Point de vue : Harry
Je n'avais pas prévu de retourner à Londres ce weekend mais c'était avant la façon dont s'était terminé le précédent et les soins que prenaient Mia à m'ignorer depuis. Son comportement était suffisamment contrastant avec nos premiers jours à Londres pour que je devine que quelque chose n'allait pas, encore, alors je venais chercher mes explications et mettre un terme à sa nouvelle humeur indésirable et inexplicable.
"Qu'est-ce que tu fais là ?", Mia était étonnée et je dirai même contrariée de me voir à sa porte. J'en étais plus que dépité mais j'essayais de ne rien laisser paraître de mon trouble.
"Ravie de te revoir également, Princesse", j'entrais sans lui demander son accord en veillant à conserver ce sourire faux sur mon visage. Je prenais également l'initiative de lui faire une bise qu'elle avait l'air de subir. C'était le premier test et le résultat était sans appel : Mia avait effectivement et de nouveau un souci avec moi et je cachais difficilement ma peine face à ce manque d'entrain et d'affection.
"Liam reçoit des amis ce weekend, tu penses que tu pourrais m'héberger jusqu'à dimanche ?"
"Moui…mais tu ne devras pas trop compter sur ma présence, j'ai un weekend chargé avec Olivia", il n'était visiblement question que d'un effort de politesse de sa part mais le fait qu'elle accepte malgré tout voulait dire que la situation n'était pas si inquiétante.
"Et ça avance comme tu veux d'ailleurs ?"
"Le spectacle commence à prendre forme…on devrait être dans les temps..."
"J'ai vu la promo ce matin. Tu es plus épatante et sexy que jamais sur cette vidéo... J'espère que tu m'as prévu une place au premier rang ?", je me forçais à faire la conversation malgré son manque de loquacité. Ce compliment était censé lui faire plaisir et pourtant je ne ratais pas une miette de son rictus de contrariété qui m'obligeait à plisser les yeux d'incompréhension.
"Ahein. Et je t'ai réservé une place à la table des filles pour la soirée au QG", Mia m'avait répondu sans un regard en retournant à ses occupations sur le piano de cuisson. Après ces derniers jours de froid et cet accueil glacial, je subissais cette décision comme un châtiment pour un crime dont je n'avais même pas connaissance. Je commençais à m'impatienter et tentais finalement une approche plus frontale.
"A la table des filles... ? Sérieusement Mia ? Je peux savoir quel est le problème ?", Mia avait osé un regard faussement interrogateur à ma réplique, en interrompant sa tâche. Je poursuivais pour expliciter ma réaction.
"Pourquoi est-ce que je serais à la table des filles ? C'est une punition ?", je subissais avec agacement son rire moqueur sorti de nul part.
"Une punition ? Harry, tous les hommes tueraient pour avoir cette place et passer la soirée en si bonne compagnie. Tu devrais être ravi", elle choisissait ce moment pour prendre son assiette et me repousser de sa route sans délicatesse pour aller rejoindre sa table basse en m'ignorant royalement. Je marquais un temps de pause pour canaliser mon début d'impatience et d'agacement.
"Ok Mia, la table des filles, c'est très bien, tu as raison, passons. Donc un siège au premier rang, une place à la table des filles et est-ce que j'aurai droit à une de tes danses privées en rentrant pour finir en beauté ?", j'avais posé ma question en m'installant nonchalamment sur le fauteuil en face d'elle. J'avais eu l'espoir de la dérider avec cette réplique mais c'était tout l'inverse. Mia était encore plus crispée, je venais de me jeter dans les flammes malgré moi.
"Dans tes rêves", son ton était cassant mais je poursuivais, complètement inconscient des griefs qu'elle avait contre moi.
"Je t'ai connu plus reconnaissante, c'est la moindre des choses après l'aide que je t'ai apportée le weekend dernier"
"Quand bien même je décidais de t'accorder cette danse, tu n'y survivrais pas"
"Oh non. Tu t'évanouirais la première…", j'avais été beaucoup trop émoustillé par le caractère obscène de sa phrase pour me taire, je lui avais répondu avec un sourire plus que tendancieux et je n'avais pas vu arriver cette réaction très vive de sa part.
"ARRÊTE CA TOUT DE SUITE !", Mia n'avait visiblement pas apprécié ma surenchère, elle s'était relevée au même moment en s'approchant de moi. Mia me surplombait, elle était parfaitement irrésistible avec cette lueur de folie dans son regard, son ton menaçant et surtout ce décolleté étourdissant. J'avais fait de mon mieux sur le moment pour ne pas ciller et garder mon sérieux mais j'avais laissé échapper malgré moi mon rire de ravissement. J'avais vu passer une ombre nouvelle dans son regard après ma réaction, Mia avait plissé dangereusement les yeux, en serrant sa mâchoire et m'avait jeté à la figure, de colère et dans la seconde ce qu'il restait de son verre d'eau. Je me figeais de surprise, m'essuyais lentement et restais silencieux un instant en écoutant ce qu'elle avait à me dire pour justifier cette attaque.
"J'espère que ça te rafraîchira les idées", Mia était au bord de la crise de nerfs à cause de mes réactions. J'avais plusieurs idées plaisantes en tête en ce moment pour la faire taire mais je décidais de la mettre encore plus hors d'elle en lui rendant un sourire et un nouveau rire. Cette réaction de ma part avait l'effet escompté. Mia commençait à s'agiter et à récupérer un des coussins de son canapé pour me le jeter à la figure mais je réussissais à l'éviter et je quittais le fauteuil pour me mettre à bonne distance d'elle. Nous étions en ce moment tous les deux debout, elle en position d'attaque et moi de défense.
"Tu es complètement timbrée. On peut savoir ce qui te met dans cette humeur ? Je peux savoir ce que je t'ai fait cette fois ...? »
"Il ne s'agit pas de ce que tu as fait mais de ce que tu vas faire Harry. Tu vas enlever ce projet de ta tête, si tu veux rester en vie »
"Mmh…Très bien, je le ferai, quand tu m'auras dit de quel projet on parle parce que je ne te suis pas…?", je continuais de sourire très largement à sa réponse énigmatique, en attendant qu'elle se décide enfin à me l'avouer.
"J'ai remarqué que tu en avais après moi !", et c'était le choc à son affirmation. Toute la tension sexuelle et l'euphorie que j'avais ressenti quelques secondes plutôt retombaient comme un soufflé à ce coup de massue. J'étais ramené sur terre par la force du tonnerre. J'avais donc mon explication : Mia m'avait mis à nu et était en train de me mettre le stop de l'année. C'était pire que ce que j'imaginais et je ne sais pas combien de secondes de silence j'ai tenu devant elle après ça. Je continuais de la regarder pour la sonder, je ne voulais pas me trahir davantage avant d'en avoir entendu plus de sa part et mes pensées fusaient à toute vitesse pour décider de la position adopter face à cette confrontation inattendue. Mia prenait la parole avant moi.
"Et avant que tu ne te mettes à mentir, laisse-moi juste te dire que ça n'arrivera pas. Tu ne mettras pas - Ta queue - A l'intérieur de moi...", je comprenais à son ton que Mia était plus que sérieuse et convaincue de ses propos. Je devinais également à ses mots crus et sa vulgarité qu'elle attribuait ce problème à de simples pulsions sexuelles. Elle ne pouvait pas avoir conscience de toutes les implications et de la très lourde vérité, sinon je n'aurais pas eu droit à cette colère et ces réactions insensibles, alors j'analysais mes options à une vitesse éclair.
J'aurai pu en profiter, aller dans son sens, admettre mon attirance, m'approcher d'elle et la tenter jusqu'à la faire céder. J'avais tous les arguments mais ce mouvement était beaucoup trop risqué avec elle. C'était à des années lumières des premières fois que j'imaginais depuis des semaines, je voulais que les choses soient aussi importantes pour elle que pour moi et je ne voulais pas démarrer sur un plan cul. J'aurai peiné misérablement comme Charlie ensuite pour lui faire admettre mes sentiments et je l'aurai torturé et blessé certainement mille fois au passage.
J'aurai pu aussi admettre mon attirance et lui dévoiler l'intégralité du pot aux roses mais son état de colère et son stress palpable en ce moment me dissuadaient nettement de prendre cette voix. Mia n'était pas prête pour ça.
Je décidais donc de nier en bloc pour me sortir de cette énorme zone de danger et nous offrir plus de temps. Je me mettais à rire franchement en passant mes mains sur mon visage, dans un parfait jeu de comédien.
"Très élégant, Mia... Et c'est pour ça que tu m'évites depuis une semaine ?", j'éteignais mes rire et je lui rendais en ce moment mon meilleur visage outré pour gagner en crédibilité.
"Précisément", Mia croisait les bras pour me démontrer son assurance.
"Tu nages en plein délire... Qu'est-ce qui te fait dire que j'ai envie de toi ?", j'avais repris mon sourire en fin de phrase pour ne pas paraître sur la défensive et lui faire croire que je trouvais l'idée parfaitement ridicule.
"Oh Harry, je t'en prie. Je t'ai vu faire pendant des années, je sais parfaitement reconnaître quand tu prends une femme en chasse. Et tu n'as pas arrêté tout le weekend avec tes propos salaces, tes sourires charmeurs, ta tonne de sous-entendus et tes contacts ininterrompus", elle ne pouvait pas viser plus juste mais c'était complètement inavouable ce soir face à tant d'hostilité.
"Quelle blague ! C'est exactement le comportement que tu as eu avec moi…", je marquais un point mais elle ripostait malgré tout avec aplomb.
"C'était innocent pour moi, contrairement à toi "
"Vraiment ? On peut savoir pourquoi tu as décrété que c'était différent pour moi ?"
"Parce qu'en aucune circonstance je ne t'ai vu refuser une occasion de t'envoyer en l'air. Et pourtant, tu as passé tout le weekend sur mes côtes, à ignorer cette journaliste qui te faisait des appels de phare et à te désintéresser des filles qui étaient plus que prêtes à écarter les cuisses. C'est largement suffisant pour me mettre la puce à l'oreille et je t'interdis de prendre cette pente incestueuse avec moi", son analyse était d'une extrême justesse mais elle ne devait pas le savoir. J'avais donc écouté attentivement le fil de ses réflexions dans l'espoir d'y trouver mon échappatoire et c'était le cas. Je venais d'identifier ma porte de sortie en comprenant qu'il s'agissait de ses seuls arguments et je me faufilais donc rapidement dans la brèche.
"Tu fais fausse route. Je ne te prends pas en chasse, pour reprendre ton expression", je choisissais ce démarrage pour me rapprocher d'elle, avec un sourire moqueur. Je prenais ses mains dans les miennes et je reprenais de façon plus que sérieuse.
"J'étais effectivement très excité de te revoir...mais absolument pas de la façon que tu imagines", je ponctuais ma réponse d'un rire moqueur et je cessais rapidement face à son regard colérique.
"OK, j'ai été intense, mais c'est parce que tu m'as infiniment manqué, Mia. A un point que tu n'imagines pas, et tu continues de me manquer tous les jours de la semaine à Paris. Tu t'es monté la tête toute seule, ce n'était que des effusions de joie et je te remercierai de bien vouloir m'épargner tes raccourcis foireux à l'avenir. Ce n'est pas parce que j'ai refusé de me taper ces inconnues que j'en ai après toi. J'ai ignoré ces femmes parce que je n'avais aucune envie de gâcher notre temps précieux. Je suis venue à Londres uniquement pour te revoir et nous réconcilier. Tu as toujours été ma priorité, c'est encore plus vrai maintenant avec ces rares weekends près de toi",
Je prenais une pause pour sonder sa réaction en espérant que cette tirade me permettrait de sortir de cette situation désastreuse. Mia y était visiblement sensible mais elle doutait encore. Je la voyais réfléchir et considérer mes propos alors je prenais la décision d'abattre ma dernière carte pour finir de la convaincre. Je la plaquais contre le comptoir de sa cuisine, je prenais sa main dans la mienne et je la dirigeais sans préavis sur mon pantalon. Je la plaçais sans subtilité ni douceur contre mon sexe qui était parfaitement au repos après cette énorme douche froide et il était parfaitement conscient de devoir le rester malgré ce contact rêvé. J'avais recommencé à sourire en la voyant paniquer et tenter de retirer sa main. Je la maintenais de force sur mon intimité en souriant plus encore face à son air offusqué et choqué.
"Rends-moi ma main tout de suite, pervers !"
"Non ! Tu hésites encore. Tu disais quoi la dernière fois ? Que s'il y a bien une chose qui ne mens pas chez un homme c'est sa queue ? Donc dis-moi, est-ce que j'ai l'air d'avoir envie de toi ?", oui, j'en étais réduit à ce mensonge et ce sabotage aujourd'hui. Je n'avais aucune autre échappatoire que ma terrible friendzone.
"Réponds-moi ! ", je la voyais prendre une inspiration pour se redonner contenance et tenir tête à mon initiative déplacée.
"Non, tu ne l'es visiblement pas…", je voyais enfin le premier sourire de la soirée prendre place sur son visage. Mia était clairement en train de s'amuser de la situation désormais et elle allait même jusqu'à se défendre avec une moquerie.
"Du moins, je n'espère pas pour toi...", c'est le moment que je choisissais donc pour libérer sa main.
"Je te confirme que je n'ai pas envie de toi. Puisque sans vouloir me venter, tu l'aurais vraiment sentie sinon...", je riais franchement de son affront mais je continuais sur ma lancée, en gardant mon aplomb, en tenant le mensonge et en continuant de la séduire au passage.
"Et en passant, je ne suis pas ton frère, Mia...Tu as parfaitement le droit de t'imaginer dans des positions inamicales avec moi, il n'y aurait absolument rien d'incestueux dans le fait d'y penser ou même d'essayer…", j'avais terminé avec un clin d'œil outrageux et Mia laissait échapper un rire très franc qui me ravissait mais surtout me soulageait. Ce rire signifiait que j'étais quasiment tiré d'affaires. Je la regardais reprendre avec un air mi-amusé, mi-gêné.
"Je pensais…", je l'interrompais rapidement.
"Tu pensais mal parce qu'il n'y a rien de différent de mon côté non plus", elle était clairement honteuse maintenant et j'enfonçais le dernier clou en poursuivant dans ce mensonge éhonté.
"Dire que j'ai pris le premier train pour Londres avec la peur au ventre d'avoir fait encore quelque chose de mal…"
"Je suis ridicule...je suis désolée pour ça...et pour le verre d'eau aussi...", elle passait sa main délicatement et timidement dans mes cheveux mouillés au même moment en faisant une moue coupable irrésistible. Mia était une femme fière donc si elle en venait à être désolée, c'était que le sujet était enfin classé. Toute la pression retombait donc de mes épaules à ce sauvetage in extremis et je prenais quelques secondes de silence pour décompresser avant de me relever de cette chute avec le plus de dignité possible.
"J'ai droit à un accueil digne de ce nom maintenant que j'ai montré patte blanche ou tu vas encore me traiter de pervers ?", j'avais porté Mia sur cette réplique en l'installant sur son comptoir et en tendant ridiculement la bouche en cœur vers elle. J'avais les yeux fermés en ce moment, j'entendais son merveilleux rire cristallin et je sentais ensuite ses mains sur ma nuque et ses lèvres sur ma joue. Je ne retenais pas mon soupir de bien-être à ces gestes doux et j'en voulais davantage.
"Très insuffisant", je l'entendais rire puis je la voyais déposer une pluie de baisers délicieuse sur mon visage, ponctuée de caresses étourdissantes dans mes cheveux humides. C'était obtenu sous le chantage, certes, mais les sensations n'en étaient pas moins divines.
"Est-ce que c'est mieux ?", j'hochais la tête négativement à sa question en souriant et Mia réagissait très volontairement avec de nouveaux baisers.
Je prenais conscience au même moment de ma position pousse-au-crime. J'étais entre les cuisses de Mia, elle était à ma hauteur et j'avais cet accès idéal à sa nuque tentatrice. Les souvenirs des fois où j'avais eu la chance d'y goûter réellement me revenaient inévitablement en tête. Je repensais à cette soirée au casino, à cette danse au bal, à ce trajet jusqu'au festival et à mes baisers volés au studio de danse le weekend dernier. Je me laissais définitivement tenter une nouvelle fois ce soir en y déposant un baiser que je voulais le plus chaste possible pour éviter de la faire fuir de nouveau. Je m'agaçais aussitôt de l'entendre parler puisque je désirais plus que tout qu'elle me laisse profiter de ce plaisir volé.
"…Cette zone est à éviter, Harry", à ma plus grande surprise sa voix était faible et lascive. Je notais que les gestes de Mia ne suivaient absolument pas ses paroles. Ses doigts étaient toujours entrelacés dans mes cheveux et elle n'avait visiblement aucune intention de les retirer. Je profitais donc de son moment de flottement pour glisser les miennes sur ses hanches dans un geste innocent en apparence mais qui me faisait bel et bien l'effet d'un brasier.
"Pourquoi ?", je répondais de façon faussement candide en déposant un autre baiser sur sa nuque dans un geste plus appliqué et mon cœur partait dans une embardée folle en remarquant qu'elle se laissait encore faire. Tous mes sens étaient portés sur ses réactions et ce que je remarquais me faisait perdre la tête car c'était de cette façon que commençaient la plupart de mes rêves. Je sentais sa chair de poule sous mes doigts au moment où mon souffle caressait sa peau, je percevais le rythme saccadé de sa respiration au moment où mes lèvres touchaient sa nuque, je devinais le gémissement qu'elle essayait d'étouffer tant bien que mal pendant que mes lèvres se mettaient à bouger.
"Parce que c'est une zone très sensible chez moi..."
"Sensible ? Comme chatouilleuse ? ", je faisais semblant encore une fois de ne pas comprendre pour avoir le droit de déposer un autre baiser à proximité de son oreille.
"...mmh...non...comme particulièrement érogène, donc à éviter définitivement entre nous...", j'avais interrompu mes gestes instantanément à cet aveu absolument imprévu et surtout terriblement bandant. Mia était en train de prendre un plaisir intense sous ces quelques baisers chastes et cela m'en disait long sur la force du désir qu'elle ressentirait si je lâchais les vannes et décidais de dévorer sa nuque sans retenue comme j'en mourrais d'envie. J'étais terriblement excité à cette idée et j'hésitais douloureusement sur la suite à donner. Mia pouvait tout à fait céder si je continuais, j'en étais persuadé, mais je la connaissais suffisamment pour savoir qu'elle n'était pas prête à cette idée et qu'elle aurait fui de la plus lâche des façons au réveil en gâchant toute la magie du moment. Alors je résistais en gardant sagement ma langue dans ma bouche et mes mains sur ma zone autorisée pour ne pas anéantir tous mes précédents efforts. Je la laissais repousser mon visage, je trouvais la détermination de lui obéir docilement en lui rendant le sourire le plus indifférent que j'avais en réserve. C'était pourtant à des années lumières des pensées et des sensations qui me traversaient l'esprit et le corps en ce moment mais je me forçais à sortir péniblement de ma transe.
"Seigneur...Cette phrase d'allumeuse nous prouve à quel point tu es l'hôpital qui se fout de la charité. Tu as de la chance que je ne sois pas intéressé par ce corps fabuleux sinon tu serais déjà entièrement nue sur ce comptoir en train de payer très fort ton audace", j'avais ponctué ma phrase d'un sourire ravageur et Mia restait muette et estomaquée. J'étais bien obligé de continuer mon opération de charme en parallèle et j'œuvrais comme un parfait équilibriste en ce moment. Je m'en impressionnais le premier mais je décidais qu'il était temps de clôturer à contrecœur face à son nouveau mutisme.
"Je dois te laisser, Liam et ma tante m'attendent pour dîner. A demain, Princesse", je la faisais descendre du comptoir au même moment avec une indifférence feinte. Je lui déposais un baiser doux sur le front, avec le peu de force qu'il me restait et je prenais la direction de la porte quand je l'entendais m'interpeller une dernière fois avec un ton révolté.
"Je croyais que Liam avait du monde et qu'il ne pouvait pas te recevoir ?", je lui rendais mon sourire le plus diabolique en me retournant pour lui faire face.
"Ça doit vouloir dire que je t'ai menti…", je répondais avec un clin d'œil. Ma réplique et mon geste étaient lourds de sous-entendus et elle finirait par le comprendre tôt ou tard. Je pensais ensuite à une dernière directive avant de quitter définitivement son appartement.
"Et Mia ? Je ne passerai pas Thanksgiving à côté de tes danseuses. Je veux la place du roi, juste à côté de toi. Donc corriges ton plan de table", je partais sur un dernier clin d'œil charmeur.
J'étais parti ensuite sans plus de mots et sans attendre sa réponse. J'avais pris un temps pour moi sur le trajet avant de rejoindre ma famille car j'étais parfaitement démoralisé par cet échange. Mia me servait un nouveau refus onze ans plus tard, elle réalisait l'exploit d'être la seule femme à m'avoir jamais résisté et elle piétinait mon égo. Je venais d'en avoir la décourageante confirmation ce soir : elle n'était définitivement pas prête à l'idée de passer à autre chose avec moi. J'avais donc cette désagréable impression ce soir que l'objectif que je m'étais fixé était tout simplement inatteignable, que la tâche était insurmontable. J'étais de nouveau dans une position impossible et je n'avais plus aucune idée de la façon dont je devais m'y prendre pour lui faire oublier cette amitié vieille de plusieurs années. Je repensais aussi à ses derniers contacts avec Charlie. J'étais torturé de savoir si cet homme était un obstacle sur ma route et une des raisons de son indifférence. Je n'arriverai jamais à rien si c'était le cas et je m'en inquiétais puisque je n'avais pas eu d'information concernant leur précédent rendez-vous. Je repensais aussi à la promesse que j'avais faite à Mia de régler mes comptes avec lui. Deux points que je décidais donc de lever demain à la première heure, à défaut de savoir comment avancer avec elle.
Point de vue : Charlie
La dernière personne que je m'attendais à voir en ouvrant la porte était bien lui. Harry était là, sur le pas de porte, avec un air presque timide.
"Salut", il venait de m'adresser cette salutation cordiale pendant que j'hésitais sur la suite à donner à sa visite inopinée. En considérant la façon dont s'était parfaitement bien déroulé mon dernier rendez-vous avec Mia cette semaine, je décidais de l'inviter silencieusement à entrer. Je le voyais s'en étonner puis s'engouffrer prudemment dans l'appartement.
"Je te sers une bière ?", ma proposition et mon invitation à s'asseoir le laissaient sans voix.
"Qu'est-ce qui t'amène, Harry ?", mon visage restait fermé mais je prononçais ma question d'un ton plutôt neutre en m'asseyant face à lui et en lui tendant son verre.
"A Londres ?"
"Non. Chez moi. Pour Londres, je visualise très bien ta motivation. Donc je t'écoute", je le voyais patauger dans sa gêne face à mon culot et ma référence à peine voilée à Mia. Harry soupirait bruyamment pour rassembler son courage.
"Je te dois des excuses...Ça arrive un peu tard mais je voulais quand même te les présenter", c'était une grande surprise car ça n'était pas le genre d'exercice auquel se prêtait souvent Harry. Il était du genre à rester fier et silencieux, même quand il avait parfaitement conscience de dépasser les bornes. Je restais muet le temps d'apprécier et Harry en profitait pour continuer.
"Je sais que ce n'est ni un prétexte ni une excuse mais j'ai tendance à perdre mes moyens quand il s'agit de Mia…"
"C'est un sacré euphémisme mais c'est déjà bien que tu l'admettes", je lisais son rictus docile et je continuais face à sa nouvelle sincérité.
"C'est tout ?"
"Oui. Je voulais que tu le saches. J'ai été un parfait enfoiré alors que tu ne l'as jamais mérité. Il n'y avait rien de personnel de mon côté, et au contraire, j'aurais été capable de bien pire si ça avait été un autre homme que toi. Dieu seul sait jusqu'où je suis prêt à aller pour elle", je prenais encore un instant pour m'habituer à son honnêteté. Harry ne m'apprenait rien, j'avais parfaitement mesuré la portée de son engagement et je savais qu'il n'avait aucune limite quand il s'agissait de Mia.
"J'ai pourtant du mal à imaginer un plus gros coup de pute que ce tatouage", Harry avait eu d'abord son air gêné mais j'avais remarqué ensuite ses airs malicieux. Je reprenais rapidement car je n'avais absolument pas envie qu'il m'en dise plus sur ces autres dessins diaboliques.
"J'aurai noyé aussi n'importe quel autre homme dans ce jacuzzi ce soir là", les termes que j'avais choisis étaient forts mais atténués par mon ton détaché et mon visage qui était en train de se dérider. Sa franchise me plaisait et je continuais en voyant qu'il avait la décence d'encaisser en silence et de baisser les yeux.
"Tu es insupportable depuis le sauvetage, tu tapes sur le système de Julia aussi et je ne sais pas par quel miracle Théo parvient à te supporter aussi bien"
"Je sais ", Harry s'autorisait un rire timide à mes critiques et je m'étonnais encore plus de sa résilience. Son mea culpa était beaucoup trop tardif mais j'étais malgré tout satisfait de recevoir enfin cette franchise et ce respect dont il m'avait privé ces derniers mois.
"Tu n'as jamais été aussi con et possessif avant l'Île "
"Si ça n'a rien de nouveau, mais c'était à une autre époque. Vous n'étiez juste pas là pour le voir"
"Tu veux dire avant ta rencontre avec Victoria ?", je l'observais garder le silence et baisser la tête à ma déduction et ma citation et je changeais de sujet pour lui éviter ce souvenir douloureux.
"Est ce que ça avance comme tu l'espères ?", Harry fixait son verre plus qu'embarrassé.
"Mia m'a pardonné mes dernières sorties de route, si c'est le sens de ta question"
"Ça y répond en partie ", l'échange de regard qui suivait se passait de mots. Harry avait parfaitement compris ma question mais refusait simplement d'y répondre et contournait en me retournant une question qui lui arrachait visiblement la bouche.
"Et toi ? Tu avances sur votre projet d'amitié ou tu aimes toujours Mia ?".
"J'aimerai toujours Mia", je pouvais difficilement faire plus sincère et je voyais sa mâchoire se crisper de contrariété à ma réponse.
"Donc cette histoire de verre entre amis, c'était du baratin ?", on y arrivait. Harry me posait enfin la question qui le démangeait. Je me doutais que sa visite était intéressée, il ne pouvait pas en être autrement avec lui mais je décidais de ne pas m'en formaliser car j'avais envie d'avancer et d'en finir avec lui.
"Non. Je ne l'aime plus de cette façon. C'était vraiment un verre entre amis. C'est terminé entre nous", Harry posait son verre désormais et il avait cet air sérieux comme j'avais rarement vu chez lui.
"Tu es un putain de prince charmant, Charlie. Mia pourrait tomber amoureuse de toi si tu décidais d'insister", son air était plus grave que jamais, il pensait donc sincèrement ce qu'il disait mais surtout, je voyais que cette affirmation le prenait aux tripes. C'était parfaitement risible de voir d'ailleurs les rôles inversés aujourd'hui et de lire cette émotion sur le visage d'un homme de nature aussi peu jalouse que lui. Mia était en train de réussir l'exploit de lui faire perdre la tête.
"Ses danseuses ont même créé des slogans à ton nom"
"Alors je devrais peut-être refaire un tour au studio à l'occasion si elles sont aussi fans de moi…Ashley a de sérieux arguments", Harry me regardait maintenant de travers, plutôt frustré que j'évite le sujet de fond et de m'entendre rire à ce moment décisif pour lui. Je marquais une pause puis je décidais de lui en donner pour son argent avec la bonté d'âme qu'il me restait.
"Elle pourrait peut-être tomber amoureuse de moi si j'insistais mais je n'en ai plus envie. Il faudrait aussi que tu renonces à elle et on sait tous les deux que tu n'en es pas capable", je le regardais se figer face à ma réponse.
"Et tu n'étais pas obligé de commencer par toutes tes fausses excuses. Je sais que tu es venu jusqu'ici pour me l'entendre dire. Je te confirme que la voie est libre, Harry, tu n'auras pas besoin de m'enterrer vivant pour arriver à tes fins", Harry intervenait pour me contredire, avec une sincérité et une humilité que j'appréciais encore une fois.
"Mes excuses étaient sincères"
"Très bien, alors tu as fait une pierre deux coups. Et arrête avec cet air incrédule. Je suis sérieux, il existe beaucoup trop de femmes sur terre pour que je m'obstine sur la tienne. Je ne suis pas aussi con et désespéré qu'Adrien".
Je me sentais obligé de citer Adrien car il avait été paradoxalement d'une aide précieuse pour traverser cette crise. J'avais la preuve vivante du niveau de folie que pouvait atteindre un homme à trop rêver et ce n'était définitivement pas l'avenir que j'espérais pour moi. J'avais préféré l'apaisement. J'étais porté par cet instinct qui m'avait sauvé sur l'Ile. J'avais relativisé grâce à cette expérience, puisque nous avions survécu ensemble et parce que je voulais croire au fait que nous pouvions revivre et avoir droit au bonheur également ensemble. Théo l'avait trouvé auprès de Julia. J'étais en train de le retrouver secrètement avec Catherine et j'étais désormais parfaitement prêt à l'idée que Mia et Harry le trouvent ensemble.
"Mia n'est pas à moi", j'avais enfin la dernière partie de ma réponse. Je le savais, depuis mon dernier rendez-vous avec elle mais je voulais voir sa réaction et j'étais en l'occurrence surpris de le voir si étrangement abattu. C'était à l'inverse du tempérament combatif et fier de Harry et je devinais qu'il butait sur de sérieuses difficultés avec elle pour oser afficher devant moi cette faiblesse.
"Pour l'instant. Mais te connaissant, tu dois être en train de déplacer tout un arsenal de guerre pour qu'elle le devienne. Tu ne me feras pas croire que tu es venu à Londres pour enfiler des perles. Ce ne serait pas cohérent avec ton profil de pervers narcissique", Harry avait fait ses meilleurs efforts pour garder son sérieux jusqu'ici mais il laissait échapper un rire très spontanée à cette réplique et insulte. C'était ce que j'avais cherché à obtenir puisque j'étais passablement épuisé par l'intensité de notre échange.
"Comme tu ne me feras pas croire que tu as renoncé à elle…"
"Et pourtant, c'est le cas. J'étais dingue de Mia mais je suis passé à autre chose et je t'assure que cette soirée entre amis était une réussite pour tous les deux. Avec le recul, je peux te confirmer que c'était une passion passagère ou une amourette sans lendemain comme tu l'as si bien dis. Mes sentiments ont été décuplés par notre expérience commune sur l'Île, les drames qui ont suivi et sans aucun doute par les talents remarquables de Mia dont tu n'as pas encore connaissance… », j'avais fait une pause en restant sur un ton rêveur pour le provoquer mais Harry n'était pas le moins du monde choqué. Il semblait même au contraire s'en amuser et retenir une information importante que je ne cherchais pas à comprendre pour mon propre bien. Il décidait de reprendre sérieusement et d'ignorer mon pic.
"C'était bien plus qu'une amourette. Elle n'a jamais été aussi sincère qu'avec toi", je l'avais deviné, j'avais ressenti la sincérité de Mia à plusieurs reprises. Son affirmation me réconfortait autant qu'elle m'amusait.
"Dieu tout puissant, je rêve où tu es jaloux de moi, Harry ?", je le toisais avec humour et Harry baissait la tête en riant timidement et en se frottant le visage d'embarras. Je reprenais sans l'obliger à me répondre.
"...Écoute...Tu sais que je suis le genre romantique. Je crois aux âmes-sœurs et au grand amour. Ce genre de choses prend aux tripes et je peux te dire aujourd'hui que n'ai jamais rien ressenti de tel pour Mia, même pendant nos meilleurs moments. A l'inverse, je l'ai ressenti un nombre incalculable de fois en vous regardant, elle et toi", je le voyais se figer à ma réplique. Je lui laissais le temps de l'intégrer et je reprenais.
"J'étais simplment un parasite de plus sur votre route, comme l'était Victoria", je le voyais plisser des yeux et me défier d'en dire plus. Je savais que je marchais sur des œufs en osant parler d'elle pour la deuxième fois de notre conversation mais il allait écouter ce que j'avais à dire que cela lui plaise ou non.
"Je t'ai vu en couple pendant des mois, j'étais présent à ton EVG et j'étais au premier rang le jour de ton mariage. Je dis juste que les regards et les sentiments pourtant très sincères que tu as eu pour Victoria font pâle figure à côté de ceux que tu as pour Mia depuis notre retour en France. Le destin a décidé que ce serait Mia et toi. Je vous connais trop bien maintenant tous les deux, je sais que vous en serez convaincus dans la seconde où tu poseras tes lèvres sur les siennes".
Je considérais que j'en avais terminé de mon côté car je ne pouvais pas aller plus loin dans la franchise et les confidences. J'étais encore dans mes pensées quand je l'entendais finalement étouffer ses rires entre ses mains puis rire franchement.
"Qu'est ce qui te fait marrer ?", je trouvais sa réaction parfaitement inappropriée mais j'étais à la limite d'en faire de même et je me mordais les joues pour ne pas lui donner ce plaisir.
"C'est bien la dernière chose à laquelle je m'attendais en venant frapper à ta porte"
"Tu t'attendais à quoi ?"
"A ce que tu m'insultes, me pète les dents et me claque la porte au nez. Absolument pas à ce que tu parles autant...et encore moins à ce que tu me donnes ta bénédiction"
"Comme si tu avais attendu ma bénédiction… Mais je peux encore décider de te claquer la porte au nez et de te péter les dents effectivement", j'avais souris timidement cette fois puisque j'étais plus que soulagé de mes confessions. Je ne pouvais vraiment pas faire plus pour eux désormais.
"Bien vu. Et je me laisserai faire parce que je l'aurai mérité"
"Non, tu te laisserais faire parce que tu sais que tu n'as aucune chance contre moi"
"Pourtant je t'en ai mis des belles au Mexique"
"Au Mexique uniquement comme tu dis et au terme de deux coups bas pas très glorieux. Tu n'as jamais fait le poids à la régulière…", l'enchaînement de joutes avait été spontané et naturel mais le malaise en son terme était partagé. Cette légèreté imprévue restait encore tabou pour tous les deux.
"Bon maintenant que la messe est dite, bouges de chez moi. J'aimerai bien mettre un terme à ce moment de gêne absolu et ne plus voir ta gueule d'enfoiré d'ici l'EVG de Théo", cette dernière réplique était sortie sans animosité. J'avais décidé de couper court pour récupérer mon air et aller définitivement de l'avant.
"C'était un plaisir, Charlie", Harry avait osé un sourire et une dernière politesse moqueuse en regagnant la porte.
"Plaisir non partagé, Harry", j'avais claqué la porte derrière lui rapidement pour qu'il ne voit pas mon sourire et je soupirais ensuite profondément après son départ. Cet échange, aussi pénible et gênant soit-il, venait de me retirer une énorme épine du pied. C'était plus que libérateur d'avoir pu avancer en aussi peu de temps avec elle et avec lui et je comprenais qu'ils étaient plus proches que jamais du dénouement, sans en avoir conscience l'un et l'autre.
Point de vue : Mia
J'avais beaucoup de mal à rester concentrée cet après-midi. Je me repassais inlassablement le film de ma dernière confrontation d'hier avec Harry qui m'avait laissé dans un état second pour plusieurs raisons.
J'avais tremblé en le voyant sur mon pas de porte. Mes jambes avaient filé coton, je m'étais consumée d'appréhension face à cette confrontation inattendue et je m'étais réfugiée derrière la colère pour garder la face. J'avais tremblé de peur d'avoir raison, j'avais peur que Charlie ait raison alors j'ai fondu de soulagement dans un premier temps en l'entendant nier en bloc mes accusations. Mais mon problème aujourd'hui était que j'avais bel et bien ressenti de la déception puis de la frustration après ses dénégations et ses baisers avortés. Harry m'avait aussi laissé en plan brutalement en terminant sur cette phrase qui tournait en boucle dans ma tête depuis ce matin : "Ça doit vouloir dire que je t'ai menti".
Cet homme était démoniaque, ça ne pouvait pas être innocent, je me torturais de savoir s'il s'était effectivement payé ma tête et je le soupçonnais encore plus en repensant au dernier avis de Charlie qui était un homme intelligent. Il avait toujours sût faire la part des choses, même pendant notre relation alors je ne pouvais pas remettre en doute son jugement maintenant.
J'étais donc absolument torturée, paniquée, sans dessus dessous et tiraillée. J'avais besoin de souffler, de respirer et de me cacher parce que ces émotions étaient absolument imprévues et ingérables. Je prenais une pause, sur ces réflexions intenses et je souriais en reconnaissant la notification de message de Charlie au moment où je pensais justement à lui. J'étais tellement plus légère depuis notre dernière soirée dans ce bar, tellement heureuse de pouvoir passer à autre chose et surtout de le voir passer à autre chose. Charlie ne m'en voulait pas et ne souffrait pas. J'aurais pu être passablement blessée dans mon orgueil mais j'étais juste soulagée de n'avoir pas laissé de séquelles et surtout de l'avoir encore dans ma vie. J'ouvrais donc son message, curieuse de savoir ce qu'il avait à me dire.
"Hello ma belle. Tu ne devineras jamais qui vient de sortir de chez moi ?", je souriais puisque j'étais absolument ravie de lire ce surnom affectueux et cette spontanéité qui sonnait de plus en plus naturellement à mes oreilles.
"Mmh, je ne vois définitivement pas. Qui ?"
"Ton Harry", je me crispais instantanément à cette réponse. Son premier message m'avait changé un moment les idées et j'étais ramenée brutalement à mes tourments malgré moi.
"Ça pour une nouvelle…En quel honneur?"
"S'excuser"
"...", je n'arrivais pas à être plus loquace. J'étais soufflée qu'il l'ai fait. Harry avait tenu sa promesse, une nouvelle fois, et mon cœur se serrait à cette pensée de manière incontrôlable.
"Tu n'es pas au courant ? J'ai pensé que ça venait peut-être de toi"
"Non, mais maintenant que tu le dis, il m'avait confirmé aux fiançailles qu'il le ferait et je l'ai rappelé à l'ordre le weekend dernier, c'est surement lié"
"Aux fiançailles ? A quel moment tu as parlé à Harry aux fiançailles…?", je venais de gaffer de la pire des manières, j'avais gardé ce secret précieusement jusqu'ici et je venais de me trahir comme la dernière des idiotes.
"Oups…", Charlie allait me tuer.
"?"
"...Je perdais la tête, je n'arrivais pas à dormir, alors je suis allée régler mes comptes dans la nuit. C'était plus fort que moi. J'ai peut-être omis volontairement de t'en parler…désolée..."
"Sans commentaires…", je me rongeais les sangs de culpabilité.
"En tout cas, cette entrevue était surréaliste", je le remerciais intérieurement de ne pas me sermonner ni d'insister.
"Je veux bien te croire...Et donc ? Tu as accepté ses excuses...?"
"Je ne lui ai pas arraché la tête, c'est déjà charitable de ma part, non ?".
"En effet..."
"J'ai pris sur moi uniquement parce que je sais que tu en auras fort besoin prochainement ;)"
"Quelle lourdeur Charlie !...Merci de me l'avoir dit. Je dois reprendre les répétitions ! Bise"
"^^...Je t'en prie, c'est à ça que servent les AMIS", je riais niaisement et je ressortais aussi plus perturbée de sa nouvelle insinuation concernant Harry et moi. Il aggravait encore plus mon trouble malgré lui. J'avais passé onze années à subir ce genre d'attaque dans la plus grande indifférence mais celles de Charlie avaient un écho différent et un fonds de vérité alarmant. Et comme si l'univers était contre moi, je recevais au même moment un sms de Harry.
"Tu dînes avec nous ce soir, Princesse ?", j'avais très envie de répondre non et de rentrer me cacher sous ma couette mais l'usage du "nous" me rassurait. Je présumais qu'il parlait de Liam et Olivia, il ne s'agissait pas d'un dîner en tête à tête donc je me sentais d'attaque pour gérer et j'acceptais en reprenant ensuite tant bien que mal le travail avec Olivia.
La fin de journée était arrivée rapidement mais péniblement, je sentais parfaitement que nous étions à bout nerveusement et physiquement avec Olivia. Nous venions de terminer les répétitions avec les filles qui nous avaient rejoint en fin d'après-midi.
"Tu dînes avec nous Mia du coup ?", Olivia m'interpellait pendant que je rangeais mes affaires.
"Oui, je passe à l'appartement me préparer et je vous rejoins"
"Rendez-vous dans une heure alors"
"Dans une heure ? Vous allez où ?", Ashley venait de faire irruption dans la conversation.
"On sort avec Harry et Liam"
"Avec Harry, intéressant...Je peux me joindre à vous ?", je brûlais intérieurement face à cette marque d'intérêt de Ashley. Cette femme était un vautour, une croqueuse d'homme et c'était prévisible de la voir jeter son dévolu sur lui. J'aurais dû être indifférente mais sa demande me contrariait alors que je n'avais aucun droit de réagir de cette manière. Je sentais au même moment le regard insistant et malicieux de Olivia qui n'attendait que ma réaction négative. Cette femme me harcelait depuis le premier weekend de Harry à Londres et je ne devais pas lui donner cette joie, alors je répondais malgré moi, instinctivement et rapidement, avec un optimisme plus que feint.
"Bien sûr. A toute à l'heure les filles".
J'arrivais enfin au point de rendez-vous et je trouvais Ashley devant le restaurant. Son optimisme était débordant visiblement puisqu'elle était toujours la dernière habituellement. Liam et Olivia arrivaient au même moment et je laissais échapper une remarque que je savais être désagréable.
"Tu dois avoir bien froid dans cette tenue Ashley. Tu n'as pas trouvé plus de saison ?"
"Non, patronne. J'ai anticipé la fin de soirée. J'ai supposé qu'il ferait très chaud dans les bras de Harry", mon rire à sa réplique était plus que forcé et nerveux. C'était de cette façon que je le ressentais dans mes entrailles et j'espérais qu'aucun d'eux n'aient remarqué à quel point sa réplique m'insupportait.
"Tu vas vite en besogne"
"Tu crois que je ne suis pas son genre ?"
"Je n'ai pas dit ça", ça aurait été beaucoup trop suspect et surtout beaucoup trop faux de dire le contraire. Ashley était parfaitement le style de Harry, pour la nuit, et de beaucoup d'hommes, dont Charlie que j'avais surpris à reluquer à plusieurs reprises.
"Ok, alors ne dis rien puisque tu m'envoies de mauvaises ondes", je me mordais les lèvres pour ne pas surenchérir.
"Harry a du retard. Je meurs de froid, prenons la table en attendant Mesdames, il nous rejoindra !", Liam venait de couper court définitivement à notre échange et nous guidait à l'intérieur, dans ce restaurant que j'adorais et où j'avais mes habitudes depuis des mois.
L'endroit était toujours aussi agréable mais c'était insuffisant pour me détendre. Je participais bon gré malgré aux discussions, en faisant de mon mieux pour être aimable avec Ashley qui n'avait pas conscience que je rêvais de lui arracher la tête ce soir.
Harry nous rejoignait ensuite au bout de quelques dizaines de minutes. Il était atrocement séduisant dans ce manteau long, avec sa barbe mal rasée du jour, ses couleurs sombres qui mettaient encore plus son côté ténébreux en valeur, ce sourire ravageur, ses lèvres charnues et rosies par le froid. Je me demandais sur le moment si la chaleur qui me montait aux joues étaient visibles des autres et je buvais d'une traite mon verre pour éteindre mon trouble au moment où je recevais sa bise solitaire sur ma joue. Je restais sagement silencieuse ensuite pendant un temps un peu trop long visiblement puisque Olivia me rappelait à l'ordre avec agacement.
"Ici la terre ! Mia ! Tu en penses quoi ?"
"De quoi ?"
"Non mais je rêve, tu n'as rien écouté ?"
"Oh ça va. Je suis fatiguée. Répète"
"On pensait improviser un weekend la semaine prochaine avec Liam et Harry. Ça te dit ?"
"Le weekend prochain ? Celui qui précède le spectacle ? J'espère que tu plaisantes ?"
"Non je suis très sérieuse. Il faut qu'on fasse un break, on est épuisées, ça ne rend plus rien, tu l'as bien vu aujourd'hui. On a besoin d'une pause avant la dernière ligne droite. On partirait du vendredi soir au dimanche, ça ne ferait manquer que deux jours de répétition"
"Les weekends avec toi n'ont rien de reposant, Olivia"
"Cette fois ça le sera. J'en ai besoin et la réussite du spectacle me tient à cœur aussi tu sais ? Crois moi je n'ai vraiment pas envie de me ridiculiser. Je pensais à un weekend dans les fjords, on pourrait louer un chalet pour un pur moment de farniente. Je t'assure que je ne rêve que de ça. Ce sera très sage"
"Olivia a raison, tu devrais te reposer", j'osais un regard à Harry en l'entendant m'interpeller pour la première fois de la soirée. Je trouvais son humeur plutôt moyenne ce soir et je supposais que mon comportement de la veille ou son entrevue avec Charlie avait tout à voir. Je me faisais aussi la désagréable réflexion de le trouver bien loin de moi. Ashley avait eu le culot de me prendre ma place habituelle, en s'installant sur la chaise face à lui, et je détestais ça.
"Deux nuits, Olivia. C'est tout. En pleine nature et au calme. Si tu ne respectes pas ces conditions, je nous mets dans le premier vol retour"
"Promis patronne ! Je vais nous trouver l'endroit parfait, ne t'inquiète pas, ça va être merveilleux", c'est à ce moment que Ashley revenait des toilettes et que Olivia en profitait pour changer de conversation. Je la remerciais intérieurement car j'aurais pu littéralement sortir de mes gonds si Ashley s'était aussi invitée à ce weekend.
J'avais essayé d'intégrer un peu plus les échanges après cela mais je n'y arrivais pas. J'étais silencieuse et j'observais les avances de plus en plus agressive de Ashley sans savoir déterminer si Harry était intéressé ou non. Il n'en avait pas vraiment l'air mais il lui parlait et lui répondait malgré tout.
A ce stade, je considérais que la soirée ne pouvait pas être plus pénible. J'étais épuisée physiquement et nerveusement de mes activités au studio, j'étais contrariée par la présence indésirable de Ashley et j'étais à fleur de peau de ma dernière confrontation avec Harry et à cause de sa distance ce soir, au moment où j'aurai eu besoin plus que jamais de trouver du réconfort dans ses bras.
J'envisageais donc de décommander la deuxième partie de soirée mais je devais au moins tenir jusqu'à la fin du repas. Je trouvais la force de rester à table en considérant que la situation ne pouvait pas être pire. Du moins c'était ce que je pensais, jusqu'à ce que j'aperçoive cette table en fond de salle, jusqu'à ce que je me fige d'horreur face au spectacle qui se déroulait sous mes yeux au loin. Je prenais peut-être une des plus grande douche froide de ma vie en ce moment. Je ne m'étais pas préparée à ça et je n'en revenais pas.
Charlie était là, à couver nulle autre que Catherine d'un regard amoureux, qu'elle lui rendait sans aucune retenue. J'étais stupéfaite, en colère, en peine, je ne saurais même pas dire quelle était l'émotion dominante tellement la situation me retournait. Le monde autour de moi s'arrêtait, je n'entendais plus rien des conversations de la tablée et je suis presque sûre d'avoir arrêté de respirer. J'avais dû rester dans cette position à les fixer pendant au moins une très longue minute, à observer attentivement les caresses, les baisers et les sourires. Et je savais ce que je ressentais. Je n'étais pas jalouse ni envieuse, non, j'étais blessée, humiliée et vexée. Charlie ne m'avait rien dit alors que nous avions décidé de repartir sur de nouvelles bases mais surtout je me revoyais des mois plus tôt, je sentais mes névroses revenir au galop et la détresse s'emparer dangereusement de moi.
Charlie m'avait ainsi oublié aussi violemment qu'il m'avait baisé, je n'avais été que la pute de service et la briseuse de couple, exactement comme je l'avais craint et présumé. Il avait tiré un trait sur moi à la vitesse éclair en réalisant que je n'avais été qu'une erreur et une passade sans lendemain. L'air me manquait cruellement et les larmes montaient sans préavis pendant ces réflexions. Je le savais, j'allais perdre complètement pieds et m'écrouler dans les secondes qui suivraient. Je me relevais donc vivement avant d'étaler mes larmes aux yeux de tout le monde et je quittais la table précipitamment en prétextant des nausées violentes et soudaines.
Je savais parfaitement que j'étais ridicule mais je n'arrivais plus à retenir les torrents de larmes une fois sortie du restaurant. J'avais un mal de chien. J'étais en pleine crise et c'était inarrêtable. Je savais que Charlie n'avait aucun compte à me rendre mais je plongeais malgré moi. Je n'étais pas jalouse de Catherine mais je l'enviais douloureusement et aussi Charlie, Théo, Julia, Liam, Olivia et toutes ces âmes amoureuses qui papillonnaient joyeusement autour de moi. J'étais encore célibataire à 31 ans, sans n'avoir jamais rien construit avec aucun homme. Je m'épuisais au travail pour l'oublier, je faisais ce que je savais faire de mieux mais j'aggravais aussi ma situation et mes frustrations avec ces activités connotées. J'étais plus que jamais un objet de désir pour les hommes, je croulais sous les marques d'intérêt, je subissais le harcèlement, les avances, les compliments lubriques mais aussi les insultes de toutes parts. Ils recherchaient tous la même chose, je ne jetais pas la pierre et je savais le gérer mais je désespérais malgré tout et encore plus désormais de savoir qu'aucun d'eux ne pouvait avoir envie d'autre chose avec moi.
Et je plongeais encore plus en repensant à mes derniers moments avec Harry. Je n'avais pas la trouille comme l'a dit Charlie, non, j'avais la peur de ma vie. Parce que Harry était le seul homme que je respectais, le seul homme qui me voyait vraiment et il n'avait pas le droit, lui plus que n'importe qui d'autre, d'avoir maintenant cette envie à son tour de me baiser. Je crois que je n'aurai plus la force de rien s'il se mettait aussi à ne voir que ça chez moi. Je m'effondrerai sans aucun doute si Harry me mentait.
Point de vue : Harry
J'étais tiré de mes discussions avec Liam par Mia qui venait de quitter subitement la table. J'étais pris de court par ce départ inattendu mais surtout d'inquiétude en remarquant son air grave. Mia avait soit disant des nausées mais j'avais été son garde malade plus d'une fois pendant toutes ces années et je savais donc qu'elle mentait. Je restais à ma place, trop surpris pour avoir le réflexe de partir à sa suite, j'essayais de sonder la situation pour comprendre d'où provenait ce changement d'humeur mais je ne comprenais pas.
J'avais le mince espoir qu'elle soit partie de jalousie à cause d'Ashley. C'était ce que semblait insinuer Liam et Olivia avec leurs regards entendus et insistants en ce moment mais j'y croyais moyennement. J'avais donc continué le repas plus taciturne que jamais, en essayant d'avoir confirmation mais Mia ne répondait à aucun de mes messages.
Ashley, elle, était complètement indifférente à mon changement d'humeur et poursuivait ses avances indésirables désormais parfaitement assumées.
"Harry, tu fais semblant ou tu n'es sincèrement pas intéressé par moi ?"
"Je ne suis sincèrement pas intéressé par toi, Ashley", mon agacement était arrivé à un point culminant.
"Okay….", Ashley était vexée comme un pou et je devinais les noms d'oiseaux qu'elle intériorisait. Je me sentais légèrement coupable de la brutalité avec laquelle je venais de couper court à son élan, en pleine tablée et face à ses amis mais j'avais déjà docilement subi ses assauts depuis le début du repas. J'avais subis malgré moi alors que je ne voulais absolument pas entendre parler d'une autre femme que celle que j'aimais et encore moins sous les yeux de la première intéressée. J'avais donc cédé à l'agacement en la rembarrant sans délicatesse sous l'œil interdit et gêné de Liam et Olivia.
Le reste de la table avait compris mon humeur à cette réplique et j'avais pris l'initiative d'aller faire une pause aux toilettes pour reprendre mes esprits et les épargner. C'est en me retournant et en me dirigeant dans cette direction que je comprenais enfin. Je savais précisément pourquoi mais surtout pour qui Mia avait pris la fuite si rapidement. Je fonçais en ce moment avec une colère plus que tangible vers sa table pour lui régler ses comptes une nouvelle fois.
"Je peux te parler, Charlie?", je m'étais passé de politesse pour Catherine, comme à mon habitude quand j'étais dans cet état de colère. Charlie avait baissé la tête et fermé les yeux d'appréhension en me voyant arriver. Il était démasqué, il craignait ma réaction et il avait raison car j'étais fou de rage. Je le voyais mobiliser son courage et me suivre jusqu'à la terrasse du restaurant mais en restant cette fois, et grâce à son expérience, à bonne distance de sécurité.
"Deux fois en moins de vingt-quatre heures. Ça redevient sérieux toi et moi", il avait tenté l'humour pour me mettre dans de bonnes conditions mais c'était parfaitement sans effet.
"Tu trompes Mia depuis quand ?", je voyais son air parfaitement choqué et ahuri à ma question brutale.
"Sérieusement ? Pour qui tu me prends ?"
"Pour un connard qui aime cocufier ses petites amies"
"Change de ton Harry. Ça n'a rien à voir. C'est très récent avec Catherine, c'était déjà finit avec Mia"
"Combien de temps après ta dernière fois avec elle ?", et Charlie baissait la tête de honte, je supposais que l'intervalle de temps était beaucoup trop court, comme je le craignais.
"Qu'est-ce que ça peut faire ? C'est Mia qui m'a dégagé. Je n'ai pas le droit d'avancer ?", je serrais la mâchoire et prenais une profonde inspiration pour m'éviter de lui bondir dessus. Il avait osé la trahir, lui mentir et il niait ses torts par-dessus le marché. Je gardais les mains dans mes poches pour préférer les mots aux gestes indésirables.
"...Tu es un putain d'hypocrite", l'insulte était sortie avec une grande sincérité. Charlie plissait des yeux et se vexait mais je poursuivais pour l'enfoncer encore plus, à défaut d'enfoncer sa tête dans le bitume comme j'en avais envie.
"Tu lui mens depuis des semaines et tu n'as pas eu la correction ni l'élégance de tenir un deuil de politesse avant de sauter sur la prochaine. Le prince n'est pas si charmant finalement. J'avais dit que je te le ferais regretter si tu merdais encore avec elle"
"Je n'ai plus de compte à te rendre donc tu peux économiser tes menaces", je laissais un rire moqueur face à sa lâcheté et sa fuite et je le regardais patauger maladroitement.
"Garde-le pour toi s'il te plaît. Laisse-moi l'annoncer correctement à Mia. Théo et Julia ne sont pas au courant non plus".
"C'est trop tard pour Mia, elle était avec moi au restaurant, elle a quitté la table à la seconde où elle vous a vu", et je le voyais se figer d'horreur puis se frotter la tête de culpabilité et de fatigue en comprenant un peu mieux les raisons de ma colère. Cet homme avait le chic pour blesser les femmes. J'aurai dû être soulagé d'avoir enfin la preuve qu'il était bel et bien passé à autre chose mais je n'y arrivais pas. J'étais enragé qu'il la blesse une fois de plus, enragé à l'idée que Mia soit en peine en ce moment à cause de lui, enragé à l'idée que Mia soit en train de le pleurer lui. J'avais ce besoin encore de me défouler sur Charlie mais je décidais de repartir à l'intérieur sans un mot de plus pour lui. Je prenais finalement mon manteau et j'écourtais la soirée à mon tour pour aller la retrouver.
"Tu n'es pas au bar avec les autres ?", Mia m'ouvrait la porte, je notais qu'elle avait abandonné ses habits pour sa robe de nuit, ses yeux étaient encore gonflés et rouges mais elle essayait de faire bonne figure face à mon arrivée imprévue avec sa fierté éternelle.
"Je suis passée te récupérer avant. Si tu vas mieux bien sûr"
"J'allais me coucher, allez-y sans moi", je la regardais en secouant la tête, Mia ne me l'avouerait jamais avec sa pudeur infinie alors je la confrontais.
"Tu t'attendais à ce que Charlie fasse vœux de chasteté jusqu'à ce que tu changes d'avis, Mia ?", les mots sortaient durement parce que j'étais blessé malgré moi que cette situation la tienne tant à cœur. Je la voyais contenir difficilement de nouvelles larmes après ma brutalité puis me répondre et affronter, à mon grand étonnement, au moment où je m'apprêtais à poursuivre avec humeur.
"Non, Harry. Je n'ai jamais eu l'intention de retourner vers Charlie et je n'ai pas mon mot à dire s'il a trouvé son bonheur avec Catherine. Au contraire, je suis soulagée et heureuse pour lui", Mia ne mentait pas, je le savais au fond de moi et mes angoisses se calmaient en conséquence instantanément. Je continuais donc avec une voix plus compatissante.
"Alors pourquoi tu te mets dans cet état ?", je lui posais la question pour la forme mais je n'avais plus besoin qu'elle me le dise. Je le devinais par élimination si l'amour ou la jalousie n'étaient pas responsables de son chagrin. Mais Mia gardait le silence, elle fuyait mon regard et me tournait le dos précipitamment pour me cacher sa peine. C'était trop tard, j'avais eu le temps de voir une de ses larmes couler et je savais ce qu'elle ressentait. Je repensais à ses confessions obtenues difficilement au Mexique, à ses aveux et ses larmes qui m'avaient brisé le cœur. C'est pour cette raison que j'avais encore manqué de massacrer Charlie ce soir. Parce qu'il venait de la piétiner une nouvelle fois sans délicatesse, il venait de l'humilier, de l'esseuler et de la faire douter. Je pouvais retracer parfaitement le raisonnement de Mia puisque je connaissais sa vie par cœur. Je repensais douloureusement aux tromperies, aux ruptures brutales, à son avortement, à ses agressions, au naufrage ou plus récemment au harcèlement qu'elle subissait à cause de ses activités au studio. J'essayais donc de trouver les mots pour la réconforter mais l'opération était plus périlleuse que par le passé ce soir parce que j'étais moi-même pris dans un tourbillon d'émotions fulgurantes en ce moment.
"Charlie est un rustre. Tu le sais pour en avoir déjà fait les frais. Mais ce n'est pas parce qu'il a tourné la page aujourd'hui que tu n'as pas compté pour lui. Il faut que tu arrêtes pour de bon de raisonner comme tu le fais", je peinais pour sortir ces mots de ma bouche car je détestais repenser à leur couple mais je savais qu'elle avait besoin de l'entendre. Je savais qu'elle se torturait et je n'acceptais pas qu'elle puisse douter autant de sa capacité à être aimé. C'était absolument faux puisque j'en étais la preuve vivante. J'étais fou amoureux d'elle mais je devais me taire parce qu'elle n'était pas prête à l'entendre. Je repoussais péniblement mon envie viscérale de lui avouer alors que j'avais envie de lui répéter des milliers de fois jusqu'à ce qu'elle n'en doute plus. Je mourrais d'envie de le faire pour me libérer mais surtout pour panser définitivement ses plaies.
J'étais dévasté de constater ce soir qu'elle continuait de souffrir en silence, qu'elle continuait d'intérioriser l'histoire de sa vie. J'avais failli passer à côté mais mon instinct éternel s'était réveillé et j'avais confirmation encore en ce moment en la voyant garder le silence, se crisper et lutter après mes mots pour retenir ses réactions et sa crise.
Ce moment était terrible pour moi puisque je comprenais, sans l'ombre d'un doute, qu'elle continuerait de s'accrocher à notre amitié comme à une bouée de sauvetage comme elle l'avait toujours fait. Elle ne serait pas capable de s'abandonner et de se laisser aller dans mes bras si elle vivait encore les choses de cette façon, si elle n'allait pas mieux. Je gardais le silence à mon tour à ce constat, je continuais de l'observer, mes yeux se posaient malgré moi sur notre tatouage et cette vision m'achevait. Tout ce que je ressentais était inscrit à l'encre noire sur son dos mais je n'étais malgré tout rien de plus aujourd'hui que son plus vieil ami.
Je perdais donc complètement pied et je prenais la décision, face à son mutisme affligeant et la violence des pensées négatives qui me traversaient, de quitter l'appartement. J'étais reparti, sans préavis, en claquant la porte et en la laissant seule face à son chagrin, parce que mes entrailles se broyaient à un point insoutenable. Je n'avais plus que la fuite moi aussi pour oublier mes frustrations, ma peine et ma désolation.
Pendant ma descente des escaliers, je tombais nez à nez sur Charlie qui venait visiblement réparer les pots cassés. Il allait peut-être aggraver la situation mais je n'avais pas l'énergie de m'interposer. Il s'était figé d'appréhension d'abord puis d'incrédulité ensuite en me voyant continuer ma route et le dépasser dans la plus grande indifférence.
Point de vue : Mia
Harry venait de claquer la porte purement et simplement. C'était le coup de grâce de ma soirée. J'étais sur le point de me laisser encore plus submerger quand j'entendais de nouveau cogner à la porte. J'ouvrais en pensant que c'était lui qui se ravisait mais ce n'était personne d'autre que Charlie. En le voyant sur ce seuil, j'inspirais et me blindais.
"Catherine sait que tu es là ?", j'avais essayé de parler d'un ton neutre en gardant mon air faussement assuré.
"Oui", il était plus que gêné et pas très loquace.
"Et pour jeudi dernier ?"
"Aussi…", je tombais encore plus des nues à ses deux affirmations. C'était donc plus que sérieux entre eux. Déjà.
"Je suis désolé, Mia"
"Tu n'avais pas besoin de te donner la peine de venir pour le dire. Tout va bien, tu n'as aucun compte à me rendre et je suis heureuse pour toi. Je me doutais que tu finirais par réaliser que je n'étais qu'une simple erreur de parcours et un plan cul stimulant", j'avais parlé froidement, j'étais résignée, réaliste et complètement anesthésiée de mes peines désormais. J'avais retrouvé mon masque, celui qui me sauvait toujours la vie et je me félicitais d'encore y arriver parce que c'était beaucoup moins douloureux et humiliant comme ça.
"C'est la chose la plus stupide que tu ne m'aies jamais dite... C'était peut-être les montagnes russes toi et moi mais ça a compté et ce n'était définitivement pas une erreur ni un plan cul. C'était de toi dont j'avais à ce moment-là, pas de Catherine. On a vécu le pire ensemble, j'avais besoin de toi sur l'Île et après le naufrage, je suis passé au travers grâce à toi. Il manquait ce je ne sais quoi pour que ça aille plus loin mais je t'ai sincèrement aimé et tu auras toujours une place à part…Donc ne dis pas ça", j'avais l'impression d'être dans une bulle, je l'entendais mais ça ne me réconfortait pas.
"Je sais que c'est très soudain avec Catherine mais j'ai eu l'impression en la revoyant de me réveiller d'un long sommeil. Je n'ai pas eu la force ni l'envie de reporter. Je sais que c'était parfaitement égoïste et indélicat de ma part et je suis sincèrement désolée d'avoir merdé. Je comptais te le dire, j'attendais juste le bon moment", j'essayais de reprendre tant bien que mal en comprenant que Charlie était sincère et qu'il s'en voulait. Je ne voulais pas lui répercuter encore une fois mes névroses alors je reprenais part à la conversation.
"Et elle a accepté de te reprendre après tout ça ?"
"C'est elle qui est revenue vers moi", je ne l'avais pas vu venir. Cet aveu pansait un peu mes plaies. Si c'était elle qui avait fait le premier pas, c'était moins douloureux même si ça ne changeait rien foncièrement.
"Alors c'est une sainte"
"Oui ou c'est la bonne", dieu ce que ça faisait mal. Je ne voulais plus de Charlie, je n'avais pas mal qu'il ait tiré un trait sur moi mais j'avais mal de lire son bonheur parce qu'il me ramenait inévitablement à mon malheur. C'était inavouable bien sûr puisque je ne voulais que son bien alors je reprenais avec mon empathie habituelle.
"Si c'est le cas, c'est très bien et je suis soulagée de ne pas être responsable du plus grand regret de ta vie"
"Je te confirme que tu n'es responsable de rien", je restais silencieuse. J'essayais de bloquer mon flux de pensées pour ne pas replonger et je l'entendais reprendre sur un sujet dont je n'avais définitivement pas envie de parler.
"Est-ce que tu as médité à ce que je t'ai dit jeudi ? Harry est peut-être aussi le bon ?", j'avais envie de l'insulter d'avoir osé changé de conversation si subitement pour en plus me ramener sur ce sujet indésirable mais je restais calme et je faisais de mon mieux pour être courtoise.
"Pourquoi est-ce que tu insistes autant avec ça ?"
"Parce que je me sentirais moins con et coupable de te savoir heureuse aussi"
"Je n'ai pas besoin d'un homme pour l'être", je répondais avec la fierté qu'il me restait, en contournant le sujet.
"Bien sûr que si et tu mérites de naviguer sur un long fleuve tranquille aussi", Charlie était à côté de la plaque, je riais jaune désormais ouvertement en réalisant que je ne lui avais toujours pas avoué que son romantisme et sa vie tranquille m'ennuyaient.
"Je n'ai jamais aimé les longs fleuves tranquilles. Je préfère les rapides, Charlie. Ça fait partie des raisons pour lesquelles ça n'a pas marché toi et moi ", je craignais d'y avoir été un peu fort et d'avoir blessé son orgueil mais Charlie m'étonnait une nouvelle fois en riant à son tour de ma franchise et de mon ton amer.
"C'est vrai et j'ai fini par le comprendre tout seul. Et c'est pour cette raison aussi que je suis convaincu que Harry est définitivement fait pour toi. Il n'y a pas de fleuve plus turbulent que le sien, tu devrais être servie", il recommençait, avec un sourire provocateur et ça me fatiguait. J'allais silencieusement vers la porte et je l'ouvrais en grand pour lui signifier de partir. Il continuait de sourire mais s'y dirigeait docilement en osant toutefois une dernière réplique.
"On est toujours amis ? Tu m'as menti aussi pour les fiançailles, donc on est quittes non ?", et je regardais cette fois de façon ahurie et avec un air colérique que je voulais menaçant.
"OK...On en reparle plus tard, ne t'inquiète pas. Bon, tu me tiens au courant pour Harry ?"
"SORS DE CHEZ MOI !", et il partait prestement en contenant son rire et après un geste taquin sur mon nez.
Je prenais un temps après son départ et je réalisais que je n'avais plus envie de pleurer. J'avais réussi à reprendre le dessus, comme toujours. J'avais réussi à faire taire seule cette voix intérieure qui me susurrait des idées noires à l'oreille. J'avais pleuré tellement de fois après ma rupture avec Charlie, de chagrin et de lassitude en concluant encore une fois que ma vie n'avait pas de sens et pas de direction. Tous les efforts que je faisais pour m'accrocher se terminaient en échec. J'avais encore perdu un an de ma vie, pour rien. J'avais encore pleuré, pour rien. J'avais craqué ce soir puisque j'avais été prise de court mais j'avais repris le dessus dès l'arrivée de Charlie, par mécanisme et par habitude. J'étais en colère et révoltée maintenant. Je m'en voulais, d'avoir laissé couler des larmes pour un sujet aussi futile que celui-ci. J'avais connu bien pire et il y aurait sûrement bien pire puisque j'étais maudite. Charlie pensait que j'avais besoin d'un homme dans ma vie pour être heureuse mais je refusais maintenant que ce soit le cas. J'étais persuadée ce soir de mes nouvelles résolutions : j'en avais terminé avec le mythe du Prince Charmant. Charlie venait de prouver qu'il n'existait pas. Je décidais de mettre un termes dès ce soir à cette quête désespérée de romance car elle ne m'apportait que des peines et des désillusions.
Point de vue : Théo
« Théo ? Ici la terre », j'étais complètement figé sur mon banc de musculation. Harry venait de me passer en revue le contenu de son weekend et j'étais soufflé des derniers évènements. Ça faisait beaucoup en très peu de temps.
«Wai… Non…Attends, je me remets de mon AVC...Tu t'es excusé auprès de Charlie ? Et il t'a poussé dans les bras de Mia ? Venant du mec le plus jaloux de Grande-Bretagne c'était évident qu'il y avait anguille sous roche...mais Catherine ? Wow, Jul va péter une pile quand je vais lui raconter ça »
« Et pour Mia ? »
« Tu mérites des gifles pour ça. Tu avais l'occasion rêvé de conclure et tu as géré la situation comme le dernier des eunuques, mec"
« Pour reprendre tes expressions, quitter la friendzone pour entrer dans une fuckzone, c'est conclure pour toi ? Tu es à côté de tes pompes Théo, tu es loin de connaître Mia autant que moi, les conséquences seraient désastreuses et encore plus après le plan que vient de lui mettre Charlie", c'était presque attendrissant mais j'avais surtout envie de le secouer pour son manque de vivacité et d'efficacité. Ce n'était pas le Harry auquel j'étais habitué.
« Attends, on est romantique depuis quand ? Je rêve… Bref...Peut-être, donc tu vas faire quoi maintenant ?"
« Rien. Je ne vais plus rien faire parce que je ne sais plus quoi faire », j'étais mal pour lui et je savais qu'il avait besoin de mon énergie pour prendre le relais et le remotiver.
"Très bonne idée"
"Comment ça ?", Harry ne comprenait pas où je voulais en venir visiblement alors j'explicitais.
"Ne rien faire, c'est une excellente idée. C'est très drôle de l'entendre se plaindre alors qu'elle est la première à mettre de l'eau au moulin. Ramènes-la sur terre en lui servant une amitié normale, ça ne lui fera pas de mal et ça fera du bien à ton égo en passant", il me jetait un regard plus que désapprobateur en ce moment et je reprenais avec un argument censé piquer son orgueil et sa virilité débordante.
"Tu es en train de te ramollir mec et je vois difficilement Mia s'enticher d'une guimauve. Donc fais-le. Elle va forcément détester ça, t'avoir dans son champ de vision sans vos jeux tordus, vos contacts physiques et toutes vos ambiguïtés".
"Je n'en suis pas si sûre que toi"
"Ah oui ? Pour toi ce n'était pas de la jalousie, cette humeur à table et ces pics à Ashley dont t'a parlé Liam ?", il n'osait pas y croire mais de mon côté j'en étais convaincu. Mia n'avait jamais raté une seule occasion d'être son copilote de soirée. Son immobilisme et ses remarques désagréables prouvaient qu'elle n'avait pas apprécié le jeu de séduction.
"Tu n'es pas obligé de me croire, essaye et tu verras bien. Si j'ai raison, elle sera bien obligée de tirer ses propres conclusions sous l'effet de la torture et de revenir vers toi. Si j'ai tord, tu aviseras, il n'y aura rien d'irréversible"
« Je suis censé partir en weekend avec elle. Ce que tu me demandes ne ferait que lui causer plus de peine après le coup qu'elle vient de se prendre. Mia a besoin de moi, Théo»
"C'est provisoire. Elle ira beaucoup mieux le jour où elle roucoulera dans tes bras, mais ce jour n'arrivera pas si tu continues comme ça. Joue-la de cette façon, à moins que tu ais une meilleure idée, gros… ? ».
