Point de vue : Liam

Je venais d'arriver au studio et je saluais Sam d'une poignée de main virile en prenant la direction de l'étage. J'entrais et sortais comme je le voulais désormais grâce au laisser-passer de Mia. J'avais pris l'habitude de venir presque quotidiennement depuis deux semaines pour récupérer Olivia. J'avais été loin de me douter que mes retrouvailles avec Mia ouvrirait sur cette relation et je m'étais fait très agréablement à l'idée avec une fierté non contenue.

C'est donc avec une grande déception que je constatais ce soir que le cours du jour était terminé. Je venais de rater une nouvelle occasion de l'admirer et j'assistais bien au contraire à un défilé d'hommes de chantier beaucoup moins sexy qui s'affairaient dans la salle. Olivia arrivait au même moment et se jetait à mon cou, déjà prête au départ.

"Qu'est-ce qu'ils préparent ?", elle me rendait un sourire plus que mystérieux.

"Les...accessoires...pour les prochaines chorées"

"Accessoires ? C'est nouveau ça ? Je dois m'inquiéter ?", elle hochait la tête dans tous les sens en me menant en bateau, en mimant tantôt oui, tantôt non. Elle riait ensuite très franchement de mon air inquiet.

"Ça risque de te plaire et ça plairait énormément à ton Harry aussi. A sa place je viendrais célébrer Thanksgiving à Londres à la fin du mois", Olivia n'en démordait pas depuis mes dernières confidences sur l'oreiller. Elle m'avait travaillé au corps concernant Harry et Mia après avoir vu leurs photos du festival. Elle avait eu des arguments imparables pour me faire craquer. J'avais retenu les détails pour ne pas trop trahir Harry mais elle savait dans les grandes lignes qu'il était intéressé. Elle était obsédée depuis à l'idée de remporter ses deux derniers paris avec les filles. Je n'avais pas avoué à Harry mon écart et il était loin de se douter qu'il venait de gagner une alliée de taille, peut-être plus fourbe que lui, dans sa bataille pour le cœur de Mia.

"Bonsoir Monsieur le voyeur", Mia venait d'arriver et me saluait chaleureusement.

"Vous êtes prêtes, on peut y aller ?"

"Je vous rejoins, je vais attendre qu'ils aient installé les barres. Je n'ai pas envie qu'ils me ruinent le local"

"Les barres ?"

"Oui, pour le show polesque avec Olivia. Elle ne t'a pas mis au courant ?"

"Non, je voulais lui faire la surprise, donc merci beaucoup Mia !"

"Trop tard maintenant donc racontez-moi ?", Mia hésitait puis me racontait avec l'accord de Olivia.

"J'ai prévu un show privé pour Thankgsiving. Je vais proposer un package avec un spectacle d'une heure et l'entrée VIP au QG avec les filles au complet. On doit boucler le teaser et les interviews d'ici dimanche pour faire le buzz. Je mets une vingtaine de places aux enchères, en espérant pouvoir financer grâce à ça les nouveaux projets que j'ai pour le studio. Plus encore, la numéro 1 mondiale de la discipline a accepté de venir à Londres pour préparer les chorégraphies. C'est notre première collaboration et le plus gros projet qu'on ait jamais eu jusqu'à présent..."

"C'est...génial... ! Vous allez toutes danser ?"

"Juste ta femme et moi pour la partie pole dance mais les filles feront les entractes pour nous permettre de nous changer entre les séquences ! Le duo a beaucoup été plébiscité sur les réseaux, les enchères devraient monter plus vite et Olivia est dans tous les cas la seule qui est de taille pour ce que je prévois. Tout repose sur nos épaules... !"

"Ça va faire un bruit pas possible dans la ville ! Je suis sûr que vous serez incroyables", les filles trépignaient et se frottaient les mains en retour. Elles étaient très excitées par ce projet et effectivement le programme et le concept étaient détonants. J'étais pensif et très rêveur également à l'idée de cette soirée qui allait mettre en valeur les deux plus belles et meilleures danseuses d'Angleterre. Effectivement, Harry ne voudrait pas rater l'événement sexy et VIP de l'année.

"Surprise !", je restais sous le choc et je prenais l'accolade franche de Harry en le regardant entrer chez moi cet après-midi avec sa valise. Je ne l'avais pas revu depuis plusieurs mois, depuis mon séjour en catastrophe en France après avoir appris comme tout le monde la nouvelle de son sauvetage et de son rapatriement à Paris.

"Qu'est-ce que tu fous là ?!"

"Mia ne me calcule plus depuis hier, je devenais dingue à Paris", je riais de sa réponse. Son obsession virait à la psychiatrie ces temps-ci.

"Et pourquoi tu ne m'as pas appelé comme d'habitude ?"

"Parce que je sens que je commence à te saouler et cette situation me gave aussi"

"Ok. Mais pour le coup tu aurais mieux fait de m'appeler. Tu as vraiment choisi le mauvais weekend. Mia ne te calcule plus parce qu'elle vient de commencer un gros projet avec Olivia. Je n'ai pas de nouvelles non plus, elles passent leurs vies au studio. Donc rien contre toi a priori, enfin je crois"

"Gros comment le projet ?"

"Très gros. Tu verras ça bientôt, elles préparent une première vidéo"

"Donc tu es en train de me dire que j'ai fait tout ce trajet pour la voir en coup de vent ?"

"C'est à peu près ça. La journée tu peux oublier, c'est à peine si elles prennent des pauses déjeuner. On essaiera de sortir en soirée mais ce n'est pas gagné, elles sont chaos tous les soirs et Mia est une boule de nerf. Je crois que tu vas devoir te contenter de moi la majeure partie du temps".

"Génial…"

"Enfoiré...", Harry me rendait une nouvelle accolade et me frottait les cheveux de façon très fraternelle et en riant.

Point de vue : Mia

"OHHHHH!", je regardais Olivia fixer son téléphone avec un immense sourire pendant sa pause et s'exciter.

"Quoi ?"

"Devine qui vient de frapper à la porte de Liam ?!"

"Qui ?"

"Ton Harry !", mon cœur s'emballait d'excitation en entendant la nouvelle. Tout mon être mourrait d'envie de le revoir et de passer ce weekend avec lui et c'était catastrophique car le moment était plus que mal choisi car je n'avais aucun temps à lui consacrer.

"Ah je vais enfin rencontrer cet homme ! Si tu savais comme j'ai hâte ! ...Mmh...Pourquoi ça n'a pas l'air de te faire plaisir ?"

"Parce qu'on doit boucler le teaser pour dimanche Olivia. C'est catastrophique, on ne sera jamais prêtes. Harry va nous pomper l'air, cet homme est une vraie sangsue !"

"Mia, on avance très bien, ne t'inquiète pas. Tu as toute ma concentration et je ferai passer le message à Liam ce soir pour qu'ils nous laissent tranquilles !", j'étais vraiment rassurée de voir qu'elle était aussi mobilisée que moi sur le projet, elle faisait de son mieux pour me canaliser depuis hier mais je n'arrivais absolument pas à me détendre. J'étais dans un état de stress constant, à devoir faire les politesses avec notre invité d'honneur, à jongler avec toute l'organisation en plus des entraînements qui étaient physiquement épuisants. J'avais largement sous-estimé l'ampleur de la tâche et j'aurai mieux fait d'anticiper davantage pour être sûre d'être prête pour Thanksgiving.

Olivia continuait d'échanger des messages en même temps et prenait de nouveau la parole.

"Liam demande si on dîne avec eux ce soir ?"

"TU VOIS ! Qu'est-ce que je te disais. Ça commence déjà ! Tu refuses gentiment l'invitation Olivia. On a besoin de se reposer !"

"OHHH mais t'es hystérique ma parole ! Tu comptais bien t'alimenter à un moment non ? Donc on mange avec eux et tu rentres dormir ensuite, ce n'est pas incompatible. Je leur réponds qu'on est dispo, point barre, je ne suis pas une danseuse étoile, j'ai besoin de pause. Et tu ne vas pas faire ta sauvage et accueillir aussi mal Harry", je comprenais que c'était absolument inutile de la contredire et je nous remettais donc rapidement au travail pour optimiser le temps restant avant le repas. Du moins j'essayais puisque comme je le craignais, j'avais déjà la tête ailleurs à la perspective de revoir Harry.

Point de vue : Harry

J'étais assis à la table du restaurant et j'allais enfin la revoir après ces mois de séparation. Je me liquéfiais de savoir comment elle se comporterait avec moi mais j'avais encore plus peur de savoir comment je me comporterais avec elle maintenant que j'avais pleinement conscience de mes sentiments. La tâche s'annonçait pénible et difficile et je mesurais un peu plus à quel point à la déferlante d'émotions et de frissons que je subissais en la voyant entrer en ce moment au sein de l'établissement en compagnie d'Olivia.

Elle était tellement parfaite et élégante dans cette tenue d'hiver. Ce long manteau recouvrait son corps en ramenant l'attention sur son visage merveilleux et ses boucles brunes soyeuses qui tombaient en cascade sur ses épaules. Il n'existait pas de plus belle femme que Mia de mon point de vue. C'était un fait que j'avais établi depuis des années et qui était partagé par la quasi-totalité des personnes qui croisait sa route et cela se vérifiait encore ce soir au nombre de regard et de politesse qu'elle recevait dès son arrivée.

Depuis toutes ces années, je prenais un plaisir fou à l'admirer et à l'habiller. Être son meilleur ami avait toujours été ma plus grande fierté mais depuis quelques semaines, c'était mon plus grand malheur puisque je ne rêvais plus justement que de la déshabiller. Je brûlais d'envie de toucher sa peau, de glisser mes mains le long de ses fines jambes, d'empoigner ses fesses généreuses, de caresser son ventre plat, de lécher sa poitrine ferme et voluptueuse, de baiser sa nuque et de goûter à ses lèvres délicieuses. J'en mourrais d'envie mais je ne pouvais pas alors que j'avais toujours eu sans difficulté toutes les femmes que je voulais. Je n'avais donc jamais rêvé aussi fort et aussi longtemps d'une femme de ma vie. Mes nuits et mes réveils n'avaient jamais été aussi douloureux que ces dernières semaines et j'en perdais la tête. Cette envie de baiser et caresser la moindre parcelle de son corps me consumait et de l'avoir enfin face à moi sans avoir ni le droit ni la possibilité de laisser libre cours à mes pulsions me torturait.

J'avais été obligé de baisser le regard un court instant pour contenir toute mon agitation en la voyant approcher. Je devais me ressaisir rapidement car il ne me restait plus que quelques secondes pour décider de la forme des salutations. Le baiser langoureux que j'avais en tête aurait été certainement trop précipité et l'étreinte étouffante définitivement trop friendzone. Alors je n'avais vraiment pas trouvé mieux qu'une bise timide sur sa joue, ponctuée d'une caresse chaste sur sa taille, qu'il n'en déplaise à Théo. C'était à des années lumière de ce que j'aurais eu envie de lui faire en ce moment mais mon cœur s'apaisait légèrement en recevant avec un plaisir infini sa caresse affectueuse sur ma nuque et ses lèvres douces et fraiches sur ma joue. Mia prenait place ensuite sur la chaise située en face de moi et je me réinstallais poliment en croisant mes bras sur la table et en la détaillant sans retenue.

Elle s'installait encore, elle se mettait à l'aise en retirant ses surcouches hivernales et je la regardais dévoiler ce corps fabuleux si cher à mon cœur. Je m'émerveillais silencieusement de la délicatesse de ses mains qu'elle découvrait en retirant ses gants, j'admirais avec envie sa nuque délicate et je mordais l'intérieur de ma joue pour ne rien laisser transparaître de mon plaisir à la vue de ses épaules et de ce décolleté sublimes qu'elle révélait en retirant son manteau.

Mia s'était rapprochée de moi une fois déshabillé, en croisant les bras à son tour sur la table et en approchant son visage du mien de façon neutre. Mon corps s'était réchauffé encore plus à cette nouvelle proximité, je pouvais sentir les effluves de son parfum délicieux, admirer les détails de son visage et ces lèvres que j'avais l'impression de redécouvrir après toutes ces années. J'essayais de me ressaisir, j'arrêtais de fixer sa bouche et je décidais de me rabattre sur ses yeux. Je m'étais préparé à lire la même amertume ou la déception qu'elle avait eu aux fiançailles. J'avais envisagé également l'agacement ou l'indifférence tout simplement. Mais ce n'était pas le cas. Mia me couvait en ce moment avec cette lueur et cet éclat dans son regard que je connaissais parfaitement et qui me réchauffait le cœur depuis toutes ces années. Je lui avais manqué, j'en étais presque persuadé et donc profondément soulagé. C'était tout ce que je rêvais de revoir dans ses yeux depuis cette séparation déchirante à Paris et c'était tout ce qu'elle se refusait à admettre depuis nos derniers échanges.

"Alors, qu'est-ce qui t'amène à Londres ce weekend de façon si inopinée ?", Mia feignait l'indifférence et la neutralité à sa question mais son regard ne me trompait pas.

"Juste une envie subite de voir mon petit cousin...", je lui avais rendu un sourire taquin mais prudent en reculant sur mon dossier instinctivement par précaution. Je ne voulais pas crier victoire trop tôt et je redoutais malgré tout sa réaction mais mes précédentes conclusions se confirmaient définitivement en voyant ce sourire malicieux et radieux envahir son visage à ma réponse. Mia était définitivement ravie de me revoir et j'étais fou de joie. C'est ce moment que choisissait Olivia pour faire éclater ma bulle de bonheur.

"Harry, je dois dire que je suis plus que honorée et ravie de faire enfin ta connaissance !"

"Le plaisir est partagé, Olivia"

"Ok...Rendez-moi service, restez à distance tous les deux et ne vous parlez pas de la soirée", l'intervention de Liam venait de faire rire toute la tablée et de donner le ton. Mia était celle qui avait ri le plus franchement à cette réplique. Je n'avais vu passer aucune pointe de jalousie ni possessivité dans son regard et je soupirai très largement en mesurant à quel point j'allais devoir sortir les rames pour qu'elle me voit différemment.

"Parle-moi de toi ! Je veux tout savoir du cousin de mon cher et tendre et du meilleur ami de ma mentor", Olivia ne perdait pas de vue son objectif malgré l'interruption de Liam. J'étais amusé et je décidais d'assouvir sa curiosité sans savoir à quel point j'allais bientôt le regretter.

"Je t'écoute"

"Mmh, commence par me dire de quelle façon tu occupes tes journées en ce moment. Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?", j'avais aperçu l'air gêné de Liam, il n'avait bien sûr pas eu le temps de la briefer avant mon arrivée.

"Plus grand chose malheureusement et ça devient lassant", j'avais répondu sans engouement puisque ce sujet devenait effectivement existentiel. Théo avait repris l'immobilier, Charlie le droit, Mia la danse et j'étais le dernier à encore végéter et à regarder les journées défiler.

"Et ta carrière sportive ?"

"Tu es bien informée…", je souriais de la curiosité a priori assez maladive de cette fille.

"N'est-ce pas ?", elle était sûre d'elle et audacieuse. Deux qualités parfaitement compatibles avec Mia et qui justifiaient encore plus sa préférence pour cette danseuse.

"Pour répondre à ta question, je l'ai mise en berne il y a quelques mois, mais je réfléchis sérieusement à reprendre", j'avais terminé ma phrase plus timidement.

"Vraiment ? Tu ne m'en a pas parlé...", la réaction de Mia ne tardait pas comme je l'avais prévu.

"Parce que c'est récent. Philippe m'a contacté cette semaine. Il m'a proposé de reprendre le mois prochain", je m'étais complètement désintéressé de Olivia pour répondre sérieusement à Mia. Philippe était mon agent sportif depuis des années, j'étais son meilleur élément et il s'était risqué un coup de fil la semaine dernière pour savoir si j'envisageais de reprendre du service malgré tout. Je n'avais pas voulu en parler à Mia, dans le contexte déjà fragile du moment car le sujet avait toujours été sensible avec elle. Je marchais sur des œufs car il avait le potentiel de nous faire replonger dans de nouvelles tensions.

"Pour quelle discipline cette fois…?", Mia s'était mise à me fixer lourdement, je détournais désormais mon regard car je me doutais que ma réponse allait lui déplaire à l'intensité avec laquelle elle me fixait. Je lui répondais d'un air le plus décontracté possible en feignant un intérêt soudain pour le menu du jour.

"Base jump", j'entendais au même moment Olivia et Liam s'en émoustiller et je m'autorisais à relever la tête vers Mia face à son silence anormal. Mes performances et prises de risques étaient une source de divertissement et d'admiration intarissable pour les gens, mais ça avait toujours été l'inverse pour Mia et cela se confirmait encore une fois. Je ne ratais pas un passage de son haussement de sourcil et de son air désapprobateurs mais je la voyais se mordre les lèvres pour éviter tout commentaire. Dans un contexte normal, j'aurai eu droit à des cris et des sermons, mais elle se retenait ce soir certainement à cause de la présence du couple et je l'espérais aussi pour ne pas gâcher nos retrouvailles. Qu'en importait les raisons, j'étais plus que soulagé d'échapper à ça ce soir car cette spécialité en particulier avait toujours fait couler beaucoup d'encre entre nous. Elle était parvenue à m'y faire renoncer il y a sept ans. La négociation avait été longue de plusieurs mois et elle était arrivée à ses fins par la méthode douce. Je lui avais proposé d'arrêter à la condition qu'elle s'offre un grand frisson en tête-à-tête avec moi à chacun de mes anniversaires et elle avait accepté.

L'euphorie et la curiosité débordantes de Olivia en ce moment contrastaient donc remarquablement avec la nouvelle humeur renfrognée de Mia. J'avais dû œuvrer habillement pour amener Olivia sur un autre sujet de conversation pour détendre Mia mais j'avais subit en retour son interrogatoire pendant la majeure partie du repas. J'avais rendu la politesse par respect pour Liam mais je m'agaçais intérieurement d'être autant monopolisé par cette inconnue, aussi sympathique soit elle, alors que j'aurais voulu me retrouver en la seule compagnie de Mia. Olivia était inarrêtable mais je faisais une dernière tentative pour reprendre le contrôle en sentant la fin du repas arriver beaucoup trop vite.

"C'est à mon tour de poser les questions maintenant. Et si vous m'en disiez plus sur ce mystérieux projet dont m'a parlé Liam tout à l'heure ? Mia ?", j'avais bien insisté sur son prénom pour dissuader Olivia de répondre à sa place pour la énième fois. Mia avait eu une minute d'hésitation puis elle s'était lancée. Je pouvais enfin m'émerveiller de ses sourires, me perdre dans ses yeux et écouter religieusement ses paroles. Je pouvais enfin boire à la source et je prenais un plaisir monstrueux, ponctué d'un immense sentiment de fierté.

"Comment est-ce que tu as fait pour la faire venir…?"

"Je ne sais pas, je m'en étonne moi-même. J'ai envoyé la proposition sur un coup de tête à tous les danseurs que je connais et tous à peu près ont accepté. Je ne l'ai vraiment pas vu arriver. Visiblement, notre nom commence à être connu outre-manche"

"C'est impressionnant. Tu as conscience que cette soirée a le pouvoir de propulser le studio à un autre niveau ?", je la regardais se mordre les lèvres à cette réplique. J'avais vraiment foi en elle, Mia était incroyablement talentueuse et tenace, elle avait toutes les qualités requises pour y arriver et je sentais qu'elle était à deux doigts de bâtir un empire, ici à Londres.

"Peut-être mais uniquement si la soirée est à la hauteur des promesses", elle me confirmait à cette réplique et son air pincé qu'elle était en plein doute et stress.

"Elle le sera. Mille fois. Tu as toujours brillé. Tu es la plus talentueuse et la plus perfectionniste des danseuses. Vous êtes excellentes, Olivia et toi. Le public va se jeter sur ces places et vous allez leur donner le plus beau spectacle de leur vie. Je n'ai aucun doute là dessus. Tu devrais prendre ça pour acquis aussi", elle me rendait un sourire tendre, mes paroles l'atteignaient mais elle continuait de se ronger les sangs.

"Bonne chance pour ça Harry ! Je passe mon temps à la rassurer et à la raisonner en vain", je ne détournais pas mon regard de Mia malgré cette nouvelle intervention de Olivia. Les souvenirs de toutes nos années de danse et de concours refaisaient surface. J'avais toujours sû la rassurer et la motiver et je décidais, face à son air torturé et sa fatigue apparente, de prendre de nouveau cette tâche à cœur ce weekend, pour l'accompagner dans ce challenge de premier ordre.

"Qu'est-ce qu'il te reste à gérer ?"

"Les répétitions, la visite guidée de Londres pour notre invité, les relations-presse, le choix des tenues, les tournages, l'organisation de la soirée, le staff de sécurité et d'autres détails encore…trois fois rien", je lui rendais une moue compatissante en prenant connaissance de l'étendue de la tâche qu'elle avait à accomplir dans le court laps de temps restant.

"Je peux gérer les costumes et les relations presse ce weekend, si tu veux"

"Vraiment ? Tu passerais ton weekend sur ces corvées ?"

"Vraiment. J'ai visité Buckingham des centaines de fois, je ne suis pas venu faire du tourisme, et ma tante n'est pas là, aucun repas de famille en vue. Tu serais folle de refuser mon aide avec ton timing serré…", Mia se remettait de sa surprise et était en train de considérer silencieusement ma proposition. J'attendais patiemment qu'elle se positionne en continuant de la couver de mon regard, quand j'entendais une nouvelle fois l'intervention inopinée et maintenant devenue insupportable de Olivia.

"Mais tu saurais gérer ça ? Tu as déjà fait des relations presse ?", ses questions étaient légitimes pour qui ne me connaissait pas.

"Oui, est-ce que je saurais gérer ça, Mia ?", Mia me rendait un sourire en coin, le compliment peinait à sortir de sa bouche et je la défiais en souriant.

"Définitivement, Harry est un vrai baratineur, il a toujours été meilleur que moi à ce jeu là", je souriais de la réponse moqueuse qu'elle rendait à Olivia. C'était tellement bon de la revoir si familière avec moi.

"Ok mais les costumes ? C'est primordial pour le spectacle et j'ai moyennement envie de confier ça à un homme", et je continuais de regarder Mia avec un sourire encore plus large. Elle contenait le sien péniblement.

"Et pourtant, tu peux. Puisque cet homme ci déborde d'optimisme et de volontarisme quand il s'agit de choisir des costumes et en particulier de la lingerie pour femme", elle faisait référence à notre tradition annuelle de festival mais aussi à nos cinq années de danse. J'avais toujours eu l'initiative et le dernier mot sur ses tenues de scène, c'était un de mes plus grands plaisirs.

"Tu oublies de préciser à Olivia à quel point je suis doué pour ça. Et je suis obligé de te corriger puisque je déborde d'optimisme dans ce domaine uniquement s'il s'agit de toi…sûrement parce que tu les portes bien mieux que n'importe quelle autre femme", la réplique était sortie malgré moi. De la voir me sourire à nouveau et d'apercevoir enfin cette complicité habituelle m'avait fait retrouver mes veilles habitudes. Il n'y avait donc rien de choquant en soit en théorie pour Mia mis à part le fait que j'osais le faire en présence de témoins cette fois. En l'occurrence ce soir sous les regards très amusés de Liam et Olivia. Je venais de franchir un interdit en prononçant cette vérité en public alors que notre règlement nous l'interdisait depuis plusieurs années mais je jugeais que cette règle était devenue doublement inopportune aujourd'hui. Premièrement car nous n'avions plus aucun partenaire respectif à ménager. Deuxièmement car je me fichais pas mal de devoir me justifier auprès de nos cercles d'amis. Bien au contraire, j'avais plus que besoin de leurs encouragements pour sortir habilement de ma friendzone.

La réaction de Mia à mon entrave aux règles n'avait pas tardé. J'avais mordu mes lèvres de plaisir à son air gêné et embarrassé. Elle fuyait les réactions de Liam et Olivia et me jetait un des raisins de son dessert pour me punir de ma malice et tenter de faire bonne figure. Je riais franchement de son geste, je me régalais de ce retour de complicité et je décidais de ne pas aller plus loin dans l'audace pour ce soir.

"Alors. Qu'est-ce que tu décides de faire de ma proposition ?", Mia hochait la tête et me donnait enfin la réponse tant espérée après ma question sérieuse.

"C'est entendu. Rejoins-moi au studio demain matin à 9h pour que je te briefe sur la tâche", je portais en bouche le raisin qu'elle venait de m'envoyer avec un nouvel air satisfait et victorieux pour sceller l'accord. Je venais de trouver moyen habile de passer un peu plus de temps avec elle ce weekend.

"J'ai du temps libre aussi, je peux carrément t'accompagner pour le choix des tenues", Liam nous offrait la touche finale du repas avec de nouveaux éclats de rire généralisés et nous étions désormais sur le trottoir, à échanger les dernières politesses avant de nous séparer.

"Vous êtes sûres les filles, pas de dernier verre ?"

"Non merci Liam. Tu rentres chez toi. Et Olivia rentre chez elle aussi!", je riais du ton autoritaire et menaçant de Mia.

"Pardon ? Par contre, tu rêves ma belle si tu penses que tu vas aussi rythmer ma vie sexuelle ! Liam rentre avec moi, que ça te chante ou non, je n'ai absolument pas l'intention de m'infliger 3 semaines d'abstinence jusqu'à notre représentation", je m'amusais de voir une autre femme tenir tête à Mia, c'était plutôt rare. Le ton rougissant de Liam en ce moment était aussi assez attendrissant, il avait l'air plus qu'entiché de son Olivia.

Les échanges sympathiques se poursuivaient donc mais je venais complètement de déconnecter de mon côté en le remarquant, lui, sur le trottoir d'en face. Il traversait dans notre direction, les mains dans les poches de son manteau, avec son allure impeccable habituelle. Il ne me voyait pas encore mais remarquait sa présence à elle trop rapidement à mon goût.

"Mia ?"

"Charlie ! Qu'est-ce que tu fais là ?", je ne savais pas trop ce que je ressentais de le voir mais je pouvais dire sans hésiter que Mia y prenait un certain plaisir à en juger par le sourire timide et le ton chaleureux qu'elle lui rendait.

"Je dîne avec Jake. Tu as oublié que j'adorais aussi leurs lasagnes ?", je le voyais lui répondre avec un sourire sincère et complice en retour, avec la même amabilité qu'elle.

"Salut Olivia", il rendait ensuite un signe de tête à Olivia en remarquant sa présence derrière Mia. De mon côté, je faisais de mon mieux pour faire profil bas mais ma présence n'échappait pas à son attention non plus.

"Harry…", je m'étonnais le premier de lui voir me rendre une salutation plutôt cordiale malgré notre dernier échange chaotique des fiançailles. Il ne semblait pas surpris de me voir à Londres, pas plus qu'il ne semblait surpris de me voir en sa compagnie. Je lui avais rendu son signe de tête et sa salutation par habitude certainement de cette vieille amitié morte et enterrée. J'accordais ensuite toute mon attention à son échange avec Mia, tout en faisant mine d'écouter les les bavardages de Liam.

"Tu passeras le bonjour à Jake de ma part ?"

"Ou tu pourrais le faire toi-même à l'occasion. Tu peux l'appeler si tu en as envie, ça lui ferait plaisir"

"Mmh ? Oui. Je vais définitivement faire ça !", l'air et le ton de Mia étaient enjoués malgré la pointe de malaise que je sentais entre eux pendant un nouveau silence pesant.

"Tu serais disponible un soir cette semaine ? Pour un verre ? A propos de ce dont on a parlé aux fiançailles ?", j'étais complètement frustré de ne pas comprendre leur conversation codée, ma curiosité n'était absolument pas assouvie en ce moment et j'étais suspendue aux lèvres de Mia dans l'espoir d'obtenir des éclaircissements.

"Oui. Complètement. Pourquoi pas. Avec plaisir même. Je pense avoir bien fait mes devoirs de mon côté, et toi ?", ils se rendaient en ce moment même des sourires énigmatiques et amusés que je trouvais particulièrement insupportables.

"Également...j'ai plutôt très bien avancé, c'est pour ça que je te le propose. Alors je t'appelle cette semaine...bon weekend ?", je le regardais partir après un sourire et un léger clin d'œil à son attention.

Mia le regardait partir, silencieuse et même très pensive et j'aurais tué pour connaître en ce moment le fil de ses pensées. En l'absence de plus de détails, j'étais obligé de conclure, à leur échange complice et affectueux, que Charlie représentait une menace pour mes projets. Ma curiosité était attisée au plus haut point en ce moment mais je résistais à mon envie d'interroger Mia sur ce trottoir car je n'avais aucune confiance en ma capacité de self-control. J'étais contrarié et furieux malgré moi. J'avais du coup fini par saluer Mia, avec beaucoup moins d'entrain qu'à mon arrivée et j'avais pris la direction de chez Liam.

Le fait de me retrouver seul à l'appartement m'avait permis de redescendre en pression. J'étais parti me coucher rapidement sans toutefois réussir à trouver le sommeil. Je retournais dans mon esprit cette fin de soirée pour comprendre le sens de leur échange mais je n'y arrivais pas alors je me risquais un message à Mia pour me libérer l'esprit.

"C'était quoi tout à l'heure avec Charlie ? ;)", l'émoticône était complètement forcé. Je la voyais écrire, puis effacer à de multiples reprises et ses hésitations étaient loin de me rassurer. Je recevais enfin sa réponse.

"Pourquoi ?", j'étais plus qu'agacé par cette réponse qui n'était pas à la hauteur de ses tergiversations.

"Je m'intéresse à toi. C'est interdit ?", je regrettais le ton un peu cassant que je venais de prendre mais il était trop tard.

"'Demandé si gentiment...C'était un acte de paix. On essaye de devenir amis", je prenais le temps de digérer l'information avant ma réponse parce que je m'étais attendu à tout sauf à ça. J'avais présumé plutôt de nouvelles prolongations charnelles entre eux.

"...ta naïveté te perdra", j'avais continué sur le mauvais ton malgré moi car je ne croyais absolument pas en la capacité de Charlie à tirer un trait sur elle et j'étais furieux qu'il ose profiter de sa gentillesse pour se rapprocher d'elle.

"C'est une vision cynique de la situation"

"Charlie ne pourra jamais être ami avec toi. Il est amoureux de toi"

"Et moi je te dis que tu te trompes. C'est en train de changer"

"Qu'est-ce qui te fait dire ça ?", Mia ne répondait toujours pas après plusieurs secondes. Son silence m'horripilait au plus haut point et je me décidais à l'appeler directement pour en terminer une bonne fois pour toute.

"Tu sais que j'ai refusé ce verre pour pouvoir dormir, Harry ?", Mia avait répondu au téléphone avec un ton détaché.

"Plus vite tu répondras, plus vite tu dormiras !"

"Tu promets ?", son ton était maintenant lassé.

"Oui", j'aurai pu lui dire n'importe quoi pour la convaincre d'assouvir enfin ma curiosité et je buvais chacun de ses mots en l'entendant commencer.

"OK. Finissons-en alors...Disons, pour ta parfaite information, que le weekend des fiançailles a fait office de retrouvailles avec Charlie. Ça faisait un mois qu'on ne s'était pas vu et c'était très...intense", Charlie ne s'était pas privé de me narguer sur ce point pendant notre altercation donc Mia ne m'apprenait rien. Sa réponse m'agaçait un peu plus malgré tout mais je la laissais continuer.

"Et on s'est autorisé quelques prolongations au retour également...Malgré ça, je pense que Charlie est sincère dans sa démarche désintéressée puisque s'il y a bien une chose qui ne ment pas chez un homme, c'est bien sa queue. Et je te garantie que la sienne n'était plus très intéressée par moi la dernière fois...", j'étais ravie de la tournure que prenait le récit de Mia. Je sentais que j'allais beaucoup mieux dormir après ça même si ce n'était pas gagné pour autant.

"Tous les hommes ont leur moment de faiblesse. Ça ne veut absolument rien dire. A moins que Charlie ne soit devenu gay", j'étais plus que sérieux mais ma réplique était en train de la faire exploser de rire malgré moi.

"Parce qu'il n'y a que les gays qui ont le droit de ne pas avoir envie de moi ? Non, mais tu t'entends ?"

"Précisément Mia et encore, je pense que tu aurais le potentiel d'en détourner plus d'un si tu le voulais !"

"Attends. Ça voudrait dire que…Est ce que tu es gay, Harry ?", nos deux humeurs étaient complètement antagonistes. J'étais concentré et agacé pendant l'échange à l'inverse de Mia qui était indifférente et joviale. Elle était même morte de rire à cette dernière réplique et j'étais encore plus exaspéré et révolté. Friendzone c'était déjà une belle panade, il ne manquerait plus qu'elle me condamne à la Gayzone…

"Oh non je suis très loin d'être gay mais je ne pense pas que tu aies envie que je te le prouve", j'avais répondu pour évacuer et revenir à mon sujet principal sans préméditer le répondant de Mia qui était plus que joueuse sur son oreiller et qui se déridait progressivement depuis la fin de la soirée.

"Ah, ça ça dépend. Dis moi comment tu t'y prendrais et je te dirai si je suis intéressée…?", et c'était beaucoup trop moi parce que je savais qu'elle n'en pensait pas un mot et qu'elle était dans son jeu habituel. J'aurai adoré pourtant lui répondre mais ce constat me braquait encore plus et je n'arrivais même pas à y voir une opportunité supplémentaire de la séduire.

"C'est ça. Bref. C'était quoi du couptous ces langages codés ?"

"J'étais sûre que tes oreilles trainaient ! La curiosité est un vilain défaut, Harry", Mia riait encore, elle n'avait eu aucune difficulté à passer du coq à l'âne, ce qui confirmait mes conclusions sur le fait que ses avances n'avaient rien de sérieux alors mon humeur se rembrunissait.

"Tout à fait, maintenant réponds-moi"

"Oh quelle humeur !...Donc on s'est promis, en rentrant des fiançailles de faire une tentative pour devenir amis, une fois que la tension sexuelle se serait épuisée. Visiblement ce jour est arrivé. C'est notre conclusion à tous les deux, quoique tu en penses donc Charlie m'a proposé ce verre en toute amitié. Et j'ai envie de croire que ça peut marcher", je prenais bonne note mais c'était tout à fait imprévu de sa part.

"Tu as toujours nexté tes ex sans état d'âme. Pourquoi tu ferais les choses différemment avec Charlie ? C'est casse-gueule, Mia, cet homme est dingue de toi."

"Était dingue de moi, tu n'as pas écouté. Et je n'ai pas envie de faire pareil avec Charlie parce qu'il n'a rien à voir avec les autres. On partage la même ville, les mêmes amis, ce serait plus simple pour commencer mais on a aussi vécu beaucoup trop de choses ensemble et tu es plus que bien placé pour le savoir", bien sûr que je le savais et c'était mon gros problème du moment. Charlie était une menace et je me doutais que j'allais devoir composer avec lui parce qu'il avait été avec nous sur ce caillou maudit. Il avait été là pour elle et il comptait visiblement toujours pour elle.

"Tu prends le risque de te brûler les ailes une nouvelle fois et de brûler les siennes aussi par la même occasion"

"J'accepte de prendre le risque, je n'ai pas envie de tirer un trait sur lui sans avoir au moins essayé. Charlie non plus. Et tu deviens lourd là, tu n'as pas ton mot à dire sur ça. Je pense que tu en as assez fait sur le sujet, ce serait bien que tu restes à ta place pour une fois", je restais silencieux un instant après cette gifle verbale et imprévue. Ce rappel à l'ordre de Mia me prouvait que j'étais encore loin d'être en sécurité et que j'avais une promesse à honorer.

"Je sais. Je voulais juste comprendre. Et c'est très clair maintenant ne t'inquiète pas. Désolé", son silence n'était pas pour me rassurer mais c'était mieux que de l'entendre poursuivre et m'enchaîner. Mia laissait passer un blanc puis décidait de reprendre après avoir jaugé ma sincérité.

"Ça ne te donne pas des idées ?"

"Comment ça ?"

"Tu ne regrettes pas ton amitié avec lui ? C'est allé très loin entre tous les deux pour rien au final alors que vous étiez très proches", ce n'était bien sûr pas pour rien mais pour elle mais elle l'ignorait nécessairement. C'était le dommage collatéral d'un triangle amoureux vieux comme le monde. Je soupirais lourdement à sa question et je réfléchissais à la meilleure des réponses.

"Je ne me suis pas encore posé la question"

"Tu m'as dit aux fiançailles que tu le ferais, une fois que je t'aurai pardonné", effectivement et je m'étais peut-être un peu trop avancé.

"Oui, je m'en souviens"

"Et bien ce jour est arrivé"

"Vraiment ?", je souriais très largement et pour la première fois depuis la fin du repas, grâce à sa confirmation officielle de réconciliation. Je l'entendais rire de nouveau au combiné.

"Ça te fait plaisir de me l'entendre dire hein ? Et ça ne te suffit pas en plus il faut que je le répète ?... Alors, oui, Harry, je te pardonne ! Mais je pourrais changer d'avis si tu ne remplis pas ta part du marché...", je prenais bonne note de la menace et du nouveau rappel à l'ordre. Il n'en fallait pas plus pour terminer de me convaincre.

"Alors, j'y penserais sérieusement. Prochainement"

"Parfait ! Sur ces belles paroles, est-ce que je peux aller me coucher maintenant ? L'interrogatoire est terminé ?", je riais à mon tour.

"Tout à fait, vous pouvez disposer",

"Vous êtes fort aimable !", je riais de sa réplique et je ne retenais pas la mienne en retour.

"Bonne nuit, Princesse", j'avais raccroché sans attendre sa réponse. J'étais peut-être allé trop vite en rétablissant cette familiarité et je ne voulais pas lui laisser une occasion de contrarier à nouveau mon humeur. Je soupirais de bien-être en raccrochant, je savourais la fin officielle de cette ère glaciaire. J'avais vraiment eu très chaud cette fois mais j'étais parvenu à retrouver ma place auprès de Mia. Je n'avais plus qu'à retrousser mes manches pour la prochaine partie du plan, qui était la plus périlleuse et décisive de toute.

J'avais veillé à arriver à l'heure au studio le lendemain matin. Je me présentais à l'entrée et je reconnaissais immédiatement ce fameux Sam dont m'avait parlé Liam. Il était encore plus impressionnant en vrai.

"Bonjour. Sam ? Harry. J'ai rendez-vous avec Mia", j'essayais de ne pas m'offusquer du vent qu'il me mettait à ma poignée de main tendue.

"Mia, j'ai un dénommé Harry pour toi à l'entrée", je m'amusais de le voir agir comme s'il protégeait la reine d'Angleterre, en parlant dans son oreillette connectée mais j'appréciais de voir qu'il prenait sa tâche au sérieux. J'entendais Mia lui donner l'autorisation de me laisser passer.

"Premier étage", c'était brut de décoffrage et concis pour un premier contact mais je m'en contentais pour aujourd'hui. Je me notais de prendre le temps de le détendre un peu plus tard puisque j'avais beaucoup de questions en réserve pour cet homme.

Pour l'instant, j'étais simplement surexcité à l'idée de pénétrer enfin dans ce lieu. La devanture était discrète, la chose la plus impressionnante en façade était justement Sam. A contrario, l'ambiance qui régnait en entrant dans le studio était absolument grisante et sensationnelle. Je venais de mettre le pied dans une pièce qui était nommée "l'antichambre", des fauteuils très confortables étaient installés face à cette grande vitre qui donnait sur la salle de cours. La hauteur sous plafond était impressionnante, les murs étaient peints de couleur sombre, il y avait de nombreux projecteurs et spots et il y avait ces deux barres de Pole Dance installées au milieu.

Je remarquais justement avec ravissement Mia en plein entraînement avec Olivia. Je restais un moment à l'observer, avec une fierté et une admiration sans fin. Je ne l'avais pas vu dans ce contexte depuis beaucoup trop d'années. Elle était a priori sur une partie difficile des répétitions car je la voyais plus concentrée que jamais. Elles étaient à une hauteur impressionnante, à tenter des figures très ambitieuses. Je les voyais en plein fou rire et je tendais l'oreille pour percevoir le contenu de leur échange.

"Mia, descends, je t'en supplie, vite", Olivia était tout en haut de la barre, elle s'était mise à la supplier d'épuisement.

"J'ai une crampe, je peux pas. Argh", j'avais repéré la porte d'accès à la salle et je m'y dirigeais à pas rapide pour porter assistance à Mia qui semblait en grande difficulté dans cette position acrobatique.

"Lâche la barre Mia, je suis dessous", Mia remarquait ma présence et soupirait de bénédiction en me voyant tendre les mains pour l'encourager à sauter. Elle s'échouait dans mes bras la seconde d'après, sans hésiter et je la recevais sans difficulté. Je riais de la voir grimacer en se tenant l'avant-bras pour soulager sa crampe et elle me rendait une frappe sur l'épaule une fois son mal passé. Je la tenais encore dans mes bras alors que ce n'était définitivement plus nécessaire et elle s'y maintenait aussi en glissant même ses mains autour de mon cou.

"Tu n'as pas perdu la main, esclave !", elle me fixait avec son éternel sourire malicieux.

"Jamais quand il s'agit de te porter secours", je lui répondais le plus naturellement du monde et son sourire s'élargissait en retour. Je prenais ensuite un peu plus conscience de la position de mes mains sous ses fesses et de la rondeur de son sein contre mon torse. La situation devenait éprouvante. Je n'avais aucune envie de la relâcher mais j'ordonnais à mon corps de s'exécuter. Je la déposais à terre mais Mia continuait de me compliquer la tâche en restant accrochée à mon cou. Je percevais au même moment la mélodie devenue presque insupportable de la voix de Olivia. Elle était encore plus agaçante et bavarde que Julia.

"Merci pour ton aide et bonjour aussi Harry !", Olivia avait dû en effet se débrouiller seule pour descendre de la barre. J'écoutais à peine ses paroles, j'avais conscience de mon impolitesse mais j'étais en plein ravissement face au comportement enfantin de Mia qui venait de se jeter sans préavis dans mes bras pour tester de nouveau mes capacités à la réceptionner. Elle riait aux éclats et était inépuisable.

"Tu n'es pas censée préserver ton énergie pour l'entraînement ?", Mia souriait et me rendait une pluie de baisers dans le cou en retour, comme je n'en avais pas reçu depuis trop longtemps. J'étais absolument enivré et je tournais fortement de l'œil à cette dernière initiative mais je m'appliquais malgré tout à repousser ses assauts pour l'obliger à reprendre son sérieux et ses distances. Elle n'avait aucune envie de discuter ni de m'écouter ce matin. Mia avait juste besoin visiblement de frotter son corps au mien sans aucune pudeur, comme une gamine de vingt ans. Je repensais à cet instant aux dangers de ma tristement célèbre friendzone. Elle m'obligeait à y replonger et je ne savais absolument pas comment m'en dépêtrer. Pour une fois, je remerciais la nouvelle intervention de Olivia.

"Quand tu auras fini tes gamineries, Mia, on pourra se remettre au travail ?",

"Continue pendant que je briefe Harry", le rappel à l'ordre fonctionnait. Mia cessait enfin ses enfantillages mais maintenait son contact physique en glissant sa main dans la mienne et en m'entraînant dans l'antichambre. Je profitais de la première opportunité pour la lâcher, m'installer sur une chaise et reprendre un peu d'air. J'étais soulagé, pour environ un quart de seconde, soit le temps qu'il fallait à Mia pour prendre une feuille et un crayon et s'imposer sur mes genoux au lieu de prendre sa propre chaise. Je ne m'en sortirais jamais. Elle ne me laissait encore pas mon mot à dire, je lui arrachais la feuille et le crayon des mains pour me détourner de l'envie de poser mes mains sur elle et je reprenais avec le peu de concentration dont j'étais capable en ce moment.

"Je t'écoute. Présente-moi le programme en détail et les titres de musique pour que je m'imprègne correctement"

Mia était visiblement inconfortable dans sa position et se lovait encore mieux dans mes bras en s'accrochant à ma nuque et en laissant sa tête reposer contre ma tempe. Elle était loin de ressentir mon trouble et réfléchissait simplement à la meilleure façon de me répondre.

"Tu dois me trouver des tenues pour mes solos, en soignant bien l'intro et la clôture. Je prévois une intro plus sensuelle que sexy. C'est censé être une mise en bouche je veux quelque chose de plutôt soft et pas trop déshabillé. Prévois un dessus pour que je puisse m'effeuiller un minimum", j'écoutais sa description en avalant de travers. J'étais masochiste de m'être proposé sur cette mission, il n'y avait pas d'autres mots, puisque je n'étais absolument plus dans le même état d'esprit que par le passé. Cette séance shopping allait être définitivement plus imagée que jamais.

"Très bien. Et pour la clôture ?"

"Très acrobatique et très sexy. Prévois un effeuillage en deux temps, du haut et du bas. Tu peux te faire plaisir" , je sentais le rouge me monter aux joues face à ce cadeau tombé du ciel. Elle n'avait pas idée à quel point elle me faisait justement plaisir. J'allais définitivement en profiter car ça faisait une éternité que je n'avais pas eu cette autorisation. Mia se mettait en effet beaucoup de limites dans la vraie vie, elle faisait partie de ces femmes qui n'avaient pas besoin de tout révéler pour faire tourner les têtes et je n'avais eu droit à aucune dérogation pour nos festivals. La seule exception à sa pudeur était sur scène. Mia ne reculait devant rien pour le spectacle et j'avais toujours sû la mettre divinement bien en valeur pour nos représentations. J'avais constaté également, à ses dernières vidéos avec les filles, qu'elle savait aussi parfaitement le faire sans moi... Quelques exemples défilaient d'ailleurs douloureusement dans ma tête en ce moment, je commençais à avoir dangereusement chaud en y pensant et en subissant ses caresses innocentes dans mes cheveux et je décidais de la repousser de mes cuisses pour éviter l'incident diplomatique.

"Pousse-toi, j'ai du mal à prendre mes notes", elle obéissait sans se formaliser et me regardait griffonner de façon très appliquée. Elle ne se retenait pas toutefois de poser son menton sur une de mes épaules et sa main sur l'autre, c'était aussi délicieux mais un peu plus supportable.

"Ah oui et je t'en supplie, je vais m'envoyer plus de quatre minutes sur la barre, donc prévois du solide et du confortable. J'aimerai bien ne pas finir nue devant le public", le fait d'avoir repris de l'air me redonnait du poil de la bête.

"Ça ferait sacrément monter les enchères pourtant", Mia me mordait le cou cette fois pour me punir, en déclenchant par son geste une vague de frisson incontrôlée. Je crois bien que c'était la première fois qu'elle le faisait et ma réaction était particulièrement vive. La sensation était délicieuse et je devais encore très rapidement l'ignorer au risque de me faire démasquer.

"Ok pour tes solos. Parle-moi de tes séquences avec Olivia maintenant", et je l'écoutais encore attentivement me décrire la suite du programme, avec toujours autant de peine à certaines de ses descriptions platoniques et lourdes de promesses. Je me préparais ensuite au départ une demie-heure plus tard après avoir obtenu suffisamment de détails pour travailler efficacement. Je m'autorisais un dernier regard pour la salle de danse et l'antichambre avant de quitter les lieux..

"Si tu savais comme je suis content de voir cet endroit de mes propres yeux. L'atmosphère qui se dégage de cette pièce est démente. L'idée est géniale, Mia", je ne retenais pas mon regard en biais rempli de fierté.

"Encore heureux que ce concept te plaise…", Mia m'avait fixé intensément à cette réplique en me rendant un sourire plus énigmatique que jamais. Je soutenais son regard en attendant une explication qui ne venait pas. Son sourire s'élargissait davantage et je plissais des yeux pour creuser ma mémoire à son sous-entendu mais je ne voyais absolument pas. Elle me laissait patauger et méditer avec un sourire toujours aussi mystérieux. Je regardais de nouveau la pièce, la vitre, les couleurs et le souvenir me revenait soudain très clairement en mémoire. Je posais ma main sur ma bouche en accompagnant ce geste d'un rire nerveux à l'impact de cette révélation parce que je mesurais très bien maintenant la dose d'indécence qui se cachait derrière l'histoire de ce studio. Mia s'était inspirée de mon expérience plus qu'intime et interdite pour son plus grand succès.

C'était il y a plusieurs années. Je rentrais de Berlin et je m'étais empressé encore une fois de raconter à Mia en détail mes expériences mémorables du weekend. J'étais au maximum de ma libido à cette époque et j'avais passé une soirée particulièrement forte en émotions dans un club en vogue de la ville à me livrer à des activités décomplexées en très bonne compagnie derrière une vitre teintée de ce type.

Je m'autorisais un nouveau regard pour elle après cette réminiscence. Elle gardait le silence pour me laisser digérer l'information, elle me souriait, sans ciller, avec une audace qui était très loin de la gêne et de la candeur qu'elle avait eu des années plus tôt à l'entente de mon récit.

Mia n'avait absolument pas conscience des pensées ravageuses qui défilaient actuellement dans mon esprit face à ce regard et cet aveu qui me démontraient une fois de plus jusqu'où son expérience mexicaine l'avait débauché. Mes frustrations arrivaient à cet instant à un point particulièrement culminant et je quittais le studio, sans un mot de plus à son attention, après un dernier sourire entendu. J'avais quitté l'endroit avec précipitation car l'air me manquait et que je ne devais pas céder à mon envie violente de la prendre férocement dans cette antichambre de l'enfer...

Je prenais le temps, une fois sorti, de respirer longuement l'air glacé pour me remettre de mes émotions. Je n'avais pas prévu de me trouver en si grande difficulté de bon matin. Cette minute de méditation me permettait de retrouver mes esprits et Liam m'avait rejoint ensuite devant la première boutique indiquée par Mia.

Mon cousin n'était pas un habitué de ce genre de lieu, il était aussi excité qu'un enfant dans un magasin de jouets mais il était aussi particulièrement gêné. J'avais très envie de le tester et je venais de lui confier la mission de finaliser une des tenues de Olivia. Je voyais au loin la vendeuse s'approcher de lui et je ne résistais pas à l'envie de m'approcher pour voir si mon poulain, plus jeune de 5 ans, saurait s'en dépêtrer.

"Vous pouvez me préciser les mensurations de votre amie ?"

"Euh….", je contenais difficilement un rire face à son incapacité et ses rougeurs. Il avait visiblement encore plusieurs choses à apprendre de moi.

"Tu ne connais pas les mensurations de ta chérie, cousin ?", il avait le visage contrarié, il était défait face à cette vendeuse qui s'amusait de la situation et me regardait répondre à sa place avec mon ton charmeur et courtois habituel.

"Cet homme va avoir besoin d'un 90C, Mademoiselle, s'il vous plaît", Liam était en plein bug en entendant ma réponse et j'en profitais pour filer discrètement pendant son moment d'égarement.

"On peut savoir comment tu sais ça ? Reviens ici ! Tu as maté les seins de ma meuf ou je rêve ? HARRY ! T'as raison, cours avant que je te crève les yeux ", j'accélérais le pas à mon nouveau fou rire pour éviter son courroux.

Le reste de la session shopping se déroulait de façon plus concentrée et sérieuse. J'avais pris ma tâche très à cœur. Il ne me restait que la tenue de clôture de Mia à trouver dans ce magasin et j'avais un véritable coup de cœur en la voyant. Elle serait absolument renversante dans cette lingerie et je priais le ciel d'avoir le privilège de la revoir un jour dans un contexte plus privé.

La matinée de shopping avait pris fin après cette dernière trouvailles et je profitais d'une dernière pause café pour adresser une photo de mes trouvailles à Théo.

"Friendzone ou pas friendzone ?"

"Définitivement pas friendzone…. Qu'est-ce que tu fous avec ça entre les mains ? Si tu as déjà conclu l'affaire ? Si oui, respect"

"Non malheureusement. Et j'en suis bien loin. Je t'expliquerai...", Théo n'était pas du même avis pour le report à plus tard et m'appelait au même moment pour étancher sa soif de curiosité. Il n'était pas déçu du coup de fil.

Point de vue : Olivia

J'avais encore une fois ce sentiment d'être de trop en regardant Harry réceptionner Mia. J'avais eu le même ressenti au restaurant la veille. Cet homme n'avait d'yeux que pour elle. Je l'ai regardé la fixer et la dévorer des yeux pendant tout le repas, j'avais été charmée de le voir si à l'écoute et aux petits soins de Mia et il récidivait encore ce matin. De mon côté, j'hallucinais comme jamais de l'innocence et de la naïveté de Mia. Mon amie était pourtant d'une perspicacité légendaire dans ce domaine mais force est de constater qu'elle ignorait complètement l'évidence avec son prétendu meilleur ami. Cet homme n'était pourtant d'aucune subtilité, il n'y allait pas de mains mortes sur ses répliques aguicheuses et ses regards lourds de sens. J'étais donc particulièrement affligée d'assister en ce moment au comportement de Mia. C'était un tue-l'amour de première, elle le bécotait, le frottait et le câlinait sans aucune retenue comme si Harry était son meilleur ami gay. J'étais vraiment mal à l'aise pour Harry sur le moment même s'il semblait y prendre malgré tout un certain plaisir. Je décidais d'intervenir pour faire cesser mon embarras et lui prêter mains fortes car ce n'était définitivement pas de cette façon à mon sens qu'il parviendrait à la séduire.

"Quand tu auras fini tes gamineries, Mia, on pourra se remettre au travail ?"

Je les ai regardé s'isoler dans l'antichambre ensuite en perdant de vue le reste de leurs échanges. Liam et Harry étaient revenus finalement après plusieurs heures de shopping, avec notre déjeuner entre les mains.

"Que dieu vous bénisse les garçons ! Je meurs de faim !", j'embrassais Liam au même moment. Nous avions englouti nos plats en un rien de temps et la chorégraphe revenait également de sa pause déjeuner.

"Irina, tu accepterais de faire une démo aux garçons ?!", elle acceptait sans difficulté et se lançait sur la barre en reproduisant une séquence de la danse de clôture de Mia. Les garçons avaient accueilli la fin de la démo avec de vifs applaudissements et des commentaires impressionnés. C'était certain, ils adoreraient le show finalisé.

"Tu es vraiment sûre que tu es prête pour ça Mia ?", j'avais regardé Mia avec un sourire de défi. Harry se décomposait au même moment et l'interpellait.

"Quoi ? Tu dois apprendre cette chorée ? C'est une blague ?", sa tête abrutie en ce moment était assez risible. Il devra avoir le cœur accroché à Thanksgiving.

"Oui… pourquoi ? Tu ne m'en penses pas capable ?", Mia le défiait avec un ton que je qualifiais de malicieux et séducteur. Je passais du coq à l'âne dans mes analyses. Je la sentais parfois totalement candide et innocente et d'autres fois complètement provocatrice et intéressée. Leur relation était vraiment étrange, j'en avais discuté avec Liam qui me l'avait confirmé, en précisant que les choses avaient toujours été ainsi entre eux et je ne comprenais pas que deux personnes puissent tenir toutes ces années dans une telle ambiguïté. Je n'arrivais vraiment pas à cerner ses intentions avec lui et c'était un nouveau sujet de fond que j'avais très envie d'aborder avec elle.

"Non, je n'ai jamais dit ça... C'est juste que c'est bien au-dessus de ce que tu fais tous les jours en technicité et en difficulté ", j'écoutais plus ou moins distraitement la suite de leur échange.

"Et…?", Mia continuait de le provoquer. Harry décidait d'abdiquer et je les regardais échanger un énième sourire complice comme si un détail m'échappait une nouvelle fois. Ces deux-là avaient un historique très lourd. Je les trouvais particulièrement difficiles à déchiffrer, peut-être parce que je ne faisais pas partie de leur cercle d'habitués. J'avais peiné au dîner d'hier pour suivre le fil des échanges en intervenant régulièrement avec mes questions. Je me retenais de le faire en ce moment puisque j'avais très nettement ressenti l'agacement de Harry. Il me donnait l'impression d'être un homme caractériel qui n'hésiterait pas à me remettre à ma place si je persévérerai mais je me risquais à prendre la parole une dernière fois avec une nouvelle idée en tête.

"Tu as déjà essayé la barre, Harry ?"

"Une fois oui, mais ça remonte à très loin"

"Debout !", Mia avait sauté à pieds joints sur l'opportunité avant même que je n'ai à dérouler la suite de mon plan. Elle venait de se lever et de défier Harry.

"Oh que non"

"Oh que si. Sauf si tu ne t'en sens pas capable... ?", Harry était piqué dans son égo mais il restait assis à ce stade. Il était encore en train de réfléchir et je soutenais donc la démarche de Mia en le poussant vers elle. Liam en faisait de même avec ses encouragements et ses sifflements. Je mourrais d'excitation de voir ce couple mythique en session d'entraînement et je croisais les doigts pour que Harry se laisse tenter. J'applaudissais encore plus fort avec Liam pour le faire céder et j'étais très satisfaite de le voir rendre les armes. Harry se levait en un geste habile et viril, il rendait à Mia un sourire plus que tendancieux et charmeur, sans jamais la quitter des yeux pendant qu'il ôtait son pull dans un effet de style des plus maîtrisés. Mia n'avait pas manqué une miette de cet effeuillage et j'aurai presque juré l'avoir vu rougir à la vue du corps athlétique et irréprochable de son "ami". Cet homme savait définitivement y faire avec les femmes et il avait un nombre incalculable d'atouts en sa faveur auxquels ne résistait visiblement pas Mia. Je trouvais juste particulièrement dommage qu'il ait conservé son tee-shirt sans avoir eu l'audace de se dévoiler torse nu. La réaction de Mia à cette initiative m'aurait certainement permise de confirmer plus rapidement ma théorie. Dans l'attente, je considérais le fait que l'opération séduction de cet homme était en bonne voie mais ses avances étaient encore beaucoup trop timides pour que je parvienne à gagner mes derniers paris ce weekend.

J'avais regardé ensuite Harry et Mia s'essayer à la barre sous les conseils de Irina avec beaucoup d'intérêt. Je ne manquais pas une miette des caresses furtives, des regards et des rires. Je les trouvais particulièrement beaux et attendrissants ensemble et j'en profitais pour taquiner un peu plus Liam en murmurant à son oreille.

"Tu pensais que ça passerait inaperçu ?", il me rendait un sourire dubitatif en retour.

"De quoi ?"

"Tu m'as dit, je cite que Harry ne serait pas contre une amitié avec bénéfice avec Mia. Tu penses que je ne sais pas faire la différence entre un plan cul et une histoire de cœur ? Ton Harry me brûle la rétine Liam. C'est plus qu'évident qu'il est complètement dingue de Mia !", j'avais terminé ma phrase plus fortement et avec beaucoup de conviction. Liam me mettait la main sur la bouche au même moment pour me faire taire et avait les yeux exorbités de peur.

"Oh détends toi. J'ai souvent la grâce d'un éléphant mais je sais être subtile de temps en temps. Je ne compte pas dévoiler votre secret".

Mia et Harry venaient de mettre un terme à leur séance improvisée. J'en profitais pour intervenir de nouveau à voix haute.

"Bravo les tourtereaux ! C'était vraiment pas mal. Harry tu n'as pas perdu la main"

"Je suis complètement d'accord avec toi Olivia ! Je devrais peut-être te prévoir un passage dans le spectacle, Harry ?", Mia venait d'intervenir

"Non merci, je me contenterai de regarder"

"Comme tu voudras !"

"...Vraiment ?"

"Comment ça vraiment ?"

"Tu viens de m'inviter à regarder le spectacle où je rêve ?"

"C'est évident non ? Tu as largement contribué à l'effort de guerre, donc tu as mérité ta place", Harry cachait difficilement sa joie à l'invitation officielle de Mia.

"Tu resteras à côté de ton cousin pendant tout le spectacle. Il faudra bien quelqu'un pour appeler les secours quand il succombera à sa crise cardiaque", je venais encore de murmurer à l'oreille de Liam. Nous avions ensuite laissé les garçons repartir dans les magasins et terminé de notre côté l'entraînement.

Nous avions fini ensuite la journée chez Mia. J'étais dans la cuisine avec elle, à l'aider à préparer l'apéritif et je m'étonnais de la voir si détendue après cette journée d'entraînement intense.

"Et bien, tu es nettement moins stressée aujourd'hui. Je n'ai même pas eu à négocier pour le dîner et tu nous invites même chez toi. Harry a toujours eu cet effet sur toi ?", je n'avais pas pu rater l'occasion de la titiller.

"Je suis juste soulagée d'avoir bouclé les tenues et de ne pas avoir à me soucier de la journée presse de demain ! Je vais bien mieux grâce à ça, je te remercie d'être si attentive à mes humeurs", elle avait répondu sur le fond, sans rebondir sur mon sous-entendu coquin alors j'insistais.

"Oui, je comprends, c'est apaisant. Beaucoup plus j'imagine que les regards mielleux de Harry et vos papouilles permanentes", je ne voulais pas qu'elle esquive mais elle le faisait royalement. Mia m'avait rendu un sourire provocateur en gardant le silence et en apportant les verres à table.

Les discussions du repas ont porté ensuite sur les rendez-vous presse du lendemain. Nous avions pris le temps tous ensemble de nous concerter sur la stratégie et les éléments de langage à adopter. Nous avions fini ensuite autour de la table basse. J'avais rejoint les genoux de Liam qui était sur un fauteuil individuel et Mia et Harry s'étaient allongés dans le canapé, jambes collées, aux deux coins opposés. Les échanges étaient toujours aussi conviviaux et je décidais de pousser plus loin ma curiosité et mon ingérence.

"Vous vous connaissez depuis combien de temps exactement ?"

"Onze ans", ils avaient répondu et sourit en même temps. Comme c'était mignon et niais.

"Et ça s'est fait comment ?"

"A toi l'honneur", Harry la couvait encore une fois du regard, sa proposition tombait à pic car je voulais effectivement l'entendre de la bouche de Mia et elle m'avait raconté son récit avec une lueur de bonheur très sincère dans le regard. C'était un souvenir très agréable pour tous les deux visiblement et je les regardais se corriger, compléter et commenter au fil du récit en se chamaillant régulièrement. Harry venait justement de s'autoriser un affront que Mia punissait de légers coups de pieds et il en avait profité pour les saisir et lui infliger, sans permission, un massage qui était à priori divin à en juger par les gémissements de plaisir incontrôlés de Mia.

"Mia, s'il te plaît, un peu de retenue !", tout le monde avait ri de ma réplique, Mia incluse. Cette femme avait un flegme et une audace qui m'agaçait en ce moment. J'aurai voulu la voir rougir et bégayer pour confirmer mes déductions mais elle n'en faisait rien et était imperturbable. Elle se laissait sagement masser par Harry malgré mon sous-entendu et il ne se privait pas de poursuivre non plus. Rien n'y personne ne pouvait pénétrer sa bulle de bonheur et de mystère quand il s'agissait de Harry visiblement.

Point de vue : Harry

Dieu que j'aurai aimé entendre les gémissements de plaisir de Mia dans un autre contexte comme le faisait remarquer sans gêne Olivia. Ce n'était malheureusement pas le cas mais je m'en contentais. Je m'appliquais à lui rendre ce massage comme j'en avais toujours eu l'habitude après nos entraînements. Olivia et Liam avait ensuite quitté l'appartement et Mia continuait de somnoler de bien-être grâce à mes gestes experts. Je décidais de rompre le silence en repensant ensuite à notre rencontre.

"Tu te souviens aussi du lendemain de soirée ?"

"Bien sûr que oui"

**Début du flashback**

Cette première soirée de festival avait été mémorable. Mes amis étaient en train de dormir et de décuver de la veille. De mon côté, je ne parvenais pas à atteindre le sommeil profond à cause de l'excitation que je ressentais à la perfection de ces vacances. Je m'étais levé finalement aux aurores en constatant que je n'arriverais pas à me rendormir et j'avais décidé d'aller sur la plage privée de l'hôtel pour admirer le lever du soleil. Et je l'avais repéré au même moment sur cette plage déserte. Elle ne dormait plus non plus.

"Bonjour Mia"

"Bonjour Harry. Donc tu te souviens de mon prénom ?"

"Et toi aussi"

"Oui mais j'étais loin d'être aussi beurrée que toi", et j'avais ri franchement de sa répartie et je n'avais pas pu retenir ma nouvelle tentative de séduction.

"Peut-être, mais tu es une rencontre que je ne suis pas prêt d'oublier, beurré ou pas", elle avait eu un sourire gêné et j'avais continué.

"Tu as passé une bonne fin de soirée avec Antony ?"

"Passable...et toi avec Noélie ?"

"Passable aussi"

"...", je n'avais pas tenu longtemps dans ce silence et j'avais repris sur un nouvel élan de courage.

"Je n'ai vraiment aucune chance avec toi ?", Mia fixait l'horizon avec un grand sourire pendant que je me risquais à cette ultime tentative de séduction. Elle m'avait répondu sans un regard.

"Aucune, Harry. Définitivement", j'avais soupiré très franchement de frustration à sa réponse. J'avais pourtant sorti l'artillerie lourde pour la faire plier la veille. Je ne me souvenais pas avoir eu un coup de cœur aussi gros pour une fille mais Mia avait parfaitement résisté à mes avances en m'obligeant à me rabattre en définitive sur sa copine. J'avais été totalement outré de voir qu'elle s'était contentée ensuite entre les bras d'un de mes amis, qui était loin d'être à ma hauteur.

J'avais un goût du challenge très prononcé à l'époque mais je n'avais jamais été aussi échaudé de toute ma vie que par le refus de Mia. Elle m'avait laissé sur la béquille du siècle après un des baisers volés les plus savoureux de ma courte existence et je n'avais jamais senti autant de frustration et d'humiliation qu'après son refus catégorique. J'étais plus que blessé dans mon égo, d'autant plus en ayant eu la confirmation qu'elle était célibataire. J'avais peut-être trouvé le courage de cette dernière tentative timide ce matin mais j'avais prévu de m'arrêter là en cas de confirmation.

"Alors amis ?", je venais donc de lui tendre une poignée de main après sa sentence. Elle s'autorisait enfin un regard pour moi, je la voyais hésiter puis se laisser tenter et signer avec un sourire sincère ce pacte qui allait nous lier pour de très nombreuses années.

Le silence qui avait suivi après ça n'avait pas du tout été gênant. Le moment avait été plus qu'agréable et paisible et le spectacle à l'horizon était à couper de souffle. Le jour était maintenant définitivement levé et je voyais au même moment les moniteurs s'affairer sur le ponton avant l'arrivée des premiers clients.

"Tentée par une balade ?", j'avais pointé du regard les jetskis amarrés au ponton. J'avais eu vraiment très envie sur le moment de chevaucher un de ses engins pour aller sillonner cette exceptionnelle côte croate.

"Pourquoi pas ? Les filles en ont encore pour des heures de sommeil donc je suis ton homme !", je m'étais levé au même moment en l'aidant à son tour. La balade en mer qui avait suivi avait été la meilleure des vacances, ponctuée d'éclats de rires. J'en avais fait voir de toutes les couleurs à Mia sur cet engin et j'avais adoré son courage et son grain de folie. Ça avait été notre premier moment de frisson ensemble, le premier d'une longue série.

"Je n'ai jamais vu un aussi grand casse-cou de ma vie. Ça ne tourne pas rond dans ta tête !", son humeur était en ligne avec notre balade. Elle s'était étalée de tout son long sur le sable à notre retour et je l'avais rejoint également, éreinté après cette activité. Nous avions passé des heures ensuite épaule contre épaule à faire connaissance, à rire et discuter. C'était la première fois de ma vie que je ressentais une connexion et un réel intérêt pour une fille. Je n'avais que des amis masculins et je ne m'intéressais aux femmes que pour les aventures qui en découlaient d'habitude. Ça avait été différent et inédit avec elle et j'avais pris notre pacte d'amitié à la lettre en réalisant à quel point j'appréciais d'avoir ce genre de relation désintéressée.

Le reste du groupe nous avait rejoint ensuite et nous sommes restés inséparables le reste du weekend. Je l'avais recontacté rapidement une fois rentré à Paris et nous avions intégré le même cours de danse après avoir découvert cette passion commune pendant nos soirées croates. C'est de cette façon qu'avait commencé la plus longue et incontestablement la plus belle relation de ma vie.

**Fin du flashback**

J'avais adoré me replonger dans ces souvenirs. J'aurai pu avoir des regrets aujourd'hui mais ce n'était même pas le cas. J'aurai certainement trouvé le moyen de tout gâcher à cette époque, j'étais beaucoup trop fougueux, instable et curieux. Une relation avec elle à 20 ans aurait certainement fini dans une rupture dramatique en me faisant la perdre définitivement de vue. Je ne regrettais rien de cette rencontre mais il y avait des parties de cette soirée que j'étais curieux d'éclaircir.

"Tu as été vraiment dure avec moi ce soir-là. Je ne t'intéressais vraiment pas, Mia, sérieusement ?", je continuais mes massages en lui rendant un sourire taquin. J'avais été tellement émerveillé par elle ce soir là que j'avais déduis que je n'étais juste pas à la hauteur physiquement ou même en termes de numéro de charme mais j'avais pu constater, en voyant ses conquêtes ultérieures, que je n'avais rien à leur envier. Même si j'avais classé l'affaire, mon égo était toujours resté vexé de ce refus. Mia gardait ses yeux fermés à ma question mais je la voyais contenir un sourire en se pinçant les lèvres.

"Absolument pas", elle retenait ses rires.

"Oh arrête ! Tu mens !Tu m'as bouffé des yeux toute la soirée, je n'ai pas fabulé, j'ai toujours eu un sixième sens pour ces choses là"

"Pourquoi est-ce que ça t'intéresse maintenant ?", je m'arrêtais immédiatement dans ma tâche.

"Pourquoi ? Mon amour propre ! Il n'y a jamais prescription dans ce domaine !", elle ouvrait un œil pour profiter de mon air outré et mieux s'en délecter.

"Je t'ai toujours dis que tu étais magnifique donc bien sur que tu m'intéressais le premier soir. Si tu veux tout savoir, j'étais même vraiment...mais vraiment...très attirée par toi ce soir-là...", elle avait fini sa phrase en ouvrant définitivement ses yeux. J'avais ressenti une bouffée de chaleur insupportable à son aveu et son ton aguicheur.

"Est-ce que ton égo s'en porte mieux ?"

"Ça n'a aucun sens. Tu n'étais pas une vierge effarouchée, loin de là, alors pourquoi tu m'as mis le vent de ma vie si je te plaisais ?"

"..."

"QUOI ? Réponds moi !", je m'impatientais

"...parce que Noélie t'avais repéré la première", je me relevais subitement à cette réponse.

"PARDON ?", j'hallucinais carrément en ce moment.

"Elle t'avait croisée au bar avant moi et elle avait passé une heure entière à glousser et fantasmer devant les filles. Tu étais chasse gardée"

"C'est quoi ces conneries ? Je n'étais chasse gardée de personne. Bien au contraire, j'étais sur toi toute la soirée alors que je n'ai remarqué cette fille que quand elle est venue se frotter à moi après ton recalage"

"C'est comme ça que ça marche entre filles ! Elle avait posé son option. Les copines avant les mecs. Je n'avais plus le droit de te toucher. Point barre !"

"Seigneur Dieu. Tu es en train de me dire que ça c'est joué à un verre près au bar ?", elle riait clairement sans me répondre mais en hochant la tête.

"Vous êtes vraiment timbrées, les nanas. Bon en tout cas tu m'as bien vite oublié dans les bras de Antony", je décidais de classer rapidement pour ne pas m'enfoncer dans des regrets inutiles. J'avais déjà assez de frustration à gérer aujourd'hui. J'avais repris mes massages sur ses pieds, dans l'optique de changer de sujet.

"Détrompe-toi", j'étais interdit de sa réplique qui ne m'en révélait définitivement pas assez.

"Comment ça ?"

"C'était tout sauf à Antony que je pensais quand il m'a prise sur cette plage..."

"Répète-ça, j'ai mal entendu…"

"Oh, tu as très bien entendu", Mia avait ouvert les yeux un bref instant avec ce sourire en coin diabolique. J'étais complètement ravagé par son aveu et elle faisait beaucoup trop la maligne en ce moment avec mon érection qu'elle ne devinait absolument pas. Ma réaction ne s'était pas faite prier à cet aveu. C'était beaucoup trop bon et inespéré. Je savais qu'elle parlait au passé mais mon excitation était plus que présente avec cette image de Mia en train de jouir en pensant à moi. J'aurai pu la prendre violemment sur ce canapé pour la punir de son culot mais je décidais plus raisonnablement d'utiliser mes mots pour lui faire perdre son sourire.

"Nos soirées n'étaient pas si différentes l'une de l'autre alors finalement"

"Comment ça ?", je réfléchissais précautionneusement aux mots que j'allais utiliser pour répondre à sa question innocente.

"Puisqu'on en est aux confidences, je me souviens parfaitement avoir aussi imaginé ton visage pendant que je me glissais entre les cuisses de Noélie. Je pense même que c'est en grande partie grâce à toi si elle s'est mise à jouir aussi fort dans cette piscine. Elle devrait te remercier à l'occasion", Mia avait gardé ses yeux fermés pendant ma réponse. Mon sang pulsait encore plus fort en la voyant déglutir difficilement et supprimer son sourire après ce coup de grâce. Elle m'avait mis en peine la première mais je voyais très bien qu'elle n'en menait pas large non plus de son côté. J'espérais de tout cœur que cet aveu lui donnerait matière à réfléchir sur l'étendue de notre amitié et qu'il déclencherait un jour chez elle les mêmes réactions que les miennes ce soir.

J'avais poursuivi mes massages l'air de rien et je l'avais regardé s'assoupir peu après, sans avoir le cœur à la réveiller. Mon feu ardent de l'instant avait laissé place rapidement à une tendresse infinie face à son visage d'ange. Je l'avais porté jusqu'à son lit et j'étais rentré sagement chez Liam, après avoir laissé un mot tendre à son attention sur la table de chevet pour clôturer cette deuxième journée particulièrement vive en émotions.

Et ma dernière pensée avant de me coucher était celle d'un conquérant car si Mia avait été capable un jour d'avoir cette attirance et ces pensées pour moi, cela voulait dire qu'elle pouvait succomber à nouveau. J'allais m'appliquer encore plus pour parvenir à cet objectif. Ce serait certainement plus simple passé ces deux premières soirées avec elle. Les tensions avaient disparu, je venais de conforter ma position et je commençais surtout à me familiariser et à bien anticiper mes nouvelles réactions et émotions en sa présence. J'allais devoir passer à l'offensive.

Point de vue : Mia

Harry m'avait rejoint au studio à dix heures et il s'était fait plus séduisant et lumineux que jamais pour son numéro de charme auprès des journalistes. C'était impossible de ne pas le noter et Olivia ne s'était pas cachée de le complimenter également avant que je n'en ai l'occasion.

J'avais tout installé pour les journalistes dans une des salles situées à l'étage supérieur et j'avais pris la peine avec Olivia d'accueillir les premiers groupes pour prêter mains fortes à Harry. Nous avions échangé quelques politesses avec les invités et j'avais introduit Harry pour le légitimer dans sa tâche. J'avais eu du mal à me défaire de la curiosité maladive et prévisible des journalistes concernant les raisons de la fin de notre couple de danse, les détails croustillants et inexistants de notre romance secrète ou encore la nature de notre relation à cette époque contemporaine. C'était encore plus difficile avec les sous-entendus de Harry qui prenait un malin plaisir à leur donner matière à jaser.

J'avais eu du mal en particulier à me dépêtrer de l'insistance de cette blonde horripilante qui avait l'air de poser ses questions pour son information personnelle plus que pour un de ses articles. C'était incontestable aux regards aguicheurs qu'elle renvoyait à Harry qui restait pourtant parfaitement professionnel alors que je savais qu'elle était tout à fait son genre.

Je venais de le prendre à l'écart avant de lui déléguer complètement la tâche et rejoindre Olivia.

"Je suis en bas si tu as besoin de moi. Tu n'hésites pas ?"

"Ça va aller ne t'inquiète pas"

"Oh oui, j'ai vu tu es entre de très bonnes mains avec cette blonde"

"Quelle blonde ?", il m'avait répondu avec un air sérieux, en dégageant mon visage d'une mèche rebelle avec un air concentré. Je ne savais donc pas s'il était sincère, s'il ironisait ou me rassurait mais mon cœur s'était réchauffé étrangement face à son comportement et son geste. J'ignorais encore ma réaction, pour la millième fois de ce weekend et je n'avais pas pu me retenir de poser tendrement ma main sur sa joue et de lui adresser un dernier baiser sur sa joue pour le remercier et l'encourager.

"Merci encore, tu ne sais pas comme tu me sauves la vie", j'avais amorcé un geste pour partir mais Harry m'avait retenu la main et ramené à lui doucement pour me rendre également un baiser sur le front et un sourire tendre. Je n'avais pas pu me retenir de fermer les yeux à ce geste puisque c'était le premier baiser auquel j'avais droit depuis des mois.

La matinée d'interview s'était bien déroulée suivant Harry. Il venait de regagner l'étage cet après-midi pour rejoindre un deuxième groupe de presse et j'attendais de mon côté toutes les filles avec Olivia pour répéter les entractes qu'elles devraient occuper pendant le spectacle. Je supervisais actuellement leur entraînement pendant que j'entendais de nouveaux rires et éclats de voix à l'étage pour la dixième fois depuis le début des répétitions. Olivia prenait la parole au même moment.

"Mon dieu mais qu'est-ce que cet homme est en train de leur faire ? Tu diras à ton chauffeur de salle de se calmer, on risque vraiment de décevoir le public à ce rythme là", j'avais souris malgré moi de fierté et de contentement. Toutes les filles avaient été de leurs commentaires à la suite de ça. Elles étaient excitées comme jamais à l'idée de le rencontrer. C'était un point d'orgue dans leur compétition Charlie VS Harry. Harry n'était absolument pas préparé à la déferlante d'hystérie qui allait lui tomber dessus à son retour et je compatissais légèrement pour lui à cette pensée.

J'avais réussi à remobiliser les filles depuis et je les regardais terminer la première présentation intégrale quand j'entendais à la toute fin les applaudissements très francs de Harry derrière mon dos. Il continuait d'applaudir les filles en s'approchant de moi. Je le laissais ensuite, sous un effet de surprise absolu, enlacer délicatement ma taille, coller tendrement son corps au miens, nicher sa tête dans mon cou et y déposer un baiser humide et appuyé avant de se reconcentrer sur les filles et les féliciter de leur prestation.

"Bravo Mesdames. C'était remarquable", de mon côté, c'était son assurance en ce moment que je trouvais remarquable. J'avais toutes les peines du monde en ce moment à garder un visage impassible face à tous ces témoins. J'aurai voulu soupirer bruyamment de plaisir à ce nouveau contact inespéré de sa part dans cette zone interdite de mon cou. C'était beaucoup trop bon et je luttais pour ne pas laisser ma tête reposer en arrière, pour ne pas glisser mes mains dans ses cheveux et l'obliger à déposer de nouveaux baisers sur ma nuque. J'en ressentais l'envie violente en ce moment et je me giflais mentalement pour rester neutre face aux filles.

Je l'écoutais ensuite échanger poliment et agréablement avec elles. Harry n'avait ni cillé ni bégayé, c'était le première homme capable de cette prouesse dans cette salle et devant toutes les danseuses réunies. J'avais d'ailleurs trouvé les filles anormalement timides et intéressées en retour et je supposais que la team Harry retrouverait quelques militantes à la fin de cette journée. Je n'étais pas surprise pour un sou et encore moins avec l'allure, l'assurance et le sexappeal infernal qui se dégageaient de lui aujourd'hui.

Les filles avaient finit par toutes quitter le cours ensuite. Harry attendait sagement que je finisse de ranger la salle et mes affaires et je me décidais finalement à reprendre la parole.

"Tu as fait ton effet aujourd'hui auprès des journalistes"

"Tu en doutais ?", Harry m'avait répondu en m'adressant ce sourire et ce regard charmeur que je commençais à avoir du mal à soutenir pour des raisons que je n'expliquais pas. Il s'était rapproché de moi au même moment pour me toiser et orienter ma réponse, en posant pour la énième fois de la journée ses mains sur moi, autour de ma taille encore une fois.

"Pas le moins du monde. Par contre, je ne pensais pas que tu arriverais à mettre les filles dans cet état. Elles ne sont pas du genre à avoir froid aux yeux pourtant. Tu viens de réaliser un bel exploit", j'avais répondu le plus naturellement possible en faisant mine d'être indifférente à son geste et à ses mains mais je devenais encore plus mal à l'aise après ce nouveau regard profond. Je décidais du coup de m'extirper rapidement de ses bras et de lui tourner le dos.

"Tu penses que j'ai mes chances ?", je sentais qu'il continuait de me fixer mais j'évitais son regard. Je feignais de ranger mes affaires en espérant que cette distance et cette éviction m'aideraient à répondre de la façon la plus détachée possible.

"Je dirai même que tu as le choix du roi", j'avais tenté un sourire forcé sans comprendre pourquoi j'étais aussi gênée.

"Et qu'est-ce que tu penses de mes chances avec la prof ?", il venait vraiment de dire ça et de récidiver avec un autre rentre-dedans outrageux ?

"Hein ?"

"J'ai passé l'âge pour les élèves, tu ne crois pas ?", il ne s'était pas donné la peine de répéter, il comprenait que j'avais entendu et avait même précisé ses propos.

A ce moment là, je ne savais pas laquelle de ses répliques du weekend avait été la plus déstabilisante. Celle d'avant-hier où il avait affirmé en plein milieu du repas qu'il fantasmait sur mon corps ? Celle d'hier où il m'a confirmé qu'il avait déjà fait l'amour à une autre en pensant à moi ? Ou cette dernière en date ou il marquait clairement sa préférence pour moi au lieu de toutes les autres filles ?

Les jeux de rôle et sous-entendus avec lui étaient innombrables ce weekend. J'aurai pu prévoir que les choses seraient différentes après ma rupture avec Charlie, après cette crise sans précédent entre nous et cette nouvelle amitié à distance. Le manque était nécessairement exacerbé, les paroles et les actes plus forts et je ne voulais rien en déduire mais je peinais très étrangement à m'y habituer. Je m'étais sortie plutôt habilement de chaque situation jusque là. Sauf hier, où je n'avais rien trouvé de mieux que de faire semblant de m'endormir après son dernier assaut.

Je ne savais définitivement plus comment rebondir en ce moment et je commençais à en comprendre les raisons. Je comprenais pourquoi je ressentais ce malaise cette fois. C'était parce que Harry était en train d'allier la parole aux actes. Il n'avait pas dragué cette journaliste tout à l'heure et il n'avait montré aucun intérêt particulier aux filles un peu plus tôt, et ce désintérêt pour la gente féminine et surtout à ce niveau de compétition était complètement anormal et me mettait la puce à l'oreille. Mais surtout, mon corps avait parfaitement remarqué et souffert de sa frigidité depuis son arrivée à Londres. A commencer par sa bise timide à nos retrouvailles, à sa salutation froide après le restaurant, et surtout, il s'était appliqué à écourter toutes mes tentatives de contact alors qu'il était toujours habituellement le premier à les mener. J'avais dû prendre les devants un nombre de fois incalculable pour assouvir mes besoins de tendresse. J'avais mis ma fierté de côté car tout mon corps le réclamait. Mais depuis ce matin, ses initiatives et ses gestes affectueux pleuvaient à torrent. Harry était en train d'ouvrir complètement les vannes depuis ce dîner chez moi et cela coïncidait très bizarrement avec nos dernières confidences brûlantes sur mon canapé. Il s'approchait d'ailleurs en ce moment même avec ce sourire irrésistible et glissait de nouveau ses bras autour de ma taille. Je suffoquais de gêne et de perplexité encore une fois. Vite, agir, parler, ou partir. Mais il fallait que je fasse quelque chose.

"Je ne suis pas sûre que tu sois à maturité pour la prof", j'avais fixé son regard sans ciller, j'avais souris faussement et j'avais eu le courage de poser mes mains sur les siennes pour les dégager et partir en le laissant en plan dans la salle.

Ce que je découvrais ensuite au sein du reflet du miroir, à son insu, me mettait dans une profonde angoisse : Harry s'était mordu la lèvre et avait fermé les yeux de frustration à ma sortie et je prenais pleinement conscience à ce moment-là qu'il était en train de changer les règles, sans mon autorisation et après toutes ces années. Il se mettait à jouer un jeu plus que dangereux avec moi. Je reconnaissais, sans l'ombre d'un doute et pour avoir été son parfait copilote de soirée pendant des années, que Harry m'avait ciblé. J'en aurai presque mis ma main à couper, j'étais devenue sa prochaine proie et il ne s'arrêterait pas à ce rythme là tant qu'il ne m'aurait pas mise dans son lit.

J'étais horrifiée à cette conclusion mais je ne pouvais que me le reprocher. J'avais été trop loin dans l'audace, les confidences, les sous-entendus et les contact dans l'euphorie de nos retrouvailles. J'étais parfaitement responsable de ce lâcher de taureau que je datais précisément à ces confidences beaucoup trop osées d'hier. Il était peut-être mon meilleur ami mais j'avais perdu de vue le fait qu'il n'était qu'un homme. J'avais clairement dépassé les bornes en excitant ses hormones et la situation était en train de se retourner contre moi.

Donc je n'avais rien trouvé de mieux que de feindre l'épuisement en le retrouvant à la sortie du studio et pour couper court à ses invitations à sortir. J'avais ensuite prétexté le secret du tournage pour ne pas le voir le lendemain. J'avais tenu de cette façon jusqu'à son retour à Paris et j'avais eu le cœur en peine de le voir repartir autant que j'en étais soulagée. Mais il me fallait de l'air pour intégrer cette information et décider de la façon dont j'allais la traiter. Il fallait que je trouve un moyen de faire cesser mon trouble pour sécuriser notre amitié. Il était hors de question que je laisse le champ libre à Harry pour cette idée farfelue . C'était la pire qu'il n'ait jamais eu et le meilleur moyen de perdre tout discernement par la suite entre le jeu et la réalité.