ACTE FINAL :

Jaime cogitait des idées noires sans fin dans son lit d'hôpital, quand, une fin d'après-midi, il reçut une visite. L'infirmière lui annonça Brienne Tarth, et même s'il sentait la conversation pénible à venir, il la reçut.

-Tu as mis longtemps à venir me voir, Tarth, lui reprocha-t-il tout de go avec un petit sourire cassant quand la jeune fille entra dans sa chambre.

Celle-ci leva un sourcil et déposa un sac en plastique contre le mur avant de s'installer dans le petit fauteuil à côté du lit.

-Je voulais éviter les hordes de groupies venant signer ton plâtre.

-C'était effectivement un bon plan, répondit Jaime en relevant le drap cachant son plâtre : il n'y avait plus un espace de libre sur toute la jambe. J'ai été pas mal occupé la première semaine…

-Le succès, toujours le succès…

-Plus maintenant. On t'a dit ?

-Il y a des bruits qui courent… Tu ne pourras plus jouer ?

-Plus jamais.

Un long silence emplit de mélancolie s'installa. Jaime regardait le parc, en bas.

-J'ai été prise à l'Université de Santa Clara, avec une bourse d'étude, chuchotta Brienne tellement bas que Jaime lui fit répéter.

-Mais c'est la meilleure université du pays en football féminin ! Félicitations Tarth !

La jeune fille rougit.

-Je n'ai pas encore osé l'annoncer à mon père.

-Il comprendra. Il faut saisir ta chance. Tu sais, je crois que tu es même meilleure que je ne l'étais…

Brienne semblait embrassée au plus haut point mais ne nia pas.

-Et je te regarderai depuis mon canapé, coincé dans cette ville de merde…

-Ce n'est pas parce que tu ne peux plus jouer au foot que tu seras obligé de reprendre l'entreprise de ton père…

-Oh, si, j'en ai bien peur… et de toute façon que puis-je faire d'autre ? Mes notes sont à peine passables…

L'adolescente haussa les épaules avec un petit sourire.

-Tu trouveras. Là, maintenant, toute ta vie s'est effondrée et tu es au fond du trou, mais tu n'es pas qu'un joueur de foot. Tu as d'autres occasions à saisir.

Jaime détourna le regard et contempla encore le parc par la fenêtre.

-Qu'est-ce que c'est que cette chose ? demanda finalement Brienne en pointant du doigt un amoncellement de draps, couvertures et oreillers sur et sous des chaises empilées ou retournées, qui prenait une partie de la chambre.

-C'est la cabane de pirates de mon petit frère ! déclara Jaime avec ambage.

-Il passe beaucoup de temps avec toi ?

-Plus qu'il ne devrait. Il se sent tellement coupable de ce qui m'est arrivé qu'il passe tout son temps libre ici. Mais il me fait la lecture, j'apprécie…

-Ton petit frère te fait la lecture ?

-Je suis dyslexique. Lire est proche d'une sorte de torture pour moi. Il y a des sujets qui m'intéressent alors j'arrive à lire quelques livres par an, mais depuis que Tyrion sait lire il m'a beaucoup aidé pour ceux du lycée.

-Je ne savais pas…

-Je ne le crie pas sur les toits. Mais c'est en partie pour ça que la reconversion va être difficile.

-Je comprends mieux… Et ta sœur, elle te rend visite ?

A ces mots Jaime éclata de rire au point de renverser sa tête en arrière contre son oreiller.

Brienne écarquilla les yeux, surprise par cette réaction.

Jaime continuait à rire sans joie, et essuyait même des larmes qui coulaient le long de ses joues avec ses mains. Brienne lui passa un mouchoir, toujours aussi dubitative quant à cette réaction.

-Elle est passée une fois… fut la seule explication de Jaime.

Cersei était effectivement venue le voir. Un soir, tard, après l'heure des visites. Elle s'était faite belle, ce qui était un véritable ravissement pour les yeux, et le cœur de Jaime avait bondi dans sa poitrine quand il l'avait vue. Elle s'était assurée qu'il allait bien, puis l'avait chauffé, et les choses étaient allées très loin. Pourtant l'atmosphère n'était pas du tout la même qu'avant l'accident, et Jaime ne savait pas vraiment pourquoi. Sa sœur avait commencé à lui faire une belle fellation de réconfort, mais il l'avait arrêtée presque aussitôt, ne se sentant pas du tout dans l'ambiance. Quelque chose avait changé. Cersei s'était vexée, mais il l'avait fait venir tout contre lui, l'avait simplement serrée dans ses bras de longues minutes, caressé ses longs cheveux dorés, respiré son parfum suave... Puis il lui avait donné un baiser étrangement passionné et triste, et lui avait demandé de partir. Cersei s'en était allée, penaude, sans rien oser dire.

Depuis c'était le silence.

-Tu sais qu'il y a des rumeurs, sur vous… tenta Brienne.

-Il y a aussi des rumeurs sur nous deux, répliqua Jaime, amer. Et à ce qu'il me semble il ne s'est jamais rien passé qui les justifie.

Brienne rougit d'un joli rouge brique et détourna la tête, fixant la cabane de pirates de Tyrion, les bras croisés.

-Tyrion me dit qu'elle passe beaucoup de temps avec sa nouvelle amie, comme il l'appelle… Parfois elle n'est plus elle-même et rentre à la maison avec une drôle d'odeur très forte, et ça lui arrive de rire et plaisanter avec lui quand elle est dans cet état. Elle découche ou rentre très tard… Elle fait sa vie. Je dois avouer que je suis un peu jaloux...

Brienne sentit que c'était le moment d'aller chercher ce qui était dans son sac en plastique si elle ne voulait pas en savoir plus. Même si elle n'était pas effrayée par ce qu'elle pourrait apprendre, mais Jaime en serait peut-être gêné après-coup. Elle tira la table à roulettes de l'hôpital et la disposa entre Jaime et elle.

-Tu as déjà joué au mah-jong ?

-Qu'est-ce que… non.

La jeune fille déversa un tas de petits cubes en plastique avec des signes chinois gravés en rouge et vert sur une seule de leurs faces.

-Tu vas voir, c'est amusant.

En effet, c'était un jeu plutôt pas mal. En tout cas, ça permit à Jaime de se changer les idées quelques heures. Brienne revient plusieurs fois. Ils jouaient parfois sans parler, et parfois ils parlaient plus qu'ils ne jouaient, parfois même ils riaient plus qu'ils ne jouaient et ne parlaient. Jaime avait cessé d'appeler la jeune fille par son nom de famille.

La veille de sa sortie d'hôpital, Brienne prit son courage à deux mains et demanda à Jaime :

-Est-ce que ça te plairait de venir en Californie avec moi ?

Le jeune homme la regarda avec des yeux ronds, réalisant que oui, ça lui plairait beaucoup…

Fin