Hey !
Et voilà un nouvel OS pour ce recueil ! Il a été écrit pendant les 24H de la nuit du Fof, et le thème était Toi que j'appelais mon frère. Et tout est de la faute de Ya parce qu'elle m'a fait regarder Le prince d'Egypte, et que cette idée d'OS ne m'a pas lâché depuis. Et Misty a donné ce thème, alors je ne pouvais pas ne pas saisir cette occasion.
Du coup, c'est un UA Le prince d'Egypte, avec Saïx en Ramsès II et Axel en Moïse. J'ai un peu adapté pour que ça colle aux caractère de ces deux chenapans. Voilà le résultat.
(Aussi il est question des dix plaies d'Egypte, donc c'est moyen la joie)
Merci à Ayame et Mijoqui pour leur review sous l'OS précédent !
Bonne lecture !
Résumé : Axel est revenu. Et avec lui, les fléaux qui ont ravagé sa glorieuse Egypte.
Rating : T
Genre : Drama/Friendship
Univers : UA Le prince d'Egypte
Personnages : Axel, Saïx, Ienzo.
Pairing : Akusai (un peu)
Toi que je ne sais plus comment appeler
.
Il est revenu.
Saïx n'y croyait plus. Ou peut-être que si ? Qu'il avait juste arrêté d'y penser. Cru qu'il avait arrêté. Il était prince, après tout. Prince, puis roi. Il avait d'autres préoccupations. Il croyait.
Mais Axel est là, il s'approche, et le roi comprend qu'il ne l'a jamais quitté. Il l'accompagnait, habitait sa tête, guidait ses décisions, ses inquiétudes. Son regard vert, il l'a senti chaque jour peser sur ses épaules comme une horrible absence.
Son regard vert, il l'affronte aujourd'hui. Et c'est bien tout ce qu'il reste de lui.
Alors qu'Axel s'avance dans le palais, que sa silhouette se découpe sur les murs peuplés d'anciennes légendes, Saïx l'observe. Dents serrés. Il gratte furieusement ses épaules, en vain.
Les coups réguliers de la canne qui frappe la pierre l'irritent. Mais c'est bien le dernier de ses soucis.
Il contemple cet homme - puisque c'est ce qu'ils sont désormais, des hommes - qui a apporté avec lui tout le malheur du monde. Cette chevelure rousse que le temps a ternie. Cette barbe naissance qu'il ne chasse plus de son visage. Ce regard égaré, ces épaules voûtées par le poids du travail, ce corps épuisé comme celui des esclaves. Parce qu'Axel leur ressemble, aujourd'hui. A ces insectes qui s'amassent aux pieds des échafaudages, se plient aux sifflements des fouets. Il a la même peau pleine de soleil, la tignasse hirsute, le visage fatigué. Ces poches sombres sous les yeux et des mains lourdes du poids des années. La vie l'écrase et pourtant, il avance en souriant. Confiant.
Saïx ne connaît pas, lui, l'épuisement des faibles. On n'a pas d'autre choix que d'être fort, quand on porte sur soi le prestige d'une dynastie telle que la sienne.
– Tu ne peux plus continuer comme ça, Saïx.
Même son ton s'est assagi.
– Saïx ?
Où sont passées les étincelles de leur enfance ? Celles qui transformaient les longs jours d'ennuie en bêtises outrancières ? Ces pépites qui leur valaient les réprimandes du père qu'il a dû enterrer, il y a des années de ça. Seul.
– Dis quelque chose.
– Vas t'en !
Son pas cesse. La canne se tait. Il s'est arrêté.
– S'il te plait.
Son corps n'est plus qu'un bloc de muscles, aussi dur que la pierre qui le supporte.
– On a toujours su se parler.
Un long silence, un soupir. Celui d'Axel. Qui sort de sa bouche et trouve le chemin jusqu'à sa poitrine, là où ça fait mal. Un poison.
Ils savaient parler, oui. Avant. Du temps des courses de char et des escapades. Il se souvient de chacun de leurs coups, de la malice qui les habitait - surtout, qui habitait Axel. Et pourtant, il sent que les souvenirs lui échappent. Qu'ils glissent entre ses doigts et s'évaporent. Disparaissent. Il hésite sur un mot, une expression, une date. Il croit savoir, et ne sait plus.
Est-ce qu'Axel a toujours été comme ça ? N'a-t-il pas magnifié un fantôme pour mieux soigner la peine que son départ lui a causé ?
– Tu te souviens du jour où tu as échangé les têtes des dieux du temple de Ra ?
– Tu as échangé les têtes.
Saïx réalise, trop tard, que ces mots sont sortis de sa bouche. Comme ça. Une flèche lancée au vent.
– Tu crois ?
Axel la saisit au vol.
– Non. Je n'aurais pas fait ça.
– Si !
Une colère soudain, horrible, s'empare de lui. Un vent divin qui le pousse hors de son perchoir, à fondre sur son vieil ami comme un faucon sur sa proie. La surprise éclaire le visage d'Axel et, un instant, il croit retrouver ses anciens traits. La peau lisse d'un visage encore juvénile, insouciant.
– Tu as mis l'hippopotame sur le crocodile, et le crocodile sur-
– Le faucon.
Et c'est ce même sourire, sur sa bouche. Celui qui pétillait alors qu'il grimpait sur son char avant de dévaler les rues, ignorant les hurlements des esclaves - et des habitants. Cette lumière, dans ses iris, il la reconnaît. Elle précédait les idées mauvaises qu'il exprimait tout bas, à l'abri des oreilles indiscrètes que les prêtres promenaient. Un éclat comme un mauvais présage, qui excitait ce besoin de liberté.
– Oui ! Le prêtre a pris ça pour un terrible présage, il a jeûné pendant deux mois ! Et père...
Ils saccageaient les rues, manquaient les banquets, passaient sous le regard doux de sa mère pour calmer les colères déçues de son géniteur. Et toute cette joie souvenir lui donne envie de hurler, là, de faire sortir la rancœur qui cogne en lui. Il lui en veut tellement, pour tout. Pour l'absence, pour les longues journées d'inquiétude, pour les conséquences qui lui retombaient dessus. Pour son départ soudain. Pour les plaies qui étouffent son peuple. Pour ces années où il lui a fallu régner seul, son fantôme toujours dans un coin de sa tête. Il le déteste si fort, parce qu'il... Parce que...
Il serre les dents. Se gratte le bras.
– Père était furieux.
Furieux, oui. Il est furieux. C'est de famille, sans doute.
Saïx n'était pas un assez bon fils pour Ansem. Trop distrait, trop joueur, et si peu conscient du sort qui l'attendait. Du rôle prestigieux auquel on le destinait. Du poids qui, bientôt, lui briserait le dos.
Il a fallu qu'Axel parte, pour qu'il comprenne soudain la mesure de sa place. Qu'il l'accepte, et s'en montre digne.
– Je me souviens, oui, le renard répond.
Tout retombe. L'amusement sur le visage de feu son ami, qui n'existe plus que dans ces yeux verts. Son ami ? Ou son frère ? Axel n'est pas son frère, pas vraiment, pas comme on l'entend dans ce pays. Et pourtant, il n'y a pas de lien plus puissant que celui qui les a unis. La preuve, il est encore là, sous la colère. Ça tire. Un fil qu'il ne peut pas rompre.
Un frère. Est-ce qu'il pensait vraiment à lui comme à un frère ? Qu'est-ce qu'un frère, au fond ? Qu'est-ce qu'ils étaient ? Et maintenant, que sont-ils ? Comment savoir ?
– Je ne compte pas tous les ennuis que tu m'as attirés.
Ce reproche, un maigre souffle dans sa bouche. Il n'arrive même pas à lui donner la force qu'il voudrait. Le feu qu'il sent pulser, là, n'appelle pas au hurlement. Il le guide vers les yeux d'Axel, vers ce regard où toutes les couleurs du monde ont scintillé. Il l'a vu petit, minuscule créature, gamin chafouin, adolescent galopin, presque adulte. Il se souvient, et il sait, il sait que malgré tous les efforts qu'il a fait pour, il n'a jamais oublié.
Qu'Axel a toujours été là.
– Et toutes les fois où je t'en ai tiré ?
Qu'il l'espérait, au heures les plus sombres de son règne. Comme il espère encore, aujourd'hui, pouvoir le garder auprès de lui.
– Certes.
Il ne veut pas de disputes. Pas de colère insensée. Pas de ces horreurs qui ravagent son pays, horreurs qui le sont d'autant plus qu'elles viennent de lui. Il a dix ans, à nouveau, un enfant naïf au souhait des plus simples : il veut que les plaies cessent et qu'Axel accompagne son règne. Qu'il soit là pour rire, se réjouir de ses réussites. Qu'il traverse avec lui le temple de leur enfance, qu'il admire cette nouvelle statue qui surplombe la terre qui les a portés. Il veut garder sa voix pour lui, l'entendre, lui demander conseil, puisqu'en bon manipulateur, le renard est aussi doué pour défaire les problèmes que pour les poser.
Il veut retrouver l'Axel qu'il a connu. Celui qui se riait de tout, qui effleurait sa main dans les couloirs, lui jetait un regard équivoque et s'en allait comme si de rien était.
Il déglutit.
– Reviens auprès de nous.
Ses bras pendent le long de son corps.
Ces derniers mots le dépouillent de sa fierté. C'est l'homme, le roi et le serviteur des dieux qui articulent cette supplique. Tout son espoir résumé là, offert. Sa faiblesse qu'il veut bien montrer.
Axel est si près, une fleur à cueillir, un lac où il n'a plus qu'à tremper ses mains. Des années d'incertitude et cette nuit, il n'a qu'à tendre les bras pour se rappeler qu'il a la peau chaude comme la barque de Râ. Un corps moins lourd que le sien, mais tout aussi puissant, tenu par une volonté de fer. Il pourrait poser sa tête sur son épaule et y laisser une partie de sa charge. Fermer les yeux.
– Allez ? Au point où on en est, autant terminer, non ? Imagine la tête du vieux prêtre quand il verra ça.
Un rire, un sourire convaincant et convaincu.
– Quoi, t'as peur ?
Une main qui attrape la sienne, sans permission. Qui le tire et le traîne dans les rues de la ville, l'emmène vers leurs prochaines heures de gloire. Ses pieds qui foulent le sol sans s'inquiéter de la chute, courent, évitent les pots qui trainent et jamais ne trébuchent.
– Saïx.
Son nom prononcé à tout bout de champ. Le filet d'émotions multiples qui traverse chaque syllabe articulées.
– Allez.
Et toujours ces yeux. Ce vert. Ces promesses invincibles.
Mais Axel baisse les siens. Il secoue la tête.
Son ventre s'écrase sous le coup d'une douleur trahie.
Cet homme n'est pas celui qu'il a connu. Son grand corps est trop courbé, sa peau ressemble à celle des hommes qui travaillent toute la journée sous le soleil. Ses mots, sages, ont perdu la malice de leur enfance. Et cette résignation... Il ne peut pas. Axel ne peut pas, non, se résigner là où il essaie encore. C'est lui qui portait toujours plus loin l'audace, lui qui se jouait du destin comme on manipule un instrument pour faire danser les serpents. Et il lui dit non ? Il accepte leur sort ?
Il abandonne ?
Non. Ce n'est pas Axel. Plus maintenant.
Alors peut-être… Même si c'est une immense douleur qu'il entrevoit, peut-être bien, oui, qu'Axel est mort. Que le désert et les peuples libres l'ont tué.
– Père ? Où êtes-vous ?
Saix sursaute. Il n'a pas entendu les petits bruits de pas qui s'approchaient dans les couloirs du palais. Pas plus qu'il n'a aperçu, du coin de l'œil, la lumière vacillante d'une torche. Soutenue par la main fébrile de la chair qu'il a engendrée.
Il se tourne et voit s'approcher ce qu'il a de plus précieux. Tout ce qu'il lui reste d'affection et d'espoir pour l'avenir, réuni en un corps.
Son fils.
– Je suis là, Ienzo.
Sa voix s'est adoucie. Il s'approche, s'agenouille et passe un bras autour de lui pour dissiper l'angoisse qu'il a sentie trembler dans sa voix. Le garçon se presse aussitôt contre lui. Cette confiance infaillible le frappe.
– J'ai peur.
– Tout va bien.
Il cherche ses yeux d'eau, passe sa main sur son visage et lui assure, d'un regard, que le danger dort. Qu'il n'a rien à craindre entre les bras de son père. Le roi veille, et les dieux sont derrière lui. Il ne lui arrivera rien.
Il ne le permettrait pas.
– Cet homme…
La tête relevée, Ienzo observe l'étranger venu bafouer leurs terres. Saïx récupère la torche au creux de sa petite main, de peur qu'il ne la fasse tomber. Il se relève, le laisse s'accrocher à sa jambe. Sent d'ici le mélange de peur et de curiosité qui habite son garçon. Cette fascination prudente qui porte son regard sur l'inconnu, dont il a entendu tant de mal.
Il l'a vue faire rougir les eaux, transformer ce maudit bout de bois en serpent. Franchir l'entrée du palais vêtu comme un pauvre, son corps écrasé par la masse lourde des tissus colorés. Il l'a connu âgé, barbu, brisé par le travail, assagi par le temps.
Il ne sait rien d'Axel et de leurs heures heureuses. Des bêtises qu'ils ont partagées. Des rides dans les rues qui résonnaient jusqu'aux temples, alors qu'ils couraient à l'abri du regard des prêtes.
– C'est lui qui est responsable de tout ça ? Qu'est-ce qu'il fait là ?
Pour lui, cet homme, c'est celui qui a brisé leur peuple. Le responsable des maux qui les écrasent, de ces malédictions qui s'ajoutent les unes aux autres sans laisser présager de fin. Les sauterelles, les furoncles, les grenouilles. La fièvre. Les mauvais tours d'Axel n'ont plus rien de joyeux, désormais. Ils sentent la cendre et le sang. Saïx ne veut plus y goûter.
Il faut que ça cesse.
– Oui.
Il se redresse. A nouveau devant lui, ce type qui est venu fouler leur terre. Cette même sagesse sur ses traits, qui ne lui ressemblent définitivement plus. Oublié, le garçon qui s'approchait de lui, murmurait contre son oreille - ou si près de sa bouche - des mots sans importance. Qui appuyait sa main sur sa jambe pour mieux se pencher puis s'éloignait soudain et riait du regard que Saïx ne pouvait plus détacher de lui.
– Eh, viens.
Cet enchanteur qui savourait, satisfait, l'attrait qu'il exerçait.
Adieu.
– Pourquoi ?
– A lui de te répondre.
Puisqu'il a choisi la race des perdants. Ce peuple d'insectes qui rampent à leurs pieds et porte misérablement les pierres qui font la grandeur de sa lignée. Puisqu'il préfère s'intéresser aux grains de sable perdus dans le désert, plutôt que de retourner là où était sa place. Qu'il vienne leur expliquer ce qu'il y a de si précieux au milieu des mouches, des malades et des vieillards chancelants. Des femmes de mauvaise vie. Puisqu'il a trouvé sa place parmi les corps brisés de ceux que le destin a jeté à leurs pieds.
Axel préfère leur compagnie. Bien. Alors qu'il ouvre la bouche. Qu'il réponde. Qu'il leur dise ce qu'il y a de merveilleux, à errer dans la fange.
Ienzo serre sa jambe. Petit chat attentif, il attend les mots de cet homme qui est venu, un matin, pour renverser leur règne.
Axel s'éclaircit la voix.
– Parce qu'aucun royaume ne devrait être bâti sur le sang des esclaves.
Une suite de mots simples qui coulent, comme le fleuve qu'il a rougi. A le croire, une évidence. Le sang des esclaves serait-il donc aussi précieux que le leur ?
Foutaise. Saïx sait, lui. Il sait qu'il y a des peuples élus pour des destins plus grands, que les dieux élèvent de leurs mains invisibles. Il sait qu'on a établi un ordre sacré qui soit être respecté. Que chacun reste à sa place, et les moutons seront bien gardés.
Mais Axel a quitté la sienne, et depuis rien ne va plus.
Mais soit. S'il préfère les abandonner… S'il préfère l'abandonner, lui, pour se vautrer dans la pauvreté, s'il préfère une famille qui ne l'a pas élevé, alors qu'il s'en aille.
Saïx vivant, la vermine ne quittera jamais sa place au pied des échafaudages.
Et voilà ! Ça vous a plu ?
