ACTE V :
-Qu'est-ce qu'on fait dans ce quartier glauquissime en pleine nuit ? murmura encore Jaime à Cersei en se collant à elle, évitant de peu une crotte de chien sur le trottoir.
-Tu as voulu me suivre, je t'ai laissé me suivre, mais à condition que tu ne poses pas de questions et que tu n'intervienne pas !
-Intervenir dans quoi ? c'est ça que j'aimerais savoir !
-Tu me fatigue… Tu n'as aucune idée de la soirée atroce que je viens de passer.
-J'ai une vague idée, si, et cette vague idée me donne envie de vomir. J'aimerais comprendre ce qui t'a poussé à retourner dans les bras de ce porc !
-Chut ! lui intima Cersei.
Ils venaient d'arriver devant la porte d'un bar tout aussi glauque que le reste du quartier. L'enseigne "Mereen" clignotait d'un rouge tape-à-l'oeil". On les laissa entrer sans leur demander leur carte d'identité.
Cersei, qui portait encore sa robe rouge décolletée et moulante fendue sur le côté, tellement sexy, et perchée sur ses hauts talons noirs, perturba toutes les conversations à son entrée : un silence de quelques secondes se fit entendre et seule la musique résonna, le temps que tout le monde reprenne ses esprits. Comme Jaime la suivait, il y eut cette fois un niveau sonore plus élevé : les consommateurs se demandaient clairement qui étaient ces gens beaucoup trop beaux..
Cersei fendit la foule et alla s'accouder au comptoir du bar. Elle fit une oeillade à la barmaid pour attirer son attention et se pencha, laissant entrevoir encore plus ses seins :
-Où puis-je trouver Daenerys Targaryen ?
-Quoi ?! s'exclama son frère.
La barmaid les regarda tous les deux quelques instants avec des yeux ronds. Cersei était habillée vulgairement mais on voyait que sa robe était de très bonne qualité, quant à Jaime, il était propre sur lui et sentait le fils de bonne famille à plein nez.
-Les renseignements ne sont pas gratuits, mes petits chéris, répondit-elle finalement.
Cersei sortit discrètement un très gros billet de son sac à main, et le glissa plié en six sous un sous-boc de bière. La barmaid le déplia loin des regards indiscrets, derrière le comptoir, et blanchit.
-Ok. Suivez-moi.
La barmaid les emmena à travers un long couloir jusqu'à un salon décoré de façon très hippie et tape-à-l'oeil. Il y avait des attrapeurs de rêves un peu partout, de la déco sud asiatique, des lampes à lave complètement passées de mode et tous les meubles semblaient avoir été créés par un ébéniste disjoncté.
Cersei leva ses beaux yeux au ciel devant tant de fautes de goût.
Sur un immense sofa en velours rouge, situé au centre de la pièce, une très jeune femme en robe vaporeuse rose claire et aux longs cheveux d'un blond presque argenté tressés de façon originale fumait de l'herbe. Elle était magnifique. Royale. Trois énormes molosses se tenaient au pied du sofa, gardant leur maîtresse. Dans un coin de la pièce, sur un petit banc en cuir rembourré, un couple de jeunes métisses était visiblement en train de se parler d'amour, trois jeunes hommes jouaient aux cartes sur une table de poker contre le mur du fond, et un homme d'un certain âge, blond et l'air sérieux, sirotait un whisky dans un fauteuil près du sofa en s'entretenant avec la jeune blonde.
Tous arrêtèrent leurs activités à l'entrée des Lannister, sauf la jeune femme blonde qui devait être Daenerys, qui continua ostenciblement à fumer, les dévisageant d'un air un peu blasé, mais intéressé.
Jaime la vit parfaitement bien reluquer sa sœur. Et elle vit qu'il la vit.
-J'ai une proposition à faire à Daenerys Targaryen, déclara posément Cersei avec un rictus, en fixant la jeune femme droit dans les yeux.
Celle-ci se leva alors avec une grâce solennelle, aidée par l'homme d'un certain âge qui lui proposa sa main.
Tous s'étaient levée en même temps qu'elle, mais elle jeta un regard circulaire, puis ses yeux améthystes vinrent se poser à nouveau sur les Lannister.
-Je m'en occuperais seule. Suivez-moi, nous serons mieux dehors pour parler affaires.
Ses énormes chiens la suivirent comme son ombre. Jaime n'était pas rassuré.
Ils se retrouvèrent dans la cour des poubelles, derrière le bar. Glauque à souhait. Daenerys continuait de fumer.
-Si vous êtes bien ceux auxquels je pense, nos pères étaient ennemis avant que le mien ne disparaisse. Que voulez-vous ?
-Et bien, nos pères furent un temps associés, avant que Robert Baratheon Senior ne vienne tout foutre en l'air, non ?
A ce nom, le beau visage de la jeune fille se crispa. Elle cracha par terre.
-Celui-là… murmura-t-elle avec rage.
-Il a même poussé votre frère dans la drogue… Il paraît qu'on l'a retrouvé avec un aiguille dans le bras, mort.
-Oh, oui… ça aussi… fit-elle d'un air absent.
Cersei s'approcha d'elle comme une reine, guère impressionnée par les chiens grognant. Ses hauts talons claquaient sur le sol en béton, et quand elle arriva près de Daenerys, elle dégagea légèrement la luxuriante chevelure de la jeune fille du bout des doigts.
-Je suis venue vous apporter la vengeance… murmura-t-elle à son oreille.
Daenerys, les yeux dans le vague, eut un doux sourire, trompeur. Jaime savait qu'elle avait tout juste quinze ans, mais elle ne lui inspirait pas confiance, et il la trouvait menaçante.
Soudain, ils entendirent un vacarme tonitruant dans les poubelles, des bruits de ferraille, et un "Aie !"
-Tyrion ? fit Jaime.
Les molosses de Daenerys se mirent à aboyer et grogner contre l'intrus, la bave aux lèvres.
-Vous m'espionnez ?! s'exclama la jeune fille, soudain en colère.
Cersei croisa les bras et soupira d'exaspération.
-Non, c'est notre débile de petit frère qui nous a suivi.
-Je te préviens, retiens tes chiens ! s'écria Jaime.
-Je suis désolé… gémit Tyrion, tremblant dans les poubelles.
-Je retiens mes chiens si je veux ! répliqua Daenerys. Si je veux qu'ils dévorent votre petit frère en réparation des actes de votre père, ils le feront.
Cersei éclata d'un rire sans joie.
-Il n'y a que celui-là, fit-elle en pointant Jaime, qui a de l'affection pour ce petit monstre. Tu peux le faire disparaître, ça arrangera certainement Père.
Le jeune homme sortit un revolver de sous sa chemise.
-Ne lui fait pas de mal…
Daenerys fronça les sourcils, tremblante de colère et Cersei s'exclama :
-Qu'est-ce que tu fais avec ça ?
-Tous ces dimanches matin passés à m'entraîner avec Père dans la forêt ne m'ont pas amusé, mais au moins je sais manier une arme ! Tu joues les aventurières, tu veux venir dans cet infâme bouge, il fallait bien que je trouve un moyen de te protéger !
Puis la scène devient apocalyptique : Cersei et Jaime se mirent à se disputer, se postillonnant au visage,Tyrion se mit à pleurer, les chiens aboyèrent de plus belle en se rapprochant de lui, et Daenerys cria "Dracarys" sans qu'aucune des autres personnes ne sache ce que cela voulait dire, mais les chiens se jetèrent sur leur proie.
Un coup de feu retentissant claqua dans l'air.
Jaime tomba à terre.
Cersei tenait l'arme fumante entre ses mains. Abasourdie, ses yeux émeraude agrandis par la surprise. Elle lâcha l'arme qui émit un petit cliqueti métallique sur le sol.
Un silence de mort s'installa.
