**Début du Flashback**

J'avais dérivé avec Théo pendant des heures dans cette mer déchaînée. Nous avions laissé la houle nous emporter naturellement en espérant regagner une rive rapidement. J'avais aperçu cette plage le premier et nous avions tous les deux bondis à l'arrivée pour partir à la recherche de Harry, Mia et Victoria. Ca avait été notre seule obsession, nous avions ratissé la côte dans ce seul objectif et avec la boule au ventre. Nous avions cherché à en perdre la voix et nous avions couru tous les deux comme des dératés en reconnaissant au loin les corps inconscients de Mia et de Harry. La vision nous avait saisi de peur mais nous avions eu la présence d'esprit de pratiquer les gestes de premiers secours.

J'entendais Harry recracher son eau sous les gestes de Théo au bout de quelques secondes pendant que je n'arrivais strictement à rien de mon côté avec Mia. J'étais dépassé, je n'avais jamais pratiqué en situation réelle et je me contentais du minimum en attendant désespérément que Harry reprenne conscience parce qu'il était le seul, avec Mia, à maîtriser ces gestes d'assistance. Mia les connaissait parfaitement grâce à son métier d'urgentiste et Harry y était formé chaque année pour parer à toutes les éventualités dans le cadre de ses sports extrêmes.

"HARRY ! PUTAIN ! RÉVEILLE-TOI !", mes ordres fusaient et Théo doublait mes directives en secouant Harry. Je soupirais de soulagement en le voyant revenir à lui. Théo lui laissait une seconde de répit et il prenait très rapidement conscience de la situation en un seul regard vers Mia. Il avait bondi, il m'avait dégagé sans délicatesse et il avait pris le relais avec beaucoup de sang froid et de concentration. Il s'était exécuté sans relâche pendant des secondes ou des minutes interminables. Harry n'avait pas démotivé et Mia avait fini par reprendre connaissance sous l'effet de ses massages cardiaques et de son bouche à bouche acharnés. J'avais senti tous mes muscles se relâcher et j'en étais à soupirer de soulagement en voyant Mia reprendre ses esprits quand j'entendais la voix de Harry nous interpeller vivement.

"Vic n'est pas avec vous ?".

Le drame avait véritablement commencé à partir de ce moment-là. Victoria n'était pas là et elle n'était nulle part sur cette plage que nous avions déjà parcouru méthodiquement avec Théo.

Tout ce qui avait précédé ce moment avait été presque une partie de plaisir. Le naufrage, la dérive et notre frayeur pour Mia. Tout ça n'était rien à côté de la panique qui s'était emparée de nous en constatant la disparition de Victoria.

Nous avions cherché avec une énergie folle mais la première nuit avait finit par tomber sans elle. Mia n'avait pas lâché Harry d'un millimètre et le jour avait fini par se lever, toujours sans Victoria et après une nuit blanche pour tous. Harry et Mia avaient été les premiers à se relever et à se diriger vers la mer au petit matin. Ils fixaient tous les deux l'horizon, ils étaient sûrement déjà en train de parler de Victoria et je voyais Mia revenir vers nous avec un pas déterminé.

"Continue de chercher sur la plage dans cette direction avec Harry. Garde un œil sur l'horizon au cas où il y aurait un bateau", elle s'adressait à Théo en gardant un œil très préoccupé sur Harry.

"Et ne le quitte pas des yeux...S'il te plaît…", Théo avait de nouveau acquiescé en l'interrogeant en retour.

"Et vous ?"

"On va chercher de l'aide dans les terres", et j'avais pris la suite de Mia énergiquement, sans discuter ses directives et en allant vers cette colline. Comme elle, j'avançais bruyamment et en criant pour manifester notre présence à âme qui vive. J'avais réalisé l'ascension au sommet sans ménager mes efforts malgré la soif. La marche avait été éprouvante mais la vue à l'arrivée avait été à couper le souffle. Ça avait été ma première réaction et la seconde avait été un terrible sentiment d'effroi, aggravé par la réaction d'horreur de Mia.

"Putain...de bordel...de merde…", elle s'arrachait les cheveux en jurant et moi, je gobais les mouches silencieusement car il n'y avait qu'une nature vierge et la mer à perte de vue. Je ne voyais aucun port, aucun bateau, aucune ville, aucun bâtiment ni aucune autre terre à proximité de cette île. L'endroit semblait désert et isolé. Je restais silencieux mais Mia continuait de commenter à haute voix, plus pour elle que pour moi.

"C'est une blague ? Une parodie de Lost ? Pourquoi est-ce qu'on a atterri sur ce putain de cailloux ?", je continuais de garder le silence sous l'effet du choc mais je n'en pensais pas moins qu'elle. Je n'avais pas envisagé une seule seconde le fait que nous puissions être seuls sur cette île mais ça avait tout l'air d'être le cas. La situation devenait très préoccupante car toute cette expédition avec Mia avait pour objet de ramener rapidement les secours pour trouver Victoria. Or il n'y avait personne pour nous aider à la retrouver. Je commençais donc très sérieusement à désespérer pour elle et uniquement pour elle, car à ce moment-là, je ne percevais pas le danger pour nous quatre.

"Ok...Je crois qu'on peut dire adieu aux renforts dans l'immédiat. Si Victoria n'a pas été repêchée en mer, elle a sûrement suivi les mêmes courants que nous et terminé sur une de ces plages. Les garçons cherchent ici. On a qu'à essayer de l'autre côté. Et on va passer par cette zone sur la route. On y trouvera sûrement de l'eau", Mia continuait de réfléchir à toute allure en pointant différents endroits du doigt. Je ciblais comme elle cette zone particulièrement verdoyante mais j'étais sensiblement inquiet du trajet qu'il y avait à réaliser.

"CHARLIE ? Bouge ! Ce n'est pas à côté", et j'avais sursauté puis obéis une nouvelle fois à son ordre en la regardant comme une licorne. Son sang froid, sa capacité à raisonner et son leadership dans cette situation n'avaient rien de surprenants avec sa formation d'urgentiste après réflexion, mais je ne l'avais jamais vu dans ce genre de contexte et elle m'impressionnait.

J'avais redescendu cette colline facilement ensuite puis les choses avaient commencé à se corser en s'enfonçant dans la forêt. L'avancée était pénible avec ce taux d'humidité mais surtout avec la soif qui était en train de nous tirailler. La fatigue, elle, était présente mais encore gérable car l'adrénaline empêchait le coup de pompe d'arriver. Et heureusement puisque nous avions marché des heures et des heures. Le trajet avait été plus long que ce que j'avais estimé. J'avais aidé Mia à avancer tout le long mais mon soutien était plus psychologique que physique car elle progressait dans cette forêt avec une sportivité et une détermination épatantes mais la progression se complexifiait avec la nouvelle pénombre.

"La nuit est déjà en train de tomber, il faut qu'on fasse demi-tour", je prenais enfin une décision mais je voyais Mia s'opposer.

"Non"

"Comment ça, non ?"

"On ne peut pas revenir sur nos pas. On perdrait une demie-journée de marche. Il faut qu'on passe la nuit ici et qu'on continue demain matin"

"Tu es sérieuse...?", j'avais répondu avec retenue. Je prenais sur moi pour ne pas passer pour la fillette de service mais l'idée était très loin de me séduire. Je n'avais aucune envie de rester ici cette nuit.

"Si Vic est sur une de ces plages, elle est seule depuis plus de 24 heures, Charlie. On ne peut pas la faire attendre une demie-journée de plus", j'écoutais son idée avec beaucoup d'hostilité mais son argument était imparable. Son ton était également sans appel et je me contentais de lui faire confiance encore une fois.

"Très bien…".

J'avais pris la peine de débroussailler à mains nues la zone ensuite et de déposer des branchages au sol. Et je soupirais de désolation à la vue de ce campement de fortune. La situation était lunaire. Nous venions de passer ces dernières semaines et ces derniers jours dans ces bungalows et ce catamaran de luxe et nous finissions ce soir, seuls, dans cette forêt tropicale et à même le sol. J'étais complètement déprimé mais j'essayais de ne rien laisser paraître pour ne pas démotiver Mia.

La nuit avait fini par tomber complètement ensuite mais heureusement, le clair de lune arrivait à se frayer un chemin à travers le feuillage des arbres en nous fournissant un apport de lumière rassurant. Le silence commençait à devenir très pesant et je me décidais donc à parler pour nous changer les idées.

"Tu crois qu'il y des loups garous sur cette île ?", je souriais timidement et j'étais soulagé de la voir sourire en retour et se laisser tenter par mon invitation à l'évasion.

"Bien sûr que non ! Idiot ! "

"Tu as raison...Mais ces créatures dans Lost sont inspirées de faits réels à ton avis ?", je continuais de la taquiner avec beaucoup d'immaturité mais Mia s'indignait cette fois.

"Arrête maintenant !...Seigneur...On va mourir dans d'atroces souffrances dans cette forêt à cause de mon idée stupide", je riais cette fois mais d'un rire très nerveux car il n'y avait définitivement rien de drôle dans notre situation. Mais je riais quand même et Mia aussi car nous avions ce besoin urgent de respirer loin de la détresse de Harry. Mes yeux se posaient ensuite de nouveau sur elle. Je ne voyais pas grand-chose mais je savais que son sourire avait disparu alors j'insistais pour lui changer de nouveau les idées.

"Ce n'est pas une idée stupide. Tu es mon gars sûr depuis hier donc je suis certain qu'on va passer la nuit", c'est moi qui était finalement réconforté en entendant la douce mélodie de son rire.

"Ton gars sûr ? Non mais j'ai une tête de gars sûr ?"

"Pas vraiment. Mais pour tout le reste oui. Vraiment, à la question : qu'est-ce que tu prendrais avec toi sur une île déserte ? Je réponds sans hésiter : Mia Gauthier", Mia souriait faiblement mais elle reprenait très sérieusement ensuite.

"Espérons que tu aies raison parce que je n'ai vraiment pas envie d'abandonner Harry et Théo à leur sort...", je soupirais à ce début d'humeur indésirable de sa part et je réagissais très instinctivement et spontanément en la prenant dans mes bras. Mia s'était étonnée et crispée à ce geste mais elle avait fini par céder, par se blottir un peu plus contre moi et par glisser ses mains autour de ma taille. C'était la première fois que ce genre de geste de tendresse avait lieu entre nous. La sensation était inédite et me déclenchait une vague de frisson et de bien-être plutôt inattendue. C'était ma première dose d'héroïne.

J'avais tenu la position ensuite pendant de longues minutes, jusqu'à ce qu'elle prenne l'initiative de quitter mes bras. Elle le faisait avec un air timide, presque gêné et en tentant un dernier trait d'humour qui arrivait encore à me faire sourire.

"Au "lit" ?", j'étais déçu de la voir s'éloigner mais je la laissais faire docilement. Je me couchais à mon tour et j'essayais de me vider l'esprit en fixant les mouvements mystiques des arbres situés au-dessus de ma tête.

J'essayais de dormir mais c'était impossible. La position et le froid étaient trop inconfortables. J'étais aussi à l'affût du moindre bruit et mouvement environnant et j'étais déconcentré par les mouvements incessants de Mia qui ne trouvait pas non plus le sommeil.

J'insistais pendant de longues minutes mais le problème était surtout que je n'arrivais pas à mettre mon cerveau en sourdine. Mes pensées allaient vers Paris. Personne ne devait être au courant en ce moment mais je savais que Catherine attendait un coup de fil de moi dans deux jours. Elle allait mourir d'angoisse après-demain et cela voulait dire aussi qu'il faudrait attendre après-demain seulement pour que les secours s'activent. Je pensais aussi à Harry et Théo qui allaient devoir passer cette nuit sans nous et je pensais à Harry qui devait être en train de mourir d'angoisse pour Mia. Toutes ces pensées me contrariaient et me minaient au plus haut point. Mes yeux se posaient au même moment et pour la millième fois sur Mia qui semblait prise dans les mêmes tourments que moi. Je la voyais gigoter et grelotter. Je commençais donc par retirer ma chemise en lui passant sur les épaules, en me contentant de mon tee-shirt de mon côté. Mia réagissait au geste et l'acceptait et j'allais plus loin en la prenant ensuite dans mes bras. Je saisissais sa taille sans préavis, en la positionnant au creux de mes bras sans lui en laisser le choix mais Mia s'était laissée faire. Plus encore, elle avait pris place confortablement en blottissant sa tête et ses mains contre mon torse. J'avais fermé les yeux de plaisir au même moment en essayant de profiter de cette bulle que je venais de me créer en la serrant contre moi. J'arrivais à m'apaiser, grâce à sa chaleur, sa douceur et au tempo lent de sa respiration et je frissonnais de nouveau en subissant une nouvelle vague d'émotion inattendue. Ce moment de tendresse était sans précédent entre nous et le plaisir qu'il était en train de provoquer chez moi me confirmait que j'étais bel et bien en train de m'attacher à elle. Au-delà du physique et du simple désir charnel. C'était un désastre mais ce n'était pas le moment d'y penser alors je m'évertuais à l'ignorer et j'en profitais car il n'y avait aucun risque ce soir pour que les choses dérapent, dans cette forêt, avec ce niveau de crasse, d'épuisement et de tourments. Je m'étais donc laissé aller simplement et j'avais fini par dormir d'un sommeil de plomb grâce à elle.

***s***

"On est encore là...? J'ai vraiment cru à un cauchemar", je me réveillais doucement à ses paroles matinales de Mia qui était toujours allongée contre moi.

"Tu parles de cette première nuit avec moi là ? Outch, c'est vexant...", le rire que j'entendais de sa bouche me donnait du baume au cœur mais pas autant que le baiser très doux et furtif qu'elle déposait ensuite sur ma joue, juste avant de se relever rapidement. C'était encore un contact inédit et frissonnant. J'étais plus que perturbé et envoûté mais je me dépêchais de redescendre sur terre en suivant son rythme militaire impitoyable.

"C'est quoi ton pseudonyme ? 008 ? Ou 009 ?", Mia riait de ma bêtise, sans s'arrêter de marcher et de crapahuter.

"N'importe quoi"

"Tu avances comme un soldat...Tu nous caches une double identité. Tu ne travailles pas à l'hôpital...", Mia riait encore plus en prenant toutefois la peine de me répondre sur le fond.

"Mon père serait ravi de t'entendre dire ça"

"Ton père ?"

"Ahein. C'est lui le militaire. Pas moi. Général à la retraite des forces d'aviation légère de l'armée de terre pour être exact"

"Rien que ça...Je comprends mieux ! Merci pour la précision. Tout s'explique. Donc ça vient de ton biberon..."

"Je dirai plutôt du camp militaire où il m'a envoyé à mes 17 ans...", et je m'arrêtais cette fois brutalement, j'étais choqué et Mia riait aux éclats maintenant.

"Tu te fiches de moi ?"

"Non !", et j'étais bouche bée.

"Pourquoi est-ce qu'il t'a fait ça ? C'est horrible !"

"Je n'arrêtais pas de pleurnicher à cette époque. Il a découvert que je me faisais victimiser par les filles du lycée. Ça l'a rendu complètement fou. Il m'a mené la vie dure pour que je m'endurcisse"

"Attends. Quoi ? Tu te faisais victimiser ? C'est impossible, tu étais forcément la star du bahut", elle riait.

"Pas du tout. J'étais au centre de l'attention des garçons mais ça ne plaisait absolument pas aux filles. Elles m'en ont fait voir de toutes les couleurs et je n'arrivais pas à leur tenir tête à cause de mon éducation de princesse...", j'avais papillonné les yeux d'incrédulité à cette confidence de Mia. Elle faisait encore voler en éclat mes préjugés à son sujet. J'avais cette image d'elle, princesse et précieuse et elle me prouvait tout le contraire depuis notre arrivée sur cette île.

"Tu as du potentiel. Tu aurais pu suivre ses traces"

"J'ai failli. J'étais à deux doigts d'intégrer l'école de médecine militaire à mes 20 ans"

"Et pourquoi tu ne l'as pas fait ?

"Parce qu'il fallait déménager à Lyon et que j'ai rencontré Harry cette année-là...J'ai tout annulé pour danser avec lui", je réalisais que je ne savais pas grand chose de son amitié avec Harry et cette nouvelle information me faisait sourire.

Les bavardages avaient fini ensuite par ralentir sous l'effet de la fatigue mais surtout de la soif. Nos bouches commençaient à devenir très pâteuses et nos corps intégraient rapidement cette règle de base de survie : il nous fallait maintenant impérativement de l'eau. Nous commencions vraiment à en souffrir et nous avions trouvé un peu de clémence sur la route en tombant sur un plan de bananes. Ce n'était pas de l'eau mais nos corps avaient aussi plus que besoin de se ravitailler.

"Oh my gosh ! J'ai toujours détesté ce fruit mais qu'est-ce que c'est bon aujourd'hui !", Mia me regardait avec un sourire en coin. J'avais un appétit féroce, mon corps de sportif était véritablement affamé et je m'en rendais compte dès la première bouchée.

Je repartais donc requinqué de cette pause gourmande en suivant Mia qui restait sur le peloton de tête. Je la regardais progresser dans ce maillot de bain à travers la végétation et recouverte uniquement de ma chemise qu'elle avait conservée depuis cette nuit pour se protéger des insectes. Elle était transpirante, essoufflée et je la déshabillais de nouveau du regard malgré moi. Je me remettais à trembler à la vue de ses courbes parfaites et la soif me faisait encore plus fantasmer sur sa bouche. J'allais très loin dans mes rêveries et je me retrouvais à saisir le moindre prétexte et le moindre obstacle sur notre passage pour la toucher. J'avais profité toute la nuit de sa peau douce et mon corps était en train de réclamer de nouvelles doses. Je jouais à un jeu plus dangereux que jamais dans cette forêt, seul avec elle parce que Mia ne me rejetait pas cette fois. Elle les acceptait et je sentais sa peau réagir au moindre contact. Les sensations lui plaisaient tout autant que moi, le courant passait incontestablement dans les deux sens. Mia était en train de montrer ses premiers signes d'intérêt pour moi et la température ne faisaient que de monter après ce constat. La tension était plus que palpable et mes pulsions étaient féroces mais j'avançais courageusement. J'avançais pour trouver l'eau et j'avançais pour ne surtout pas céder à cette tentation. Je m'efforçais de penser à Catherine et aux paroles de Théo et j'arrivais très miraculeusement à aligner un pas devant l'autre sans céder à mon envie dévorante de la plaquer contre un de ces arbres. Puisque c'était ça. Après un an de fantasme et de frustration, j'étais envahi uniquement par cette pulsion primaire, qui était pourtant à l'exacte opposé de mon tempérament romantique et tendre.

J'en étais donc là, à me féliciter de mon courage, quand je voyais la végétation devenir moins dense et que j'entendais comme elle ce bruit merveilleux à mon oreille.

"Tu entends la même chose que moi ?", et je ne retenais pas mon sourire en entendant Mia confirmer ma théorie avec cette question. C'était définitivement de l'eau et une eau a priori très courante.

"Pourvu que ce soit ça...", j'accélérais le pas pour seule réponse en attrapant sa main. Je l'obligeais à suivre ma nouvelle cadence, je suivais les bruits avec pour seule obsession de vérifier nos théories. Je sentais l'excitation monter au fur et à mesure que le son s'intensifiait quand Mia se mettait à tirer fermement sur mon bras. Elle m'obligeait à m'arrêter et je la voyais fixer le sol avec un sourire béant. Je suivais son regard et je comprenais. Je voyais comme elle ce filet d'eau très mince qui serpentait entre ses pieds et je voyais ces petits cailloux d'eau douce qui contrastaient enfin avec le reste de la végétation.

Il y avait un cours d'eau, c'était une certitude maintenant et un seul doigt dans cette eau nous confirmait qu'il ne s'agissait pas d'eau de mer. Alors je l'obligeais à reprendre la course en remontant avec beaucoup de conviction ce filet d'eau. Il nous amenait à une pente plutôt décourageante mais que nous avions escaladé sans hésitation et avec une grande détermination. Et je souriais et je riais très largement cette fois à l'arrivée car la vue d'ici n'avait rien à voir avec celle de la colline d'hier. Le spectacle était plus que réjouissant cette fois car après toutes ces heures de marche éreintante, cette nuit éprouvante et ces montagnes russes émotionnelles, nous avions enfin trouvé de l'eau. Et pas qu'un peu. Nous avions trouvé un bassin et une cascade. C'était au-dessus de toutes nos attentes. Le ciel avait eu pitié de nous.

Je sentais ensuite Mia lâcher ma main. De façon tout à fait inavouable, le geste me contrariait mais je me taisais en la regardant s'avancer au bord de cette petite falaise. Je la voyais sourire et se frotter les mains et je me dépêchais d'intervenir avec fermeté en suivant le fil de ses idées.

"NON ! NON ! Tu n'as aucune idée des fonds ni de ce qu'il y a dans ce bassin"

"Il n'y a qu'un moyen de le savoir, Charlie !"

"BON SANG MIA !", et je me prenais la tête entre les mains puisque c'était tout à fait le genre de chose stupide à ne pas faire dans notre situation. C'était une initiative complètement inconsciente. Mia venait de foncer et de se jeter tête la première dans l'inconnu. Je jurais et je me dépêchais de m'avancer en priant maintenant silencieusement pour la voir émerger rapidement. Et elle le faisait, en riant et en criant et je soupirais bruyamment de soulagement.

"DÉPÊCHE TOI DE ME REJOINDRE ! C'EST EXCEPTIONNEL", j'avais surtout envie de la punir pour sa stupidité mais je prenais une seconde pour redescendre en pression et je faisais pareil qu'elle. Et effectivement la sensation à l'arrivée était fabuleuse. Cette eau fraîche était une bénédiction. Elle m'hydratait, elle me purifiait et elle anesthésiait mes muscles endoloris par l'effort et ces deux nuits d'inconfort. Je me dépêchais ensuite de rejoindre Mia qui était un peu plus loin en train de s'abreuver goulument sous cette petite cascade.

"J'ai toujours cru que je préférais l'alcool. Mais j'ai changé d'avis, je préfère l'eau", et je voyais Mia rire de ma réplique avec sa bouche grande ouverte sous le filet d'eau. Je prenais plusieurs minutes pour en profiter comme elle jusqu'à éteindre ma soif. Et j'y arrivais et je me sentais beaucoup plus paisible après ça. J'étais en pleine résurrection dans ce bassin, j'étais propre comme un sous neuf, revigoré et merveilleusement bien sous ces rayons de soleil.

Je n'avais plus du tout soif mais j'étais en train de me faire rattraper par mon autre envie brûlante du moment. Je mordais ma langue douloureusement en voyant en effet Mia retirer ma chemise. Elle le faisait innocemment, sans me regarder, pour la laver et se laver. J'avais les yeux vissés sur elle et je me dépêchais de détourner le regard en l'entendant me parler.

"Encore une fois, tu devrais suivre l'exemple de ton gars sûr !", elle arrivait encore à me soutirer un sourire et je ne me faisais pas prier pour retirer mon tee shirt, le nettoyer et l'étaler aussi au soleil à côté de sa chemise. Je la rejoignais sous le jet d'eau de cette cascade en me maintenant à distance respectable mais j'étais suffisamment proche pour entendre ses gémissements de plaisir. J'étais suffisamment proche pour ne rien rater de ses gestes et m'émerveiller de ses formes.

Mon corps réagissait malgré moi rien qu'en la regardant et je comprenais immédiatement en sentant cette érection phénoménale entre mes cuisses que l'épreuve ultime était en train de se jouer ici et maintenant. Je n'avais jamais atteint ce stade physique en sa présence et j'étais en plein dedans. Mon corps était en train de la réclamer de façon critique et violente et le contexte était cette fois complètement propice à la dérive. J'étais seul, avec elle, dans ce bassin paradisiaque, sans aucun témoin. C'était à ce moment précis que je devais décider si j'étais un homme bien ou un homme faible alors je me dépêchais de recueillir tous mes chakras pour résister à cette horrible tentation. Je me dépêchais d'abandonner cette cascade pour faire des longueurs loin d'elle et retrouver la maîtrise de mes émotions et de mon anatomie. Et contre toute attente, j'y arrivais encore une fois. Je retournais vers Mia plus sereinement après ça mais je devinais un changement d'humeur imprévu sur son visage en la rejoignant.

"Qu'est-ce qu'il y a ?"

"Comment est-ce qu'on va faire pour transporter l'eau jusqu'aux garçons…?", je fermais les yeux et je pestais le plus silencieusement possible car je n'avais pas non plus pensé à ça. J'étais là à profiter à outrance de cette eau douce avec euphorie alors que Théo et Harry étaient en train d'en avoir cruellement besoin aussi. Et j'avais beau regarder autour de moi, je ne trouvais rien qui pouvait faire office de contenant pour cette eau.

"On va revenir avec eux", je ne voyais pas d'autres solutions. Mes paroles étaient censées être rassurantes mais je me figeais en voyant Mia céder pour la toute première fois à une crise d'angoisse.

"Comment est-ce qu'on retrouve notre chemin jusqu'à la plage ? Comment est-ce qu'on va faire pour retrouver cet endroit ? Et on ne peut pas quitter la plage et le rivage. On doit rester pour Victoria et les secours", j'avais définitivement réduit la distance pour me rapprocher d'elle et calmer son agitation. J'avais posé une main sur ses bras pour l'apaiser.

"On va trouver", je faisais de mon mieux pour la calmer mais Mia s'enlisait dans sa crise.

"Elle est morte...", son affirmation subite me coupait la respiration. Mia était en train de m'embarquer dans son terrible ascenseur émotionnel. Elle venait de briser le tabou en formulant à voix haute ce que je pensais tout bas depuis notre arrivée ici sans Victoria.

"On n'en sait rien. Donc on continue de la chercher et on continue de prendre les bonnes décisions pour rester debout jusqu'à l'arrivée des secours"

"...Harry...Mon dieu...", et je la voyais trembler à cette pensée. Elle n'arrivait pas à finir sa phrase mais j'attendais.

"Il va mourir de chagrin... Harry va se laisser crever sur cette île si Vic est morte…", et je l'entendais cette fois gémir de peur. Sa détresse et son affirmation me décrochaient plusieurs frissons d'horreur aussi. Je la rejoignais dans ses angoisses mais je voulais qu'elle retrouve son courage et qu'elle reste avec moi dans cette bulle de déni alors je me dépêchais de la réconforter en la ramenant contre moi et en prenant son visage entre mes mains avec douceur.

"Regarde-moi. Je ne laisserai pas une chose pareille arriver. Je te promets qu'il n'arrivera rien à Harry. Tu peux compter sur moi pour ça", Mia était torturée mais elle buvait ma promesse. Je lui laissais le temps de s'en convaincre et je m'immobilisais en la voyant se réfugier subitement dans mes bras. Elle m'enlaçait et je répondais en posant mes mains sous ses cuisses et en l'obligeant à nouer ses jambes autour de moi pour la ramener à ma hauteur. Je la tenais précieusement et très étroitement dans mes bras et Mia reposait sa tête sur mon épaule. Je l'entendais faire des efforts de respiration, je l'aidais à lâcher prise en caressant son dos et en déposant des baisers délicats dans ses cheveux. L'intimité et la proximité étaient totales mais ce moment plutôt dramatique rendait les gestes et la position très chastes et innocents. Je me contentais de faire de mon mieux pour l'apaiser et Mia réagissait positivement. Je l'entendais enfin se calmer.

Les choses auraient dû s'arrêter là mais je réalisais progressivement ensuite notre position. J'avais l'objet de tous mes fantasmes, à moitié nu, dans mes bras et autour de ma taille. Et je me sentais entrer dans un très grand moment de faiblesse après ça. Mon esprit m'envoyait tous les warnings mais mon corps désobéissait. J'aurai dû reposer Mia au sol en l'entendant aller mieux mais je continuais de l'enlacer et je continuais de la caresser. Je n'arrivais pas à faire autrement que de la toucher mais je comptais sur son sens moral très aiguisé pour ne pas aller plus loin. Je continuais donc d'en profiter en attendant qu'elle me rejette de nouveau mais à mon plus grand bonheur et désarroi à la fois, je sentais ses caresses et son baiser suave, humide et timide sur ma nuque. Et je réagissais en un quart de seconde à cette initiative malheureuse de Mia : mon cœur s'emballait, mon souffle devenait erratique et mon sang pulsait de nouveau brutalement jusqu'à mon sexe. J'arrêtais complètement de bouger en sentant ma nouvelle érection, que je devinais encore pire que la précédente. J'arrêtais de respirer et je jurais intérieurement car il n'y avait aucune chance pour qu'elle ne la ressente pas à son tour contre sa cuisse. C'était absolument inévitable dans cette position mais je priais pour qu'il ne s'agisse que d'un malentendu et pour que Mia n'ait absolument pas les mêmes arrières pensées et envies que moi.

J'attendais sagement qu'elle quitte mes bras mais je la sentais, contre toute attente, se presser lentement contre mon sexe et coller encore plus sa poitrine contre moi. Et je fermais les yeux de douleur en devinant ses intentions. J'avais douloureusement mal physiquement et mentalement. Je crevais d'envie de répondre à son invitation mais je luttais avec toutes mes résolutions. Je soupirais autant de plaisir que de souffrance mais je trouvais malgré tout la force surhumaine de réagir. Je prenais une de ses mains délicatement dans la mienne pour l'obliger à stopper ses caresses divines sur ma nuque et j'essayais de lui faire comprendre timidement qu'il fallait arrêter là.

"Je ne peux pas…", je la sentais relever sa tête pour me regarder mais je m'appliquais à lever les yeux au ciel car un seul regard sur ses lèvres sublimes pouvait me faire craquer. Mia arrêtait ses caresses, j'avais un regain d'espoir mais je fermais de nouveau les yeux de douleur à sa réponse.

"Tu ne devrais pas. Mais tu peux...Et tu en as visiblement très envie...Et moi aussi...Charlie", je serrais douloureusement ma mâchoire. Mia me voulait. Elle venait de le confirmer sans détour avec cette voix terriblement séductrice. La suite ne dépendait plus que de moi. J'étais tétanisé et complètement torturé au point d'arrêter de respirer. Mes mains se resserraient autour de sa taille en un geste qui laissait transparaître toute ma frustration et mon indécision. J'hésitais entre la repousser ou l'attirer mais toutes mes résolutions volaient en éclat en prenant de plein fouet sa beauté ravageuse, son regard fiévreux et sa nouvelle ondulation diabolique contre mon sexe. Je sentais ma queue remarquablement bien placée aux portes du paradis après ce nouveau mouvement de Mia. J'étais parfaitement aligné et je n'avais plus la force ni l'envie de résister à ces nouvelles sensations. J'étais ravagé de plaisir et ravagé de désir après ce rapprochement très intime et je me jetais aussitôt sur sa bouche comme un affamé.

Mia répondait avec une sensualité qui me faisait trembler et je savais qu'il n'y avait plus aucun retour en arrière possible en sentant sa langue sur la mienne. Je venais de me lancer avec elle dans un baiser langoureux, particulièrement torride et excitant. Il mettait définitivement ma morale en sourdine, il faisait tomber toutes les dernières barrières et je décidais de m'autoriser après ça tout ce dont je rêvais depuis un an.

Je me débarrassais de son haut avec avidité, je me mordais les lèvres d'envie en découvrant enfin toute la perfection de sa poitrine et je grognais de plaisir en la sentant contre mon torse nu. J'étais douloureusement tendu et Mia devenait encore plus agressive dans mes bras. Elle se frottait avec plus de vigueur et je me dépêchais de nous amener contre ce rocher et de lui retirer son bas pour intensifier nos contacts. Elle était maintenant complètement nue sous mes yeux et sous mes mains et sa beauté tapageuse me faisait complètement vriller.

Je me ruais sur ses lèvres, sur sa nuque, sur ses seins et je caressais chaque parcelle de son corps comme un drogué. Je l'embrassais avec une soif et un désir effrayant. Je brûlais toujours plus à chacun de ses regards endiablés et je frôlais l'arrêt cardiaque en sentant ses mains libérer mon sexe gorgé de sang.

Je la voyais marquer un arrêt très court pour me sonder et je me contentais de l'embrasser avec encore plus d'obscénité en l'obligeant à s'empaler sur ma queue sans plus d'hésitation. Je la tenais fermement par la taille pour accompagner mon geste et m'insinuer profondément à l'intérieur d'elle. Et je gémissais de plaisir, et je tournais de l'œil en même temps qu'elle en subissant ses sensations divines et monstrueusement libératrices. Je n'avais jamais désiré une femme avec autant de force et les sensations que je ressentais autour de ma queue surpassait toutes mes attentes.

Et les réactions de Mia me faisaient encore plus perdre la tête car je réalisais qu'elle en avait eu envie et avait dû l'imaginer autant que moi : elle gémissait, elle se cramponnait, elle me griffait et me mordait. J'étais terriblement tendu à l'intérieur d'elle et Mia était incroyablement serrée et mouillée autour de moi. Je la prenais passionnément et presque brutalement contre ce rocher. Je passais toute ma frustration et mon envie bestiale dans mes coups de rein et Mia m'étourdissait avec ses gémissements nombreux et ses délicieuses crispations à répétitions autour de ma queue.

Elle était en train de m'emmener très loin dans l'extase. Je sentais la jouissance arriver avec une force redoutable, entre ses cuisses, contre elle et en sentant son orgasme violent autour de moi. Je perdais définitivement le contrôle à ce moment-là et j'explosais à l'intérieur d'elle avec une puissance dantesque.

Et j'écroulais ma tête sur son épaule aussitôt car c'était incontestablement le sexe le plus diabolique et le plus intense de ma vie. Il me laissait sans voix et venait de me vider de toute mon énergie. J'étais encore à l'intérieur d'elle, j'avais encore mes bras autour d'elle et je prolongeais le moment en gardant ma tête blottie contre elle. Je prenais le temps de m'en remettre puis je me figeais. Je n'osais plus aucun autre geste, je n'osais pas bouger mes mains, je n'osais pas bouger mon corps, je n'osais pas l'enlacer et encore moins l'embrasser parce que le retour à la réalité était paralysant.

L'image de Catherine s'imposait immédiatement dans mon esprit une fois le désir consommé. Je venais de la tromper et cette pensée me refroidissait définitivement. J'étais en train de me maudire et de me flageller mais j'essayais de ne pas le montrer à Mia pour nous sortir de cette situation avec le plus d'élégance possible. Je restais silencieux en espérant qu'elle prenne l'initiative la première de quitter mes bras. J'attendais mais j'étais absolument interdit de la sentir se cramponner désespérément à mon cou et de l'entendre pleurer sur mon épaule.

Mon cœur se broyait à ce moment là et j'oubliais de nouveau Catherine. Je réagissais immédiatement en la serrant tendrement, en la cajolant, en la caressant avec toute la douceur que j'avais en réserve. Je le faisais pour la faire cesser mais Mia entrait dans une crise de larmes d'une force plus effrayante encore après ça. Sa détresse me retournait et elle était inconsolable quoique je fasse cette fois. Elle se laissait rattraper par toutes ses angoisses et j'imaginais aussi qu'elle était aussi ébranlée d'avoir participé à mon infidélité. De mon côté, j'étais incontestablement pris de remords, j'étais rongé par la culpabilité mais ses sanglots et le souvenir du précédent moment étaient en train de déposer une marque indélébile sur mon âme. Je comprenais immédiatement aux émotions que je ressentais à ce moment présent que je ne regrettais pas. J'avais rêvé de son corps des milliers de fois, je venais de l'avoir et j'aurai dû me contenter de ça et m'arrêter là mais ce n'était pas le cas. Je ressentais le besoin irrépressible de la réconforter et la simple idée de la lâcher était en train de me contrarier au plus haut point. Parce que Mia était d'une beauté étourdissante mais aussi d'une personnalité épatante. Elle venait de réveiller tous mes sens dans ce bassin avec son tempérament de feu et sa personnalité mi ange mi démon. Alors je ne regrettais pas et j'étais encore plus pétrifié car cela voulait dire que j'avais fait bien pire que de coucher avec une autre. Je venais de craquer pour une autre. Je venais de tromper Catherine de toutes les façons possibles. Et je savais qu'il n'y aurait plus de machine arrière envisageable après ça. Catherine ne me pardonnerait jamais, je ne me pardonnerai jamais et je ne savais pas non plus si je serais capable de ne rien réclamer de plus à Mia après ça.

"Harry et Théo nous attendent", Mia me sortait de mes rêveries au bout d'un nouveau temps de recueillement indéfini. Elle s'éloignait de moi lentement et se rhabillait en faisant taire définitivement son chagrin et en reprenant ses esprits. J'essayais d'en faire de même et je la suivais silencieusement hors de ce bassin, en direction de la plage.

Mia avançait encore en tête mais son humeur était radicalement différente. Elle était silencieuse, fermée et distante. Elle fuyait mon regard, elle ne m'adressait la parole que par nécessité et avec une froideur qui me laissait un goût très amer en bouche. Je prenais le revers de la médaille et je faisais le dos rond docilement parce que c'était très certainement tout ce que je méritais. J'étais le seul fautif car je l'avais travaillé au corps et tenté depuis le premier jour de ce voyage alors que je n'étais pas libre.

J'avais donc suivi gentiment, j'avais fini par rejoindre cette plage et la ratisser avec elle mais toujours en vain. Il n'y avait toujours aucun signe de Victoria alors nous avions repris la direction de notre plage en priant pour que Harry et Théo l'aient trouvé entre-temps. Mais je devinais que ce n'était pas le cas en les voyant juste tous les deux sur cette plage. Harry remarquait notre arrivée le premier, il se relevait en sursaut et se précipitait vers Mia. Je le regardais l'étouffer de ses bras, coller son front contre le sien et l'étreindre avec un niveau d'émotion bouleversant.

Et c'est à ce moment précis que j'ai ressenti pour la première fois ce sentiment de jalousie très vif contre lui. Parce que Mia l'aimait inconditionnellement, parce qu'il avait droit au meilleur d'elle et qu'il pouvait tout se permettre avec elle. Il n'avait peut-être pas eu mon privilège dans ce bassin mais Mia ne se serait jamais permise cette froideur et cette indifférence avec lui.

"Qu'est-ce que ça a donné?", je croisais le regard de Mia à cette question de Harry. Les derniers espoirs de la journée reposaient visiblement sur nos épaules et je voyais Mia se tortiller et hésiter.

"On a trouvé un bassin d'eau douce…", Mia répondait très précautionneusement et sans aucun autre détail. Elle se contentait de donner la seule bonne nouvelle de cette expédition en gardant bien sur sous silence notre écart. La référence au bassin me faisait un pincement au cœur mais le moment n'était pas propice à la nostalgie. J'étais suspendu, comme elle, à la réaction de Harry qui comprenait que les recherches n'avaient rien donné. Nous n'avions pas retrouvé Victoria et nous n'avions trouvé aucun secours. Harry arrivait à cette déduction et il se contentait de nous tourner le dos et d'aller s'isoler plus loin sur la plage avec un regard vide et inexpressif.

Théo en avait profité après son départ pour nous raconter leurs dernières vingt-quatre heures et le compte-rendu était inquiétant. Harry se renfermait sur lui-même et il refusait de s'alimenter. Il n'avait rien bu ni mangé ou presque depuis notre arrivée sur cette île.

"Où est ce que tu vas ?", je réagissais vivement en voyant Mia faire demi-tour sur cette plage après le compte-rendu de Théo.

"Je vais longer la côte", elle faisait l'effort de me répondre mais avec toujours la même froideur dans sa voix.

"On rentre d'une expédition infernale. On verra ça plus tard, Mia", et j'avais joint le geste aux mots en m'emparant de son bras pour l'empêcher de s'éloigner mais j'étais choqué de la voir me rejeter. Elle venait de dégager son bras fermement, comme si mon contact l'avait brûlé. Je me laissais faire et j'essayais surtout de ne pas me vexer mais j'avais la gorge nouée en concluant sur son dégoût et ses regrets.

"Je dois retrouver Victoria", j'étais stupéfait et sidéré. Je pensais qu'elle partait dans le seul but de me fuir et de s'isoler mais Mia n'avait que cet objectif et Harry en tête.

"Ça va bientôt faire trois jours…"

"Je sais…Mais on est bien là tous les quatre. Je ne peux pas rester les bras croisés et le regarder perdre la tête"

"Très bien, alors je t'accompagne"

"Je n'ai pas besoin d'aide pour marcher sur une plage", je grinçais des dents à cette nouvelle réplique cinglante mais Mia semblait le regretter cette fois. Je la voyais changer d'humeur et essayer de prendre sur elle pour être plus agréable avec moi. Je prenais ce revirement de situation comme une douce pommade sur ma plaie.

"Restez avec Harry et occupez-vous de dresser un camp. On ne sait pas quand les secours vont arriver, on devrait s'installer plus confortablement dans l'hypothèse où on serait coincés ici encore quelques nuits…", j'acquiesçais une nouvelle fois et je la regardais partir à pas déterminé sans chercher à m'opposer.

J'avais rejoint Théo ensuite en gardant un œil distrait sur Harry qui restait seul, immobile et silencieux un peu plus loin. Son état et son humeur étaient préoccupants. Sa position était cauchemardesque. Il aimait Victoria depuis cinq ans, il vivait avec elle depuis deux ans et son mariage remontait à quelques mois à peine. Je priais tous les dieux, en le regardant, pour qu'elle ait effectivement trouvé un moyen de survivre à ces trois dernières journées sans notre aide.

J'avais ensuite suivi les directives de Mia en allant trouver de quoi installer un campement sur la plage avec Théo. Le résultat était plus que sommaire mais aucun de nous n'avait la volonté de faire plus et nous étions certains aussi de ne pas en avoir l'utilité. Les secours allaient très vite rappliquer, personne ne remettait ce fait en doute.

La nuit commençait à tomber et je me mettais à fixer la plage dans la direction où était partie Mia dans l'espoir de la revoir. Je n'étais pas serein, je regrettais déjà de ne pas avoir insisté pour l'accompagner mais je me détendais en la voyant revenir. Je croisais son regard à l'arrivée mais Harry était à proximité. Je ne pouvais pas lui poser la question qui me brûlait les lèvres mais elle la devinait et elle me répondait silencieusement avec un simple hochement de tête négatif et en me tendant des bouteilles en plastique, comme très maigre lot de consolation.

Et cette nuit avait été bien différente de la dernière, encore une fois. Mia l'avait passé loin de moi et à côté d'Harry. Je n'avais pas eu le plaisir ni l'honneur ce soir de l'avoir contre moi. Ce constat me fâchait et je recommençais à le jalouser de façon ridicule et insensé puisqu'il était inenvisageable d'avouer notre moment interdit à aucun d'eux et encore moins de nous exhiber comme un pseudo-couple. Alors j'avais ravalé ma peine mais en passant la nuit à penser à elle. J'avais revécu des centaines de fois notre moment et j'avais réalisé de façon tout à fait inacceptable que je mourrais d'envie de recommencer. C'était affligeant, j'étais vraiment en train de manquer à tous mes devoirs mais je n'arrivais plus à lutter contre mon coup de cœur pour Mia. Et de façon très étrange, ce début de romance était une source de réconfort et d'évasion inespérée dans cet enfer.

"Thé', tu m'accompagnes chercher de l'eau ?", Mia avait repris ses directives de bon matin et je ravalais ma déception en l'entendant inviter Théo. Elle n'avait pas envie de recommencer. Je prenais la confirmation amèrement en pleine figure même si tout dans son comportement allait dans ce sens. J'avais donc gardé le camp avec Harry, qui n'avait même pas trouvé la force de parcourir de nouveau la plage ce matin. J'avais vu Théo revenir de son expédition avec une meilleure mine après sa baignade et Mia avait foncé directement auprès de Harry. Elle lui avait proposé de l'eau, il avait accepté une gorgée puis s'était ravisé et l'avait rejeté. J'avais vu la même angoisse qu'hier défigurer les traits de Mia et elle s'était relevée aussitôt en prenant une nouvelle initiative subite.

**Fin du flashback**

J'avais marqué une pause très craintive après ce nouveau passage du récit. J'avais bien sûr épargné les détails de mon moment dans le bassin avec Mia mais je pouvais difficilement faire plus sincère et transparent malgré tout. Je voyais bien que cette partie du récit avait un peu plus ébranlé Catherine mais elle commentait encore courageusement.

"Ça a été la douche froide quand tu m'as quitté à ton retour à Paris. Mais j'ai pensé au stress post traumatique, j'espérais et j'attendais que ça te passe puisque ta décision n'avait aucun sens. Alors je me suis décomposée quand je t'ai vu avec elle sur cette terrasse à Paris plusieurs mois plus tard. J'étais en fait simplement l'idiote avec les cornes et dans mon esprit Mia était la garce qui t'avait fait tourner la tête grâce à sa paire de fesses", je baissais la tête de honte sans contester et en attendant la suite.

"J'ai passé sa vie au crible pour me prouver qu'elle ne valait pas plus que ça et que tu finirais par te lasser mais je savais qu'elle avait à peu près tout de la femme parfaite : elle était incroyablement belle, élégante, sociable, intelligente, amusante et j'ai vraiment eu le cafard. J'avais complètement baissé les bras et ça a été encore l'ascenseur émotionnel en apprenant votre rupture..."

"Tu n'as absolument rien à lui envier. Tu avais raison dès le départ, ça avait tout à voir avec le naufrage. Je n'aurai jamais été vers elle sans ça. Les vacances étaient quasiment terminées, ça se serait arrêté à cette drague lourde dès mon retour à Paris parce que tout était parfait entre toi et moi et que tu es parfaite pour moi"

"J'ai réussi à te pardonner parce que je pense que j'aurai fait la même chose à ta place"

"Tu es en train de m'avouer que tu en pinces pour Mia ?", j'avais tenté un trait d'humour et Catherine souriait timidement en ignorant ma réplique.

"Si j'avais vécu une expérience aussi extrême avec un homme à la hauteur du fantasme qu'elle représente, j'aurais sûrement cédé. Et j'ai du mal à lui en vouloir parce qu'elle a aussi succombé aux avances de l'homme parfait...On se serait juste évité tout ça si tu m'avais dit la vérité en rentrant…"

"Non, parce que le retour à Paris a été trop violent. J'avais quitté cette île physiquement mais ma tête y était encore. J'avais toujours les mêmes angoisses au retour pour Théo, Harry et Mia. C'était au-dessus de mes forces de reprendre le quotidien avec toi comme si de rien n'était parce que j'étais encore en mode survie. Théo partait en vrille, Harry ne voyait plus le bout de sa dépression, Mia avait disparu à son tour et je revivais tous les jours le naufrage pendant ma transaction avec la compagnie maritime. Je ne me posais même pas la question de savoir si tu pouvais comprendre ou me pardonner parce que j'avais trop honte bien sûr mais aussi parce que je n'avais pas envie de partager nos souvenirs. Je voulais continuer mon huis clos à Paris et je voyais ça comme une trahison parce que j'aurais été obligé de te parler d'eux, de les mettre à nu devant toi à leur insu. Théo a eu le même dilemme avec Julia mais sa situation était plus simple : elle était déjà mon amie, elle est devenue rapidement celle de Harry et Mia et il ne l'avait pas trompé avec elle…"

"Tu m'as avoué à Paris que tu étais amoureux..."

"Oui mais ce n'était pas le bon terme. Et je ne sais toujours pas te dire aujourd'hui ce que c'est parce que ces dix jours de naufrage ont créé un lien qui dépasse l'entendement. C'est au delà de l'amitié et de l'amour. Ça vaut pour Harry et Théo aussi et je suppose que la seule différence c'est qu'ils ne m'attiraient pas autant physiquement...", Catherine souriait jaune à mon trait d'humour et je continuais.

"Mais c'est limpide aujourd'hui avec Mia. On a réussit à faire la part des choses entre l'amour et cette chose et on a surtout réalisé qu'on était capable de vivre séparés sans briser ce lien particulier...Ce couple était compliqué dès le départ et c'est devenu n'importe quoi à Londres mais on s'est forcés parce qu'on pensait que notre rupture sonnerait la fin de tout. On était incapables de toucher à cette chose sacrée mais on a finalement très bien réussit à se séparer sans l'entacher. Et on était tous en tain de reprendre le dessus. Le ciel commençait à être dégagé. Je ne pensais pas qu'il pourrait nous arriver pire que ce naufrage. Mais c'est en train de se produire. Ce monstre a réussi à faire pire. Il est en train d'ouvrir Harry en dix. Je sais que c'est à moi de l'aider mais je suis aussi tétanisé pour elle et je n'arrive pas à gérer cette nouvelle crise sans elle...J'aurai eu mieux fait de tuer ce mec quand je l'ai eu face de moi", je marquais une pause douloureuse en repensant à l'enchaînement chaotique de nos vies depuis ce naufrage et j'entendais Catherine rebondir vivement.

"Bien sûr que non. Tu n'as aucune once de violence en toi et tu es avocat, Charlie...Qu'est-ce qu'il t'est passé par la tête ce soir-là, bon sang ?", je baissais la tête de honte mais je répondais.

"Je crois que tout le traumatisme du naufrage est remonté à la surface quand Harry m'a montré les photos de l'agression. J'ai pété les plombs. Il n'y a rien de plus à expliquer. Adrien s'est pris dans la tronche tout le traumatisme que je refoulais depuis des mois. J'ai vrillé parce que cet homme sorti de nulle part s'en prenait à l'un de nous. Pire, il s'en prenait à Mia, que nous venions à peine de retrouver et qui venait d'échapper de justesse à une agression dégoûtante au Mexique...On en a tellement bavé pour s'en sortir, Catherine...J'étais révolté..."

"Tu aurais pu le tuer…"

"Non. Je savais où étaient mes limites et je n'en avais pas l'intention. Et j'ai commis la pire erreur de jugement de ma vie ce jour-là…", je marquais une pause pénible à cette pensée et je me ressentais partir dans les regrets et la culpabilité.

"Tu n'as commis aucune erreur de jugement. Tu n'es pas un meurtrier et Harry non plus. C'est tout et dieu merci", j'hochais péniblement et négativement la tête face à cette réponse de Catherine. Elle ne comprenait toujours pas.

"Non. Ce type était clairement cinglé et j'ai ignoré son niveau de dangerosité. Deux fois. Si j'avais fait preuve de plus de discernement...Mia serait ici aujourd'hui. Et si elle est morte à cause de moi, Catherine….", et je gémissais et soupirais très douloureusement de souffrance à mon dernier aveu parce que cette pensée morbide me prenait aux tripes aujourd'hui en particulier. Parce que nous en étions déjà au troisième jour de sa disparition, et que c'était aussi le troisième jour lors de la découverte du corps de Victoria.