Point de vue : Ricardo
J'étais devant la chambre de Mia, impatient de la revoir mais aussi tourmenté par cette désagréable impression de ne pas être à ma place. J'essayais malgré tout de mettre de côté mon empathie pour Harry et de penser uniquement à elle avant d'entrer. Je m'apaisais en la découvrant tranquillement endormie dans son lit, avec ses traits toujours aussi parfaits et cet air serein sur son visage. Je m'approchais silencieusement en prenant place à son chevet et en m'autorisant quelques caresses délicates sur ses cheveux pour la tirer doucement de son sommeil et aussi me confirmer cette nouvelle : elle était encore miraculée.
J'avais pourtant commencé cette relation au Mexique sur des angoisses aussi mais ces émotions de l'époque n'avaient rien de comparables à celles que j'avais ressenties ces trois dernières semaines. C'était incomparable aujourd'hui puisqu'elle n'était plus cette inconnue. Mon attachement pour elle avait eu le temps de largement grandir depuis et j'avais eu toutes les peines en apprenant les détails sordides de ce drame et de son passé grâce à Julia. Passé dont elle s'était bien gardée de me parler et j'en comprenais mieux aujourd'hui les raisons. Je comprenais mieux aussi les raisons qui l'avaient amené à toucher le fond au Mexique deux ans plus tôt, je comprenais mieux ses secret et je redoutais aujourd'hui sa nouvelle chute malgré mes sourires de façade. Je le craignais pour avoir vu ma mère subir ce genre d'homme et de sévices la majeure partie de sa vie. J'avais donc inévitablement et de nouveau peur pour Mia puisque je mesurais parfaitement les souffrances, les ravages et les conséquences que ces derniers évènements pouvaient avoir sur une femme, aussi forte et combattante soit elle.
J'étais autant soulagé qu'angoissé et j'étais toujours partagé entre ces deux émotions en la voyant émerger doucement. Je sentais mon sourire s'étirer malgré tout en reconnaissant plusieurs de ses moues irrésistibles du réveil.
"Bonjour beauté", j'utilisais ma voix la plus douce pour ne pas la brusquer et j'étais plus que soulagée de la voir me sourire en retour.
"Salut fils de Satan..."
"Oh tu te souviens donc bel et bien de moi...", je souriais de nouveau.
"Oui...Mais il parait que tu joues aux stars à New York maintenant ? Tu as fait le trajet en jet privé ?", et mon sourire s'élargissait encore plus en l'entendant faire de l'humour même si je découvrais aussi avec inquiétude que ses souvenirs s'arrêtaient visiblement au Mexique. Mia avait cependant ses capacités intellectuelles et a priori physique et c'était tout ce qui importait à ce stade. Alors j'essayais de ne pas m'arrêter à ça pour l'instant et je me contentais en lieu et place de fondre sur elle pour la couvrir de câlins. Je l'entendais roucouler et en réclamer davantage et je ne me faisais pas prier pour m'allonger à ses côtés et la prendre dans mes bras sagement avant de lancer la conversation plus sérieusement.
"Comment est-ce que tu te sens ?"
"Douloureuse...", j'avalais de travers à son aveu très pudique.
"La vie de guerrière n'est pas facile tous les jours. Et tu m'épates encore...Tu as déclassé Wonder Woman. Je suis harcelé tous les jours par des producteurs qui veulent retranscrire ta vie à l'écran...", je l'entendais rire timidement puis répondre.
"Il paraît...La police m'a raconté, mes parents m'ont aussi refait l'histoire dans les grandes lignes mais je ne me souviens de rien…Ma vie est à trou depuis le Mexique. Je ne me souviens pas non plus de ce type..."
"Et tu ne te souviens pas non plus d'Harry…"
"Mon petit ami..."
"Et ton meilleur ami...Ce serait bien que ça te revienne vite parce qu'il est en train de tourner comme un lion en cage dans la salle d'attente…"
"Mmh ça dépend. Est-ce qu'il est aussi comestible que toi ?", et j'étais obligé de rire et de retrouver un peu de légèreté à cette réplique coquine très inattendue de sa part.
"Ça me tue de l'avouer mais il l'est sûrement plus que moi...Ce mec sort tout droit de l'olympe", je profitais de cette réponse pour sortir mon téléphone et je voyais Mia suivre attentivement mes manipulations et regarder les quelques photos que je faisais défiler.
"Oh...En effet…Mmmh...Vous faites presque peine à voir Daniel et toi à côté de lui...", je souriais face à ses commentaires très appréciateurs et taquins. Elle ne gardait effectivement rien de ses derniers malheurs au vue de ces répliques et je préférais cette situation même si j'étais dépité qu'elle n'ait pas la grande révélation en voyant ces photos de Harry.
"Tu mens encore une fois... Et ce mec est fou amoureux de toi en plus de ça. Tu as décroché le jackpot avec celui-là"
"Amoureux ? Au secours tu veux dire ?", je ne percevais malheureusement aucun second degré dans sa voix alors je feignais l'indifférence pour ne pas l'accabler mais sa réaction était tout à fait catastrophique et j'espérais qu'elle se souvienne vite de lui parce que je n'avais jamais vu Mia aussi heureuse que dans les bras de Harry.
"Et tu ne te souviens pas non plus de ton anglais, Charlie ?", je la sentais hocher la tête négativement malgré la photo de Charlie que j'affichais.
"Et l'idiot du village, Théo ?", Mia réfutait encore malgré la nouvelle photo de Théo.
"Et ta Julia ?", je lui montrais également une photo de Julia qu'elle ne reconnaissait pas non plus et mon dernier soupir de dépit s'échappait malgré moi. Je sentais Mia se tendre en réaction et j'essayais de me rattraper en la câlinant de nouveau et en essayant de dédramatiser la situation.
"Ce n'est pas une priorité pour le moment. Tu te souviens du meilleur de tous, c'est déjà ça. Tant pis pour eux. Ça reviendra plus tard", j'étais de nouveau rassuré d'entendre son rire discret mais mon cerveau fusait dans tous les sens malgré tout puisque ça n'avait aucun sens. Notre liaison avait été particulièrement intense mais elle ne faisait pas du tout le poids face à sa relation avec Harry ou Charlie. Ce n'était pas logique et c'était loin d'être une bonne chose pour elle. J'étais forcément satisfait de savoir qu'elle ne se souvenait pas d'Adrien mais j'étais complètement miné qu'elle ait oublié ses meilleurs amis et le seul amour de sa vie. J'avais le cerveau en ébullition mais je restais le plus calme possible dans ce lit pour ne pas alourdir sa charge. J'essayais de lui changer les idées en lui parlant de moi et de ma vie depuis le Mexique, je le faisais pendant près d'une heure jusqu'à ce que je la sente s'assoupir dans mes bras.
Mia finissait bel et bien par s'endormir dans cette position. Ce n'était pas une première, loin de là, mais ça n'était pas arrivé depuis deux ans et ça n'aurait jamais dû arriver aujourd'hui. J'étais affreusement mal à l'aise pour Harry qui ne rêvait, lui, que de ça depuis des semaines. J'avais passé la soirée, la nuit et la matinée à le rebooster dans la perspective de ces retrouvailles que j'étais en train de lui voler malgré moi et j'avais de la peine de constater qu'il allait vraisemblablement encore devoir les différer pour une durée indéterminée.
Je voyais ensuite au bout d'une demie heure le neurologue entrer et réveiller Mia. J'amorçais un premier geste pour partir mais je me ravisais à la moue suppliante de Mia. J'assistais donc à la succession de tests et à l'interrogatoire en règle de son neurologue qui profitait de ma présence puis de celle de ses parents pour remonter le fil de sa vie. Je me retrouvais donc à bénéficier d'une session de rattrapage expresse sur les aspects inconnus de sa biographie. J'obtenais aussi la confirmation qu'elle se souvenait parfaitement de tous ces mois au Mexique avec moi mais qu'elle ne gardait aucun souvenir du naufrage qui avait précédé ou bien de nos derniers moments ensemble à Thanksgiving.
J'avais finit par rejoindre la bande ensuite, timidement et avec une gêne terrible en sentant le regard lourd de Harry. Je ne savais définitivement plus où me mettre alors que la provocation était devenue mon jeu préféré avec lui. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, le moment était terrible et je n'avais plus aucune envie ni intention de faire de l'humour sur sa possessivité ou son couple. J'avais aussi surtout besoin qu'il comprenne que je n'avais aucune arrière pensée ni prétention vis à vis de Mia. Je faisais juste ce que l'on me demandait pour l'aider puisque c'était elle la priorité et elle mon amie in fine.
"Alors ?", Harry me sautait dessus immédiatement à mon retour.
"Ça a l'air plutôt d'aller. Mais elle ne se souvient toujours pas de vous…", j'étais désolé de ne pas avoir mieux à lui dire, je l'entendais soupirer de contrariété face à ma confirmation et mon manque d'éloquence et j'attendais docilement la suite de son interrogatoire.
"Mais de toi oui. De vous. De quoi au juste ?"
"Elle ne se rappelle pas de Thanksgiving, ni de ma nouvelle carrière et de mon déménagement à New York. Elle se souvient juste des six mois au Mexique", et j'appréhendais nécessairement la réaction de Harry que je voyais déjà cracher du feu par le nez à cette information.
"Génial. La meilleure partie. PUTAIN ! C'EST DU DÉLIRE", je me contentais de le regarder fulminer. Je ressentais toute sa colère, son impuissance, sa révolte, je le comprenais, je notais aussi la pointe d'angoisse mais surtout la jalousie, et la vraie cette fois. Je me contentais donc de faire profil bas et je regagnais sagement ma place pendant que lui se dirigeait à pas pressé vers la chambre de Mia. Je m'asseyais simplement avec les autres en croisant les doigts.
Point de vue : Harry
"Bonjour", je refermais silencieusement la porte à ce simple mot d'accueil de Mia que je voyais du coin de l'œil se redresser en me voyant entrer. Je soupirais lourdement pour recueillir mes forces puisque ce mot d'une banalité absolue était en train de me mettre brutalement face à la réalité. Il me mettait six pieds sous terre puisque j'avais confirmation à l'entente de cette concision, de ce ton et de son malaise visible, que Mia ne se souvenait absolument pas de moi.
Et je ne savais pas du tout comment me comporter avec elle en réaction. Je n'en avais aucune idée mais elle était réveillée, elle me parlait enfin et je me sentais nécessairement pousser des ailes au point d'aller jusqu'à elle, de poser ma main sur ses cheveux et d'amorcer un premier geste pour l'embrasser. Je me ravisais toutefois dans les derniers centimètres en la voyant se tendre nettement et s'inquiéter de mon initiative. Je me contentais, très péniblement, de déposer mes lèvres chastement sur son front en prenant place à côté d'elle et en essayant de retenir tous les gestes d'amour et de tendresse que je mourrais d'envie de lui infliger. J'essayais de ne pas m'effondrer face à son regard vide d'émotion et de compréhension.
"Comment est-ce que tu vas…?", je ne voyais pas quoi dire de plus et j'attendais sa réponse sans trop d'espoir sur la suite.
"Bien. Merci", je restais silencieux plusieurs secondes à la fixer après cette réponse parce que je savais qu'elle mentait.
J'avais eu droit à un compte-rendu très détaillé de ses parents et je savais qu'elle était complètement désorientée, épuisée et en souffrance. Mais Mia n'avait pas l'intention de me le dire, pas l'intention de se confier puisque j'étais un parfait inconnu. J'avais le cœur ravagé à cette idée, je sentais ma gorge se nouer douloureusement mais j'essayais de repenser à mes résolutions de ce matin. Je m'étais promis de la soutenir, envers et contre tout, et je devais m'y tenir même si j'avais de toute évidence pensé à toutes les possibilités pour cette journée sauf à celle-ci.
"Qu'est-ce que Ricardo et tes parents t'ont dit à propos de moi ?", j'essayais de poser ma voix, d'être le plus calme et le moins impatient possible. Je la regardais se tortiller d'embarras et éviter mon regard à sa réponse.
"Qu'on se connait depuis que j'ai l'âge de 20 ans ? Et qu'on était ensemble depuis un mois", je baissais la tête silencieusement à l'uppercut parce que Mia venait de faire, volontairement ou non mais qu'importe, usage du passé en parlant de nous ce qui était simplement une catastrophe. J'essayais péniblement de rester neutre pour ne pas l'accabler avec mes émotions mais j'étais visiblement en train d'échouer puisqu'elle se dépêchait de poursuivre et de préciser ses propos.
"Ricardo et mon père m'ont donné beaucoup de détails ce matin mais je ne me souviens de rien. Pour l'instant. Je suis désolée ?", elle trouvait le courage de me regarder pendant ses excuses solennelles et j'étais complètement envoûté par son regard, son visage et ses yeux magnifiques qui étaient toujours les mêmes. C'était toujours elle, malgré tout, elle que je rêvais si désespérément de revoir depuis des semaines.
"...Tu as survécu. C'est tout ce qui compte...Le reste attendra. Ne t'inquiète pas pour moi", je lui rendais un sourire timide que j'espérais convaincant et je la voyais soupirer discrètement de soulagement à mes paroles avant de reprendre de façon plus détendue.
"...Est-ce que tu peux me parler de lui…?", et je me figeais et je n'osais pas relever la tête à cette question soudaine. Je prenais le courage de le faire malgré tout pour être certain de bien avoir compris et c'était le cas. Mia attendait des réponses. Elle me demandait de lui parler d'Adrien et sa requête me paralysait.
"Pourquoi...?"
"Parce que c'est à cause de lui que je suis ici. A défaut d'avoir mes souvenirs, j'aimerai au moins savoir…J'ai cru comprendre que tu étais le seul à avoir tous les détails…", et je sentais ma gorge se nouer puisque je ne l'avais pas non plus anticipé. Elle m'en demandait beaucoup trop, j'étais encore particulièrement indécis parce que c'était très prématuré. Je n'avais pas la force de repenser à lui, à tout ce que je venais de subir et à tout ce qu'il venait de lui faire subir.
"S'il te plaît…", et je fermais les yeux et j'abdiquais en entendant sa supplication. Je soupirais lourdement et je me lançais sans aucun entrain et avec beaucoup de pénibilité pendant plus d'une heure et en subissant son interrogatoire complètement détaché. Je l'écoutais m'interrompre et me questionner comme si je lui racontais les derniers épisodes de sa série préférée alors que c'était sa vie, notre vie et la pire partie.
"Je n'arrive pas à croire que j'ai tué cet..."
"Pourriture. J'aurais dû le faire à ta place il y a longtemps...Tu n'as aucun cas de conscience ni regret à avoir pour ça. Je t'assure qu'il l'a mérité", et je la regardais s'affaler et fixer le plafond. Je voyais son esprit fuser dans tous les sens et j'étais stupéfait de l'entendre pouffer de rire.
"La situation est très ironique voire grotesque"
"Comment ça ?", je fronçais les sourcils et j'attendais qu'elle précise.
"Je viens de passer trois semaines à feindre l'amnésie avec lui…", je baissais la tête pour masquer au mieux mon émotion très vive. C'était une pensée que je partageais et qui me torturait. J'entendais Mia reprendre avec toujours le même détachement ensuite sans me laisser respirer.
"Je suis un sacré chat noir. Tomber sur ce timbré, vivre ce naufrage et finir comme ça aujourd'hui. Ça ressemble à une malédiction", et cette conclusion de sa part me ramenait en Norvège dans ce sauna. Elle l'avait dit en riant, pour me rassurer et m'interdire de m'inquiéter pour elle et ses fans obsessionnels. J'en avais rit avec elle, cet argument avait achevé de me convaincre et voilà le résultat plusieurs mois plus tard.
"Je sais. On est deux mais tu viens de la briser en te débarrassant de lui. Tu vas avoir la paix maintenant et tu vas finir par retrouver tes souvenirs. Ton neurologue est confiant. Tu as juste besoin de temps et de repos", je n'avais pas retenu mon geste, j'avais posé ma main tendrement sur la sienne au même moment alors que j'avais fait tous les efforts du monde depuis une heure pour me tenir à carreau. Je retenais mon souffle en attendant sa réaction et j'essayais encore une fois de maintenir ma neutralité en la voyant prétexter une soif inopinée pour retirer sa main de la mienne. Je ne relevais pas, je n'insistais pas non plus pour ne pas la faire fuir mais son geste de rejet me mettait à l'agonie. Et pour la millième fois cette année, je me retrouvais à lutter contre toutes mes pulsions. Pour elle.
Ce moment de gêne était ensuite interrompu par l'infirmière qui me demandait de sortir de la pièce pour prodiguer ses soins à Mia. Je m'exécutais comme un automate en attendant devant la porte. Je me laissais complètement reposer contre le mur à proximité en tentant d'établir une stratégie pour la suite de notre échange. J'étais pensif quand je discernais des bruits particulièrement pénibles qui me sortaient brutalement de mes réflexions. Je tendais l'oreille, j'arrêtais de respirer et je sentais mes entrailles se broyer en entendant Mia gémir de douleur à l'intérieur de cette chambre pendant des minutes que je jugeais interminables. Je discernais les paroles réconfortantes et les fausses promesses de cette infirmière qui continuait de la torturer malgré ses supplications. J'étais à deux doigts d'intervenir quand j'entendais enfin le silence dans la pièce et que je voyais l'infirmière ressortir au bout de plusieurs minutes.
Je me dépêchais de revenir au chevet de Mia après son départ mais je la retrouvais de nouveau endormie. Je m'approchais à pas de loup, je reprenais ma place à côté d'elle et je profitais de son moment d'inconscience pour l'embrasser tendrement sur la bouche.
C'était le premier baiser de la journée mais il avait un goût particulièrement amer. Il était amer parce qu'il n'était pas consenti mais aussi parce que je sentais ses larmes sur mes lèvres, ses perles de sueurs sous mes doigts et le rythme effréné de son cœur. Il était amer parce que Mia souffrait. Et encore et toujours à cause de lui. A cause de ce monstre, parti beaucoup trop vite et avant que je n'ai eu le temps de lui faire regretter ses dernières actions...
J'avais gardé son chevet un moment ensuite puis j'avais assisté à la visite de groupe de Charlie, Théo et Julia. Théo et Julia avaient essayé de maintenir un ton léger pendant ses retrouvailles pour mettre Mia en confiance mais leurs efforts étaient complètement contrebalancés et annulés par la mine démolie de Charlie qui mettait Mia extrêmement mal à l'aise. J'avais donc pris l'initiative à contrecœur de nous faire tous quitter la chambre en voyant que ce moment ne menait à rien. Je prenais l'initiative de la laisser respirer et de mettre un terme à ces autres retrouvailles complètement surréalistes.
J'étais maintenant dans la salle d'attente avec eux. Nous étions tous terriblement silencieux, je regardais Théo prendre Julia dans ses bras pour se réconforter mutuellement et mes yeux se posaient ensuite sur Charlie qui était assis, les coudes sur ses genoux et la tête entre ses bras. J'attendais une réaction raisonnable de sa part mais Charlie était totalement inexpressif et immobile. Je décidais donc de m'approcher pour cerner son humeur et j'étais complètement interdit de voir ces larmes inonder son visage. Il essayait par sa position et sa discrétion de le cacher mais je les voyais sans l'ombre d'un doute et je me figeais. Je réalisais que c'était la première fois en trois semaines que je voyais Charlie craquer. L'analyse me traversait l'esprit de façon violente ensuite : je ressentais ce sentiment terrible de culpabilité en tombant nez à nez sur la détresse de Charlie que j'avais complètement occultée ces dernières semaines à cause de la mienne. Je n'avais jamais pris la peine de soulager ses états d'âmes, ses remords, ses regrets, ni de le remercier lui non plus d'avoir été là pour Mia et pour moi. Je ne pouvais pas revenir sur ça mais j'essayais, dans un élan fraternel de lui montrer mon soutien aujourd'hui. J'osais donc ce geste de réconfort et d'amitié devenu trop rare de ma part : je prenais place sur la chaise à côté de lui avec l'intention de trouver les mots pour le réconforter mais Charlie me coupait l'herbe sous le pied. Je le regardais, avec la plus grande surprise et sidération se relever brutalement à mon approche et quitter l'hôpital.
Je croisais les regards surpris aussi de Julia et Théo qui n'avaient comme moi absolument aucune idée de la façon de gérer ce comportement impulsif inédit. Chacun de nous comprenait mais aucun de nous n'avait le mode d'emploi alors je prenais la nouvelle initiative d'un coup de fil à Catherine pour l'informer de la situation. Je l'entendais tomber des nues face aux dernières informations à propos de Mia et elle me confirmait qu'elle se dépêchait de nous rejoindre à Glasgow. J'acceptais volontiers parce que malgré toute mon amitié pour Charlie, la seule personne dont j'avais envie de m'occuper en ce moment était Mia.
