Point de vue : Mia

"A demain les filles", je regardais mon cours de danse se vider. Je me retrouvais seule ce soir dans cette classe à savourer la seule réussite de ce déménagement à Londres. Charlie avait été vite monopolisé par son travail et sa famille. J'avais dû trouver un passe-temps, à défaut d'amis dans cette ville et j'avais écarté de reprendre un poste à l'hôpital à cause des horreurs vécues pendant le naufrage.

La danse était revenue comme une évidence et je n'avais eu que quelques coups de fil à passer dès mon arrivée pour que Londres me déroule son plus beau tapis rouge. J'avais trouvé ce merveilleux studio en plein quartier de Soho et j'avais été débordée de candidatures dès l'ouverture. Je n'avais pas hésité bien longtemps avant de choisir la thématique. Je n'envisageais pas une seule seconde de me replonger dans les souvenirs de mon ancienne vie avec Harry. Je ne voulais pas entendre parler d'un autre partenaire et j'avais donc ouvert mon cours uniquement aux femmes. J'étais parvenue à m'entourer des meilleures et j'enregistrais régulièrement de nouvelles chorégraphies, avec une équipe de tournage entièrement féminine également. Je n'avais pas prévu que le succès soit si complet, toutes nos vidéos étaient virales et relayées sur la toile. Cette classe était la plus grande fierté de ma vie mais je jonglais difficilement avec les nouvelles crises de jalousie de Charlie qui n'était pas à l'aise avec la thématique ultra sexy qui m'aidait à compenser en partie mon ennui avec lui. Charlie détestait mes nouvelles activités et je l'avais plutôt bien cherché un mois plus tôt.

**Début du flashback**

"Mon ange, tu es belle comme un cœur avec ce tatouage, ce n'est pas le problème mais c'est un peu extrême non ? Ça me rend très fière que tu fasses ça pour ta famille et tes origines mais tu ne l'as même pas connu, tu ne vas pas regretter un jour ?", mon visage s'était décomposé en même temps que ma mère s'exprimait, à cette table, devant Julia et Charlie. J'avais tué le poisson immédiatement et j'avais eu un mince espoir que Charlie n'ait rien suivi puisque je le voyais continuer de manger l'air de rien. Ma mère nous avait laissé ensuite l'après-midi pour aller faire du shopping avec Julia et il ne restait plus que Charlie et moi.

Je m'étais rapprochée de lui dans l'espoir de retrouver un peu d'intimité sans nos invités et j'avais encaissé durement son refus et la suite des évènements. Charlie m'avait tourné le dos et avait passé ses mains douloureusement sur son visage en me parlant avec une froideur que je ne lui connaissais pas.

"Tu m'as menti...C'était pour lui, c'est ça ?", et j'avais senti mes jambes flageoler dans l'instant, j'avais baissé les yeux immédiatement de honte. Charlie m'avait démasqué de la pire des manières et je me sentais encore comme la dernière des garces, encore plus que ce soir-là dans le jacuzzi. Il ne m'avait même pas laissé une chance de répondre et avait quitté l'appartement sur le champ.

Il me reparlait difficilement depuis deux semaines. Il essayait de passer outre mais il n'arrivait pas à se débarrasser de sa colère et à pardonner mon mensonge. Je ne retrouvais plus du tout l'amour qu'il avait pour moi dans ses yeux. Tout chez moi avait l'air de le dégoûter quoique je fasse. Il détestait mes activités, mes vidéos, il détestait ma présence mais je restais, j'insistais en espérant que les choses passent parce que j'avais complètement tord et que je m'en voulais de lui causer autant de peine.

**Fin du Flashback**

"Bonsoir", je recevais encore un accueil glacial et indifférent de Charlie mais je commençais à y être habituée.

"Tu ne me demandes pas comment s'est passé mon dernier tournage ?"

"Ça dépend, tu étais habillée cette fois ?", ça allait repartir. J'allais encore y avoir droit et je choisissais de me verser à boire plutôt que de répondre à cette énième provocation. Mon téléphone était posé sur le plan de travail, à proximité de Charlie, quand je le voyais s'illuminer d'une nouvelle notification. J'allais le prendre en main mais Charlie était plus rapide que moi. Je voyais son air se renfrogner et je l'entendais me lire le texte au même moment avec une amertume non dissimulée que je ne comprenais pas.

"Ça vient de ton Harry, il dit, je cite, que tes dernières vidéos sont exceptionnelles et qu'il est très fier de toi, il y a même mis un smiley cœur à la fin", mon cœur s'était arrêté de battre à l'entente de ces mots. Après trois mois sans aucune nouvelle, j'avais du mal à croire qu'il s'agissait de Harry alors je lui reprenais mon téléphone de force malgré son rire sarcastique pour vérifier l'information et c'était effectivement le cas. J'étais au bord des larmes de savoir que Harry m'avait enfin contacté mais aussi de savoir qu'il me suivait depuis Paris. J'avais reçu un nombre incalculable de messages d'encouragement de mes proches pour le studio alors que le seul qui aurait compté et que j'avais attendu en vain était le sien. Je prenais donc ce message comme une vraie pommade sur ma plaie en ce moment après tous ces dénigrements et ces critiques de Charlie. Sa colère me passait du coup complètement au-dessus de la tête grâce à ce message de Harry mais aussi parce que je commençais à m'y habituer.

"Ça fait longtemps qu'il se touche sur tes vidéos et qu'il t'envoie des messages ?", Charlie ne me regardait même pas dans les yeux. Il me ramenait sur terre avec cette réplique vénéneuse. Je ne savais vraiment plus quoi répondre, je ne faisais qu'encaisser depuis un mois et je commençais à être fatiguée de faire le dos rond.

"Non, Charlie, c'est le premier que je reçois en trois mois. Cette guerre entre nous va encore durer longtemps ? Tu vas me punir combien de temps pour ce tatouage parce que n'oublie pas que je vais l'avoir à vie. Je t'ai expliqué que je l'avais fait sur un coup de tête et qu'il n'y avait rien à déduire avec Harry"

"Je fais le dos rond depuis des mois sur votre relation mais vous n'arrêtez pas de repousser les limites. Les danses, les câlins, les déclarations d'amour, les bains de minuits, les vacances en tête à tête au soleil, les tatouages éternels...Jusqu'où tu comptes aller avec lui, Mia ?

"Nul part puisque je suis ici à Londres avec toi. Je l'ai quitté, lui, mes amis et ma famille pour te suivre ici et je m'investis au studio pour te prouver que je ne compte pas partir. Qu'est-ce que je dois faire de plus pour que tu me prennes au sérieux ?"

"Est-ce que tu m'aimes ?"

"Bien sûr, pourquoi tu me demandes ça ?"

"Bien sûr ce n'est pas une réponse, regarde-moi dans les yeux et dis-le moi", je le regardais, j'essayais mais j'étais toujours et encore incapable d'accéder à sa demande. Pour des raisons que je n'expliquais pas, je n'y arrivais toujours pas même après trois mois de vie commune et quatre mois de relation. Et ça n'allait définitivement pas se débloquer aujourd'hui après le mois hivernal que nous venions de passer.

"Tu peux l'inscrire à l'encre indélébile sur ton corps pour lui mais tu n'es pas capable d'une chose aussi basique qu'un je t'aime pour celui avec qui tu partages ta vie...Je le hais, Mia, il me pourri la vie et tu n'imagines pas à quel point j'ai envie de lui foutre mon poing à la figure, mais ce n'est même plus le problème entre toi et moi. Le problème c'est toi"

"Ces mots n'ont pas le même sens avec Harry. Et tu sais très bien que je ne sais pas faire ça. La vie à deux, les histoires d'amour, le romantisme. Tu le sais depuis le début. J'essaye et je sais que je ne suis pas à la hauteur de tes attentes mais je suis bien avec toi et je n'ai envie d'être avec personne d'autre. Pourquoi est-ce que ça ne te suffit pas ?"

"Parce que je veux plus de toi. J'ai toujours su ce que je voulais et ça va bien au delà de plusieurs restaurants par semaine et de cette colocation. Je veux pouvoir rêver de mariage et fonder une famille. Ça fait des mois que je l'envisage et toi tu n'es toujours pas capable de me regarder en face et de me dire simplement que tu m'aimes", mes larmes coulaient définitivement maintenant. C'était tout ce que j'avais voulu entendre dans la bouche d'un homme et dans celle de Charlie. Ce moment arrivait mais j'étais paralysée et prise au piège, je n'y arrivais pas et je repensais douloureusement aux dernières paroles de Harry avant mon départ. Je brûlais intérieurement en comprenant à quel point j'étais un cas désespéré et un cœur de pierre sans aucun avenir sentimental.

"Prends une pause, Mia. Tu peux rester ici, j'irai chez ma mère. Prends le temps de réfléchir à ce que tu attends de moi et à ce que tu es prête à investir sur nous. Mais fais le vite parce que j'ai 35 ans et je n'ai pas envie de perdre mon temps dans une histoire sans avenir avec toi", le ton de Charlie était implacable, j'étais horrifié de le voir quitter l'appartement sur ces mots, en me laissant seule face à cet ultimatum terrifiant.

Je m'étais vidée de toutes mes larmes ce soir-là et je n'avais rien, ni personne pour me réconforter. Cette fois j'étais seule face à moi-même et mes choix. J'avais passé une nuit atroce. J'avais eu beaucoup de peine à assumer le cours du lendemain. Je me retrouvais seule encore au studio, à fixer mon téléphone et je ne savais absolument pas quelle suite donner à ce message de Harry. Il revenait comme une fleur, trois mois après, sans excuse, après avoir été le pire des enfoirés, il continuait de me gâcher la vie même d'aussi loin et pourtant j'étais là à envisager très sérieusement de lui répondre et de le remercier pour son message. Je me dégoutais d'être aussi faible et idiote avec lui. Charlie m'avait mise au pied du mur et je décidais d'en faire de même avec Harry. Je me décidais donc à supprimer ce projet de message que j'avais commencé à remanier et je me rabattais plutôt sur un message pour Julia.

Point de vue : Théo

"Mais quel connard ce mec !", je relevais la tête avec les yeux ébahis d'entendre Julia si vulgaire, d'autant plus sorti de nulle part en plein milieu de notre film.

"Euh ? Qu'est-ce que j'ai fait ?"

"Pas toi, ton Harry, ENCORE ! Ce mec est incorrigible. Oh mon dieu je rêve. Un mois que Mia peine à se sortir de cette situation pourrie avec Charlie et ce mec vient encore mettre son grain de sel. Psychopathe !", et je l'écoutais me raconter les détails, je me notais effectivement de sermonner encore Harry de n'avoir pas écouté mes conseils. Julia me confirmait par la même occasion qu'elle allait à Londres ce weekend avec Claire pour remonter le moral de Mia.

Je venais d'arriver au cours de boxe le lendemain et je trouvais un Harry de très mauvaise humeur en train de taper dans son sac avec un acharnement flagrant. Je m'approchais de lui sans pouvoir retenir mon rire sadique.

"On peut savoir ce qui te met de si mauvaise humeur ?", mais je le savais très bien.

"Et toi, ce qui te met de si bonne humeur ?", il me regardait en biais, avec un air suspicieux, sans s'arrêter de frapper.

"Je t'avais dit de lui laisser de l'air. Tu t'attendais à ce qu'elle te réponde quoi ? Oh oui Merci Harry, viens vite me prendre dans mon studio, je meurs d'envie de te revoir ?", Harry continuait en frappant encore plus fort, en me faisant comprendre ce que je risquais à continuer. Je faisais une pause dans mes moqueries en continuant d'assurer son sac pour faciliter son entraînement. Je n'avais pas eu de discussion à ce sujet avec lui depuis le mois dernier et il ne m'avait rien confessé de ses sentiments depuis mais je prenais la situation pour acquise malgré tout.

"Comment est-ce que tu sais que je lui ai écris ?"

"Elle l'a dit à Julia"

"Donc elle a reçu mon message"

"Non pour être exact c'est Charlie qui a reçu ton message et il a passé Mia à tabac"

"Quoi ?", Harry s'était interrompu gravement, trop gravement même.

"Je déconne, t'es con ou quoi ?", je reprenais en essayant de faire abstraction de sa réaction excessive et du soulagement assez démesuré que je lisais dans son regard à mon démenti.

"Il a décampé. Ça bat encore de l'aile dans leur couple à cause de toi. Ça fait un mois que c'est no mans land entre eux à cause de toi", Harry s'arrêtait de nouveau sur cette information, soudainement plus intéressé par ce que j'avais à lui apprendre.

"Je n'y suis pour rien si ça ne marche pas entre eux. Mia n'est pas amoureuse de lui. Point barre".

"Peut-être mais il vient de lui poser un ultimatum en attendant"

"Un ultimatum ? Lui ou moi c'est ça ? C'est pour ça qu'elle ne me répond pas ? Ce fils de pute...je vais me le faire"

"Mmmh non ce n'est pas ça", je le torturais un peu pour mon plaisir personnel, Harry avait joué gros encore à ne pas écouter mes conseils.

"En même temps, je ne sais vraiment pas à quoi tu t'attendais"

"Moi non plus. J'avais juste envie de lui écrire, c'est tout. Le message est parti trop vite, je sais que c'était complètement con et amené comme un cheveux sur la soupe. Elle a dû m'insulter de tous les noms"

"Oui entre autres. Elle a aussi dit à Julia que ton message lui avait quand même fait plaisir", j'avais été sadique et j'avais gardé la meilleure information pour la fin. Je le regardais reprendre ses activités péniblement avec un sourire en coin satisfait sur son visage. Il s'arrêtait au bout de quelques minutes et reprenait.

"Et l'ultimatum, c'est quoi ?", je m'attendais à ce qu'il fouine encore. J'hésitais vraiment à lui dire, la réaction de Harry était quitte ou double et je n'avais pas envie de me retrouver à courir après lui à Londres. Je prenais le risque de lui dire malgré tout et je regardais Harry sourire encore plus. Je ne m'étais pas attendu à cette réaction.

"L'information n'est pas censée te réjouir, tu devrais même être carrément en train de flipper", je le regardais suspicieux.

"Non. Tu ne connais pas Mia. Cet ultimatum c'est la fin assurée de leur couple et de son étape à Londres"

"Mmh. Du point de vue de Julia, c'est plutôt l'électrochoc dont Mia a besoin dans sa vie pour avancer et elle prend le premier avion pour Londres ce weekend pour en discuter avec elle et la convaincre de passer à l'étape supérieure avec Charlie", je n'aimais pas être l'oiseau de mauvaise augure mais Harry avait beaucoup trop de certitude et d'arrogance quand il s'agissait de Mia. Peut-être que Mia ne céderait pas au chantage de Charlie mais je n'étais pas persuadée qu'elle rentrerait à Paris pour autant et encore moins qu'elle irait se réfugier dans les bras de Harry. Il m'écoutait développer en silence mes arguments et je le sentais perdre de l'assurance progressivement.

Point de vue : Charlie

Ma vie avait tourné au cauchemar en si peu de temps. Je ne comprenais toujours pas comment toutes ces choses avaient pu se passer dans l'intervalle. Je ne pouvais pas être plus heureux qu'il y a mois, après ce début de relation avec Mia et ce weekend merveilleux à Venise. C'était tout ce dont je rêvais depuis plus d'un an, j'avais survécu au naufrage, je l'avais ramené du Mexique, j'avais enfin la femme de mes rêves, tout était parfait jusqu'à ce weekend à Londres sans elle, celui où j'apprenais la maladie de ma mère, celui ou je rentrais et tombais sur elle et Harry dans ce jacuzzi. Tout est parti à vau-l'eau depuis.

Je savais en quittant Londres, sur ces disputes infernales avec Harry, que l'un d'eux me ferait payer un jour la situation. Je ne sais même pas pourquoi j'ai été si surpris à ce repas de famille face à la violence inouïe de cette vérité. Je n'ai pas eu besoin de beaucoup de réflexion pour comprendre l'étendue de la supercherie avec ce tatouage et j'avais trouvé le mensonge ignoble. J'étais incapable depuis de lui pardonner. Harry l'avait marqué au fer chaud, chaque regard sur son corps me rappelait cette vérité amère : qu'elle ne m'aimerait jamais autant que lui.

Julia avait cherché par tout moyen à me convaincre du contraire avec ses théories sur le fait que Harry était un pervers narcissique, en me positionnant Mia comme victime innocente dans l'histoire. J'avais essayé de m'y accrocher, j'avais tenu un mois durant avec elle dans mon appartement, en restant toutefois incapable de la toucher.

Ce message de Harry ensuite avait été la goutte d'eau et les paroles de Julia s'étaient mises à trouver un autre écho dans mon esprit. Les réactions et les actions de Mia me le confirmaient. Je voyais qu'elle faisait tous les efforts du monde pour se faire pardonner et essayer d'avancer, elle avait tout quitté pour me suivre, elle avait repris sa passion en évinçant tous les hommes du décor et surtout, elle était parvenue à le sortir lui du décor. Elle l'avait fait mais c'était encore lui qui revenait, toujours et inlassablement. Mia était totalement prisonnière de ses névroses, de son passé et surtout du pouvoir vampirique de cet homme et je n'avais rien trouvé de mieux dans mon désespoir et mon impuissance que cet ultimatum. C'était tout ce qu'il me restait, je n'avais plus d'énergie à revendre pour cette femme, c'était quitte ou double et je me rendais malade d'appréhension depuis. Je mourrais d'angoisse de recevoir son prochain coup de fil et c'était arrivé ce soir, après trois semaines de séparation et d'attente interminables. Les trois semaines écoulées m'avaient très largement fait redescendre en pression. J'attendais juste sa décision, dans la plus grande impuissance. Mia venait de m'écrire pour me demander de passer à l'appartement et j'étais très inquiet de savoir ce qu'elle avait à m'annoncer.

J'avais le cœur retourné de la revoir après ces trois semaines d'absence. J'avais senti ma gorge se nouer au contact de ses lèvres sur ma joue. Je pensais douloureusement qu'elle allait me quitter et que j'avais perdu tous ces derniers moments avec elle à la rejeter et à ne pas en profiter à cause de ma fierté mal placée. J'étais convaincu, pour des raisons que je n'expliquais pas, que cette soirée allait avoir une issue fatale pour moi et j'avais le cœur au bord de l'explosion à cette idée. Je voyais à son état d'anxiété que mon monde allait s'écrouler donc j'ai été incapable de la laisser parler. J'avais fondu sur ses lèvres avant qu'elle ne commence à me torturer, je l'avais dissuadée de parler en l'embrassant passionnément, en la caressant désespérément. Je lui avais fait l'amour ce soir-là avec un amour et une détresse qui me prenaient encore aux tripes en ce moment même.

Nous étions tous les deux désormais allongés sur le tapis du salon, à fixer le plafond sans un regard l'un pour l'autre, encore bouleversés et essoufflés par l'intensité et la perfection de ces adieux, quand je l'entendais prendre la parole pour la première fois de la soirée.

"Tu mérites tellement mieux...", j'aurai dû la maudire pour cette phrase mais je continuais de fixer le plafond silencieusement, sans un regard pour elle. Je savais qu'elle avait fait de son mieux pour s'autoriser ce bonheur avec moi mais qu'elle n'y arrivait pas et je n'arrivais pas à la détester pour ça car Mia était sincère.

"Tu prévois de rentrer quand à Paris ?", ce n'était vraiment pas utile de lui répondre et de s'étaler. Mia était une femme complexe mais j'en savais suffisamment d'elle pour comprendre toutes les raisons qui la poussait aujourd'hui à tout arrêter. Je n'avais pas besoin de sa pitié ou de ses explications alors j'essayais d'avancer.

"Je pense que je vais rester à Londres et continuer au studio avec les filles", j'étais sous le choc mais j'essayais de reprendre l'air de rien parce que cela aurait été certainement déplacé de commenter dans ma position.

"C'est bien. C'est génial ce que tu fais avec elles. J'ai été très con sur le sujet ces derniers temps mais tu ne devrais pas faire autre chose, tu es vraiment faite pour ça. Je suis heureux de savoir que tu ne regrettes pas tout de ton expérience ici", dieu comme j'avais mal en ce moment et comme les mots sortaient péniblement de ma gorge. Mais le pire c'est que je ne savais même pas dire si j'avais compté pour elle et c'était ça qui me tuait.

"Tu sais ce que Harry m'a dit avant de partir ? Qu'il n'avait jamais connu une femme avec un cœur de pierre comme le mien. Si j'ai autant pleuré ce soir là c'est parce que je savais qu'il avait raison et que je n'arrivais pas à m'ouvrir à toi malgré toute ma volonté", je détestais d'entendre encore le nom de cet homme dans un moment pareil, je détestais d'apprendre qu'il lui avait empoisonné le cerveau à tous les niveaux avant de partir, je brûlais de rage à cette nouvelle révélation mais je laissais Mia continuer.

"Ça a été comme ça toute ma vie, Charlie, et je ne veux pas que tu le prennes pour toi. Tu es le seul à qui j'ai eu envie de le dire, le seul qui ait compté jusqu'ici et je sais que je pourrai regretter cette décision mais je ne supporte pas cette pression. Je ne suis pas prête pour tout ce que tu me demandes. Je suis épuisée de devoir lutter contre ce que je ressens et je ne te rends pas service non plus en le faisant", ses mots étaient aussi réparateurs que destructeurs. J'avais les larmes au bord des yeux parce que Mia venait de le confirmer. C'était terminé. Aussi simplement que ça.

"Je sais". Et je suis reparti le soir même, je l'ai recroisé pour son déménagement quelques jours plus tard et elle avait disparu complètement de mon monde, aussi brutalement qu'elle y était entrée.