Point de vue : Harry
Je venais de claquer la porte derrière nous. Je le faisais en soupirant et en abandonnant toutes les tensions. Je voyais enfin la fin de cette nuit et je rêvais simplement de m'affaler dans le lit avec Mia pour oublier. Charlie allait bien, le pire venait d'être évité, il n'y avait plus qu'à remettre la main sur ce type maintenant mais il était hors de danger.
"Je vais me doucher", je regardais Mia partir silencieusement dans la salle de bain. L'événement de ce soir l'avait particulièrement remué. J'avais noté ses yeux rougis par les larmes à l'hôpital en revenant dans la chambre et j'avais noté ses airs tourmentés depuis. Elle était toujours dans le vague alors qu'elle avait eu plusieurs heures pour encaisser et s'en remettre mais elle ne semblait pas du tout partager mon sentiment de soulagement.
J'étais ridiculement inquiet du comportement de Mia depuis notre sortie de l'hôpital. J'avais la boule au ventre de la voir si préoccupée par l'état de Charlie. J'avais eu à ce titre le déplaisir, en revenant d'une pause café avec Catherine, de les retrouver main dans la main sur ce lit et de voir Mia s'en défaire avec gêne et précipitation en me tournant la tête pour cacher ses larmes. J'avais suivi beaucoup trop de regards intenses et silencieux entre eux ensuite et je m'étais tendu à l'extrême clairement en partant e en voyant Charlie lui murmurer je ne sais quoi à l'oreille. Ce sentiment n'avait très certainement pas lieu d'être, je le savais mais j'avais du mal à le contrôler. Je m'efforçais de le chasser avec toute l'empathie que j'avais pour elle et pour être en capacité de la réconforter. Son état me peinait mais j'essayais de ravaler mes sensibilités parce que je savais qu'il était normal qu'elle soit aussi attachée à lui. C'était compréhensible avec notre histoire à tous les quatre et leur histoire à tous les deux et je ne devais pas tirer de fausses conclusions. Je me le répétais en boucle en la voyant se coucher de son côté du lit loin de moi. Je me le répétais aussi pendant toute sa nuit d'insomnie.
Je regagnais le salon au petit matin, en constatant le lit tristement vide au réveil et je la trouvais en cuisine en train de se préparer un café. Je m'approchais d'elle pour l'embrasser et j'essayais encore de ne pas me formaliser de son manque d'entrain et regard fuyant. Je l'entendais ensuite prendre la parole et je prenais place sagement sur la chaise de bar à côté d'elle.
"Tu te souviens du tournage dont m'a parlé Ricardo à Thanksgiving ?"
"Oui, pour son clip ?"
"Ahein. Ils viennent de confirmer la date, je dois partir lundi"
"C'est top ! Où ?"
"A Blackrock", je souriais spontanément en repensant aux délicieux souvenirs de ce festival mais Mia avait son air très sérieux. Elle ne semblait toujours pas d'humeur ce matin, pas même pour cette minute nostalgique avec moi. Encore une fois, j'essayais de ne pas m'en formaliser et je reprenais la conversation l'air de rien.
"Tu dois partir combien de temps ?"
"Je ne sais pas encore. Je dois monter toute la chorée et participer au tournage. Une à deux semaines ?", je grinçais des dents car j'avais du mal à gérer nos séparations d'une semaine. Je ne savais pas si je pouvais survivre à deux et l'idée me retournait.
"Deux semaines...pour un clip de 3 minutes ?"
"On s'est entendu pour tourner plusieurs clips du prochain album finalement", je souriais car c'était une excellente nouvelle pour elle et le studio mais Mia ne partageait pas mon optimisme. Elle avait sa mine épuisée et contrariée et j'étais dépitée de voir qu'elle était toujours bloquée dans ses émotions négatives de la veille malgré ces belles perspectives.
Alors je me levais, je regagnais sa hauteur et je passais mes bras autour de sa taille en posant délicatement ma tête sur son épaule. Je l'entendais soupirer au contact et je tentais un trait d'humour et une réplique charmeuse pour essayer de la remettre sur les rails.
"Tu prévoies de passer deux semaines en plein désert avec Ricardo ? C'est quoi cette parodie...Je vais prendre quelques jours de repos et t'accompagner", Mia aurait dû en rire ou au moins s'attendrir mais j'étais certain de sentir son corps se tendre à ma réplique pour des raisons inexpliquées et je l'entendais me répondre sans me retourner mes gestes de tendresse.
"Ricardo n'a pas prévu d'être là, ne t'inquiète pas. Il n'y aura que ses danseuses", elle venait de prendre ma réplique au pied de la lettre. Elle n'était même pas capable de rire de ce sujet alors je savais que son humeur était critique.
"D'accord...alors je m'attends à avoir au moins un rapport journalier", je persévérais dans l'espoir d'avoir une réaction positive ou plus légère mais Mia était toujours aussi tendue.
"J'aurai aimé, mais ils m'ont prévenu qu'il n'y avait aucune couverture réseau en dehors du Burning Man...", j'oubliais mon objectif et je soupirais lourdement au-dessus de son épaule à l'entente de cette information capitale. C'était de pire en pire. J'allais devoir tenir deux semaines sans la voir et sans avoir de nouvelles d'elle. C'était un coup dur et Mia était de marbre en me délivrant cette information. Mes états d'âme ou notre romance n'étaient pas au cœur de ses préoccupations avec cette hospitalisation de Charlie. J'acquiesçais sagement, malgré sa froideur, et je tentais une dernière approche plus frontale avec elle. Je l'obligeais à se retourner, lentement, je posais mes mains sur son visage en le caressant avec toute la tendresse que j'avais en réserve.
"Mon ange ? Charlie va bien. Il va s'en remettre. La police va mettre la main sur ce type en un claquement de doigt maintenant. Respire, d'accord ?", elle évitait mon regard et je sentais qu'elle retenait ses larmes. Sa détresse me pesait encore plus, ma jalousie me titillait mais je continuais de la refouler en déposant un baiser très doux sur ses lèvres. Je la prenais ensuite dans mes bras en l'enlaçant tendrement. Je l'entendais soupirer de bien-être à ce geste et je continuais en soupirant de soulagement à mon tour en la sentant se cramponner à moi et me rendre mon étreinte. Je lui laissais le temps nécessaire pour évacuer ses tensions et son stress. Elle me rendait un sourire très faux après ça pour me faire plaisir mais je m'en contentais.
J'avais déchanté ensuite tous le weekend face à sa grande comédie. Je n'étais pas dupe face à ses sourires de façade parce que je la connaissais beaucoup trop bien et encore mieux maintenant. Sa façon d'être pendant nos moments d'intimité ultérieurs m'en disait long aussi. Il m'avait passé toute envie et j'étais reparti le dimanche avec le cœur très lourd et en ayant échoué lamentablement à la réconforter. Mia avait été insensible à tous mes efforts et elle était restée inconsolable. Je détestais l'idée de me séparer d'elle dans un moment comme celui-ci mais je n'avais pas d'autre choix que de subir son timing.
***s***
Mia était partie depuis une semaine maintenant et je n'avais toujours pas eu le moindre contact depuis son arrivée à Las Vegas. J'en perdais la tête, je mourrais d'inquiétude alors j'osais un message à Ricardo qui avait peut-être eu des nouvelles de la part de son équipe de tournage.
"Salut Ric. Des nouvelles de Mia ?"
"Salut. Non, pourquoi ?"
"Impossible de la joindre depuis une semaine. Tu peux essayer de voir ça avec ton équipe ? Juste pour me dire si tout est ok ?", et j'étais agacé de voir que Ricardo ne me répondait pas. Il avait le droit d'avoir une vie mais j'étais très impatient. Je voyais ensuite enfin sa réponse après une heure interminable d'attente.
"J'ai réussi à avoir un de mes gars en pause à Vegas. Tout va à merveille. RAS !"
"Top. Merci. Et tu me la rends quand ?", j'attendais encore de pieds fermes sa réponse et Ricardo me faisait encore poireauter un temps indéterminé.
"Ils ont des galères à cause des conditions de tournage. Au moins une semaine encore ? Je te dirai ça quand j'en saurai plus. Je laisse mon téléphone, Harry, désolé. Je te tiens au courant. A plus", et je soupirais très péniblement cette fois à la perspective de cette nouvelle semaine sans elle.
***s***
Philippe m'avait ensuite contacté quelques jours plus tard pour me mettre sur un projet à Londres. J'avais quitté Paris en milieu de semaine, en m'installant chez Liam. J'étais nostalgique et maussade de me retrouver dans cette ville sans elle et je l'étais encore plus ce soir, en passant devant chez elle, après une journée de tournage. Je ne pouvais pas m'empêcher de regarder son immeuble et de chercher des yeux sa fenêtre. Je la regardais avec une pointe au cœur. Le manque était cruel. Puis je me figeais en voyant la lumière de son appartement allumée. Mon sang ne faisait qu'un tour parce que Mia était absente. Elle était en séjour à l'étranger et je repensais inévitablement à son dernier cambriolage mais aussi aux dernières déconvenues de Charlie. Je réagissais au quart de tour en me dirigeant dans le hall, en montant les escaliers et en sortant ses clés de ma poche. J'ouvrais la porte avec une pointe d'adrénaline très forte mais j'étais plus que prêt à l'idée de devoir régler ses comptes à un admirateur cinglé. Alors j'ouvrais, j'avançais prudemment en tendant l'oreille et en récupérant au passage un objet qui pourrait faire office d'arme.
J'étais rassuré de voir l'appartement en ordre puis je me figeais en la découvrant elle, en la voyant sursauter et crier de peur en me découvrant dans son salon.
"MON DIEU !", un sourire immense était à deux doigts d'envahir mon visage parce qu'elle était enfin rentrée. C'était une excellente nouvelle mais il restait bloqué entre mes lèvres en remarquant le profond malaise de Mia en ce moment et son début de panique. Je me figeais encore plus en notant son attitude parce qu'elle restait parfaitement à sa place. J'étais là, sur son pas de porte et elle ne me sautait pas dans les bras. Pire encore, elle me fuyait du regard. Ce n'était pas un accueil normal.
"Qu'est-ce que tu fais là ?", et j'écarquillais les yeux de surprise et de contrariété à cette entrée en matière de Mia.
"Ce que je fais là...? C'est tout ce qui te vient après deux semaines de séparation ?", je restais encore plus interdit en la voyant me tourner le dos et continuer de s'affairer à sa tâche en cours avec beaucoup de concentration malgré ma question. Je n'arrivais pas à comprendre cette froideur et cette distance anormale. Mia ne répondait pas, je reprenais sur le fond du sujet pour essayer d'instaurer un dialogue et comprendre ce qu m'échappait.
"Je suis à Londres pour le travail...Je passais devant chez toi. J'ai eu peur d'un cambriolage en voyant les lumières allumées…", Mia continuait de faire les cents pas à ma réplique en n'amorçant toujours aucun geste vers moi. Je faisais une pause pour réfléchir. Je prenais mon téléphone pour voir si j'avais raté un appel de sa part ou un épisode qui expliquerait son comportement avec moi mais ce n'était pas le cas. Mia était simplement rentrée sans m'en informer. Elle était rentrée et elle n'avait pas cherché à m'appeler. J'avais les jambes coupées.
"Tu ne m'as pas dit que tu rentrais aujourd'hui..."
"Désolé, j'ai eu des soucis avec mon téléphone, j'allais t'appeler du fixe. Je viens d'arriver", je serrais les dents à m'en déboiter la mâchoire à cette réponse très peu convaincante puisqu'elle aurait trouvé mille occasions de me joindre si elle l'avait voulu. Il y avait donc un problème. C'était certain maintenant et Mia m'évitait au lieu de me confronter. J'étais envahi de déception mais surtout d'incompréhension. Je réfléchissais encore à quelque chose que j'aurai pu faire qui aurait pu la mettre dans cet état mais je ne trouvais. Je la regardais attentivement, j'essayais d'analyser la situation, de la sonder et quelque chose en particulier me chiffonnait après l'avoir dévisagé de la tête aux pieds.
"Tu n'es pas très bronzée pour quelqu'un qui vient de passer dix jours dans le désert", je le notais puisque j'avais rêvé de la revoir avec ses belles couleurs dorées. Je la regardais se tendre à ma constatation. Je marquais un temps de pause face à cette réaction toujours aussi étrange et j'allais encore plus loin dans mes investigations.
Mes yeux se posaient sur sa valise qui était grand ouverte et comprenait beaucoup trop de tenue d'hiver et je me dirigeais donc vers son meuble d'entrée pour confirmer ma nouvelle théorie. J'ouvrais le premier tiroir et j'en sortais sous ses yeux son passeport en commençant à le feuilleter.
"Tu n'as pas de tampon ?"
"Ils ont du oublier", Mia répondait avec une assurance révoltante et son mensonge était en train de me faire monter en pression.
"Oublier...? La douane américaine ? Tu es en train de me prendre pour un con là où je rêve ?", mon ton était très dur maintenant et je voyais finalement le stress gagner Mia.
Je me tournais rapidement pour lui cacher mon visage et mes émotions très vives du moment en réalisant qu'elle venait de mettre en scène un voyage imaginaire. Je repensais à mes derniers échanges avec Ricardo et je découvrais jusqu'où elle avait été capable d'aller pour orchestrer ce mensonge. Je savais que Mia avait une appétence plutôt naturelle au mensonge mais là c'était surréaliste. Je ressentais un poids terrible et écrasant sur ma poitrine. Je fermais les yeux de déception et je passais mes mains péniblement sur mon visage en découvrant ce pot aux roses particulièrement honteux et ignoble.
"Explique-toi", je continuais de lui tourner le dos. Mia était silencieuse derrière moi et j'attendais avec une appréhension terrible. J'attendais beaucoup trop longtemps à mon goût mais Mia se décidait enfin à répondre.
"J'avais besoin d'être seule", j'entendais les mouches voler après sa réplique. J'encaissais, péniblement et difficilement, je fermais les yeux de douleur à son aveu. Cette conversation était en train de prendre un tournant très inattendu et je trouvais le courage cette fois de me retourner pour l'affronter.
"Pourquoi ?", mais je le savais très bien, mes tripes le sentaient parce que c'était tout ce que je craignais depuis des semaines, tout ce que je cherchais à éviter. Mia était en train de me filer entre les doigts. Je le sentais, ça ne pouvait être que ça et son langage corporel allait en ce sens. Je la voyais se tortiller, croiser ses bras devant sa poitrine en signe de malaise et de défense. Elle évitait mon regard et semblait recueillir tout son courage pour me répondre. Je tremblais en attendant et en redoutant sa sentence.
"Je crois que les choses sont allées trop vite entre nous...Tu m'as forcé la main...Je n'ai pas eu le temps de réfléchir à tout ça et j'ai peut-être accepté trop vite", le ciel me tombait sur la tête. Je soupirais bruyamment et je changeais de position, je tournais en rond d'hallucination. Elle était en train de me rejeter. Elle le faisait, sans préavis, sans explication, et avec une brutalité sans précédent. Je laissais échapper un rire très nerveux à ce moment là.
"Je t'ai forcé la main...? Tu ne donnais pas l'impression de te forcer", j'osais un nouveau regard vers elle en la voyant figée dans son mutisme. Elle continuait de fuir mon regard avec la plus grande lâcheté malgré la bombe qu'elle venait de me jeter à la figure.
"Je ne suis pas certaine de vouloir plus que de l'amitié. Avec toi. C'est tout", sa nouvelle réplique me fusillait. Mia était en train de me mettre plus bas que terre.
J'avais un mal de chien à ces mots mais mon instinct me criait que quelque chose ne tournait pas rond. Ça n'avait aucun sens après tous les moments que je venais de vivre avec elle. Je repensais à ses sourires, ses regards et à tous ces moments intimes avec elle. Elle ne pouvait pas tenir cette position et ce discours aujourd'hui. Ça n'avait aucun sens, elle ne pouvait pas avoir menti sur ça et je n'arrivais pas à accepter ce que cette réplique sous-entendait. Elle me plaquait et ça c'était au-dessus de mes forces. Alors j'essayais de redescendre en pression, de mettre de côté son ignoble mensonge et je pensais à ma santé mentale en premier. Je savais que j'étais incapable de vivre sans elle alors je décidais de ramper, comme un minable et sans fierté. Je me rapprochais d'elle, j'essayais de ne pas me formaliser de son geste de recul et je continuais jusqu'à atteindre son niveau.
"Tu es en train de paniquer. C'est vrai, les choses sont allées trop vite mais on va juste ralentir", je priais tous les dieux et tous les saints en ce moment pour qu'elle rentre dans le droit chemin mais surtout pour que ses sentiments pour moi soient assez forts pour la convaincre de dépasser ses craintes. Elle marquait un nouveau silence insoutenable et j'attendais de nouveau sa réaction.
"Je ne veux pas ralentir. Je veux qu'on prenne nos distances. Je t'avais dit aux fiançailles que j'avais besoin d'air et tu ne m'as pas écouté...J'ai besoin de réfléchir...", Mia s'obstinait, elle prenait une voie impensable. Elle ne pouvait pas me demander de disparaître après m'avoir fait toucher le ciel avec elle. C'était impossible qu'elle me refasse vivre ça, maintenant, alors je réduisais la distance définitivement entre elle et moi en prenant son visage entre mes mains. Je me mordais les lèvres de douleur en la voyant subir le geste et détourner son regard mais je soupirais aussi de bien-être au contact de sa peau. J'avais les larmes coincées dans ma gorge, j'avais rêvé désespérément de la revoir et de la toucher et je déchantais face à ces retrouvailles catastrophiques. Je souffrais terriblement à ce moment présent car je voyais qu'elle n'envisageait pas de m'embrasser, ni de me toucher en retour. Le geste avait l'air au contraire particulièrement pénible pour elle mais je déposais mes lèvres sur les siennes malgré tout dans un élan de désespoir. Je tenais la position, je restais contre elle et j'attendais qu'elle me rende mon baiser. Il fallait qu'elle le fasse, qu'elle revienne sur ses paroles insensées et qu'elle nous sorte tous les deux de ce cauchemar. C'était une crise passagère, c'était forcément ça alors j'attendais sagement qu'elle se ravise au contact de mes lèvres. Je restais sur les siennes, je retenais ma respiration en attendant qu'elle réagisse et mon cœur se broyait purement et simplement en discernant le goût du sel sur mes lèvres. Je m'éloignais d'elle lentement pour le confirmer et je voyais son visage baigné de larmes. Je la voyais mordre ses joues, pincer ses lèvres et me confirmer sa décision par son silence et son immobilisme.
Je me retournais vivement pour lui cacher mes émotions, je levais les yeux au ciel et je luttais pour rester sur mes pieds malgré son impitoyable rejet. Je regagnais le comptoir de sa cuisine ensuite, je m'affalais sur une chaise, le visage entre les mains et je m'y maintenais de très longues secondes pour prendre du recul sur la situation.
Je repassais tous les évènements en revue, je me repassais la chronologie des faits pour comprendre et trouver une solution. Les disputes étaient parfaitement normales dans un couple mais elle ne pouvait passer d'un extrême à un autre de cette façon. Elle ne pouvait pas passer du bonheur absolu à cette décision radicale, sans raison valable. J'étais donc dans ces réflexions migraineuses quand je voyais le téléphone de Mia s'éclairer à ma gauche. Je jetais un regard mécanique sur la notification et je me figeais gravement en lisant ce message effroyable de Charlie : "Ta valise est prête, ma belle ? Je passe te récupérer à midi ?".
J'étais pris de nausées immédiatement après ma lecture. Je ressentais un étau cruel autour de mon cœur. Mon cerveau se mettait à fuser à toute allure. Je repensais à mes précédents craintes, à la façon dont Mia avait été bouleversée par l'état de Charlie, à sa distance et ce mensonge qui coïncidaient avec son hospitalisation mais aussi à ses difficultés ce soir à me regarder et à me toucher. La conclusion était cruelle mais elle était limpide après ce dernier message de Charlie. Elle me trompait, ça ne pouvait pas être autre chose au vue de leur programme secret du weekend et après ce changement brutal de fusil d'épaule avec moi. J'imaginais aussi rapidement qu'elle avait dû passer ces dernières semaines en tête à tête avec lui en dehors de la ville. J'étais incapable de retenir mes larmes de douleur après ça. La conclusion était suffocante, la trahison était nauséabonde et je passais d'abord par le dégoût et la déception avant de conclure sur la colère.
"Tu baises avec Charlie ? Tu es en train de te remettre avec lui...", j'osais un regard vers elle en lui exposant sans pudeur mon visage ravagé par les larmes et la souffrance. Je voulais qu'elle me regarde dans les yeux, qu'elle affronte et qu'elle confirme mais Mia écarquillait les yeux de surprise, elle se tortillait de malaise, elle baissait le regard et elle se taisait. Elle avait l'air de ressentir de la peine, de la pitié et peut-être de la culpabilité. Ces émotions et sa réaction étaient accablantes. Mon corps se tendait à un point atrocement douloureux, j'étais au bord de l'explosion alors je me dépêchais de me relever et de partir de chez elle en claquant la porte avec une brutalité à la hauteur de ma souffrance, de ma rancœur et de ma fureur. Je partais. Sans un regard et sans un mot de plus pour elle.
Je passais une nuit atroce ensuite. Je m'enfermais dans la chambre sans prêter la moindre attention à Liam qui me harcelait pour savoir ce que j'avais. Je passais par toutes les émotions. J'étais ravagé, anéanti et détruit. Mia et Charlie venait de me démolir. J'avais trouvé le courage de m'ouvrir de nouveau et de me laisser une seconde chance et ils venaient de me détruire. J'étais à bout de nerf et je me réveillais au petit matin avec le cœur aussi nauséeux et après avoir eu une très courte nuit. Et ma première pensée n'allait pas vers Mia. Elle allait vers Charlie. Je me préparais donc à la hâte et avec rage et je sortais avec une idée fixe viscérale : démolir Charlie.
J'arrivais chez lui en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire et je tombais nez à nez avec Catherine dans les escaliers. Je lui rendais mon sourire le plus faux pour être invité à entrer et j'attendais sagement une fois dans l'appartement.
"CHÉRI ! HARRY EST DANS LE SALON", je voyais Catherine gagner la chambre au même moment, je tendais l'oreille pour entendre la réaction de Charlie et j'étais certain d'avoir discerné un profond juron. Alors je me dirigeais rapidement vers la chambre avec la très ferme intention de lancer les hostilités sans plus de délai et j'étais scié en voyant la porte se fermer subitement devant moi. J'étais encore plus estomaqué en entendant le verrou s'enclencher. Charlie venait de s'enfermer à clé. J'aurai pu rire de sa lâcheté mais je me contentais de lancer ma directive avec un ton lent et impitoyable, à la hauteur de la gravité de l'évènement.
"Ouvre...cette putain de porte...tout de suite...sale fils de pute", mais Charlie désobéissait. Il ne me répondait pas alors je tendais l'oreille et je l'entendais faire des messes basses avec Catherine. Je pestais, je fulminais, je sentais mon sang bouillir et je faisais les cents pas devant cette porte. J'aurai pu la défoncer, ça m'aurait sûrement soulagé en partie mais j'avais un éclair de lucidité en reconnaissant le type de la serrure. Je fonçais à la cuisine, je prenais le premier couteau à disposition et je revenais vers la porte en la déverrouillant, en un seul mouvement.
Je tombais ensuite directement sur le regard surpris et inquiet de Charlie qui reculait de plusieurs pas en me voyant. Son regard, tout à fait averti, confirmait encore plus mes théories. Catherine était à côté, muette et suspendue à mes prochains gestes et je fonçais sur lui sans délai, comme une bête enragée. Je tenais Charlie brutalement par le col et je le plaquais au mur en ignorant complètement ses cris de douleur. J'étais incapable de faire preuve d'empathie pour sa blessure à l'épaule. J'étais envahi par ces images de lui et de Mia et de tout ce qu'ils avaient dû faire derrière mon dos. Il avait osé la toucher et osé commettre la pire des trahisons. Charlie venait de ruiner ma vie et de me voler mon bonheur en me prenant Mia. Il savait que c'était le crime absolu.
Il se laissait faire en ce moment docilement, à cause de son invalidité mais aussi certainement en espérant que je me calmerai de moi-même mais il avait tord de le penser. Je n'arrivais pas à me calmer et encore moins avec son visage de traître aussi proche du mien. Je croyais avoir mis les choses au clair avec lui pourtant, il m'avait fait croire à une nouvelle amitié mais il m'avait trahi. Je réalisais qu'il n'avait jamais eu la moindre intention de renoncer à elle. Charlie s'était simplement payé ma tête, comme je l'avais redouté il y a plusieurs semaines. Il l'avait baratiné concernant cette histoire d'amitié pour rester dans sa vie, et il avait saisit la première opportunité pour se replacer et la récupérer. Il allait donc passer un terrible quart d'heure entre mes mains et je voyais dans son regard qu'il le savait. Je me contentais en premier lieu d'appuyer sur son épaule à l'endroit de sa blessure pour lui donner un aperçu de la suite. Charlie serrait les dents, il s'interdisait de crier mais Catherine le faisait à sa place.
"ARRÊTE ! Lâche son épaule ! S'il te plaît !", mais j'appuyais plus fort encore au niveau de sa blessure pour seule réponse à sa supplication. J'étais indifférent au cri de douleur qui s'échappait bel et bien de la bouche de Charlie cette fois. J'y trouvais même un certain apaisement. J'étais aussi indifférent aux gouttes de sueur qui perlaient sur son visage car j'avais la très ferme intention de le faire pleurer et regretter.
"Tu devrais partir Catherine…Ça va devenir très moche", mon ton était froid, je continuais de fixer Charlie qui soutenait mon regard avec un courage et un sang froid révoltants.
"Lâche-le où j'appelle la police !", je continuais de fixer Charlie à cette menace ridicule de Catherine.
"La police ? Alors je vais devoir faire vite", j'entendais Catherine s'affoler et gesticuler à côté de moi après ma réponse et je percevais à ce moment là un échange silencieux très étrange entre elle et Charlie et j'entendais Charlie lui intimer un ordre surprenant.
"Tais-toi", je plissais des yeux et je penchais la tête pour regarder Catherine et essayer de comprendre leur échange. Et son air torturé et inquiet m'exaspérait.
"Il te trompe encore avec elle, Catherine. Ce fils de pute t'as encore trompé"
"Relâche-le. On n'est pas des animaux. On va parler tranquillement", et je riais très moqueusement et nerveusement en comprenant de sa réaction qu'elle le savait déjà. J'étais sidéré par cette femme et les personnes de son genre capable de pardonner ce genre d'immondice.
"Tu fais ce que tu veux mais en ce qui me concerne, Charlie mérite que je lui crève les yeux", et je fixais Charlie pendant ces mots et pendant que j'appuyais de nouveau sur sa blessure. J'entendais le cri d'horreur de Catherine, je la sentais sauter sur mon bras de nouveau.
"Arrête ! Mia ne t'a pas trompé avec Charlie !", je me figeais. C'était encore l'ascenseur émotionnel. Je ne comprenais rien de son comportement et de ses propos.
"Catherine, sort de là", Charlie lui donnait la directive avec autorité mais Catherine se plantait encore plus à mes côtés.
"Non. Tu as assez pris comme ça pour elle. Ça suffit maintenant", je relâchais inconsciemment la pression sur son épaule et j'entendais son gémissement à cette première libération. Je le regardais lui, je regardais Catherine et j'attendais qu'elle parle et précise.
"Qu'est-ce que tu as pris pour Mia ?", j'essayais de faire preuve de patience une dernière fois. Charlie me fixait, il s'obstinait à se taire et il fermait les yeux de contrariété en entendant Catherine prendre la parole à sa place de nouveau et me répondre avec beaucoup de clarté.
"Charlie a pris une balle ! Donc je t'interdis de détruire ce qu'il reste de son épaule. Laisse-le !", Catherine sautait sur moi de nouveau pour appuyer le geste et me repousser mais je me laissais faire cette fois. J'étais en pleine réflexion mais je ne comprenais toujours rien.
"Parle", mais Charlie continuait de se taire. Il avait l'air fatigué et désemparé et Catherine reprenait à mon attention.
"Mia et Charlie n'ont aucune liaison ! Personne n'a trompé personne. Calme-toi !", je regardais Catherine avec beaucoup de méfiance mais son ton et son regard n'appelaient aucune contestation.
"C'était quoi ce message hier ?"
"Mia passe le weekend avec nous", et je riais très nerveusement cette fois car je n'étais toujours pas convaincu.
"Vous passez des weekend ensemble maintenant tous les trois ? J'ai raté quel épisode ?"
"Charlie. Dis-lui", et je me tournais durement vers Charlie à cette réplique de Catherine.
"Me dire quoi ?", je le fixais mais il continuait de se taire et Catherine prenait le relai.
"Charlie t'a menti pour l'agression et il couvre les mensonges de Mia depuis son hospitalisation. Lui et Tom n'étaient pas d'accord pour le faire mais Mia a insisté", je levais les yeux au ciel à la mention à Tom qui rendait la situation encore plus incompréhensible. Je regardais de nouveau Charlie et il évitait mon regard, il semblait être à la recherche d'un trou de souris. Je voyais encore plus de crainte dans son regard maintenant que pendant mon assaut et je n'aimais pas ça.
"Qu'est-ce que Tom a à voir la-dedans...?", je me tournais vers Catherine. Elle regardait Charlie avec appréhension mais elle continuait dans son audace en contrariant la volonté de Charlie.
"Mia est harcelée par...un cinglé. Il a agressé Charlie et il a menacé Mia de te tuer si elle continuait de te voir. Tom lui a ordonné de te tenir à distance, le temps de le coincer. Elle n'a rien trouvé de mieux que d'inventer de toute pièce ce voyage imaginaire pour que tu te tiennes à carreaux à Paris...Et cette tromperie avec Charlie était aussi un dernier recours pour te faire partir hier", je notais deux choses dans son laïus. D'abord, que Mia ne m'avait pas trompé avec Charlie. J'étais convaincu maintenant et je me laissais retomber sur le lit, en relâchant tous mes nerfs et en ressentant un soulagement démesuré. Mais je notais ensuite une deuxième information : un de ces timbrés était en train de passer à l'action et mon corps se retendait immédiatement après ça.
Mon cœur s'emballait en analysant et en ingérant cette partie de sa confidence. Mon cœur tambourinait dangereusement. C'était tout ce qui ne devait jamais arriver et tout ce que je redoutais. Mes yeux se posaient sur Charlie et sur son épaule. Il aurait pu y rester. Cet homme avait failli le tuer. Il était d'une très grande dangerosité. J'étais pris d'effroi à cette prise de conscience. Je repensais également au cambriolage de Charlie mais aussi à celui de Mia et je repassais dans ma tête et à vive allure le weekend d'hospitalisation et ma dispute de la veille avec elle. Je repensais à tout son stress, à toutes ses contrariétés et à toutes ses larmes. Mon corps se tendait, mes tripes se tordaient et j'en venais presque à regretter qu'elle ne m'ait pas juste trompé avec Charlie. Parce que c'était pire que tout si une de ces pourritures en arrivait aujourd'hui à de tels extrêmes pour elle. La situation était en train de devenir hors de contrôle. J'avais fait promettre à Mia en Norvège de me prévenir de tout dérapage de ce type et elle n'en avait fait qu'à sa tête, encore une fois. J'étais à peine étonné venant d'elle mais je ne comprenais pas pour Charlie. Je ne comprenais pas qu'il ait pu lui, se lancer dans un mensonge de ce type. Ça ne lui ressemblait pas. Il avait tenu son secret et il avait tendu la joue depuis mon arrivée pour le garder. Ça n'avait aucun sens.
"Pourquoi est-ce que tu m'as caché ça ?", mon ton était las. J'étais accablé et la colère avait complètement disparu. Charlie était encore muet alors je me tournais de nouveau vers Catherine pour avoir mes réponses.
"Depuis quand est-ce qu'il la harcèle ?", je voyais Catherine marcher sur des œufs et peser ses mots.
"Votre weekend en Norvège...je crois", je fermais les yeux, j'essayais de fouiller dans ma mémoire et ça ne pouvait être que ça. Elle avait dû recevoir le premier message le soir du concert et c'est pour cette raison qu'elle avait terminé dans mon lit et dans mes bras cette nuit là. Je me maudissais de ne pas l'avoir remarqué à ce moment là et de ne pas l'avoir remarqué pendant tout ce temps ensuite. Je comptais les jours dans ma tête et je réalisais que Mia subissait ça depuis presque un mois. Elle était à la merci de ce timbré depuis des semaines et je n'en avais pas eu le moindre doute ni la moindre idée. Pire encore, j'avais passé toutes mes semaines loin d'elle en la laissant complètement sans surveillance ni protection.
"Vous me mentez depuis un mois ?"
"Non, Charlie est au courant uniquement depuis son agression", j'abandonnais définitivement l'idée de régler mes comptes avec Charlie à cette défense de Catherine et je me reconcentrais sur le fond du sujet.
"Où en est Tom de ses recherches ?"
"Il patauge...", je soupirais de mécontentement mais je gardais la tête froide pour dépêtrer la situation. Je m'adressais à Charlie directement cette fois.
"Tu as appelé Franck ? Dis-moi que tu l'as mis sur le coup et que tu n'as pas laissé les flics seuls sur le sujet ?", et je voyais Charlie hocher la tête positivement mais ce n'était pas pour me rassurer. J'étais encore plus inquiet si Franck n'y arrivait pas alors qu'il avait réussi à mettre la main sur Adrien en un temps record. Cela voulait dire que ce psychopathe était encore plus doué que lui.
"Harry...", je relevais la tête vers Charlie. Je le regardais passer ses mains très nerveusement sur son visage. Il avait quelque chose à me dire, il se décidait enfin à me parler mais les mots semblaient bloqués dans sa gorge. Je comprenais qu'il y avait encore un problème et encore un secret.
"Quoi ?", je gardais ma position stoïque sur le lit. Je voyais qu'il luttait. Je me tournais de nouveau vers Catherine pour qu'elle parle encore à sa place mais elle gardait bizarrement le silence cette fois. Alors je regardais de nouveau Charlie, je lui faisais part de mon impatience en écarquillant les yeux mais je gardais mon calme pour l'encourager à parler. Je voyais ses yeux rougis par une émotion très vive en ce moment. Il était mal, je reconnaissais la culpabilité et la crainte sur ses traits et j'attendais avec la boule au ventre qu'il complète ses explications.
"Ce type...C'est Adrien", l'information était fracassante. Elle me faisait l'effet d'une bombe. Elle était au-dessus de toutes celles que j'avais imaginé et au-dessus de toutes celles que j'encaissais depuis hier. J'arrêtais de respirer, j'étais vissé sur ce lit, incapable de parler et de bouger. J'y restais pendant de très longues secondes, le temps d'encaisser. Parce que ce n'était pas juste un timbré, ni n'importe quel timbré. C'était le pire de tous, celui qui lui avait fait vivre l'enfer, celui qui lui avait fait perdre toute confiance aux hommes, celui qui lui avait pourri la vie toutes ces années. J'étais convaincu d'avoir réglé le problème avec Charlie mais il revenait. Et il revenait plus dangereux que jamais. Il avait réussit à mettre Charlie à terre, à échapper à la police et il avait réussi à m'éloigner de Mia pendant deux longues semaines. Mon cerveau travaillait à toute vitesse et je voyais le mensonge de Charlie sous un tout nouvel angle cette fois. Il prenait une toute autre ampleur maintenant.
"Comment...est-ce que tu as pu...me mentir sur ça...?", mon ton était particulièrement dur et mon regard incriminant. Charlie se tortillait et il essayait de se défendre.
"Adrien est en train de péter les plombs. J'ai fini à l'hôpital, Harry. Il ne supporte pas de te savoir avec elle. Il fallait calmer le jeu et t'éloigner. Et Mia avait la meilleure idée. Tu n'aurais jamais accepté de rester à distance si tu avais été au courant"
"Oui. Et pourquoi, Charlie...? Pourquoi est-ce que j'aurai refusé de m'éloigner d'elle ?", mes questions étaient rhétoriques, mon ton était parfaitement ironique. Charlie gardait le silence et je reprenais avec encore plus d'exaspération.
"Tu sais ce que cette pourriture lui a fait. Tu le vois péter les plombs et devenir encore plus dangereux...et tu étais d'accord pour me tenir à distance ?", je n'arrivais même pas à m'énerver, j'étais vidé par la nouvelle et sidéré qu'il ait osé. Je ne comprenais pas son raisonnement. Ça n'avait ni queue ni tête. Charlie était très inconfortable mais il se défendait encore.
"Tu aurais encore cherché à l'affronter"
"Et ?"
"Et personne n'avait envie de voir le résultat. Ni Mia, ni moi."
"On s'en fout Charlie. Ce type mérite de crever"
"Je me contrefiche d'Adrien. C'est de toi dont il est question. Il a réussit à me mettre à terre, Harry...Je suis vivant uniquement parce qu'il avait besoin de moi pour faire passer le message à Mia. Aucun de nous n'avait envie de risquer ta vie", j'étais estomaqué de cet arbitrage complètement insensé de Charlie. Il était censé tenir à elle, c'était la règle d'or entre nous : Mia avant tout.
"Donc tu l'as laissé risquer la sienne ?", et Charlie s'indignait après ça.
"Seigneur, bien sûr que non mais l'urgence est de te protéger toi. Mais on veille sur elle pour autant comme le lait sur le feu. Mia a passé les deux dernières semaines sous la surveillance de Sam et de la police. Elle reste avec nous ce weekend et elle retourne avec eux dès lundi. Elle est très bien entourée...Écoute, je sais que la situation est pénible pour vous deux mais il faut se tenir à ce plan pour l'instant", j'essayais d'écouter ses arguments, j'essayais de mesurer son dilemme et c'est uniquement en pensant à son séjour à l'hôpital que j'arrivais à contenir mon amertume et à ne pas l'accabler davantage. Il avait encore vécu le pire pour Mia et je savais que je devais faire l'impasse sur cette erreur de jugement. Elle allait bien, j'étais au fait de tous les évènements maintenant alors j'essayais de relativiser.
"Si Mia a des problèmes...Tu ne réfléchis pas...Tu m'en parles...Tu ne décides pas à ma place...Ne refais plus jamais ça", je le voyais approuver silencieusement avec son air désolé et j'entendais ensuite Catherine s'impatienter à mes côtés.
"Il faut qu'on y aille. Mia nous attendait pour midi", Catherine concluait et j'amorçais un premier pas pour les suivre et Charlie me repoussait de sa main valide.
"Non, tu rentres chez toi. Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans : reste à distance ?", et je riais moqueusement en dégageant fermement sa main.
"On reparlera de ça chez Mia…Je ne suis pas encore sûr d'adhérer à votre plan à la con", il y avait en effet très peu de chance que je le fasse à ce stade de mes réflexions mais pour l'instant, la seule chose qui comptait était de la revoir. J'étais parti sur un terrible malentendu hier, sur des mots douloureux et beaucoup de larmes et j'avais désespérément envie d'oublier ça et de la prendre dans mes bras. Il était aussi strictement hors de question que je la laisse gérer seule cette situation. J'avais besoin d'être là pour elle, j'avais besoin de la rassurer et de la protéger.
Je montais donc dans la voiture de Catherine malgré les protestations de Charlie en rêvant sur la route de nos retrouvailles. Je ressassais le fait que Mia n'avait jamais eu aucune envie ni intention de me repousser. J'essayais de faire abstraction d'Adrien car j'avais la très ferme intention de trouver une solution définitive à propos de lui.
J'en étais là de mes pensées quand je voyais un officier de police faire la circulation sur la route et nous bloquer l'accès. Catherine pestait et elle faisait demi-tour pour se garer un peu plus loin. Je faisais le trajet inverse à pieds ensuite avec eux en revenant à la hauteur de ce policier.
"L'accès est interdit, Messieurs, Dames"
"On habite dans la rue", le policier nous laissait donc passer sans plus d'opposition et sur cette simple déclaration. Ma curiosité légendaire était attisée mais pour une fois je ne posais pas de question. J'avançais sans me dissiper parce que je n'avais qu'une idée en tête : revoir rapidement Mia. Alors je soupirais d'exaspération et de contrariété en voyant un nouveau policier faire barrage au milieu de la rue à quelques mètres de l'immeuble de Mia. Il nous empêchait de passer et j'étais très contrarié.
"Qu'est-ce qu'il se passe ?", je l'interpellais en essayant de rester aimable.
"Ça ne vous regarde pas"
"On peut passer ?", je soupirais calmement pour ne pas m'énerver et je parlais encore en faisant un effort de courtoisie.
"Non, faites demi-tour", c'était une tête de mule et je tentais un mensonge éhonté pour pouvoir passer outre et me rendre chez Mia.
"J'habite ici"
"La rue est bloquée à partir d'ici. Revenez plus tard", cet homme me pompait l'air. Je soupirais lourdement. Je voyais Charlie qui essayait de négocier pendant que je balayais la rue du regard de mon côté pour trouver une autre solution. Son immeuble était à quelques pas. J'avais très peu de mètres à parcourir mais les voitures de police étaient alignées tout le long de la rue qui menait à son immeuble. J'aurai pu forcer le passage mais j'avais toutes les chances de me faire plaquer au sol par un de ces cow-boys. Je commençais à désespérer et je fixais la porte de son hall avec envie et impuissance en devinant que j'allais sûrement devoir prendre mon mal en patience.
Puis, au bout de quelques minutes d'attente, je soupirais de soulagement en voyant Tom sortir de l'immeuble. Ma première pensée était que j'avais une chance de cocu qu'il soit passé chez Mia à ce moment-là. Je comptais donc sur lui pour négocier avec un de ses confrères pour me laisser passer. J'attendais juste qu'il sorte et qu'il s'avance pour l'appeler mais je le voyais bien au contraire rester sur le perron. Je le regardais faire signe à deux policiers, je le voyais les accueillir sans sourire et je le voyais refermer la porte derrière lui et retourner à l'intérieur du hall. Ce n'était pas normal. Je me figeais. Mes tripes se tordaient mais j'essayais de calmer mes angoisses pour mieux analyser. Je regardais autour de moi, j'observais ces voitures et ces hommes et je reconnaissais parmi eux les effectifs présents à Thanksgiving. Je comprenais que ces hommes n'étaient pas des confrères. C'était l'équipe de Tom.
J'étais encore dans le flou total quand je voyais un policier de plus venir vers nous et je laissais Charlie gérer bien volontiers cette fois pour continuer de mon côté d'analyser et d'observer. Je les écoutais d'une oreille distraite.
"Quel est le problème, Messieurs Dames ?"
"On aimerait rentrer chez nous"
"Vous êtes à quel numéro ?"
"Au 26, juste là"
"Au 26 ? Alors non impossible. Je suis désolé mais vous allez devoir attendre encore quelques heures"
"Et pourquoi ?"
"Scène de crime, interdite au public"
Mon sang se glaçait instantanément et ma panique montait à vitesse faramineuse en captant ces derniers mots. Je sentais une angoisse sourde et déchirante s'emparer de tout mon être et je me mettais à courir vers l'immeuble, en évitant les tentatives d'entraves de la police. Je poussais la porte sans aucune hésitation et je montais les marches quatre à quatre avec une urgence vitale. Je gravissais les deux derniers étages à bout de souffle. Et je me figeais d'effroi. J'étais terrorisé en voyant ce ruban rouge sur la porte d'entrée de Mia.
