Point de vue : Harry
J'étais vingt mille lieues sous les mers, dans ce canapé à voir le temps défiler, à subir les rapports périodiques infructueux de Tom et à attendre qu'on me ramène Mia mais je reprenais pied lentement, après toutes ces heures d'agonie, car mon corps n'avait plus aucune larmes à rendre. Il était en train de s'anesthésier. Et je reprenais pied aussi grâce à la présence familière et aux paroles rassurantes de Théo.
J'avais relevé la tête depuis son arrivée et j'étais maintenant très attentif aux moindres faits et gestes de Tom. J'étais captivé par chacun de ses rictus et je ne ratais pas une miette de ces nombreux appels. Il gérait tout à distance dans l'attente des parents de Mia. Il enchaînait les coups de fils, les comptes rendus et les directives. Je le devinais au téléphone avec des commissariats, les douanes et même le gouvernement. Toute cette mobilisation alimentait mes espoirs. Ce n'était qu'Adrien. Il ne pouvait pas s'échapper et filer entre les mailles de cet impressionnant dispositif. Et c'était Mia, la plus coriace des femmes. Elle était forcément en train de lui résister.
J'en étais là, à essayer de sortir ma tête de l'eau quand j'entendais de nouveaux coups à la porte. Théo s'y dirigeait, il ouvrait et je sentais mes entrailles s'ouvrir de nouveau en découvrant Monica et Pierre mais surtout en voyant à leur suite mes parents. Je détournais le regard rapidement en inspirant profondément pour me retenir de pleurer face à cette arrivée inattendue et inespérée mais les bras de ma mère me faisaient de nouveau et définitivement craquer. Elle était venue pour me réconforter mais ses sanglots et son étreinte d'une puissance sans précédent me remettaient la tête sous l'eau. Sa présence et leurs présences rendaient la situation encore plus réelle et elles me redonnaient aussi la malheureuse notion du temps. Ils avaient tous relié Paris-Londres et la police n'avait toujours pas trouvé Mia.
Tom avait mis un point d'honneur à rester pour accueillir les parents de Mia et leur présenter la situation. Je l'écoutais s'atteler à cette tâche. Le nouveau rappel des faits m'enfonçait mais je restais sagement assis. Je laissais nos parents rattraper le fil de l'histoire dans son intégralité et je redoutais particulièrement leur réaction dont celle de Pierre, qui fusait sans surprise la première.
"Donc Mia a menti. Elle n'a jamais rompu avec ce type à cause d'une tromperie ?", j'espérais que quelqu'un réponde à ma place mais Pierre coupait court à cette éventualité.
"Harry ?", je respirais péniblement en entendant son ton très ferme et déterminé. Je n'en attendais pas moins de lui et je me contentais de me mordre les lèvres à sang et d'hocher la tête pour lui confirmer, sans le regarder.
"Pourquoi est-ce que j'apprends ça uniquement aujourd'hui et de la bouche de ce policier ?", je soupirais péniblement car il bloquait sur cette partie de l'histoire, sur la racine du problème et ce mensonge terrible vieux de plusieurs années. Je réalisais que je n'avais pas eu le temps de m'en préoccuper jusqu'à présent et je me dépêchais de répondre pour éviter que la moutarde ne lui monte au nez car je n'avais définitivement pas le courage d'encaisser ses coups aujourd'hui.
"Mia ne voulait pas vous en parler…", et je baissais un peu plus la tête de honte. J'avais sorti tous les arguments possibles à l'époque pour la convaincre de dire la vérité à ses parents mais elle avait pleuré à chaudes larmes à chaque fois que j'avais essayé d'insister. J'avais fini par céder mais j'avais fait plus que de garder le secret, je l'avais aidé à mentir jusqu'à ce que les hématomes et les cicatrices disparaissent. J'avais cédé au mensonge pour ne plus la voir pleurer mais aussi par honte. J'avais honte parce que j'avais fait cette promesse à Pierre de toujours la protéger et que Adrien n'aurait jamais eu cette opportunité de la blesser si j'avais été là pour elle. J'avais échoué et manqué à tous mes devoirs d'amitié cette année-là et Mia en avait fait les frais de manière effroyable.
"Je suis son père. J'aurais dû être la première personne au courant...", j'essayais de garder le visage impassible mais les paroles de Pierre étaient en train de me remuer profondément. Et contre toute attente, j'entendais mon père intervenir pour adoucir l'échange.
"Pierre...Tu connais la force de persuasion de ta fille…"
"Plutôt très bien, Thierry. Mais là c'est de ton fils dont il est question. Ton fils que je traite comme le mien depuis des années et en qui je suis censé pouvoir faire confiance", je sentais de nouveau mes intestins se broyer sous l'effet de ces paroles terriblement culpabilisantes et blessantes de Pierre. Ma mère tentait une caresse réconfortante au même moment car elle savait à quel point l'opinion de Pierre comptait pour moi. Ça avait toujours été le cas et dans tous les domaines alors cette déception assumée et ces accusations étaient un coup de poignard de plus aujourd'hui.
"Pourquoi est ce que ce type était encore dans la nature après ce qu'il lui a fait ? Sa place est en prison", dieu merci, Pierre ne s'adressait plus à moi. Il parlait à Tom qui était occupé à répondre au téléphone et Charlie décidait de répondre à sa place.
"Les faits n'étaient pas assez graves...suivant la justice française...Il s'en est sorti avec du sursis et une injonction d'éloignement mais les mesures ont pris fin l'année dernière. Harry a couru au commissariat quand il s'est représenté chez Mia mais la police n'a rien voulu faire. On a réussi à le retrouver. On est allé lui rendre visite pour lui passer l'envie de revenir", je le maudissais de son aveu mais je savais que le mensonge n'était plus envisageable. Je le laissais fuiter à propos de cette expédition punitive qu'il décrivait dans les très grandes lignes. J'attendais les réactions moralisantes et accusatrices mais c'est la nouvelle réaction de Pierre qui me clouait finalement au sol.
"Tu as eu ce connard en face de toi et tu l'as laissé repartir après ce qu'il lui a fait ?", j'étais sous le choc. Je regardais cette fois Pierre, droit dans les yeux, et j'étais retourné par la dureté de ses propos. Il me renvoyait à la figure et sans aucune pitié tout ce que je me repassais en boucle depuis midi. Charlie et Théo étaient choqués au plus haut point des propos du père de Mia. Mais pas moi puisqu'il pensait comme moi. J'étais incapable de me défendre parce que j'étais d'accord avec lui. J'aurai dû tuer Adrien ce soir-là, je n'aurai jamais dû laisser Charlie dérouler son plan, j'aurai dû éradiquer sans réfléchir cette menace. Il n'aurait jamais eu de nouvelle occasion de s'approcher d'elle. J'avais pris la pire décision de ma vie ce jour-là et j'étais en train de le regretter très amèrement.
"C'était géré. Il avait promis de passer à autre chose. Il n'aurait jamais dû revenir", je laissais encore volontiers Charlie répondre à ma place.
"Qui t'a sonné, toi ?", je croisais le regard interdit et choqué de Charlie au même moment mais je l'encourageais silencieusement à courber l'échine et à se taire. Pierre avait la dent dure contre lui de base sans le connaître et Charlie n'avait pas besoin d'alourdir son casier pour me soulager. C'était à moi de payer. Mia était ma responsabilité. Sa famille était de ma responsabilité. Et pas de la sienne. Ça avait toujours été le cas et ça l'était encore plus aujourd'hui. J'étais satisfait de le voir obéir simplement et de mon côté, je tentais de faire profil bas en espérant que Pierre aurait pitié de moi.
"Harry ?", la directive de Pierre était claire. Mon visage était certainement défiguré par la douleur et la fatigue mais je soupirais le plus discrètement possible et je relevais ma tête. Je plantais mon regard dans le sien et je le fixais, péniblement, avec tout le respect et l'amour que j'avais pour cet homme et malgré la honte infinie que je ressentais devant lui aujourd'hui.
"Explique-moi ce qu'il s'est passé dans ta tête. Je ne comprends pas...Tu as envoyé des dizaines de gars à l'hôpital pour elle...Et tu l'as laissé filer dans la nature...ce criminel ? Pourquoi...bon sang...? ", mais je détournais les yeux en même temps que je voyais les siens s'embuer considérablement et en même temps que j'entendais sa voix s'enrouer d'émotion et que je voyais ses larmes couler. Pierre était en train de s'effondrer à son tour. J'étais paralysé par ma souffrance et par la sienne. J'étais fou amoureux de Mia. Ma peine aujourd'hui était à la hauteur de mon amour pour elle alors je pouvais juste imaginer et encaisser en ce moment la douleur de ses parents.
"Tu aurais voulu qu'il le tue et qu'il passe sa vie en prison ?", cet argument de ma mère n'avait aucun sens car j'aurais définitivement choisi la prison si j'avais pu remonter le temps et j'entendais Pierre inspirer profondément pour se ressaisir.
"J'attendais de ton fils qu'il fasse tous les sacrifices pour ma fille", j'étais au bord du précipice. Je me sentais perdre pied avec une violence inouïe sous la puissance du choc mais j'entendais ma mère lutter et supplier encore pour moi.
"La police va mettre la main sur cet homme et il va payer sévèrement. Arrête de torturer Harry, je t'en supplie. Il n'y est pour rien. On va retrouver Mia", elle essayait de me soulager mais le mal était fait. Le mal était total après ces paroles de Pierre mais il l'était déjà quoiqu'il en soit depuis ce midi, depuis la disparition de Mia mais je me cramponnais malgré tout à cette parole d'espoir de ma mère.
"...Dans quel état, Helen ? Si elle n'est pas déjà morte, elle est en train de vivre un calvaire dans les bras de ce monstre…", et Pierre me mettait chaos avec une brutalité imparable. Mon cœur et mes entrailles brûlaient. Ses paroles m'ouvraient en deux et me dépouillaient de tout espoir. Pierre me ramenait au pire et il me rappelait avec ces mots que j'étais simplement maudit.
L'image de Victoria arrivait au galop après ça. C'était ma punition. C'était limpide maintenant, mon corps se tendait et mon rire s'échappait très nerveusement de ma bouche à ce constat.
Point de vue : Théo
Le malaise était total après cette réplique du père de Mia mais surtout après cette réaction inattendue de Harry. Je ne savais absolument pas quoi faire ni dire pour essayer de faire retomber l'ambiance et calmer le jeu et Charlie était dans le même désarroi que moi.
"Mia est en train de payer la note à ma place...Elle est en train de payer pour ce que j'ai fait à Victoria…", j'étais interdit comme tout le monde d'entendre Harry les citer toutes les deux dans la même phrase. Et j'étais très inquiet par cette assimilation. C'était tout ce que je voulais éviter. Je ne voulais pas que Harry aille dans ces travers, je ne voulais pas qu'il fasse le lien entre les deux drames et qu'il parte sur cette voie sans espoir. Je priais pour que le père de Mia s'arrête là et dieu merci, il se taisait. Il était aussi interdit que moi par cette déclaration de Harry. J'en étais là, complètement scié et pris au dépourvu quand j'entendais Charlie prendre l'initiative de lui répondre le premier.
"Arrête...Ça n'a jamais été de ta faute pour Victoria..."
"Si…", Harry avait la tête contre le canapé, il répondait platement en fixant le plafond et dans l'indifférence totale des gestes d'affection de sa mère qui était très inquiète. Je ne savais toujours pas encore sous quel angle prendre le problème mais Charlie continuait de gérer.
"Non. Tu sais très bien que le naufrage était lié à une défaillance technique. On a déjà parlé de ça un nombre incalculable de fois, Harry", le moment était oppressant et douloureux pour Charlie et moi. Cette scène nous renvoyait au retour douloureux à Paris. Charlie avait bagarré d'arrache-pied contre l'agence de location pour enlever cette culpabilité de la tête de Harry et je pensais que ce point avait été purgé et définitivement traité. Harry n'en avait plus reparlé depuis la signature de l'accord mais il nous prouvait aujourd'hui que l'idée ne l'avait jamais quitté.
"Je sais que je n'ai pas commis d'erreur de pilotage..."
"Alors pourquoi est-ce que tu rabâches ça...?", j'avais enfin retrouvé l'usage de la parole parce que je n'acceptais pas que Harry choisisse cette journée et ce moment pour s'infliger ça. Ma question était tout à fait rhétorique. C'était une supplication déguisée, pour lui intimer d'arrêter et je ne m'étais pas du tout préparé aux prochaines paroles de Harry.
"J'étais le dernier sur ce catamaran...Tu étais à l'eau, avec Charlie, et je cherchais les filles désespérément...J'ai fait mille fois le tour du pont en scrutant l'horizon …", j'étais interdit et j'avais arrêté de respirer sans m'en rendre compte. Charlie avait relevé la tête au même moment que moi. Je voyais les parents et le père de Mia entrer aussi dans un silence religieux. C'était absolument inédit que Harry s'autorise à parler de ça et inédit qu'il le partage aujourd'hui à d'autres que nous. Charlie avait le même air ahuri que moi. Tout le monde le laissait parler et extérioriser alors j'écoutais péniblement mais courageusement en essayant de ne pas trembler à ces souvenirs traumatisants.
"J'ai fini par les trouver. Toutes les deux…J'étais à la proue et j'ai vu d'abord Victoria. Je la voyais débattre avec les vagues. J'étais à deux doigts de plonger vers elle pour l'aider mais je me suis ravisé en comprenant que je n'aurais plus aucune chance de trouver Mia si je quittais ce bateau. Alors j'ai temporisé, pour vérifier encore une fois...J'ai prié tous les dieux pour la voir et j'ai fini par la trouver. Elle était aussi inconsciente que ce matin dans les bras d'Adrien. Elle flottait à la surface et elle avait la tête sous l'eau...", j'étais encore plus choqué après ces mots parce que Harry partait sur un nouveau terrain. Il était en train de se confier sur une partie de récit que je n'avais jamais entendu. Il n'avait jamais parlé de ce moment, j'en étais convaincu et Charlie me fixait aussi gravement en le comprenant. Harry avait toute notre attention et il continuait sans se soucier de nos réactions. Sa parole était en train de se libérer de façon complètement imprévue et incontrôlée.
"Mia flottait à l'exact opposé de Victoria...Elles avaient besoin de moi toutes les deux, je devais me jeter à l'eau en urgence mais j'étais incapable de prendre une direction...Le temps défilait et la houle creusait encore plus la distance entre elles et le bateau. J'étais vraiment dans une situation pourrie…", j'échangeais un nouveau regard avec Charlie. Il était bouleversé comme moi par ces détails et bouleversé d'avoir à se replonger dans ces souvenirs que nous avions pris la décision d'enterrer après nos retrouvailles avec Mia.
"J'ai senti mes entrailles se broyer à un point inimaginable. Alors j'ai juste fermé les yeux, j'ai mis mon esprit en sourdine pour décider…", j'échangeais un nouveau regard très lourd et craintif avec Charlie à ce moment-là parce que nous étions tous les deux en train de comprendre. Harry était sur le point de lâcher une bombe.
"...Et j'ai plongé vers Mia...", j'étais complètement abasourdi mais je devinais rapidement le fil de pensées torturées de Harry et je me dépêchais de l'interrompre.
"Tu as jaugé en fonction de la gravité de la situation. Comme n'importe qui à ta place"
"Non…J'étais incapable de réfléchir…J'ai juste choisi Mia...", je ravalais clairement ma salive à ce moment-là. Je réfléchissais à toute vitesse, j'essayais de trouver les mots et Charlie peinait autant que moi. Harry nous prenait définitivement de court en reprenant la parole le premier et en allant encore plus loin dans ses confidences et avec une platitude déconcertante.
"J'ai réussi à récupérer Mia. Je lui ai sorti la tête de l'eau et je voyais toujours Victoria au loin, alors j'ai essayé de nager jusqu'à elle aussi...mais je n'arrivais à rien avec Mia dans mes bras…Elle n'avait pas recraché son eau et elle était toujours inconsciente. C'était un vrai fardeau", Harry marquait un silence de plomb avant de reprendre.
"Elle avait l'air tellement morte...J'aurai dû la laisser à ce moment là et nager vers Vic…mais j'étais incapable de la lâcher...Mon corps refusait de s'exécuter. Je me suis entêté et j'ai fini par perdre de vue Vic…", le silence était de plomb. Je croisais le regard des parents à ce moment là qui étaient sciés et horrifiés.
"N'importe quel mari aurait plongé vers sa femme. Et la mienne est morte parce que j'ai décidé de sauver ma meilleure amie... Je l'ai trahi et elle ou quelqu'un d'autre est en train de me le faire payer aujourd'hui…", mon sang se glaçait après ces révélations de Harry.
Je voyais le père de Mia se décomposer aussi, il était livide, comme nous tous. Cette confidence avait au moins le mérite de lui couper définitivement la parole et de lui prouver le niveau d'engagement et de sacrifice de Harry envers Mia. Cet aveu se passait de tout commentaire de Pierre.
De mon côté, les pièces s'emboitaient un peu plus. Je voyais la dépression de Harry sous un nouvel angle. La culpabilité expliquait encore plus le deuil, le traumatisme et sa colère au départ de Mia. Il avait eu à gérer bien pire que ce que j'avais imaginé et je comprenais mieux aussi pourquoi il avait rejeté avec autant de force ses sentiments pour Mia. Harry avait sacrifié Victoria pour elle et il portait sur ses épaules ce choix cornélien d'une cruauté sans nom. Cette nouvelle confidence catapultait encore le naufrage à un stade d'horreur supérieur. J'étais estomaqué mais je réagissais instinctivement. Je me dépêchais d'intervenir pour sortir Harry de cette détresse profonde.
"La situation était dramatique. Victoria et Mia seraient mortes toutes les deux si tu n'avais pas réagi… Tu as essayé, Harry..."
"Je savais avant de plonger que je n'arriverai pas à les aider toutes les deux avec cette mer déchaînée…", je comprenais tout ce qu'il disait et je peinais pour rebondir. Je cherchais du soutien auprès de Charlie mais il gobait les mouches sous le choc de l'aveu. C'était clairement à moi d'intervenir maintenant.
"Oui. Et on sait tous que tu te serais sacrifié pour toutes les deux si tu avais eu ce luxe", et je le voyais s'arracher les cheveux maintenant. Harry me broyait les intestins en ce moment alors je décidais de prendre la voie radicale et d'abandonner la langue de bois.
"Les mots que je suis sur le point de te dire m'arrachent la gueule mais tu vas trouver le courage de les écouter s'il te plaît…", je le voyais fermer les yeux d'avance et se concentrer. J'essayais de faire abstraction de toutes les oreilles indiscrètes parce que je n'avais pas d'autre choix. Je ne pouvais pas le laisser dans cet état. J'étais obligé de lui parler sans filtre, en toute impudeur, malgré tous ces témoins.
"Mia est la seule et unique femme de ta vie. Ce mariage était une connerie. Cette bague n'avait rien à faire au doigt de Victoria et tes tripes le savaient parfaitement ce jour-là avant toi. Tu as simplement plongé vers la femme de ta vie. Tu as survécu à Victoria grâce à Mia mais ça n'aurait jamais marché dans le sens inverse. Ce genre de choix de merde n'arrive que dans les films d'horreur mais tout le monde aurait fait comme toi...Je t'aime comme un frère, Harry,mais je peux te certifier que je n'aurai jamais lâché Julia pour toi. Et Mia aurait laissé couler la terre entière pour te sauver aussi. Elle a toujours sacrifié la terre entière pour toi", et je le voyais pleurer, agoniser et soupirer bruyamment à mes paroles très crues.
"Personne ne te jette la pierre, personne n'est en train de te punir. Mia est juste rattrapée par un fantôme de son passé. Ça n'a rien à voir avec toi, ni avec Victoria, ni avec ce naufrage. La situation n'a plus aucun lien avec ça…Ce fils de pute est le seul fautif", je peinais face à sa douleur et celles des parents aussi. Je laissais un gros temps de latence et j'essayais de parler avec plus de fermeté à l'attention de tous.
"Il faut arrêter avec ces idées noires parce que ça n'aide certainement pas Mia. Elle n'a pas besoin que la police se démotive et se démobilise avec ces pensées négatives", je soufflais discrètement après ça. J'avais obtenu le silence définitivement jusqu'à ce que Tom se décide à intervenir, après avoir fait preuve d'une totale discrétion.
"Merci Théo. Et je dois vous laisser maintenant. Je dois passer au commissariat. Je vous tiens au courant dès que j'ai du nouveau", je regardais Tom remettre son manteau et partir sans autre mot de l'appartement. La porte claquait, on n'entendait plus que les mouches voler après ça. Tom venait de nous laisser pour mort, en plein milieu de cette joyeuse réunion de famille.
Mon attention se recentrait ensuite sur Harry. Il prenait quelques minutes pour encaisser notre conversation. Il était en train de se calmer et je le voyais maintenant fixer le plafond avec beaucoup de concentration. Comme tous, je restais bouche bée ensuite en le regardant se lever, prendre son manteau et partir sans un mot à la poursuite de Tom.
