement dans le miroir pour que je cesse de rire. J'essayais de retrouver mon sérieux et j'y arrivais facilement à la vue de son dos et de sa nuque. Je recevais de nouveau et instantanément cette vague d'émotion et de fierté en les regardant. Je savais que ce sentiment et les souvenirs parfaits de cette semaine me rattraperaient délicieusement à chaque fois que je poserai mes yeux sur cette partie de son corps et j'en frissonnais toujours autant. Je commençais à nettoyer doucement son dos sur ces réflexions quand une autre pensée me traversais.
"Qu'est-ce que tu comptes dire à Charlie pour ça ?", je la questionnais sérieusement en la regardant à travers le miroir et en appliquant désormais la crème cicatrisante délicatement et minutieusement.
"Comment ça ?", Mia me regardait avec un air interrogateur et je m'interrompais aussitôt et très gravement en comprenant ce que sa réponse sous-entendait.
"Tu n'envisages pas sérieusement de lui dire la vérité...?".
"Qu'est-ce que tu veux que je lui dise d'autre ? Franchement, il n'est plus à ça près avec toi. Il comprendra", Mia envisageait sérieusement la chose et il était hors de question que je la laisse nous pousser sous le bus de cette façon.
"Tu es complètement inconsciente ! Tu vas sérieusement mettre à profit les dernières heures de ce vol pour trouver une histoire qui tienne la route. Déjà, parce que je ne tiens pas à finir enterré vivant et ensuite parce que la dernière chose dont tu aies envie c'est que Charlie pense à moi à chaque fois qu'il te prendra par derrière", j'avais commencé avec beaucoup de fermeté parce que sa réponse m'effrayait mais j'avais fini mon argumentaire en me mordant les lèvres pour retenir de nouveaux rires. Le résultat ne se faisait pas attendre et Mia m'insultait de tous les noms en retour en agitant de nouveau ses bras pour me frapper, en déclenchant mon nouveau fou rire. Dieu que je me régalais avec elle. Je me laissais faire docilement cette fois en attendant qu'elle se calme et je finissais par quitter sagement la cabine une fois ma tâche terminée.
Point de vue : Mia
"Tu m'as tellement manqué", je recevais en ce moment avec beaucoup de plaisir les paroles et les baisers sensuels de Charlie que j'avais retrouvé quelques heures plus tôt. Ses mots étaient réconfortants mais aussi culpabilisants parce que je ne pouvais pas totalement en dire de même bien que j'étais parfaitement heureuse de le revoir.
"Toi aussi", il plissait des yeux à mon mensonge, je n'y avais pas mis assez de conviction visiblement.
"Je n'ai pas raté une miette des publications de Harry et je suis à peu près certain que tu n'as pas eu une seconde pour penser à moi", je sondais son regard, et j'étais soudain inquiète de ce qu'avait pu publier Harry, mais je croisais son sourire et percevais son ton calme et bienveillant qui me rassurait. Je n'aurai jamais eu droit à un tel accueil s'il y avait vu des choses compromettantes.
"C'était exceptionnel mais je t'assure qu'il ne manquait que toi", je me risquais à ce nouveau mensonge pour lui éviter des peines. Ma réponse lui plaisait visiblement et je le sentais enfin prendre les devants pour la première fois de la journée après une attente déjà beaucoup trop longue à mon goût. Je mourrais d'envie de ses bras, de son corps et de son sexe en ce moment. J'en mourrais d'envie depuis des heures et il m'avait fait attendre beaucoup trop longtemps. La semaine avait été particulièrement intense, riche en émotions et en frissons et j'avais plus que jamais besoin qu'il me donne cet orgasme et ce plaisir en souffrance depuis tous ces jours. Je le laissais m'embrasser langoureusement, me caresser sensuellement. Je l'obligeais au même moment à dévorer ma nuque qui était définitivement devenue trop sensible au terme de cette semaine. Je lui intimais de me déshabiller, ce qu'il faisait en me retirant mon haut et mon soutien-gorge, jusqu'à ce qu'il s'interrompe nettement dans sa tâche.
"Qu'est-ce que…. MIA ?", je voulais protester contre son interruption mais je me ravisais en comprenant l'origine de son trouble. Charlie venait d'apercevoir mon dos dans le miroir situé derrière moi. Il m'avait retourné au même moment, avec son air choqué, pour le constater de ses propres yeux et vérifier qu'il s'agissait d'un vrai.
"Tu l'aimes ?"
"Explique-toi ?!", je ne savais pas du tout dire s'il aimait ou non à sa réaction et cela m'inquiétait.
"Je l'ai fait sur un coup de tête dans l'euphorie du festival. Il te plait ?"
"Tu sais ce que je pense des tatouages...mais oui...il est plutôt très joli, je mentirai en disant le contraire. Je suppose qu'il faut juste que je m'habitue", je savais effectivement que Charlie n'était pas friand des tatouages. Il n'en avait aucun, c'était à l'antithèse de ses principes mais au moins, il ne le détestait pas.
"Qu'est-ce que ça signifie ?", je le regardais plisser des yeux à sa lecture pendant que je lui traduisais le texte.
"Et c'est en quel honneur ?", je prenais un inspiration discrète avant de revêtir ma plus belle poker face en repensant aux mises en garde de Harry.
"Ce voyage à Venise avec toi m'a replongé dans mes souvenirs d'enfance. J'avais vraiment très envie de rendre hommage à ma grand-mère. J'étais très proche d'elle", je n'avais définitivement pas trouvé mieux pendant le vol. Il aurait sûrement préféré entendre que je l'avais fait en pensant à lui mais je ne pouvais pas oser ce mensonge éhonté et surtout cette déclaration d'amour qu'il espérait tant. J'avais donc préféré cette histoire de famille.
J'avais convaincu Charlie visiblement et je m'étais appliquée à lui faire oublier pour l'amener de nouveau à notre occupation de départ. Il reprenait enfin ses baisers dans ma nuque et ses caresses sur ma poitrine, collé contre mon dos.
...
Je venais de laisser Charlie dans ma chambre après notre moment d'intimité, en prétextant de devoir récupérer je ne sais quoi d'important dans sa valise.
"Je te manque déjà ?", Harry m'ouvrait la porte avec son immense sourire.
"Oh pitié, tais-toi et laisse-moi entrer", il me laissait faire et me regardait avec curiosité.
"Qu'est-ce qu'il y a ?"
"Pourquoi j'ai fait ça ? Ce tatouage. C'était complètement stupide de ma part ! Mon dieu, je lui mens comme une arracheuse de dents. Je me sens tellement mal, Harry !", Harry s'était rapproché de moi. J'avais vu un semblant de peine passer dans son regard mais il ne se formalisait pas de mes regrets et se rapprochait de moi en continuant de m'écouter.
"Raconte", il me parlait sereinement pour essayer de calmer ma nervosité.
"Je lui ai dit que j'avais fait ce tatouage en hommage à ma grand-mère !", il ne retenait pas son rire et se couvrait la bouche et le nez de sa main pour essayer de regagner son sérieux face à mon désespoir. Il prenait le temps de la réflexion avant de me répondre.
"Non, ce n'est pas si mal comme histoire à la réflexion. Ta grand-mère décédée c'est toujours mieux que moi, même si ce n'est pas très glamour. Ça tient la route, c'est ta famille, elle est italienne, elle a vécu à Venise, cette ville dont tu reviens très récemment. Tout colle plutôt bien, enfin mis à part le fait que tu la connaissais à peine, ce qui rend l'hommage un peu disproportionné mais bon, Charlie n'a pas besoin de savoir ce détail", je tombais dans ses bras de soulagement à l'entente de ses paroles réconfortantes. J'étais aussi très émue qu'il se souvienne de ce que je lui avais confié sur ma famille, il y a de cela de nombreuses années.
"Ça va détends-toi. Personne ne saura, aussi longtemps que tu tiendras ta langue ! Ça restera entre toi et moi. Tu sais que je suis une tombe", Harry me caressait les cheveux en me voyant peiner à classer le sujet.
"Je sais, ce n'est pas ça le problème, c'est à cause de ce que tu m'as dit dans l'avion...Il a essayé de me prendre en levrette et j'ai mendié un vieux missionnaire pour ne pas qu'il le regarde. A cause de toi et de ce que tu m'as dit ! Oh j'en ai presque eu la nausée", Harry éclatait de rire à cet aveu. Son fou rire était inarrêtable et moi je me sentais pitoyable.
"Ce n'est pas si mal un missionnaire", son ton était sérieux mais son visage se tordait d'une envie intense de rire.
"PAS APRÈS UN BURNING MAN, PUTAIN !", j'étais encore très frustrée d'avoir dû éteindre ma passion ardente dans un orgasme juste passable. Harry le devinait sans difficulté et se mettait maintenant à pouffer plus franchement en se moquant de moi.
"Tu aurais dû demander, j'aurai pu te soulager de toute cette souffrance dans les toilettes de l'avion avant de rentrer", il éclatait très franchement de rire à ma réaction colérique et indignée. C'était une réaction sincère mais aussi de façade car j'avais senti aussi mon bas ventre se réchauffer plutôt délicieusement à ce sous-entendu de Harry.
"Ça va passer, arrête d'en faire tout un drame. Tu surréagis pour ce tatouage. Tu vas finir par l'oublier et encore plus à l'endroit où il se trouve", il faisait une pause en me regardant sérieusement. Il me regardait ensuite en contenant difficilement sa nouvelle envie de rire en me sortant sa dernière réplique.
"Comment tu dis déjà ? BASTA COSI ?", il n'en fallait pas plus pour que je lui saute dessus et ne l'étrangle pour cette utilisation de l'italien qui me ramenait encore à ma culpabilité et à mon terrible mensonge.
...
Cela faisait déjà 5 jours que j'étais rentrée des Etats-Unis. J'étais assise sur ma chaise de cuisine et je fixais cette portée d'entrée avec une angoisse et une appréhension comme j'en avais rarement eu de ma vie. Le départ pour Londres était dans quelques jours. Le temps était passé bien trop vite. J'avais beaucoup trop laissé traîner et je devais maintenant informer Harry de mes projets avec Charlie. Je ne pouvais plus reculer ni le mettre sur le fait accompli dans quelques jours avec l'arrivée des déménageurs. J'avais décidé de lui en parler ce matin et je n'étais qu'une boule de nerf et de stress.
"Tu as tout à fait le droit de changer d'avis", Charlie était arrivé au même moment et me tirait brutalement de mes réflexions. Il venait de me parler péniblement, d'une voix faible et mal assurée.
"Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes. Non ce n'est pas ça. J'ai juste peur de sa réaction, c'est tout", je le voyais rassuré par ma confirmation et il essayait à son tour de me réconforter.
"Tu ne devrais pas. Je suis sûr qu'il comprendra", j'étais incapable de retenir mon rire moqueur au même moment.
"Tu connais très mal Harry, si tu penses ça", je comprenais à sa grimace qu'il ne croyait pas à son propre mensonge. Non, je savais très bien et lui également que cette conversation allait tourner au drame. Il ne pouvait pas en être autrement avec le tempérament capricieux et tempétueux de Harry mais je n'avais plus le choix.
"Tu veux que je t'accompagne ?"
"Dieu, surtout pas", la présence de Charlie à cette confrontation était la pire des suggestions et je me levais sur cette réflexion, en puisant mes dernières forces, sans un regard pour lui.
...
Je me décidais enfin à frapper à sa porte et Harry m'ouvrait avec cet immense sourire qui ne le quittait plus depuis notre voyage. Cet accueil chaleureux et cette joie apparente ne faisaient qu'empirer ma culpabilité. Je lui rendais son câlin affectueux, le cœur au bord des lèvres, avec l'angoisse qu'il s'agisse du dernier avant un long moment, et j'entrais timidement dans l'appartement en restant proche de la sortie pour parer à toute éventualité.
"Ça ne va pas ?", il me regardait étrangement. J'étais un livre ouvert pour lui alors c'était inutile d'essayer de prendre des détours pour retarder la discussion.
"Le départ pour Londres approche", et je le voyais baisser la tête en comprenant partiellement la problématique. Il se rapprochait de moi et posait ses bras de façon réconfortante sur mes épaules.
"C'est à une heure de vol. Tu sais très bien qu'il rappliquera aux premières opportunités pour te voir et vice versa. Ça passera vite"
"Personne ne sait combien de temps ça va durer…", je traînais en longueur car je n'y arrivais pas, je ne savais vraiment pas comment lui annoncer.
"Et ? Charlie est dingue de toi, il ne se laissera pas décourager par une relation à distance, arrête de t'inquiéter comme ça"
"Mais tu sais très bien que je n'aime pas ce genre de relation",
"Quoi...tu envisages de le quitter...?", Harry avait un air choqué. Je l'avais induit en erreur. Il se fourvoyait et je ne pouvais plus reporter. Je commençais à lui dire non de la tête mais les mots ne sortaient toujours pas de ma bouche car je devinais à quel point il était à des années lumières d'imaginer le coup de massue que j'allais lui infliger. J'avais le cœur brisé de le constater et je penchais ma tête en arrière péniblement pour retenir mes larmes de détresse. Harry le voyait, il était inquiet et se rapprochait de moi, en me prenant le visage entre les mains pour m'apaiser et m'inciter à parler.
"Qu'est-ce qu'il y a, Princesse ?", c'était maintenant, je prenais une inspiration profonde pour réunir mes forces.
"...J'ai décidé de partir avec Charlie. Je pars à Londres la semaine prochaine aussi", c'était terrible de le verbaliser, de lui avouer, je venais de le faire avec beaucoup de difficulté et je retenais mon souffle dans l'attente de sa réaction.
"Répète ça"
"Je déménage. A Londres. Avec Charlie", le silence qui suivait était interminable mais le pire était de sentir ses mains quitter mon visage. J'étais au bord de l'implosion, je mourrais d'entendre sa réaction mais Harry était figé et inexpressif. Je me taisais, pour laisser le temps à l'information d'arriver à son cerveau et je me taisais pour ne pas aggraver ma situation. Harry me tournait le dos désormais et il se dirigeait vers la table pour se servir de l'eau l'air de rien.
"Dis quelque chose...", il avait le visage inexpressif mais je savais que ça ne durerait pas longtemps. C'était impossible que Harry garde son calme face à ce nouvel abandon de ma part, j'en étais persuadée.
"Quand est-ce que vous l'avez décidé ?", il avait maintenant ce ton autoritaire et je ravalais péniblement ma salive avant mon aveu.
"Il y a 10 jours", ma voix était inaudible, je le regardais encaisser la nouvelle car cela voulait dire que j'avais passé toutes nos vacances à lui mentir. Il le déduisait rapidement et j'avais mal de lire cette peine et cette déception immense sur son visage.
"Tu avais promis de ne plus le faire", je savais qu'il me rappellerait sans état d'âme à cette promesse que je lui avais faite au Mexique. J'avais juré de ne plus jamais le quitter avant de rentrer avec lui à Paris.
"C'était avant que la mère de ton meilleur ami ne tombe gravement malade", j'avais sorti mon argumentaire le plus fort d'entrée de jeu en espérant que ce contexte parvienne à le raisonner mais je savais que c'était certainement un coup d'épée dans l'eau. Harry était l'homme le plus égoïste que je connaissais malgré ses innombrables qualités. Je le voyais lutter et se mordre les lèvres, il était en train de décider du ton qu'il allait donner à la suite. Est-ce qu'il allait me ménager ou est-ce qu'il allait exploser ? J'attendais, morte d'angoisse, qu'il décide de notre sort.
"Je n'en ai rien à foutre de la mère de Charlie", je fermais les yeux de dépit en le voyant prendre la mauvaise voie.
"Charlie est ton ami, bien sûr que ça te préoccupe", Harry me rendait un rire moqueur en réplique. J'évitais de poursuivre en voyant la moutarde lui monter au nez.
"Mon ami ? Crois-moi, je ne suis plus son ami. C'est devenu limpide depuis cette petite baignade dans ton jacuzzi. Charlie ne peut plus me voir. Tu veux même que je te dise ? Je pense que c'est très clair dans sa tête depuis le naufrage mais qu'il n'a jamais eu le courage de m'envoyer bouler à cause de toi", je ne voulais pas aggraver la situation alors je ne répondais pas. Je le regardais s'énerver encore plus et reposer son verre brutalement sur la table.
"PUTAIN ! Il doit être en train de prendre son pied en ce moment ! Il rêve de ce jour depuis qu'il te connaît lui aussi", je restais silencieuse et bloquée quelque part entre la tristesse et la peur parce qu'il venait d'oser comparer Charlie à Adrien. Harry était toujours colérique dans ces moments et je savais que c'était à moi de temporiser si je voulais avoir une chance de sortir de cet échange indemne mais c'était difficile, surtout en le voyant prendre cette pente extrême. Mais j'essayais.
"De quel jour tu parles ?", je faisais bref et concis.
"De ce jour où tu le choisis lui. Ce jour qui n'était jamais censé arriver. Jusqu'à ce que tu te décides aujourd'hui à me planter ton pire couteau dans le dos", Harry n'osait même pas me regarder dans les yeux pendant que ces mots terribles sortaient de sa bouche. C'était insupportable, il me culpabilisait et il m'enfonçait.
"Ça n'a absolument rien à voir avec toi. Ça me tue de venir te l'annoncer, tu le vois bien. Mais tu vas bien mieux et Charlie va très mal. C'est tout. Je ne fais pas ça contre toi !", j'étais obligée de me montrer plus ferme pour tenter de contenir son escalade et ses surenchères mais Harry n'en démordait pas.
"C'est pire, Mia. Tu es en train de me dire que tu préfères les états d'âme de Charlie aux miens, alors que tu le connais depuis un an", ça devenait trop mesquin et c'était surtout terriblement injuste de sa part.
"PARCE QUE C'EST CE QUE FONT LES COUPLES, HARRY ! ET C'EST L'HÔPITAL QUI SE FOUT DE LA CHARITÉ PUISQUE C'EST EXACTEMENT CE QUE TU AS FAIT AVEC VICTORIA !", il avait relevé sa tête lentement et me lançait un regard dur face à ma colère subite.
"Pardon ?", il répondait avec un ton ferme et faussement calme pour m'obliger à baisser d'un ton, ce que je faisais immédiatement. J'avais peur d'être allée trop loin en parlant d'elle mais j'avais aussi besoin de me libérer de ce vieux fardeau, alors je reprenais avec moins d'humeur.
"Tu as très bien entendu. Je ne me souviens pas t'avoir tourné le dos pendant toutes ces années. Sauf si tu comptes me reprocher d'avoir été une femme battue avec Adrien ou d'être tombée en dépression après le naufrage, comme tous le monde. Tu es là à critiquer Charlie mais en attendant, il ne t'a jamais rejeté et il n'a fait que de nous supporter. N'oublie jamais que tu as été le premier à me tourner le dos, tu n'as pas hésité une seule seconde à me mettre au placard sur première demande de Victoria !"
"Je t'en prie continue parce que je ne vois absolument pas de quoi tu parles", je tournais de l'œil et je lui jetais un regard méprisant. Bien sûr qu'il savait et il avait intérêt de vite s'en rappeler s'il ne voulait pas que je lui jette son verre à la figure. Je restais silencieuse et je l'obligeais du regard à trouver la réponse par lui-même. Je le voyais ensuite tempêter et s'agiter en arrivant à ses propres conclusions.
"Tu parles de la danse là ?...JE RÊVE ! Ça ne t'a pas posé de problème à l'époque. Tu as très bien pris ma décision d'arrêter. Tu es culottée de me le reprocher aujourd'hui. N'essaye pas de retourner la situation ! Et surtout c'est complètement incomparable à ton exil en Angleterre"
"Non, c'est encore MOINS COMPARABLE à mon exil en Angleterre. Je pars pour de très bonnes raisons. Toi tu as foutu en l'air notre plan de carrière et tu m'as laissé seule sans le moindre état d'âme pour les beaux yeux d'une fille que tu connaissais depuis à peine 6 mois", il écarquillait les yeux et hochait la tête de désaccord, alors je continuais.
"Si tu veux vraiment tout savoir. J'étais minable cette année là, je ne sais même pas te dire combien de paquets de mouchoir j'ai terminé de chagrin à cette époque. Il fallait voir à quel point j'étais devenue invisible. Tu n'avais d'yeux que pour elle. J'étais plus que sur la sellette donc oui, j'ai fermé ma bouche et j'ai souris en retour pour éviter que tu me jettes à la poubelle", je le voyais pincer les lèvres, je l'avais touché, j'ai vu une lueur d'intérêt rapide puis j'ai vu la colère reprendre le dessus. Harry était irrécupérable. Je le voyais prêt à me contredire et à se chercher des excuses. Sa réaction décevante m'encourageait encore plus à me délester de mon dernier poids.
"Pourquoi est-ce que tu crois que je me suis accrochée aussi désespérément à Adrien ensuite ?", je le regardais plisser des yeux. Je voyais la douleur, la honte et la culpabilité passer sur ses traits à ce dernier aveu. De mon côté, j'étais essoufflée d'être parvenue à lui dire ce que j'avais gardé tout ce temps sur le cœur. Je ne pouvais pas être plus sincère. J'avais eu toutes les peines du monde cette année-là face à sa décision. Il me l'avait imposé en fichant en l'air notre avenir prometteur et il m'avait mise de côté pour qu'il n'y ait aucune tâche sur son beau couple. Il l'avait fait brutalement alors que toute ma vie tournait autour de lui. Harry m'avait éventré. Je lui en avais voulu, j'avais rencontré ensuite Adrien, j'avais cédé plus facilement à sa demande de sortir Harry de ma vie et j'avais trouvé toutes les excuses du monde à cet homme violent pour ne pas être seule et trouver un nouvel équilibre. Mais j'avais toujours gardé le silence, je n'avais jamais brisé le tabou avec lui, j'avais accepté leur proposition de nouveau départ à lui et Victoria sans jamais revenir sur les blessures.
"Donc c'est ça ton dernier argument ? Tu ne trouves rien de mieux à faire que de comparer mon mariage à ton amourette d'adolescente ?", les larmes coulaient définitivement sur mon visage après ça. Je levais les yeux au ciel de déception et de peine face à cette réplique insupportable de méchanceté. J'inspirais douloureusement mais je trouvais le courage de m'approcher pour l'obliger à m'affronter.
"Retire ça tout de suite", j'étais plantée à quelques millimètres de son visage, je l'obligeais à me regarder avec un mince espoir qu'il ait honte cette fois et qu'il se ravise avant d'atteindre le point de non retour. Il allait définitivement sur un terrain glissant. Il savait à quel point je manquais de confiance en moi et en les hommes, il savait que c'était mon plus gros handicap dans la vie et il osait appuyer dessus au pire moment. Au moment où je trouvais le courage d'essayer et d'y croire.
"Non, je ne retire pas et je ne me tais pas. Ça ne te fera pas de mal pour une fois d'entendre la vérité. Vous n'avez aucun avenir Charlie et toi. Je n'ai jamais vu une femme avec un cœur de pierre comme le tiens, tu ne seras jamais capable de tomber amoureuse de lui, quoiqu'il fasse. Tu n'as pas pensé à lui une seule seconde pendant cette semaine de vacances, Mia. C'est encore plus évident aujourd'hui puisque tu pars parce que tu as pitié de lui. Cette histoire est morte avant d'avoir commencé. Donc c'est très bien, pars à Londres avec lui et perds en deux pour le prix d'un", Harry n'avait pas cillé, ni en voyant mon visage ravagé par les larmes, ni pendant son coup de grâce, ni pendant que je lui tournais le dos et quittais l'appartement en claquant vigoureusement sa porte.
Point de vue : Charlie
Mia était rentrée sans un mot, entre colère et chagrin, ses yeux baignés de larmes. Je comprenais que la situation avait viré au drame comme elle l'avait redouté. Elle n'avait pas eu un mot à mon encontre et était partie s'enfermer dans sa chambre sans plus de confidence. Je l'entendais pleurer chaudement derrière la porte. Elle m'avait demandé de ne pas intervenir mais j'étais incapable de rester inactif, je me sentais trop responsable de la situation et je décidais donc d'aller frapper à la porte d'Harry avec la ferme intention de le ramener à la raison ou de lui régler son compte.
Je frappais à la porte énergiquement. Harry m'ouvrait avec ses traits déformés par une émotion que je n'arrivais pas à cerner. J'entrais en gardant en tête le fait que cet homme n'avait aucun sang froid, c'était donc à moi de prendre sur moi pour éviter d'aggraver la situation déjà critique. L'épreuve allait être difficile car je mourrais d'envie de lui abîmer le visage depuis son bain de minuit avec Mia. Je m'étais contenté de l'éviter pour ne pas avoir à l'affronter mais c'était inévitable maintenant. J'allais devoir avoir cette conversation avec lui aujourd'hui, avant d'amener Mia à Londres avec moi.
"Il ne manquait plus que toi"
"Laisse-moi entrer", mon ton était autoritaire. En réponse, Harry amorçait un geste pour me claquer la porte au nez mais je forçais le passage sans difficulté.
"Tu es venu jubiler ?", Harry me fixait froidement.
"Sérieusement ? Tu es tellement con quand tu t'y mets...Qu'est-ce que tu lui a craché à la figure pour qu'elle rentre dans cet état ? Ne va pas croire une seconde que ça me plait de la voir comme ça"
"A d'autre, Charlie", il me toisait avec mépris. Notre amitié en avait définitivement pris un sacrée coup ces dernières semaines.
"Tu me prends pour qui ? Adrien ? Je t'assure que j'ai tout fait pour ne pas en arriver là. La preuve en est, je me tape votre amitié douteuse depuis 6 mois et je l'ai laissé partir dans ce désert seule avec toi alors que tu n'as aucun respect pour moi", je n'avais pas prévu d'entrer aussi rapidement dans le vif du sujet mais j'étais fatigué déjà par son comportement.
"Je n'ai aucun respect pour toi ?", Harry me sortait le rire le plus moqueur qu'il ait en réserve.
"Oui, Harry. Te foutre à moitié à poil dans ce jacuzzi avec la femme que j'aime et la laisser dormir dans tes bras ? Sur quelle planète tu vis ? Quel genre de pote fait ça ?"
"Tout le monde n'a pas le cul aussi serré que toi Charlie et Mia n'est pas une propriété. Tu ne peux pas lui coller une étiquette à ton nom sur le front", je tournais de l'œil à cette provocation d'un niveau d'immaturité risible et j'entendais Harry poursuivre.
"Ça a toujours été comme ça entre elle et moi. Arrête de t'imaginer des choses. Tu as aussi un peu trop tendance à oublier que j'étais là avant toi. Et dans tous les cas, ce genre de chose n'arrive qu'en privé précisément parce que j'avais du respect pour toi et pour ménager tes sensibilités ridicules", je ne retenais pas mon amertume face à ces nouveaux propos et je reprenais avec un ton acide en notant l'utilisation qu'il venait de faire du passé.
"J'ai parfaitement conscience que cette petite scène touchante n'était que la partie visible de l'iceberg. Merci de le confirmer, Harry. Je devine qu'il y a encore plus douteux et tordu entre vous, en privé comme tu dis et je ne veux même pas savoir ce qui a pu se passer pendant votre semaine de vacances en tête à tête", Harry se taisait mais surtout, il ne parvenait pas à soutenir mon regard cette fois.
J'avais mal car ce comportement sonnait comme un aveu implicite. Je lui étais presque reconnaissant de ne pas m'enfoncer avec des détails douloureux mais je savais qu'il le faisait pour Mia plus que pour moi. Il était trop loyal pour me cracher, même en pleine tempête, des révélations qui pouvaient lui causer des problèmes. Je continuais donc péniblement mon discours, sans lui laisser la chance de changer d'idée et en prenant la décision de faire confiance à Mia sur ce sujet. Ce n'était pas le genre de femme capable de ça, elle me l'avait prouvé en première ligne, elle n'aurait jamais été en accord avec ça.
"Je suis peut-être arrivé après toi mais ça ne devrait rien changer au fait que je suis son petit ami et toi seulement son ami", Harry prenait la suite, avec une colère et un mépris à peine contenus.
"Ta jalousie est irrécupérable. J'ai beau faire tous les efforts du monde pour te convaincre, tu n'arrives pas à t'enlever ça de la tête. Donc quoi ? C'est ce que tu as trouvé de mieux pour me faire sauter de l'équation et retrouver ta tranquillité ? Tu étais obligé d'aller jusqu'à lui demander de partir avec toi à Londres ? Tu ne peux plus me voir à ce point ?", je tournais de l'œil d'exaspération à ses réflexions nombrilistes.
"Arrête de tout ramener à toi. Je n'ai rien demandé à Mia. C'est elle qui l'a proposé et crois-moi j'ai essayé de l'en dissuader. J'aurais aimé que les choses se fassent différemment et je n'ai pas plus envie de partir à Londres, car au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je suis contraint par les évènements. Est-ce que tu as suivi le passage où ma mère est en train de crever ? Tu as toujours été ce connard insensible et je le découvre aujourd'hui ou tes paroles dépassent ta pensée à cause de ta dépendance maladive pour elle ?", je m'étonnais le premier de voir Harry se calmer après ma tirade. Son humeur était en train de changer. Je voyais qu'il était en train de passer de la colère à l'épuisement. C'était perceptible de là où j'étais.
J'essayais de me mettre à sa place, j'essayais de toutes mes forces malgré mon dégoût pour lui depuis cette scène du jacuzzi. Je pouvais imaginer sans difficulté la douleur qu'il pouvait ressentir à l'idée de la voir partir et la perdre de vue à nouveau. J'essayais de le comprendre parce que notre situation mais surtout la sienne était atypique. Il avait eu beaucoup à gérer et je voyais comme tous le monde que Mia avait réussi à le remettre sur les rails depuis notre retour du Mexique. Je trouvais son obsession pour elle parfaitement malsaine mais j'essayais de faire preuve d'empathie, au regard de son cas très particulier et en mémoire de ce qu'il restait de notre amitié.
Je l'entendais reprendre avec une voix en peine et pleine de certitudes.
"Mia déteste Londres. Je l'ai amenée une fois la visiter et elle n'a plus jamais voulu y remettre un pied. Je ne sais pas ce qu'elle t'a sorti comme mensonge pour te convaincre mais je sais qu'elle te suis par pitié. Elle est en train de se sacrifier pour te soulager. Tu devrais savoir maintenant que c'est ce qu'elle fait toujours. Tu étais là sur cette putain d'Ile, tu étais le premier au balcon à la regarder faire. Et malgré tout, tu acceptes de l'embarquer avec toi dans cette ville qu'elle déteste, elle va pourrir dans ton appartement et sans ses repères qu'elle a peiné comme jamais à retrouver", j'avais la gorge nouée à un point insupportable face à son culot.
"Je rêve où tu es en train de me donner une leçon d'altruisme ? Toi ? Arrête ton crac, on sait tous les deux qu'il n'est question que de toi aujourd'hui. Londres n'est pas le Mexique et l'endroit a le mérite d'être à côté. Tu auras tout le loisir de venir la voir de temps à autre et de visiter Big Ben comme le ferait un ami normal. Ça ne te fera vraiment pas de mal d'essayer. Tu devrais peut-être profiter de l'opportunité pour couper le cordon", j'avais perdu mon sang froid malgré moi à cause de ses précédentes paroles. Harry avait écouté sans m'interrompre et beaucoup trop calmement. Je le regardais se redresser et réfléchir intensément à ses mots en se pinçant les lèvres. Je lisais dans son regard qu'il n'avait pas apprécié mon ton condescendant et qu'il avait envie de me le faire payer.
"Tu as raison, Charlie. Notre relation va bien au-delà de la banale amitié et je t'en avais informé avant de te la présenter. Mais ne fais pas l'erreur de croire que ça ne vient que de moi parce que je te garantie que c'est largement réciproque pour Mia. Donc si mon avis t'intéresse encore, tu te berces d'illusion si tu penses qu'on pourrait se contenter elle et moi d'une ballade mensuelle en car rouge. Je vois très bien comme tu te démènes pour essayer de changer ça mais crois moi, tu n'y arriveras pas. Mia aura toujours autant besoin de moi, qu'importe l'homme avec qui elle baisera. Je t'assures que tu ne lui suffiras pas et je ne donne pas cher de votre couple si tu vas au bout de ton audace et que tu l'amènes aussi loin de moi..."
Harry avait terminé son discours assassin et dieu merci car j'arrivais au bout de ce que je pouvais supporter. Cet homme avait une quantité de venin impressionnante en lui. Ses répliques étaient brûlantes et hautement toxiques. Je savais qu'il s'agissait des paroles d'un homme blessé, je me blindais pour les ignorer mais j'étais malgré tout accablé en devinant un trop grand fond de vérité.
"C'est un avis ou une menace ? Est-ce que ça te ferait plaisir de nous voir aller dans le mur ? Pourquoi j'ai cette désagréable impression que tu n'attends que ça ?", le silence et le regard de Harry étaient lourds de sens, autant que le mouvement qu'il amorçait en ce moment pour me tourner le dos. La conclusion était amère : notre amitié était définitivement enterrée.
