Point de vue : Harry
Je souriais parce que l'enthousiasme que je devinais sur le visage de Ricardo me rappelait que je pouvais maintenant commencer à me réjouir et je devinais que j'allais pouvoir compter sur lui pour m'y obliger.
Je me levais donc spontanément pour l'accueillir mais j'étais soudainement interrompu dans mon initiative par Pierre que je voyais bondir au même moment, sourire largement et se diriger à pas pressé vers Ricardo en lui rendant une accolade particulièrement chaleureuse. J'écarquillais très largement les yeux à cette vision et encore plus en voyant Ricardo serrer Monica également dans ses bras. J'étais sans voix puisque je ne savais absolument pas qu'il avait eu l'occasion de rencontrer ses parents. J'étais définitivement estomaqué et j'en étais là, figé et avec ma curiosité piqué au vif, quand Ricardo se dirigeait venir vers moi en me donnant une accolade très amicale.
"Oh beau gosse ! Comment tu vas ? Tu as une mine affreuse...Je vais regagner des points avec Mia à ce rythme là...", je retenais difficilement mon sourire face à ce trait d'humour et cette fausse rivalité qui était en train de devenir une habitude entre nous. Je lui rendais finalement ses salutations en décidant de mettre de côté pour l'instant ma curiosité concernant cet accueil des plus perturbants des parents de Mia. J'étais donc désormais en compagnie de tous et de Ricardo à bavarder de choses et d'autres pour tuer le temps quand je voyais l'infirmière se diriger vers nous.
"Bonsoir à tous et aux nouveaux ? Mia se remet bien mais on va lui laisser encore cette nuit pour se reposer. Je vous invite à rentrer à l'hôtel. Plus de visite ce soir. On se donne rendez-vous demain matin avec son médecin pour la réveiller ?", et je voyais tout le monde se lever, prêt à obéir aux directives de l'infirmière mais je n'avais de mon côté pas l'intention d'abandonner son chevet.
"Tu fais quoi ?", Ricardo me questionnait spontanément.
"Allez-y. Je reste encore cette nuit", tous étaient déjà sur le départ à l'exception de Ricardo qui avait les pieds plantés au sol devant moi.
"Oh non, non. Ce n'était pas une blague. Tu as vraiment une mine affreuse. Tu rentres avec nous. Tu as besoin d'un lit et d'une douche. Mia va te fuir au réveil sinon. Tu viens", et je le voyais m'attraper par le cou pour m'obliger à le suivre et je décidais de me laisser faire après son dernier argument. J'acceptais de le faire pour Mia.
"Et vous me suivez tous. On fait un détour par mon hôtel pour fêter la bonne nouvelle !"
"Très bonne initiative ! Tom, tu nous suis ?", Théo ne me laissait aucune chance de protester et je décidais de suivre encore le mouvement. Je n'avais pas la tête à la fête mais je me laissais porter docilement par l'optimisme et la bonne humeur partagée et revivifiante de Théo et Ricardo.
***s***
"Les gars, je vais aussi arrêter l'immobilier et me mettre au cinéma", je riais comme tout le monde à cette réplique de Théo qui ne se remettait pas du confort de la suite très luxueuse de Ricardo dans laquelle nous venions d'arriver.
"Avec ta gueule de cul, tu risques de rencontrer moins de succès", et je voyais Théo s'étonner puis sourire d'amusement en entendant mon trait d'humour inattendu. Il s'agissait aussi du premier en trois semaines.
Je sentais ensuite Ricardo retirer mon manteau, passer son bras autour de mes épaules et m'obliger à le suivre dans le canapé. Je m'y affalais volontiers en fermant les yeux de bien-être pendant un court instant en profitant de son confort indescriptible et réparateur. Les autres prenaient place aussi dans ce salon et je regardais Ricardo disparaître puis revenir avec des verres et du champagne.
"Alors ? On trinque à quoi ? La 5ème vie de Mia ? Ce nouveau sauvetage in extremis ? Ou encore à la mort de ce fils de pute ?", et je souriais très discrètement malgré la gravité du thème, je regardais Ricardo ouvrir la bouteille de façon spectaculaire et remplir joyeusement nos flûtes. J'avais pris la décision de le faire venir pour changer les idées de Mia mais c'était finalement mon humeur qu'il était en train de récupérer. Je reconnaissais à ce moment précis cette même empathie et altruisme que j'affectionnais et admirais particulièrement chez Mia. Alors mon niveau de sympathie pour Ricardo augmentait inévitablement d'un cran supplémentaire en découvrant cette facette insoupçonnée de sa personnalité.
"Et je crois qu'on te doit un toast aussi, Inspecteur", je voyais Tom baisser la tête timidement à cette interpellation de Ricardo.
"Je n'ai rien fait. Elle s'est sortie de là toute seule…"
"La Mia que je connais était incapable de rendre le moindre coup. Ce sont tes cours de self défense qui lui ont sauvé la vie. Elle n'aurait jamais pu se sortir de là sans toi...", et j'étais particulièrement silencieux et pensif les premières secondes qui suivaient cette réplique de Ricardo parce que je réalisais que je n'avais effectivement toujours pas remercié Tom.
"Ricardo a raison. Merci Tom…Et pour tout...Pas que pour ça", et je voyais Tom sourire timidement à mes remerciements publics et sincères. Je ne parlais pas que de l'aide apportée à Mia mais Tom le comprenait sans plus de mots. Je le remerciais pour sa patience et ses attentions avec moi depuis le début du drame. J'avais clairement outrepassé les règles et rapports habituels avec la police dans ce genre de situation mais Tom avait tout accepté : ma présence invasive, mes colères et mes crises. Il l'avait fait par amitié pour Mia et je réalisais encore un peu plus que nous avions, elle et moi, la chance immense d'être particulièrement bien entourés. Je le pensais sincèrement ce soir en présence de ses parents, de Tom, Ricardo, Julia et surtout de Théo et Charlie, toujours aussi fidèles au poste. Je me sentais un peu plus paisible à cette pensée, en les regardant et en me retrouvant avec eux ce soir et enfin à l'abri des malheurs. Je soupirais donc discrètement pour relâcher définitivement les tensions, en autorisant ma tête à s'affaler nonchalamment sur l'appuie tête du canapé puis je toussais de surprise et de douleur en sentant un coup bien placé sur mes abdominaux d'un Ricardo rieur.
"Il faut que tu te remettes au sport mon gars. Notre Mia n'a jamais aimé les corps de lâche", je riais comme le reste du groupe à sa moquerie.
"MA Mia, Ricardo. Essaye de ne plus te tromper", je me retrouvais dans la seconde suivante à trinquer encore avec Ricardo, à descendre une flûte puis une deuxième et une troisième. Ma tête commençait à tourner et elle commençait aussi et enfin à se vider. J'écoutais les bavardages, j'en souriais, je riais même et je scrutais ensuite attentivement un échange parallèle entre Pierre et Ricardo. Je les voyais se lever et aller s'isoler en terrasse. Je n'entendais rien depuis mon spot mais je voyais les airs sérieux puis les échanges de rire. Je sentais mon naturel revenir au galop et je profitais du retour de Pierre dans la suite pour me lever à mon tour et rejoindre Ricardo pour avoir des réponses à mes questions.
"Comment est-ce que tu as connu Pierre et Monica ?", je gardais un sourire bienveillant pour inciter Ricardo à la confidence et je ne manquais pas une miette de ce temps de réflexion inhabituel. Je reconnaissais aussi très bien ce rictus d'embarras mais j'attendais sagement sa réponse.
"Ils sont passés rendre visite à Mia au Mexique. Je les ai amené une journée sur le bateau pendant leurs vacances", j'hochais la tête en souriant pour ne pas laisser filtrer mon agacement mais je n'étais pas dupe et j'étais convaincu que Ricardo me mentait. Je ne croyais pas une seule seconde à son explication puisque Mia ne présentait pas ses amants aussi facilement. Je connaissais aussi Pierre peut-être mieux que mon propre père : Pierre était un loup blanc, méfiant et particulièrement sur la réserve avec les hommes de sa fille. Donc il y avait forcément eu plus qu'une journée en mer puisque de la même manière que je n'avais jamais vu Mia faire confiance aussi vite à un autre homme que moi, je n'avais jamais vu Pierre faire preuve d'autant de sympathie avec un autre homme que moi. Alors j'étais passablement agacé et interpellé par ce nouveau mystère autour de Ricardo mais je décidais d'abandonner pour ce soir pour continuer de profiter de la soirée et de cette parenthèse de légèreté. Je répondais donc à la tentative de fuite de Ricardo qui me proposait de retourner au salon pour s'éviter plus de mensonges. C'était encore un trait commun qu'il avait avec Mia mais ça, je le savais déjà puisqu'il n'avait pas hésité à mentir pour couvrir son mensonge avant son enlèvement.
"Bon les enfants. On rentre se coucher. On se retrouve demain matin à l'hôpital ? Merci Ricardo et soyez sage avec Harry !", et je regardais l'heure au même moment que je voyais Pierre se lever et les invités quitter un à un la suite.
J'avais acté de mon côté de rester avec Ricardo cette nuit par politesse mais aussi par curiosité parce que j'avais envie de lever le mystère sur ce personnage que je n'avais visiblement toujours pas cerné. J'avais l'opportunité de passer du temps seul avec lui et j'espérais que ce contexte me permettrait de le découvrir vraiment, sans les pitreries et son penchant naturel pour le divertissement et les faux semblants. Et effectivement, Ricardo s'était pris au jeu des confidences. Il l'avait fait pudiquement dans sa volonté de me changer les idées et j'avais été estomaqué voir gêné d'en apprendre autant sur lui ce soir. J'avais été très loin de me douter de son passé. Ce joyeux bouffon à la vie de paillettes en apparence revenait de très loin. Je savais qu'il avait grandi au Mexique et qu'il avait fait tout son début de carrière dans l'immobilier de luxe dans la région du Yucatán mais je ne savais pas pour son enfance chaotique. J'avais appris avec beaucoup de respect et de compassion ses années de galère, les violences conjugales, le suicide de son père et la lourde dépression de sa mère. C'était de ces malheurs qu'il tirait certainement son beau jeu de comédien, ce niveau d'empathie et son admiration très marquée pour les femmes.
"Quand Mia m'a appelé pour me demander de la couvrir, je pensais vraiment qu'elle faisait une crise de panique à cause de votre couple"
"Comment ça ?"
"J'en ai vu assez d'elle au Mexique pour noter à Thanksgiving qu'elle faisait beaucoup plus que de coucher avec toi...Et j'étais étonné de la voir aussi paisible donc j'ai cru sans difficulté à sa fausse crise existentielle...Elle ne m'a jamais parlé de ce type, Harry. Je n'aurai jamais menti ce soir là si j'avais su...J'espère que tu me crois, et encore plus maintenant que tu sais toutes ces choses de ma vie".
"Je sais, ne t'inquiète pas…. On aurait tous fait les choses différemment si on avait su…", j'appréciais sincèrement son repentir et sa sincérité.
"Le réveil sera difficile...", je sentais ma gorge se nouer à cet avertissement de Ricardo parce que je savais qu'il parlait de Mia et absolument pas de notre taux d'alcoolisation et de l'heure tardive. Sa réplique ne faisait qu'accroître mon stress également puisque son affirmation sonnait comme un témoignage après ce que je savais maintenant de sa vie et des malheurs de sa mère.
"Mia est une force de la nature...Ça va aller...", j'essayais de me convaincre autant que Ricardo.
"N'hésite pas si tu as besoin d'aide...Je peux lui prescrire le même traitement que la dernière fois pour te soulager…", et je riais aux éclats sincèrement à cette réplique taquine et inopinée de Ricardo qui cherchait à clôturer avec plus de légèreté cet échange inédit entre nous.
"Merci mais on se passera de ta méthode cette fois...", et je me levais au même moment en frappant amicalement sur son épaule et en me dirigeant vers une des chambres et salle de bain libre.
Cette douche et cette nuit étaient enfin les premières en trois semaines que j'appréciais et je savais que les prochaines le seraient bien plus avec Mia dans mes bras. Je m'endormais donc en ne rêvant que de ça. Je fermais les yeux en visualisant Mia blottie sous ses draps en ce moment, gardée par cette équipe médicale et les hommes de Tom, bien loin d'Adrien et des dangers. Je dormais d'un sommeil de plomb à ces pensées.
J'étais tiré ensuite doucement de mon sommeil au petit matin en sentant du mouvement sur le lit. J'ouvrais les yeux et il me fallait une seconde pour réaliser où j'étais et surtout avec qui j'étais. Mais Ricardo était bien là, assis sur le rebord du matelas, à me fixer malicieusement et à regarder sans aucune discrétion mon torse nu.
"Putain, tu as de sérieux arguments. Ça me tue de l'avouer mais je comprends que Mia t'ai toujours préféré à moi…Je n'ai jamais réussi à avoir cet oblique là...Comment tu...", et j'étais obligé d'éclater de rire en le voyant fixer avec concentration cette zone et amorcer un premier geste de sa main pour la toucher. Geste que je me dépêchais de chasser en répliquant par la même occasion avec curiosité.
"Dégage ta grosse main de gay et comment ça "toujours préféré à toi" ?"
"Elle me l'a dit la première fois que j'ai couché avec elle au Mexique", et je tournais de l'œil de contrariété à ce rappel désagréable à leur liaison mais Ricardo était complètement indifférent et continuait.
"Je me souviens très bien de la scène : Mia était assise sur le plan de travail de ma cuisine... complètement nue, avec ses seins magnifi…", et je grognais cette fois très spontanément en lui enfonçant brutalement la tête dans le matelas pour le faire taire. Le geste était ferme mais très familier et inoffensif. Je souriais beaucoup trop mais je le sermonnais malgré tout pour la forme.
"RACONTE SANS LES DÉTAILS POURRIS !", Ricardo était très amusé, pas du tout intimidé et je le voyais se remettre les cheveux en place et se concentrer pour suivre ma directive.
"Très bien...Sans les détails...", mais je le frappais de nouveau en voyant ses airs très rêveurs et beaucoup trop inappropriés. Ricardo continuait de s'en amuser et de me torturer mais je n'arrivais pas à le détester ni à être contrarié.
"Ok...Alors...j'admirais Mia ?...", il me fixait malicieusement en attendant ma bénédiction et je lui donnais silencieusement en retenant mes coups.
"Et je lui ai avoué qu'elle était la plus belle femme que je n'avais jamais vu et avec qui je n'avais jamais couché…", je me sentais de nouveau tourner de l'œil mais Ricardo se dépêchait de poursuivre pour éviter la sanction imminente.
"Et elle m'a répondu que j'étais le plus beau avec qui elle n'avait jamais couché aussi mais pas le plus beau qu'elle n'ai jamais rencontré. J'étais vraiment vexé et je lui ai demandé qui était le numéro un en titre et elle m'a répondu que c'était son meilleur ami", j'étais obligé de m'apaiser et de sourire à cette chute inattendue.
"Et qu'est-ce qu'elle t'a dit d'autre ?", j'étais forcément rempli de fierté et de tendresse même si c'était une chose dont j'avais toujours été convaincu alors je me décidais à tirer un peu les vers du nez de Ricardo pour découvrir peut-être des nouveautés. J'étais suspendu à ses lèvres et ses confidences.
"Rien. Elle avait une ombre douloureuse dans le regard à chaque fois qu'elle faisait allusion à toi. Alors je n'ai pas insisté sur le moment. C'était un peu le deal entre nous. J'étais juste là pour...lui changer les idées ?", j'étais infiniment déçu de sa réponse mais sa fin de phrase faisait diversion. Je mordais silencieusement dans mon poing pour m'éviter de lui porter de nouveaux coups.
"Et j'ai vraiment cru que TOI tu étais gay. Tu étais forcément gay. Il n'y avait qu'un gay pour être ami avec cette déesse sans arrière pensée... Alors je t'ai snipé de la tête aux pieds quand tu as débarqué au Mexique et j'ai même envoyé une de mes amie te chauffer au feu de camp pour confirmer ma théorie !"
"T'ES SÉRIEUX ? Mais oui, attends, comment elle s'appelait déjà ?"
"Carmina. Et tu ne t'es même pas autorisé une gâterie ! Donc j'ai frôlé la crise cardiaque à Thanksgiving en découvrant le pot aux roses entre Mia et toi...Et j'étais vraiment, vraiment contrarié de me faire voler mon quatre heure...", je me contentais de le narguer de façon très puérile avec mes haussements de sourcil avant de reprendre sérieusement.
"Je te l'accorde, j'ai été très lent au démarrage avec elle…Et je ne sais vraiment pas comment j'ai fait non plus toutes ces années, avec le recul..."
"Ce n'est pas grave puisque ça m'a donné l'opportunité d'en profiter...largement...et surement plus que toi encore à ce jour..."
"Fils de p….", Ricardo venait d'avoir la réplique de trop, j'avais amorcé un nouveau geste de violence plus virulent mais je le voyais me fuir, se lever subitement et quitter la pièce précipitamment en riant.
"Prépare-toi le castagneur ! On déjeune et on bouge !", je prenais quelques secondes de plus au lit après sa directive et ce réveil matinal rieur puis je m'exécutais en prenant tous les soins dans la salle de bain pour me redonner une allure.
Cette nuit de sommeil m'avait fait physiquement le plus grand bien mais je sentais le stress monter à la perspective de cette journée que je devinais très riche en émotion mais aussi particulièrement éprouvante pour Mia. Je redoutais donc cette journée plus que je n'en rêvais maintenant mais je mettais ces derniers moments de solitude à profit pour me canaliser. Il était en effet impensable que Mia me voit et me traite encore comme sa petite chose fragile comme après le naufrage. J'avais la très ferme intention cette fois de tenir sur mes pieds et de la soutenir envers et contre tout. J'étais prêt ce matin à mettre sous clé toutes mes névroses et mes souffrances pour l'aider à dépasser les siennes. J'étais résolu à ne vivre que pour ça et que pour elle à compter d'aujourd'hui.
"Ils vont la garder à Glasgow combien de temps ?", je commençais à petit déjeuner sagement à cette question nouvelle de Ricardo.
"Aucune idée. Et toi tu rentres quand à New-York ?"
"Après-demain. Mon producteur est un chien. Il a refusé de me lâcher plus de trois jours"
"On passera te voir à New York comme promis...dès que Mia ira mieux... Merci d'être venu"
"J'ai prié aussi tous les jours comme vous, Harry. Tu n'as pas à me remercier", j'acquiesçais encore silencieusement et agréablement à cette nouvelle parole sincère et pleine de gentillesse de Ricardo en terminant ensuite le petit déjeuner dans le calme en sa compagnie.
***s***
J'étais assis dans la salle d'attente de l'hôpital avec Charlie, Théo, Julia et les parents de Mia et je commençais à largement m'impatienter quand je voyais le chirurgien de Mia se diriger vers nous, avec un de ses collègues que je ne connaissais pas.
"Bonjour à tous. Vous avez l'air d'avoir bien dormi !", j'hochais simplement la tête par politesse en le laissant poursuivre. Les autres en faisaient de même, portés par la même impatience que moi. Le médecin le comprenait rapidement et prenait de nouveau la parole.
"Mia a aussi passé une bonne nuit. Il n'y a eu aucune nouvelle complication. Elle va bien. De mon côté, j'en ai terminé et je la laisse entre les mains de mon collègue que je tenais à vous présenter : le Docteur Philéas. Neurologue"
"Neurologue ? Pourquoi Mia aurait besoin d'un neurologue…?", Charlie était le plus vif de nous tous et j'étais suspendu à la réponse de ce médecin mais c'est ce neurologue qui prenait la parole à la place.
"On m'a demandé de venir procéder aux vérifications d'usage depuis le réveil de Mia"
"MA FILLE EST RÉVEILLÉE ? ET PERSONNE N'A PENSÉ À NOUS PRÉVENIR ? C'EST UNE BLAGUE ?", et je voyais le médecin répondre calmement malgré la colère soudaine de Pierre, que je partageais mais j'étais beaucoup sonné de savoir surtout que Mia avait repris connaissance.
"Oui, depuis 4 heures ce matin et on ne vous a pas prévenu pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits. Mia est encore assommée par les sédatifs...Je peux vous voir en tête à tête à mon bureau ?", et je voyais ce médecin partir avec Monica et Pierre. J'étais révolté d'être tenu à l'écart mais je reprenais ma place docilement et je ne les voyais revenir que deux heures plus tard.
"Lequel d'entre vous est Harry ?"
"Moi", je me levais comme un ressort en voyant enfin mon moment arriver mais le médecin continuait de lire ses notes.
"Théo ?... Charlie...? Julia...? Ricardo...?", et je regardais chacun de nos amis répondre un à un également pendant que Pierre et Monica restaient parfaitement immobiles et silencieux à côté de lui.
"Je ne voulais pas vous inquiéter tout à l'heure mais je vous fais patienter depuis ce matin puisque Mia n'a pas très bien répondu aux premiers tests. Je lui ai fait passer quelques examens et je n'ai vu aucune séquelle physique qui expliquerait son état"
"De quel état vous parlez...?", je l'interrompais subitement et je me décomposais en craignant la suite plus que tout. Je cherchais des explications dans le regard de Pierre et Monica qui fuyaient avec application le mien, ce qui n'était absolument pas pour me rassurer.
"Mia a des troubles de la mémoire. Je n'en mesure pas encore l'étendue. Elle a parfaitement reconnu ses parents, ce qui est un très bon point, mais elle n'avait aucune idée de la raison de sa présence à l'hôpital", et je sentais la pression retomber immédiatement à cette explication en répliquant spontanément.
"Ce qui est loin d'être une mauvaise chose en soit..."
"C'est vrai. Et c'est certainement passager et lié à l'émotion et l'épuisement mais on va quand même y aller progressivement pour ne pas la bousculer", j'acquiesçais en attendant la suite de ses recommandations quand je le voyais s'adresser, contre toute attente, à Ricardo.
"Ricardo ? Vous nous suivez, s'il vous plaît ?", et je me figeais. J'avais les yeux exorbités de stupéfaction et de contrariété à cet affront mais Ricardo avait la décence et la lucidité de ne pas faire de blague cette fois et de rester parfaitement immobile malgré cette directive claire du neurologue.
"Je vais attendre. Harry d'abord", j'étais satisfait de sa réponse et je soupirais d'impatience en attendant désormais l'aval de ce médecin qui retardait mes retrouvailles avec Mia mais Pierre prenait la parole à sa place et me regardait avec une lueur d'empathie très inquiétante.
"Je lui a dit que vous étiez tous ici mais Mia n'a pas réagi à vos prénoms. Elle n'a pas encore réagit au tiens, Harry", et je sentais le sol se dérober sous mes pieds. J'avais le souffle coupé. Le calme était sidérant dans cette salle d'attente après ces mots d'une violence inouïe et j'entendais mon cœur battre à toute vitesse de façon assourdissante. Je discernais à peine les autres mots du neurologue qui se dépêchait de préciser la bombe balancée par Pierre.
"Ça ne veut absolument rien dire pour l'instant. Il est beaucoup trop tôt pour s'inquiéter mais j'aimerai qu'on commence doucement, avec Ricardo, dont elle se souvient pour le moment et on essayera avec vous plus tard ?", j'étais vingt mille lieues sous les mers après ce laïus et j'étais incapable de répondre à sa proposition.
"Est-ce que ça vous va ?", j'étais toujours incapable de réagir et je sentais à peine la caresse douce de Julia sur mon bras qui essayait de me consoler et de me faire reprendre pieds. J'entendais au même moment Pierre m'interpeller.
"Harry ? Mia vient à peine de se réveiller de trois semaines de cauchemars. Laisse lui le temps de souffler. Ricardo d'abord et toi ensuite", et j'essayais de me faire violence, je me contentais de regarder silencieusement Ricardo qui était suspendu à ma décision et j'hochais la tête pour seule réponse. Je le voyais donc se lever lentement, avec le regard particulièrement gêné et prendre la direction de la chambre de Mia après une tape amicale sur mon épaule.
Je serrais les dents à m'en déboiter la mâchoire en le voyant se diriger vers la femme de ma vie et le seul objet de mes pensées depuis plus de trois semaines. Je regagnais ma place, en tapant du pied nerveusement et en laissant ses parents, Théo, Charlie et Julia dépenser toute leur énergie pour me rassurer. Je me contentais de prier intérieurement pour qu'elle retrouve ses esprits au plus vite puisque j'arrivais au bout de mes efforts et de ma patience.
