Point de vue : Charlie

J'avais pris la mesure de toutes les conséquences de cette rupture en rentrant ce soir-là. Il y avait son absence bien sûr mais aussi son déménagement, l'annonce à nos familles, à nos proches ou plus spécifiquement me concernant : l'annonce à Julia. Son amitié avait été infaillible depuis le départ, elle s'était impliquée à tous les niveaux pour me soutenir et me rapprocher de Mia. La nouvelle serait difficile à admettre pour elle qui avait mis tant d'énergie ces derniers temps pour nous maintenir à flots, avec ses différents aller-retour à Londres. Je me risquais donc un dernier message pour Mia sur cette pensée.

"Les fiançailles de Julia et Théo sont le mois prochain. Je n'ai pas envie de la contrarier. Est-ce que tu es d'accord pour que ça reste entre nous jusque-là... ? On leur annoncera après la fête ?"

"Je n'osais pas te le demander… Ce serait mieux, oui, faisons ça", j'étais soulagée qu'elle accepte ma proposition. J'avais reçu ce message et c'était tout, je n'avais pas eu le cœur de lui en envoyer d'autres et elle avait respecté mon silence. L'idée de garder notre rupture secrète était complètement masochiste car cela sous-entendait de mentir pendant un mois puis de rejouer au couple parfait le temps d'une journée avec elle. Cette idée me déplaisait mais j'étais prêt à le faire pour Julia, je n'avais aucune envie de la désenchanter pendant cette période aussi importante pour elle.

Je n'avais pas pris de nouvelle de Mia le mois qui avait suivi ensuite et elle non plus. J'allais un peu mieux, j'essayais de m'habituer tant bien que mal mais son absence me pesait. Nous étions déjà la veille du départ pour le sud de la France et je commençais à stresser à la perspective de l'évènement. J'entendais sur ces pensées la porte sonner alors que je ne devais recevoir aucune visite ce soir.

C'était elle. Mia se tenait face à moi, après tout ce temps et elle me rendait un sourire timide, avec une pizza dans une main et une bouteille de vin dans l'autre. Le célibat la rendait encore plus belle, si c'était encore possible.

"J'ai pensé qu'une répétition ne nous ferait pas de mal avant le départ ?", une fois la surprise passée, je lui souriais en retour et lui ouvrais la porte en saluant son initiative. Elle s'était installée sur le canapé et picorait sa pizza pendant que j'en faisais de même depuis mon fauteuil à distance raisonnable.

"Comment va ta mère ?"

"Bien mieux, on pense qu'elle peut y arriver. Les premiers résultats sont excellents", j'étais touchée qu'elle prenne de ses nouvelles et de l'air soulagé qu'elle affichait en retour à cette information.

"Et toi, le studio ?"

"Je commence à être un peu dépassée par les évènements, certains fans sont très...comment te dire...intenses...j'ai dû engager un vigile il y a deux semaines", elle riait et moi aussi. J'imaginais très bien et je comprenais parfaitement ces hommes et même ces femmes de ce qu'elle m'en avait dit. Mia à elle seule était une raison valable de déclencher des passions alors c'était encore plus compréhensible avec ces autres femmes fatales dont elle s'était entourée et ces vidéos tapageuses qu'elle postait régulièrement.

"Et tu as répondu à Harry depuis son dernier message ? Vous vous reparlez ?", elle hochait la tête à la négative et je cachais difficilement ma surprise. C'était encore plus incompréhensible que sa décision de rester à Londres et je n'arrivais pas à taire ma curiosité sur ce dernier aveu.

"Pourquoi ?"

"Tu es vraiment sûre de vouloir parler de lui ?"

"Oui, s'il te plaît. Et pas la version courte, la longue, Mia", je savais que je pouvais avoir encore plus de mal mais j'avais besoin de mettre les choses au clair, j'avais besoin de savoir pour avancer. Je la regardais considérer ma demande, elle réfléchissait, reposait son verre et se lançait et e gardais le silence autant que possible pour la laisser aller au bout de son développement.

"Parce que j'ai réalisé tardivement l'emprise démesurée qu'il avait sur moi.

Les cinq premières années, j'ai sacrifié tous mes débuts de romance pour ne pas avoir à choisir. Je préférais mille fois vivre de ma passion pour la danse avec lui, il n'y avait rien qui me rendait plus heureuse", je comprenais mieux aujourd'hui. Je la voyais briller au studio, Mia avait un véritable don et une passion, avec ou sans Harry.

"Ensuite Harry a rencontré Victoria et moi Adrien. Il n'avait rien de particulier en soi à part son physique mais il était très déterminé à m'avoir. Il est arrivé après que Harry m'ait planté de toutes les façons possibles pour faire plaisir à Victoria. J'étais esseulée, en colère même d'être mise sur le banc de touche et d'être aussi privée de mes rêves de carrière alors je l'ai laissé m'approcher et je me suis même laissée convaincre par ses belles paroles et ses promesses d'amour éternel. Il me disait tout ce que j'avais besoin d'entendre et il était très présent. Je ne ressentais plus la solitude et j'ai cédé à ses crises de jalousie rapidement en coupant les ponts radicalement avec Harry. Tu sais malheureusement comment ça a fini, j'ai choisi le mauvais garçon et c'était devenu limpide à la douleur que j'ai ressenti au réveil à l'hôpital. Mais Harry était le premier à mon chevet ce jour-là, il m'a réconforté et protégé encore malgré mon erreur.

Je me suis promise de ne plus jamais le faire passer après un autre homme, après ça.

Notre amitié a pris un tournant cette année là. C'est devenu plus profond et plus solide. Il n'y avait jamais eu autant de confidences entre nous et paradoxalement notre amitié n'avait jamais été aussi bien acceptée par les autres et Victoria. Simplement parce que c'était devenu conventionnel, parce qu'il n'y avait plus de danse, plus de vidéo et que Harry avait installé une nouvelle distance physique et publique avec moi. C'est resté comme ça pendant des années et tu nous a connu pendant cette période. De son côté, Harry avançait sur ses projets, il s'est marié et de mon côté j'étais toujours incapable de redonner ma confiance à un autre homme à cause de mon expérience avec Adrien et de son harcèlement permanent. Cet homme était un véritable poison, Charlie, c'était au-delà des coups et je n'ai pas tout dit à Harry de ce qu'il m'a fait subir", je buvais ses paroles et ces détails de l'histoire que je ne connaissais pas. Je ressentais encore cette boule à la gorge en y repensant et ces détails me faisaient encore plus regretter de ne pas avoir tué cet homme ce soir-là.

"J'étais très farouche et puis je t'ai rencontré avec tes airs de prince charmant. Tu étais vraiment trop parfait pour être vrai mais tu étais surtout à Catherine et c'était impensable que je te force la main. Puis il y a eu ce naufrage qui a foutu nos vies en l'air. Je t'ai enfin eu dans ce bassin mais j'étais convaincu que ça n'était que du sexe pour toi. C'était l'histoire de ma vie et de mes relations à cette période et je t'en ai voulu. J'avais vraiment mal à cette idée, j'étais bourrée de névroses et j'étais encore plus tentée de me cacher derrière l'amitié réconfortante de Harry", je me maudissais à l'entente de ces détails et je ne pouvais pas m'empêcher de me demander si les choses auraient été différentes si j'avais fait les choses correctement dès le départ avec elle.

"Alors j'ai fait ce que je savais faire de mieux. Je t'ai mis de côté, comme tous les autres, et j'ai remué ciel et terre pour Harry sur l'île jusqu'au sauvetage. J'étais ensuite tétanisée de rentrer, je ne voulais pas te regarder courir dans les bras de Catherine et je ne voulais pas avoir à épauler Harry en ne recevant aucun soutien en retour. Je me suis sentie plus seule que jamais alors je me suis dit que j'allais essayer de l'être vraiment pour une fois. Et à la réflexion je ne l'ai jamais regretté, je dois beaucoup à Ricardo mais dans tous les cas l'éloignement m'a fait du bien et c'est pour cette raison que je veux réessayer ici. La seule chose que j'ai vraiment regrettée c'était d'avoir abandonné Harry pendant son pire moment. Quand vous êtes arrivés au Mexique, je lui ai promis de rentrer et d'être présente pour lui. J'étais prête à tous les sacrifices pour me rattraper, Charlie, et je n'avais aucune intention de reculer pour une idylle naissante et bancale avec toi. Je ne te prenais pas vraiment au sérieux alors j'ai laissé Harry reprendre sa place, celle qu'il avait des années plus tôt, avant Victoria. Je suis redevenue sa moitié, il a fait tomber toutes les barrières établies depuis cinq ans en pensant que le fait que vous soyez amis fasse passer la pilule. J'ai laissé faire, sans mettre de limites parce que je voyais à quel point ça lui faisait du bien et parce que je savais que tu étais prêt à presque tout accepter par amour pour nous. Tu sais qu'il a eu à gérer bien plus lourd que nous après le naufrage et je n'avais vraiment pas la force et le cœur de lui tourner le dos pour toi", je l'écoutais répéter ce que je savais de longue date. Harry avait toujours été sa priorité et je leur avais effectivement donné toute ma confiance pour ne pas les perdre.

"Je ne t'ai jamais menti, je ne t'ai jamais trompé avec Harry et il ne s'est jamais rien passé non plus avant toi mais je sais que c'est allé trop loin malgré tout. Je l'ai compris à la honte et la culpabilité que j'ai ressenti en voyant cette déception et cette peine sur ton visage ce soir-là dans le jacuzzi. Parce que je sais que tu faisais tous les efforts pour accepter, donc j'ai compris forcément que j'étais allée trop loin et que je t'avais trahi si tu te mettais à désapprouver. J'ai toujours eu confiance en ton jugement. Et pour la première fois de ma vie, j'ai regretté. J'ai eu envie de te suivre jusqu'ici parce que je détestais l'idée d'être loin de toi, parce que je voulais être là pour toi mais surtout parce que j'ai réalisé que tu le méritais autant que lui et ça c'était tout à fait inédit. Harry a été ignoble avec nous parce qu'il n' a pas accepté que je fasse passer un autre homme avant lui", Mia pansait mes plaies sans s'en rendre compte avec ses paroles pleines de tendresse pour moi

"Ça ne m'explique pas pourquoi tu refuses toujours de lui parler aujourd'hui, Mia. Je dirai même que ça rend la situation encore plus incompréhensible"

"Il est allé trop loin dans ses paroles. C'est déjà une très bonne raison en soit"

"Mais tu le connais et tu t'attendais parfaitement à ce qu'il pète les plombs"

"Je ne m'attendais pas à ce qu'il m'enfonce et me tourne le dos. Je ne pensais pas qu'il aurait le cœur de tenir trois mois sans prendre de mes nouvelles, ni s'excuser"

"Tu as fait pire en partant du jour au lendemain au Mexique pour 6 mois et pourtant, il t'a pardonné. Il t'a pardonné aussi pour Adrien", les explications de Mia n'avaient aucun sens et me poussaient à prendre la défense de Harry bien que je n'en ai absolument aucune envie. Elle ne disait pas tout et je commençais à m'en agacer.

"Pour Adrien, il n'a rien eu à pardonner puisque Harry était le premier à avoir presque oublié mon existence à cause de son obsession pour Victoria. Au Mexique, il m'a pardonné par culpabilité parce qu'il avait choisi de me détester au lieu de penser à ce que j'avais moi aussi à gérer. Il m'a laissé sur le banc de touche alors que mes parents lui aurait dit pour le Mexique à sa première demande. Donc oui, il était mort de honte et dans tous les cas il avait intérêt à me pardonner parce que c'était dans son intérêt que je rentre à Paris pour lui faire oublier Victoria"

"Je n'avais pas vu les choses sous cet angle"

"N'est-ce pas ? Et il a eu encore la possibilité de se rattraper après l'annonce de notre départ pour Londres. Il allait beaucoup mieux à ce moment là, il aurait dû penser à toi, il aurait dû décider de faire passer mon bonheur avant le sien mais il a choisi de nous faire souffrir et de nous le faire payer. Donc ne te laisse pas berner comme je l'ai été. Harry n'a que ses intérêts à cœur"

"Et pour conclure, j'ai compris aussi avec du recul qu'il s'était immiscé et qu'il avait essayé de manœuvrer contre nous en voyant la place importante que tu prenais dans ma vie depuis Venise. Ça ne volait vraiment pas haut et ça n'avait rien de dramatique donc je te passerai les détails mais il n'empêche qu'il l'a fait. Donc comment est-ce que je suis censée digérer et passer l'éponge ?", je brûlais après ce dernier aveu. Mia ne me donnait pas plus d'information mais je prenais ses conclusions pour acquises. Je comprenais parfaitement sa rancœur désormais après ces dernières explications.

"Tu ne tiendras pas. Je ne crois pas une seule seconde au fait que tu sois capable de le rayer de ta vie"

"Je n'ai jamais dit que je l'envisageais. Il compte beaucoup trop, tu le sais bien, et j'aurai l'air fine en plus avec ce tatouage sur le dos maintenant...", je souriais malgré moi à sa dernière réplique sur son tatouage. Je trouvais à la réflexion que c'était un des pas les plus malins de Harry.

"Alors pourquoi tu t'infliges ça ? Pourquoi est-ce que tu ne vas pas directement à la conclusion pour vous éviter tous ces drames inutiles ?"

"Parce que Harry vient de me prouver qu'il ne m'aimait pas assez. Il n'y a plus beaucoup de doute possible sur le fait que je ne suis qu'un de ses caprices et sa roue de secours donc je vais arrêter de me sacrifier et de culpabiliser. Je vais rester à Londres parce que j'en ai envie et que je veux réussir dans ce que je fais. Je ne veux plus de sa présence envahissante et déséquilibrée. C'est une plaie dans ma vie sentimentale et tu le sais mieux que personne donc je ne risquerai plus mon bonheur pour un égoïste comme lui. Il n'en restera peut-être qu'une amitié sans saveur mais ce sera toujours mieux que tous les chagrins que je me suis infligée à sens unique, en parfaite idiote désespérée que je suis et qu'il sait parfaitement que je suis", je restais silencieux un moment après sa réponse et la dureté de ses propos. Mia n'était pas le genre de femme à pleurer bien longtemps, elle était incroyablement forte mais je devinais la peine que ces conclusions lui apportaient.

J'étais tenté de la réconforter mais j'en étais incapable car j'aurai été obligé de lui dire qu'il était amoureux d'elle et qu'elle était tout sauf un caprice. C'était la conclusion amère que j'avais eu le temps de digérer ce mois-ci. J'avais la triste conviction que je la précipiterais dans ses bras en lui faisant cet aveu et cette pensée me causait encore une peine immense. J'arriverai peut-être un jour à leur donner ma bénédiction mais pour l'instant je digérais douloureusement le fait que les dés étaient pipés dès le départ. Je devais apprendre à renoncer à elle alors que ton mon être la réclamait encore.

Elle le disait parfaitement, le naufrage avait changé nos vies. Il avait changé la mienne, il avait changé celle de Théo mais il avait eu encore plus d'impact les concernant tous les deux. Mia me le confirmait ce soir, les drames successifs qu'ils avaient vécu n'avait fait que de creuser toujours plus profondément la force et l'intensité de leur lien. Ce drame avec Adrien, le naufrage, leurs séparations de six mois, son agression sur la plage et cette nouvelle séparation depuis son déménagement à Londres.

Je le déduisais des rires, des danses et gestes de tendresse mais aussi des cris, des larmes ou de la violence de Harry. Cet homme n'avait jamais été un modèle de sagesse et de contrôle mais c'était devenu viscéral et obsessionnel chez lui depuis son retour de l'Île. Il pétait les plombs à première demande si Mia ou leur relation était menacée. C'était déjà très accablant en soit mais j'avais nié en bloc. J'ai arrêté de combattre l'évidence et j'ai baissé les bras définitivement après ce tatouage qui m'en disait long sur l'intensité de leur dernier voyage et la finalité de cette amitié. C'était devenu évident pour moi. Je savais que Harry était en train de perdre la tête de ne plus l'avoir dans sa vie. J'étais convaincu qu'il trouverait le courage prochainement d'affronter cette même vérité et de renverser ces onze années d'habitude et d'amitié avec Mia. C'était clair et c'était la suite logique maintenant qu'il n'y avait plus Victoria. Je savais qu'il viendrait réclamer son dû et je savais qu'il réussirait là où j'avais échoué. Je connaissais beaucoup trop bien Mia maintenant, je ne voyais aucune autre issue possible, je savais qu'elle serait prête pour lui, quand elle m'aurait oublié.

Je reprenais donc péniblement en gardant sous la pédale cette analyse.

"Très bien, tu m'as convaincu et je te comprends. C'est une très bonne idée si tu veux mon avis. Harry a besoin d'être remis à sa place plus que jamais. Je pensais plutôt le cogner mais ce sera beaucoup plus réjouissant de te regarder l'ignorer", elle riait maintenant de ma réplique. J'avais tenté l'humour pour reprendre pied et mettre un terme à cette conversation douloureuse.

"Julia t'a dit qu'elle l'avait insulté de pervers narcissique ?", j'avais repris face à son silence.

"Elle a fait quoi ?!", je recevais avec un plaisir délicieux son fou rire à la suite de ma confidence. Il était sincère et spontané et me faisait oublier un court instant cette situation cocasse. Je la regardais prendre son téléphone et me lire la définition du pervers narcissique, toujours prise dans son fou rire.

"Séducteur hors pair, recours facile à la violence, manipulateur, déviances sexuelles… oh mon dieu Charlie c'est son portrait tout craché, Julia est vraiment une excellente psy !", son rire était inarrêtable.

Nous avions réussi à tenir la conversation pendant une heure ensuite, de façon plus ou moins légère, je la voyais se détendre et s'allonger de façon plus nonchalante sur ce canapé. Les meilleurs moments de notre vie de couple remontaient brutalement à la surface sans que je ne m'y attende. Je commençais vraiment à être en peine face à elle, j'arrivais au bout de mes efforts pour ce soir. Il fallait que j'écourte, avant de succomber à mon envie lancinante de fondre sur elle et de la prendre à nouveau sur ce sofa, comme je l'avais fait tant de fois et comme je ne l'avais pas fait depuis deux très longs mois.

"Tu as le vol de quelle heure demain ?", c'était un bon moyen de la mener gentiment vers la sortie.

"Celui de 8h et toi ?"

"7h. Je t'attendrai au dépose-minute, on ira ensemble au domaine, j'ai loué une voiture", elle hochait la tête silencieusement en retour. Elle était tout aussi stressée que moi visiblement.

"On l'a déjà fait Mia, plus d'une fois, on peut tenir une journée de plus d'ambiguïté sans que tu ne tombes amoureuse de moi. Arrête de t'angoisser", j'avais gardé le sourire pour éviter d'afficher ma rancœur mais mon pic était réel. Je sentais que ma réplique l'avait mise mal à l'aise et je décidais de me relever du canapé pour mettre un terme à cette soirée éprouvante.

J'avais récupéré Mia ensuite à l'aéroport au petit matin, le lendemain. Nous étions sur les routes de Provence, la terre natale de Théo, en direction du domaine réservé pour les célébrations.

"Ce soleil ! Comme ça m'avait manqué !", je m'autorisais un coup d'œil en biais à Mia pendant qu'elle parlait avec ce sourire radieux sur son visage. La revoir encore ce matin me chamboulait, j'avais pensé à elle toute la nuit après son départ et le manque était revenu avec force.

"C'est vrai, tu commences à en avoir besoin ! Londres est en train de te transformer en vampire"

"N'est-ce pas ?! Je n'ai jamais été aussi pâle de toute ma vie !"

"Tu devrais retourner au Mexique, Ricardo serait ravi de t'accueillir pour les vacances", je n'avais pas pu m'en empêcher, je repensais aux dernières paroles de ce type qui lui avait proposé de revenir le jour où elle se lasserait de son anglais. Ce jour était arrivé bien trop vite à mon goût. J'osais un nouveau regard en coin, je voyais son air grave et je ne pouvais pas retenir mon rire nerveux. Je ne savais pas comment me dépêtrer de cette situation gênante au possible et je décidais de poser ma main sur sa cuisse avant de poursuivre. J'essayais d'ignorer instantanément le trouble intense que je ressentais à ce nouveau contact et je reprenais sur le ton de l'humour, qui était selon moi la seule échappatoire possible à cette journée embarrassante.

"Détends toi, amour. On doit passer une merveilleuse journée ensemble, ne l'oublie pas", Mia avait plusieurs rictus contradictoires sur le visage, elle peinait tout comme moi et se décidait à me rendre un sourire pour me montrer qu'elle était prête aussi pour cette parfaite journée de comédie. Elle s'autorisait même en retour à poser sa main sur la mienne et je reconnaissais à la douceur qu'elle mettait dans ce geste qu'elle ne se forçait pas.

Puis le reste de la matinée avait été tout aussi particulier. J'avais joué le jeu, avec beaucoup trop de conviction. J'avais gardé Mia près de moi et j'avais largement abusé avec toutes mes caresses et baisers. J'avais profité du fait qu'elle ne pouvait pas me repousser pour prendre encore ce que je pouvais d'elle. Je ne m'étais attendu à rien en retour, alors j'ai complètement perdu les pédales en remarquant les vagues de frissons successifs l'envahir et en reconnaissant ce voile de désir dans ses regards fuyants. J'avais persévéré encore plus à ce constat et je l'avais senti perdre pied. Ça en était arrivé à un point visiblement insoutenable puisqu'elle venait de se lever subitement et de quitter la table sur un de mes derniers assauts.

Je l'avais suivi jusque dans la cuisine. Elle me tournait le dos et n'avait visiblement pas remarqué ma présence. Je l'entendais respirer bruyamment et s'humidifier le front avec l'eau du robinet. Je la connaissais suffisamment pour deviner le désir puissant qui était en train de la consumer en ce moment. Je savais que je n'aurai jamais dû et que le retour à la réalité serait douloureux mais j'étais incapable de résister à mes pulsions. Elles ne m'avaient pas quitté depuis la veille et c'était encore pire depuis ce matin de la voir aussi belle pour l'occasion. Alors j'avais tiré profit de son moment de faiblesse en m'approchant d'elle, en collant fermement mon corps contre le sien et en posant mes mains sur ses hanches. Je l'avais senti se tendre et tenter de me repousser timidement mais je l'avais ignoré. Je lui avais laissé le temps de prendre la mesure de l'érection qui reposait contre ses fesses, j'avais déposé mes lèvres et ma langue contre cette zone de son cou que je savais hautement érogène, j'avais glissé une de mes mains sous sa robe pour caresser sa poitrine de la façon qu'elle préférait et j'avais terminé mon opération de séduction en glissant mon autre main dans son sous-vêtement, entre ses plis déjà trop humides. J'avais douloureusement envie de la prendre et je ressentais sous mes doigts la force de son désir aussi. Je l'entendais pousser le soupir d'appréciation qui me donnait définitivement l'autorisation de continuer. J'avais défait tous les obstacles pour libérer nos sexes et je l'avais prise silencieusement et prestement contre ce plan de travail. Il n'y avait eu aucun baiser entre nous, pas même après nos orgasmes car le tabou était mutuel.

Le moment avait été doublement interdit car j'avais forcé la main de cette femme qui ne voulait plus de moi et je l'avais fait dans ces circonstances outrageuses. Ça avait été divinement bon sur l'instant mais je l'avais écouté se confondre en excuse et partir avec ses regrets sur son visage ensuite. J'avais regagné ma place à côté d'elle à table et je voyais à quel point elle était désolée. Je m'étais décidé à intervenir car je savais qu'elle n'arriverait pas à le dépasser.

"Arrête avec cet air coupable. C'était un moment de faiblesse, j'en ai parfaitement conscience et je n'aurai pas dû en abuser. Je sais très bien que ça ne change rien. Passons à autre chose, tu veux bien ?", j'avais terminé par un baiser tendre sur sa tempe pour lui confirmer que c'était une affaire classée. Mia s'était laissée convaincre et j'avais reçu comme un pansement son étreinte pleine de tendresse en retour et c'est précisément ce moment que choisissait Harry pour faire son arrivée au déjeuner. Après trois mois sans nouvelle de lui et sans voir son visage. Il était le dernier que j'avais envie de voir pendant ces adieux douloureux avec elle et je réalisais que ma rancœur à son égard n'avait fait que de se renforcer malgré la distance et plus encore depuis les dernières confidences de Mia. Je le regardais saluer Théo et Julia de façon distraite et mon humeur s'obscurcissait encore plus en le voyant balayer la pièce du regard pour la trouver. Il tombait inévitablement sur le mien à son plus grand regret. Mia de son côté ne remarquait rien, elle était toujours dans mes bras et lui tournait le dos. C'était complètement puérile mais j'en profitais pour la garder encore plus contre moi et lui murmurer des mots à l'oreille pour tester les réactions de Harry et confirmer mes théories.

"Ton pervers narcissique vient de faire son arrivée à 6 heures derrière toi. A première vue, il attend désespérément que tu te retournes et que tu lui sautes au cou", elle se tendait à cette information mais elle souriait aussi de mes murmures complices.

"Et que veux tu que je fasse de cette information, Charlie ?"

"Que tu repenses à ce que tu m'as dit hier. Ne lui donne pas ce plaisir, rends-toi service, tiens bon et rentre à Londres sans un regard pour lui",

"Depuis quand es-tu devenu aussi machiavélique … Mais tu as raison alors s'il te plaît, ne me laisse pas changer d'avis", je l'entendais sourire, puis je la regardais se redresser et se concentrer de nouveau sur son déjeuner, sans jamais le regarder. J'avais accédé à sa demande avec un grand plaisir et j'avais veillé au grain toute la journée pour ne pas laisser à Harry la moindre opportunité de lui parler. J'avais prévu de m'interposer aujourd'hui dans tous les cas, avec ou sans l'accord de Mia car cet homme m'avait trahi de toutes les manières possibles et je ne voulais pas lui donner ce plaisir. Il m'avait trahi en restant dans l'indifférence totale face à mon malheur familial, il m'avait trahi en osant cette proximité sans limite avec elle, il m'avait trahi en posant ce tatouage sur son corps et il m'avait trahi en tombant amoureux d'elle.

Point de vue : Harry

"Hey poto, t'es où ?", Théo venait de m'appeler, il s'impatientait. J'arrivais un peu tardivement à cause d'un énième retard de train.

"Mon train vient d'arriver en gare, je suis là dans une heure sans faute cette fois. Ne me fais pas croire que je suis le dernier à arriver !"

"Et oui mon gars, tous le monde a pris le premier train. Ils sont tous arrivés avant toi même les anglais. Dépêche-toi où tu n'auras plus rien à bouffer. Heureusement que ce ne sont que les fiançailles", j'avais raccroché avec la boule au ventre à cette réflexion de Théo. Mia était arrivée et je mourrais d'appréhension de la revoir après ces mois d'absence. J'avais essayé de la joindre à plusieurs reprises depuis mon premier message il y a un mois mais elle m'ignorait de la pire des façons à mon plus grand désarroi. J'attendais donc beaucoup de cette journée, je savais qu'elle ne pourrait pas tenir cette distance en me voyant. Elle n'avait jamais pu. Ce froid n'était possible qu'à cause de la distance physique et je comptais bien profiter de ces fiançailles pour me réconcilier définitivement avec elle.

J'avais été accueilli par une grande embrassade de Théo à mon arrivée et assailli par les différentes salutations alors que les seules que j'espérais étaient celles de Mia. Je la cherchais du regard et je finissais par la trouver blottie dans les bras de Charlie qui me toisait au même moment avec hostilité. Le temps ne l'avait visiblement pas calmé et il y avait au moins cela de très clair désormais entre nous. Le constat avait un goût amer mais c'était un moindre mal à côté du reste. C'était un moindre mal par rapport à l'indifférence de Mia. Après quelques échanges mielleux horripilant entre eux, elle avait enfin quitté ses bras, en m'offrant tout le loisir d'admirer son visage. Ma gorge s'était nouée à cette vision. Elle m'avait terriblement manqué, je mourrais d'envie de l'approcher et ma détresse s'aggravait en constatant le soin qu'elle prenait à m'ignorer. Ça n'était jamais arrivé. Entre Mia et moi, c'était toujours de la tendresse, des rires ou bien des cris mais jamais ce mépris. J'étais donc complètement déboussolé d'avoir autant sous-estimé la gravité de la situation et elle avait tenu ce cap toute la journée.

La nuit commençait à tomber maintenant et Théo avait ouvert la soirée dansante avec Julia. J'avais laissé les invités profiter de la danse en me forçant à une ou deux reprises à les rejoindre pour faire acte de présence pour les fiancés mais je n'avais aucun goût à la fête. J'avais fini par quitter la salle pour prendre l'air et ne plus assister à ce spectacle insoutenable de Mia toujours aussi indifférente à ma présence. J'avais réalisé douloureusement aussi et avec une grande amertume que c'était la première fois de ma vie que je passais une soirée sans avoir l'honneur d'une danse avec elle.

"Ça va, mon gars ?", Théo venait de me rejoindre à l'extérieur dans mon pire moment de déprime. Je restais silencieux, j'avais la gorge nouée et j'étais certain que les larmes sortiraient avant les mots si j'essayais de répondre. Mais je ne voulais pas lancer le sujet avec lui et encore moins aujourd'hui pour ce jour de fête aussi important pour lui mais Théo n'était pas du même avis.

"Qu'est-ce que tu ressens de la revoir ?"

"Ce n'est pas le moment de parler ça, Théo. Tu as beaucoup plus joyeux à gérer", j'avais tenté le sourire forcé mais Théo me regardait maintenant sévèrement.

"Réponds-moi. Qu'est-ce que ça te fait de revoir Mia ?", je soupirais face à sa détermination. J'évitais son regard, je réfléchissais à la réponse et j'allais au plus simple.

"Mal...", je n'étais pas capable de plus et l'aveu était déjà douloureux.

"Tu crois à ma théorie maintenant ?"

"Ne recommence pas", j'évacuais rapidement encore mais pour la première fois en onze ans, je doutais. Je n'arrivais pas à conclure sur ce que je ressentais. Mais je savais que j'avais terriblement mal à l'idée de la revoir mais surtout de la perdre. J'étais reconnaissant à Théo de ne pas insister et je recevais sa main réconfortante sur l'épaule.

"Allez, arrête avec tes airs de chien battu. Tu sais très bien que tout va rentrer dans l'ordre, comme toujours entre vous deux. Va t'en occuper au lieu de te morfondre et de te pourrir la soirée. Mia part à la première heure demain, c'est ta seule fenêtre de tir", Théo réussissait encore le miracle de me remonter légèrement le moral et je me décidais de changer de sujet pour revenir au principal.

"Ne t'inquiète pas pour moi...Et félicitation, Théo. Vous êtes parfaits avec Julia. Tu as réussi l'exploit de trouver une femme aussi insupportable que toi", Théo me rendait une embrassade masculine et un faux coup de poing au ventre sur cette réplique. J'étais satisfait qu'il accepte de changer de sujet et de reparler de lui parce que je n'avais pas besoin de culpabiliser d'avoir plombé l'ambiance. Mon aveu était sincère qui plus est. Bien sûr que Julia était agaçante mais autant qu'elle était attachante, j'étais sincèrement ravi pour eux et j'avais trouvé le courage et l'humilité de lui dire aussi plus tôt dans la journée et de m'excuser pour mes derniers coups de sang injustifiés à son égard.

"Je compte sur mon premier témoin pour me guider dans le mariage !", je souriais à cette pensée. Théo avait en effet officialisé au repas son choix de témoin, j'avais été ravi et très peu étonné qu'il me choisisse. J'avais été plus renfrogné en sachant que Charlie était le deuxième. Julia avait bien sûr choisi de son côté Mia et une autre de ses amies.

"Je ne vais pas avoir beaucoup de conseils à te donner avec la courte expérience que j'en ai eu", j'avais répondu à mon grand étonnement plutôt naturellement, sans larme ni chagrin. Théo avait été gêné de ma réponse mais il avait compris à mon sourire sincère et à mon ton libéré qu'il n'avait plus besoin de me réconforter. J'étais le premier à m'étonner d'avoir tenu cette journée sans crise d'angoisse ou sentiments douloureux. J'avais réussi à le faire sans me torturer avec mes souvenirs de Victoria.

"Ok, alors dans ton domaine d'expertise incontestable, tu as pensé quoi de mon ouverture de bal, Patrick Swayze ?", j'étais soulagé encore une fois qu'il change de sujet.

"C'était pitoyable. Tu danses comme une chèvre, heureusement que Julia était là pour cacher la misère"

"Je t'emmerde", cet imbécile avait réussi à me décrocher un sourire supplémentaire.

J'avais fini par le rejoindre à l'intérieur un peu plus tard et je le regardais maintenant danser joyeusement avec Mia. Je restais assis à repenser aux paroles de Théo et je continuais donc de la fixer elle en attendant la première opportunité. Je la voyais justement quitter Théo puis la piste de danse sans Charlie à l'horizon. L'occasion était trop belle et je me précipitais dans la seconde après elle dans ce couloir. J'avais une poussée d'adrénaline terrible car je ne voulais définitivement pas rater ma chance.

"Mia, attends-moi !", elle ne me répondait toujours pas et continuait de marcher. Je me sentais encore plus bas que terre après cette nouvelle vague d'indifférence mais je persévérais et je courais jusqu'à l'avoir à portée de bras, en me risquant à prendre sa main. Et le contact me brûlait. Je brûlais de la sentir enfin après tous ces mois d'absence.

"Lâche-moi et oublie-moi, Harry !", Mia se débattait au même moment pour se défaire de mon emprise et en fuyant mon regard. J'étais dévasté par cette phrase et la froideur de son ton, j'aurai préféré qu'elle m'insulte ou qu'elle me frappe, j'aurai préféré tout sauf cette demande inacceptable. J'avais une angoisse sourde à l'idée qu'elle s'échappe de mon emprise et disparaisse de nouveau de ma vie alors je décidais de la pousser sans préavis contre le mur pour l'interdire de fuir. Je bloquais ses poignets de mes mains et je retenais ses mouvements en collant mon corps contre le sien et en usant sans scrupule de ma force.

Mia me tournait la tête avec humeur et de mon côté je la fixais. Je ne l'avais pas vu d'aussi près depuis beaucoup trop longtemps et elle était plus belle que jamais. Mon cœur subissait une embardée violente à cette vision et aussi au contact de son corps chaud et mince contre le miens. J'encaissais aussi et surtout à ce moment précis et avec un trouble infini, cette inédite et fulgurante envie de l'embrasser. L'envie était limpide et dévorante. Elle n'avait rien à voir avec l'avant-goût que j'avais eu en bouche à Las Vegas. Je mourrais d'envie purement et simplement de la presser plus encore contre ce mur, de goûter à ses lèvres et de glisser ma langue profondément dans sa bouche. Et j'étais complètement paralysé par ces sensations et ces émotions qui avaient le pouvoir de ravager cette amitié parfaite vieille de onze ans. Je percevais toute l'étendue du danger en pensant aux conseils de Théo alors je résistais encore une fois à tous mes sens. Je libérais au même moment ses poignets et je prenais son visage en coupe en glissant mes mains autour de sa nuque. Ces nouveaux gestes me mettaient encore plus à l'épreuve mais je parvenais instinctivement à respecter les limites habituelles entre nous.

"Si tu savais comme je regrette. Je regrette absolument tout, Mia. Tu me manques à un point que tu n'images pas. Il faut que tu oublies et que tu me pardonnes, je t'en supplie", les mots étaient sortis tremblants et avec un désespoir palpable. Je n'avais jamais supplié de ma vie, je ne savais même pas par où commencer mais je la sentais réceptive à mes paroles et à mes marques d'affection. Je ne savais pas comment m'y prendre mais j'avais prévu de poursuivre aussi longtemps qu'elle résisterait, du moins jusqu'à ce que la voix glaciale et menaçante de Charlie ne retentisse derrière mon dos pendant ce moment décisif de notre échange.

"Retire tes mains et éloigne-toi d'elle tout de suite, Harry", je sentais la colère me pousser à répondre à la menace mais j'étais également traversé par un éclair de lucidité qui prenait le dessus. Charlie venait d'avoir ce même ton qu'il avait eu avec Adrien. Je savais qu'il était sérieux et tendu et je ne pouvais pas encore perdre le contrôle devant Mia. J'avais aussi parfaitement conscience, cette fois, du caractère totalement inapproprié de ma position, de mes gestes et de mes intentions envers elle. Je décidais donc d'obéir péniblement à ses ordres et je me séparais difficilement d'elle à contrecœur, sans un regard pour lui en attendant la suite.

"Va dans notre chambre, laisse-moi m'occuper de ça", je regardais Charlie lui tendre la clé pour accompagner sa directive et lui forcer la main. J'aurais voulu lui briser les phalanges pour le punir de cette initiative mais je me contentais de fixer Mia en attendant qu'elle choisisse encore entre lui et moi. Je me décomposais silencieusement en la voyant accéder finalement à sa demande et partir. Je brûlais de rage ensuite face au sourire satisfait de Charlie.

"Fils de pute", je contenais encore mes gestes mais les mots se libéraient après le départ de Mia parce que c'était quelque chose que je n'acceptais pas : que qui que ce soit s'interpose entre Mia et moi. Et Charlie le faisait, il osait ce soir encore, et avec une insolence et un aplomb qui me révulsait.

"J'ai encore brisé un de tes petits plaisirs secrets ? J'imagine à quel point ça doit te frustrer après trois mois de sevrage forcé", je luttais face à sa nouvelle provocation. Ce concept était tout à fait nouveau pour moi mais je savais que je devais mettre de l'eau dans mon vin avec Charlie si je voulais réintégrer la vie de Mia.

"Je croyais que tu étais disposé à m'autoriser quelques balades à Big Ben alors pourquoi est-ce que tu m'as empêché de l'approcher toute la journée ? C'est cette histoire de tatouage qui te rend dingue, c'est ça ?", il ne fallait pas s'attendre à des formules de politesse pour ce premier échange en trois mois. J'allais droit au but et Charlie continuait de me toiser avec dédain.

"Tu veux dire ta petite déclaration d'amour ? Cette autre marque de respect et d'amitié ?", je faisais de mon mieux pour cacher le sentiment honteux et coupable que je ressentais. Je l'écoutais reprendre, sans le contredire.

"Non ce n'est pas ça Harry puisque je n'avais déjà plus une grande estime de toi quand je l'ai appris"

"Donc on en revient à une de tes basiques crises de jalousie ?", il hochait la tête pour me faire comprendre que non, en piquant ma curiosité.

"Je ne suis plus en position de lui faire des crises de jalousie. C'est terminé depuis le mois dernier entre Mia et moi. Je m'interpose parce qu'elle me l'a demandé. Et efface tout de suite ce début de sourire sur ton visage avant que je ne cède à mon envie de te péter les dents", j'avais effectivement commencé à rire mais parce que je ne le croyais pas. Charlie était nécessairement en train de se payer ma tête.

"Je ne te crois pas une seule seconde. Je vous ai observé toute la journée"

"J'ai vu ça et tu étais d'ailleurs très malaisant. Mais non, c'était bien l'histoire d'une journée, pour ne pas contrarier les fiançailles. On compte l'annoncer à Julia et Théo dans la foulée", j'étais interdit face à sa réponse. Charlie était maître dans le contrôle des émotions mais il ne cachait pas son air grave et sérieux en ce moment alors je comprenais qu'il était sincère, mais les pièces du puzzle ne s'imbriquaient pas.

"Mia serait rentrée à Paris si c'était vraiment le cas. Elle n'a aucune raison de rester à Londres si elle ne veut plus de toi", la réplique blessante était sortie malgré moi. J'avais sincèrement pensé à haute voix sous le choc de l'annonce et je regrettais aussitôt mes propos. Charlie faisait une pause, il avait cet air pensif qui ne laissait aucun doute sur le fait qu'il était en train de préparer une réplique bien sentie pour me faire payer mon indélicatesse.

"Et pourtant, elle a choisi de rester à Londres. Elle ressent encore le besoin de fuir ta bulle d'égoïsme et de nombrilisme comme elle l'a fait en s'enfermant avec Adrien ou en restant au Mexique. Il faut croire que sa déception pour toi passe avant son aversion pour Londres"

"Ça c'est ce que tu dis, Charlie", je ne pouvais pas perdre la face devant lui alors j'avais répondu mais sans grande conviction.

"Non, c'est ce qu'elle m'a confirmé hier soir et au déjeuner après un instant d'égarement sublime entre ses cuisses...", je restais droit et imperturbable. Ces détails sur le niveau d'intimité ne m'atteignait même pas mais surtout, je devinais qu'il le faisait exprès pour tester mes réactions.

"...Seigneur ! Ce genre de moment avec elle va vraiment me manquer mais j'aurai au moins la satisfaction de savoir qu'elle ne veut pas plus de toi", Charlie cherchait incontestablement à me provoquer mais j'étais encore trop abattu par sa précédente confession. Je m'étais arrêté à cette information essentielle, je n'arrivais pas à admettre et à comprendre que Mia veuille me fuir à ce point.

"Tu t'es embourbé dans un sacré merdier avec elle. Il va te falloir beaucoup plus d'efforts et d'introspection pour récupérer ton trône, crois-moi. Mia a plus d'estime pour moi que pour toi aujourd'hui. C'est aussi ironique de l'entendre conclure sur le fait que tu ne l'aimes pas assez alors qu'on sait parfaitement tous les deux que tu n'as jamais été aussi fou d'elle", je subissais sa conclusion honteusement et silencieusement. Charlie était arrivé aux mêmes conclusions que Théo de son côté. Il en était persuadé. Je prenais aussi ces nouveaux coups de massue et ses aveux tétanisants à propos de l'état d'esprit de Mia à mon sujet. Je restais silencieux mais je voyais Charlie se rapprocher et se positionner à quelques millimètres de mon visage en gardant ses mains dans ses poches. Je soutenais difficilement son regard mitrailleur.

"Je regrette tellement de ne pas t'avoir vu venir. Si j'avais eu un peu plus de lucidité, c'est ta gueule que j'aurais éclaté plutôt que celle d'Adrien", mon sang ne faisait qu'un tour cette fois et la situation aurait viré au règlement de compte si Théo n'avait pas débarqué au même moment.

"Hey ! Éloignez-vous tous les deux. Pas de ça à mes fiançailles. Rentrez chez vous, la fête est finie", Charlie réagissait avant moi en partant sagement sans autre marque d'intérêt à mon attention.

"Je t'ai encouragé à parler à Mia, pas à régler tes comptes avec Charlie. Tu vas juste aggraver ton cas en faisant ça"

"Je le sais très bien. C'est ce que j'ai essayé de faire mais son garde du corps n'était pas de ton avis"

"Alors tant pis. Tu vas te coucher et tu verras ça plus tard", j'obéissais à Théo et je regagnais ma chambre en digérant péniblement toutes les dernières informations de Charlie et mes émotions.

Je m'étais torturé de ces mois de silence et j'en avais entendu bien plus que ce que je craignais. J'étais incapable de m'endormir, je ne voyais que le visage de Mia à chaque fois que j'essayais de fermer les yeux, j'étais rongé par les regrets et par l'angoisse d'avoir franchi la ligne de non-retour avec elle. Je n'arrivais pas à fermer l'œil et la dernière chose à laquelle je m'étais attendu était d'entendre ce frappement de porte à cette heure tardive de la nuit. Je n'avais pas imaginé une seconde qu'elle pouvait changer d'avis et j'étais soulagé à un point inimaginable de la voir à ma porte.

"Ce n'est pas une visite de courtoisie, tu ne devrais pas être aussi satisfait de me voir", Mia entrait au même moment et je refermais silencieusement la porte derrière elle en essayant d'effacer ce début de sourire sur mon visage. Son introduction ne laissait aucun doute sur son niveau d'amertume et je savais d'expérience que la situation pouvait rapidement déraper si je ne la laissais pas docilement me malmener.

"Il faut que tu arrêtes de me harceler et de me forcer la main. J'ai besoin que tu me laisses tranquille", Mia attendait que je réponde et que j'accepte. Je m'étais juré de faire tous les efforts du monde pour qu'elle me pardonne mais cette demande-là était inadmissible.

"Je sais que je mérite largement ta colère mais tu ne peux pas me demander ça. Cette histoire va trop loin. Je regrette absolument tout ce que j'ai dit ce soir-là, je m'en mords les doigts tous les jours depuis mais c'était plus fort que moi. Tu sais très bien que ça ne voulait rien dire et que j'ai été dépassé par mes émotions", j'avais répondu très calmement, avec un regard grave et un ton sérieux.

"Justement, je te connais et je sais que tu n'es jamais plus sincère que dans ces moments. Tu pensais chacun des mots que tu as eu pour moi et Charlie"

"Non"

"Oh que si et ça ne sert à rien de mentir. Et dans tous les cas ça va bien au-delà de ce que tu as osé me cracher à la figure", je baissais la tête honteusement car elle avait raison et je n'en étais pas fier. J'avais eu un aperçu clair de ses motivations grâce à Charlie, je savais que j'avais tous les torts et je n'avais pas envie de m'enliser dans les détails et de lui donner l'opportunité de m'enfoncer davantage.

"Tu sais que je ne suis pas un ange, Mia, mais ça ne change absolument rien de ce que je ressens pour toi. C'est la seule chose qui compte en définitive, on ne va pas s'arrêter à ça ?"

"Ce que tu ressens pour moi ? Je suis un meuble Harry, tu as juste besoin de moi comme constante dans ta vie. Si tu m'aimais vraiment, tu n'aurais jamais eu la force et le cœur de me laisser partir de cette manière", je fermais les yeux douloureusement parce que j'avais terriblement de la voir remettre ça en cause.

"Tu m'as laissé quitter Paris en larmes, tu n'as pris aucune nouvelle de moi après ça, tu as attendu des mois avant d'envoyer le moindre message. Tu te fiches complètement de ce qu'est devenue ma vie à Londres. Tu n'en as rien à foutre de moi et tu es resté aussi indifférent et passif que tu l'as été il y a des années pour Adrien ou il y a quelques mois au Mexique. Tu ne sais même pas que c'est terminé avec Charlie".

"Je suis au courant", je ne voyais vraiment pas quoi ajouter d'autres. Ses conclusions me déchiraient le cœur mais je ne pouvais pas répondre sans en dire trop sur ce que je ressentais. Je n'arrivais pas à répondre ni à me justifier du reste et je n'arrivais pas à étoffer concernant sa rupture. Il n'était pas fait pour elle, j'en étais convaincu. Mia s'en remettrait, comme toujours, elle l'aurait oublié dans quelques semaines tout au plus, comme elle l'avait fait pour tous les autres.

"Et l'information te passe au-dessus de la tête. Je suis même sûre que ça te fait plaisir. Je sais que tu regrettes de m'avoir poussé dans ses bras depuis Venise et encore plus depuis que j'ai déménagé. Tu te frottes les mains de cette nouvelle parce que tu penses que je vais rentrer docilement à Paris pour te tenir compagnie", je gardais la tête baissée de peine. Mia avait tellement raison et tort à la fois mais je la laissais continuer car elle était clairement partie sur sa lancée et ses quatre vérités.

"Comment est-ce que peux-tu penser de cette manière ? Ce genre de pensée égoïstes ne m'a pas traversé l'esprit une seule seconde de toute ma vie. Tu es toujours passé avant tout et avant tout le monde. J'aurai préféré me crever les yeux plutôt que de me réjouir de ton malheur...C'était à mon tour Harry, j'avais enfin trouvé quelqu'un qui tenait à moi et qui méritait que j'essaye et tu m'as enfoncé et saboté en espérant que ça se termine. Tu l'as fait, sans aucun état d'âme alors que j'avais besoin que tu me soutiennes et que tu t'effaces pour une fois", je regardais ses larmes couler subitement et en totale impuissance. Je me sentais encore plus minable que ce dernier soir à Paris car je n'avais pas la colère ni le choc pour masquer la douleur et mes erreurs. Je me sentais aussi encore plus honteux qu'à ses révélations au Mexique après ces mois à la détester et lui en vouloir.

"Je t'ai dit que je regrettais...Il n'y a rien que je regrette plus que ça..."

"Tu regrettes juste les conséquences. Tu n'es pas désolé de nous avoir fait autant de mal avec Charlie, tu n'es pas désolé de ce qu'il vit aujourd'hui, tu n'en as rien à faire de savoir que j'ai le cœur brisé de cette rupture et que j'en pleure encore tous les soirs. Tu veux juste que je rentre parce que tu t'ennuies et qu'il n'y a personne que tu aimes plus que toi", ses mots étaient toxiques. Ils me brûlaient, ils m'éventraient mais je trouvais le courage de m'approcher d'elle malgré tout. Je priais pour qu'elle ne me rejette pas mais Mia se laissait faire contre toute attente. Elle acceptait mes mains sur son visage mais elle détournait son regard. De mon côté, je concentrais toutes mes forces pour ne pas me laisser submerger par ce contact et céder à mon envie de l'étouffer.

"J'ai été beaucoup trop loin, je me suis laissé débordé sans craindre les conséquences parce que je ne connais aucune femme plus forte et tenace que toi. Tu m'as toujours remis à ma place et tu as toujours passé sur mes excès. Je pensais que tu pouvais encore changer d'avis ou que la crise passerait. Je n'avais aucune intention de te tourner le dos. Et j'ai eu envie tous les jours de revenir vers toi. Je déteste l'idée de ne pas savoir ce que tu deviens ni comment tu vas et je n'ai jamais ressenti le vide aussi fortement de toute ma vie.

Crois-moi aussi si je te dis que je m'en veux aussi pour Charlie. Je m'excuserai certainement un jour mais pour l'instant je m'en contrefiche puisque ma seule priorité c'est toi. La seule chose qui compte aujourd'hui c'est que tu me pardonnes...

Je sais que je suis con et égoïste mais ça ne change pas le fait qu'il n'y ait rien ni personne qui compte plus que toi, Mia. Ça a toujours été le cas et ça ne changera jamais. Ce n'est pas du tout incompatible avec mes défauts. Tu peux me détester et m'en vouloir autant que tu veux mais je ne peux pas te laisser remettre ça en cause. Pas après toutes ces années et tout ce qu'on a partagé. Je sais que je me suis manqué plus d'une fois mais je t'ai aussi largement prouvé à quel point je t'aimais.

Je m'en veux, à un point que tu n'imagines pas. Tu sais que je mourrais ou que je tuerais pour toi. Je suis prêt à faire tous les efforts et à changer pour que tu me pardonnes. Tu es ma meilleure amie, tu es ce qu'il me reste de plus précieux au monde et j'ai besoin de faire partie de ta vie... Donne moi tes nouvelles conditions, je ferais tout ce que tu me demanderas. Je sais que je suis le dernier des cons mais j'en suis capable Mia. Je t'assure que je le ferai pour toi", j'essuyais ses larmes de mes doigts en même temps que je concluais. J'avais une peine immense de la voir dans cet état, j'aurais voulu remonter le temps et ne jamais rentrer du Nevada. J'aurai voulu la garder éternellement dans mes bras avec ce sourire merveilleux sur son visage. Je n'avais aucune idée de comment gérer sa peine aujourd'hui ni son chagrin d'amour et j'avais besoin qu'elle me le dise. Alors j'étais suspendu à ses lèvres et à sa sentence.

"Je veux rester à Londres, sans toi. Je veux continuer la danse, avec d'autres que toi. Je veux tomber amoureuse, sans avoir à m'inquiéter de toi. Je ne veux plus jamais sacrifier mon bonheur pour toi. Si tu n'es pas d'accord avec tout ça, tu peux continuer ta vie sans moi", Mia me fixait intensément de ses yeux noisettes et déterminés pendant sa réponse.

J'intégrais progressivement sa réponse et j'hochais la tête péniblement pour lui confirmer mon accord, non sans mordre mes lèvres ni souffrir de ses conditions et de son regard dur. J'acquiesçais à toutes ses demandes, j'encaissais silencieusement qu'elle ne veuille pas de moi et qu'elle ait envie de vivre loin de moi.

"Je ferai tout ce que tu voudras", mes mains étaient toujours posées sur son visage. Je la laissais se dégager et quitter la chambre, sans un mot de plus à mon attention et j'étais aussi soulagé que tourmenté après son départ.

Mia était venue me voir, c'était un début, certes, mais la fin était loin d'être heureuse car je ne l'avais jamais vu aussi dure et indifférente. J'étais perdu face à ce timing plus que mauvais. Mia me mettait à distance alors que je prenais la mesure de mes sentiments pour elle. J'allais devoir contenir cette nouvelle flamme qui m'embrasait violemment en sa présence et c'est la partie qui m'inquiétait le plus car je n'avais jamais fait ça de ma vie. Je n'avais jamais agi contre mes instincts et mes envies. Je ne savais pas si j'en étais capable mais j'allais être obligé de m'y tenir pour tenir ma promesse et retrouver une place dans sa vie.

Point de vue : Mia

Cet écart de conduite au déjeuner avec Charlie avait été tout aussi malheureux que délicieux. J'avais été incapable de résister à ses avances car le manque avait été trop vif et notre séparation trop brutale. Il fallait que cet écart soit le dernier puisque je ne pouvais pas lui infliger de nouvelles peines et de faux espoirs à ma guise à chacune de nos rencontres. C'était la pire des choses à faire pour tous les deux et encore plus en le voyant se résigner et accepter ma décision sans remous. Ce dernier point d'ailleurs me libérait tout autant qu'il me torturait. J'étais donc épuisée au terme de cette journée de comédie qui avait eu des airs d'adieu.

Toutes ces émotions avec Charlie avaient exacerbé ma colère à l'arrivée de Harry. Il avait passé son temps à me fixer de son regard insistant, sans jamais avoir la décence de me laisser faire mon deuil de Charlie en paix. J'avais trouvé la force de l'ignorer grâce à cette colère et cette rancœur. Mes convictions étaient inébranlables et j'avais tenu grâce à l'aide précieuse de Charlie jusque la soirée.

Harry m'avait donc prise au dépourvu dans ce couloir ensuite. Je ne m'attendais pas à ce qu'il m'impose cette proximité, ni à ce qu'il m'étourdisse avec son odeur si parfaite et familière. Je n'avais pas non plus prévu de l'entendre me supplier et s'excuser aussi intensément, comme il ne l'avait jamais fait de sa vie. Quoique j'en dise, Harry avait toujours la même importance et la même emprise sur moi et j'avais pris la poudre d'escampette à l'intervention de Charlie pour ne pas leur montrer à tous les deux que j'étais en train de flancher.

J'avais attendu ensuite que Charlie regagne la chambre et qu'il s'endorme pour aller régler mes comptes avec Harry car j'en perdais la tête. Mon absence était passée inaperçue et j'avais pu m'endormir le cœur plus léger au retour malgré cette confrontation éprouvante. J'étais convaincue d'avoir pris les bonnes résolutions et pour une fois Harry avait admis, compris et accepté. Il avait également tenté de me réconforter et réitéré ses regrets et ses excuses. C'était suffisant pour faire taire ma colère à ce stade même si je restais sceptique sur ses capacités à tenir promesse et sur mon avenir avec lui.

J'avais gardé mon escapade nocturne secrète au réveil ensuite pour ne pas faire de peine à Charlie et j'avais continué la comédie en partant du domaine sans un regard pour Harry. Je m'étais attendu à ressentir de la peine parce que je ne savais pas quand je le reverrais mais je n'en avais eu aucune. J'étais anesthésiée parce que la seule chose qui me hantait ce matin était la perspective d'officialiser ma rupture avec Charlie et de le quitter définitivement au terme de ce weekend. J'étais encore sur ces pensées en ce moment, depuis mon siège passager.

"Il n'y ont vu que du feu, Julia était tellement contente de nous voir. On aurait peut-être dû finir sur une dispute pour préparer le terrain et lui éviter une crise cardiaque", j'avais pris la parole dans une pâle tentative d'humour pour entendre une nouvelle fois sa voix, pendant que je le pouvais encore.

"De mon côté, je retiens surtout que tu as tenu tout un weekend sans céder au harcèlement de Harry. Les chances de voir ça de mon vivant étaient tellement faibles que la foudre pourrait s'abattre sur cette voiture maintenant. Il s'est pris une belle claque et je me sens beaucoup plus léger", je riais à gorge déployée de son intervention et je culpabilisais secrètement pour ma virée nocturne.

"C'est mal de se réjouir du malheur des autres"

"Je sais, et ce n'est pas dans mes habitudes, j'en ai presque honte, pardi !", je l'admirais pendant qu'il souriait. Charlie était infiniment beau en plus d'être merveilleux. Il me manquait déjà. Il allait refaire sa vie bientôt sans moi avec une femme à sa hauteur et je finirai certainement seule entourée de plusieurs chats, en me sentant minable de l'avoir laissé filer.

"Et tu ne devrais pas. Harry l'a amplement mérité. Je suis désolée Charlie, pour tout. Tu ne mérites rien de tout ça et je ne mérite vraiment pas que tu fasses tous ces efforts pour que les choses se passent aussi bien"

"Bien sûr que tu le mérites. Et tu n'as pas à être désolée, tu as essayé. Il n'y a eu que des obstacles depuis le départ et j'ai largement ma part de responsabilité dans cet échec aussi. Ça n'était sûrement pas fait pour marcher. C'était une merveilleuse et délicieuse parenthèse... ", je rougissais de sa dernière affirmation qu'il prononçait avec un sourire léger et charmeur qui me peinait encore plus.

"Écoute, on va devoir continuer nos vies séparément mais je n'imagine pas de changer de trottoir à chaque fois que je te croiserai. On ne l'a jamais vraiment été mais j'aimerai qu'on puisse devenir amis un jour. J'aimerai sincèrement qu'on y arrive. Je sais que ça ne se fera pas en un jour à cause de ce léger problème d'addiction qui pourrait nous perdre dans d'autres sublimes apartés mais quand le sevrage sera passé, je pense que je serais plus que ravi de te recroiser".

"J'adorerai ça aussi, Charlie. Même si je n'ai pas encore trouvé de solution pour éviter ces "envies d'aparté" comme tu dis. Il va vraiment falloir que je travaille sur cette partie là...", je me mordais les lèvres de façon incontrôlée sur cette réplique, j'étais incapable de détourner mes yeux de sa bouche et je mourrais d'envie de lui retirer cette chemise qui le mettait diablement en valeur. Charlie me sortait de mes observations et de ma transe au même moment.

"Tu pourrais commencer par regarder le paysage au lieu de me dévorer des yeux et de lécher tes lèvres", il me rendait un coup d'œil intense avec une voix profonde et beaucoup trop sensuelle, il était parfaitement conscient du cheminement de mes pensées.

"Et comment je dois faire pour ta voix ? Parce que je l'aime infiniment depuis le premier jour et je n'ai jamais réussi à contrôler mon "intérêt" et les sensations insoutenables qu'elle renvoyait entre mes cuisses", je me pinçais de nouveau les lèvres d'avoir encore été trop loin. Charlie n'avait rien manqué de ce nouveau geste. Il prenait un virage inattendu au même moment en s'engouffrant dans ce chemin de terre désert et en tirant ensuite le frein à main fermement. Son initiative subite achevait mon état. Je l'entendais soupirer et fixer mes cuisses avec un regard lourd d'intention. L'air était devenu difficilement respirable dans l'habitacle.

"C'est la dernière fois, Mia", j'hochais la tête docilement à sa proposition et à l'entente de mon prénom. Son ton autoritaire me chargeait encore plus de désir et d'excitation et me faisait atterrir dans les secondes qui suivaient sur ses cuisses. Je retirais mon haut et mon soutien-gorge en faisant uniquement glisser mon sous-vêtement sous ma jupe. Charlie s'occupait au même moment de son pantalon et de sa chemise pour nous offrir ce peau à peau grisant et délicieux.

"Tu vas devoir arrêter de me dire ce genre de chose ensuite même si tu les penses, sinon ça n'en finira jamais", je le laissais à peine terminer ses nouvelles directives, je me jetais sur sa bouche sans aucune intention d'en finir pour aujourd'hui. Je m'accordais cette fois largement le droit de goûter ses lèvres et je choisissais ce baiser parfait pour m'empaler divinement bien sur son sexe. Je n'avais eu besoin d'aucune préparation pour le recevoir, j'étais humide comme jamais à la perspective de ce nouveau privilège inespéré. Je m'appliquais parfaitement sur ces vas-et-viens qu'il rythmait en retour par ses caresses et ses gestes fermes autour de ma taille. Ses baisers étaient de plus en plus fiévreux et profonds et la tête me tournait davantage à chaque coup de bassin. Je ralentissais péniblement mes mouvements à ce constat pour prolonger indéfiniment ce moment. J'avais besoin de me perdre encore plus dans son étreinte passionnée et aimante qui allait incontestablement me manquer. Pourquoi avait-t-il fallu que ça se termine pour que ça devienne aussi bon ?