Le Livre Interdit
Ce que je vais vous raconter, n'est que la stricte vérité. Une vérité que j'essaie maintenant d'oublier à coup de morphine, de somnifère et d'autres médicaments pour essayer de me sauver. Au fils des jours et des mois, ces remèdes que je croyais être des compagnons du sommeil se sont mués en maîtres impitoyables qui ont fait de moi leur esclave.
Je ne sais combien de temps il me reste à vivre avant de totalement m'abandonner à la folie, qui ressemble à une ombre qui me suit, et m'enlace comme le démon tentateur et pervers qui séduit les hommes. J'ai un rire sans joie quand j'en parle ainsi ; même le diable me paraît pâle et chaleureux comparé à ce monstre qui me guette et me donne la chasse !
Dois-je encore continuer ? Minerva... même la plus puissante des déesses de ce monde ne peut me sauver de la créature innommable qui rampe, je crois, à côté de moi. Mon sabre n'est pas très loin, mais la peur, la peur me prend aux tripes, moi qui ai livré bon nombre de batailles, occis tant d'ennemis, ayant laissé mes doutes dans la tente avant de partir sur le champ de bataille, je suis désormais apeuré et pris d'une profonde angoisse viscérale. J'étais autrefois à la table des grands guerriers, je ne suis désormais que le fragile humain qui ignore s'il survivra demain.
Grands Dieux... rien que d'y penser... Il ne me reste que peu de temps ! Je dois vous écrire ce qui s'est passé... ce qui s'est passé à Nibelheim, cette nuit où j'ai laissé cette chose me posséder. Qu'on me pardonne pour le péché que j'ai pu commettre, parce que ma punition, que dis-je, ma sentence, non, mon châtiment... je ne le souhaite à personne, même à l'homme que je hais le plus au monde. Ce sort n'est enviable pour personne et me voilà à verser des larmes dans un terrible sanglot. Je me rends compte désormais de l'erreur que nous avons faite, nous hommes faibles et si réductibles...
Je vous le dis... nous ne sommes pas seuls. Nous ne sommes pas les seuls en ce monde, d'autres formes de vies au fin fond du monde cosmique traversent le vide intersidéral. C'est le cas pour elle. Celle qui m'a bercé d'illusions et m'a enfermé dans un rêve profond, duquel je suis parvenu à me libérer par le plus grand des miracles. Qu'ai-je fait ? Qu'ai-je fait au nom des Dieux ? Puis-je encore parler de dieux alors que des formes aux atouts qui dépassent tout entendement humain, sont capables d'accomplir plus que les dieux ? Entendez mon cri de douleur, entendez mon appel au secours et achevez là où j'ai échoué. J'aurais dû détruire l'objet de ma folie... avant qu'il ne soit trop tard...
Allons... je n'ai plus beaucoup de temps... il faut que je vous raconte... avant d'être consumé... reprenant alors un mélange dangereux de morphine et de somnifère pour contenir mon calme et écrire le plus soigneusement possible, j'apaise aussi les convulsions de mon corps. Mes heures sont comptées, je ne pourrais pas contenir encore longtemps ce corps que cette chose appelle inlassablement comme un écho incessant qui donnerait des migraines. Allons... calmons-nous... et... écrivons...
C'était la nuit qui précédait l'incendie de Nibelheim. Je faisais encore quelques recherches insignifiantes sur mes origines, poussé par une dévorante curiosité qui me condamnera par la suite. Sur les diverses étagères poussiéreuses contenant plus de toiles que de livres à certains endroits, j'étoffais mes connaissances sur le Projet S, sur les Anciens... qui ont abouti à ce que je suis devenu... je suis le fruit de ces innombrables heures de recherches et d'expérimentation. Plus j'en lisais, plus cela devenait clair à mes yeux. J'avais été fait pour la science. Je suppose que par pure envie de me brider et de me manipuler, la vérité devait dormir profondément sans être éveillée. Eh bien, au bout de trois décennies, j'avais sorti de son sommeil cette créature nommée Vérité. Ah... quel péché... je devrais l'appeler le Péché Originel, j'avais cueilli un fruit, séduisant et beau de l'extérieur, alors que la pourriture s'était répandue à l'intérieur. Quelle naïveté... comment pouvons-nous tomber aussi bas ? Que les Dieux, si tant est qu'ils existent, me pardonnent...
Sur une étagère, très haute et bien dissimulée, se trouvait une clé. Une clé aux formes et dessins bien étranges et hors du commun à mes yeux. Jamais je n'avais vu un travail d'orfèvre aussi singulier. Elle était... unique. Ces arabesques dépourvues de sens et de toute logique me faisaient penser à un ouvrage plus ancien que le monde. C'était un art primitif, biscornu et pourtant seule une civilisation peut créer ce genre d'objet. C'était encore plus étrange, parce que s'il y avait une clef, il y avait certainement une... serrure. Je crois que c'est à ce moment précis, que j'ai commis l'irréparable. Parce que j'ai fouillé la bibliothèque afin de trouver ce que cette clef pouvait bien ouvrir. Rien que d'y penser, j'en cris et lâche des larmes de douleur, désormais conscient de mon énorme erreur... je vous prie de me pardonner si mon encre est brouillée par les larmes que je lâche malgré-moi. Je suis désolé, à tous ceux qui liront ces lignes, je leur exprime mon plus profond regret et vous hurle à gorge déployée le pardon pour vous avoir condamné à un sort si ignoble que la mort en est libératrice.
Descendant des piles de livres bien lourdes, je vidais les étagères, jusqu'à tomber... sur un coffre bien scellé, écrit dans une langue hiéroglyphique qui m'était totalement inconnu. Les mêmes décors primitifs, fait dans un métal qui m'était totalement inconnu, en même temps je ne suis pas géologue, étaient gravés avec une précision inégalée. C'était l'œuvre d'une civilisation, que je croyais appartenir aux Anciens. Quelle erreur, et quelle horreur !
Assuré d'avoir la pièce manquante de mon puzzle, j'ai ouvert le coffre et j'y trouvais un livre... un livre tout à fait singulier : outre sa couverture bien bizarre, les dessins primitifs formaient une bouche béante où un œil était logé dans son creux. Il ne fallait qu'un vrai fou pour faire une telle illustration, ou bien être quelque peu dérangé. Une petite note accompagnait l'ouvrage, qui elle, était en langue commune : « N'est pas mort ce qui à jamais dort, et au cours des siècles peut mourir même la mort ». Intrigué par ces mots, qui poussait ma curiosité encore plus loin, j'avais dans les mains un ouvrage fait d'un cuir totalement inconnu, je l'aurais cru fait en... cuir humain. Passé la surprise, je défaisais les loquets et commençais à lire les premières lignes... qui ne m'ont pas laissé indifférent : « A celui qui ouvrira ce livre, sachez que vous courrez à votre perte. Vous lisez le terrible Livre Sans Nom. Nommé ainsi parce que son titre a disparu et que personne ne sait qui l'a écrit. Il date d'avant le Premier Peuple. Je suis parvenu à en faire une réédition. La Shinra ne doit surtout pas s'en emparer. Si d'aventure vous l'avez trouvé, alors s'il vous plaît, détruisez-le. Détruisez cet ouvrage avant qu'il ne vous consume et ne ravage votre raison. Personne ne doit lire ce qu'il y contient. »
J'avais d'abord cru à une boutade, ou bien à une mise en scène très réaliste comme on le trouvait de nos jours. Après tout, ce n'était peut-être pas une vraie peau humaine, mais peut-être une toile cirée qui voulait donner cet effet. Si vous saviez à quel point j'étais dans le faux...
Passé la mise en garde, j'ai parcouru le livre, le lisant attentivement... je suis tombé sur un certain Antoine de Nehl, un linguiste et spécialiste de l'ésotérisme et des religions du monde. Ce n'était pas ma tasse de thé, mais bon passons. Les premières pages étaient des comptes rendus de ses travaux sur la langue des Anciens, autrement appelés Cetras. Si aux premiers abords j'étais fasciné et intéressé par ses trouvailles, je me suis rendu compte au fil des pages que je lisais, que le bon monsieur s'était de plus en plus intéressé à une entité qui a frappé notre monde il y a 2000 ans de cela. Une créature cosmique aux pouvoirs incommensurables au savoir titanesque qui dépasserait celui de la simple vision humaine. Ce qu'il écrivait sur cette créature était semblable à ce que je lisais sur Jenova, celle qui serait ma mère biologique. Sauf, qu'il l'appelait d'un tout autre nom. Elle était baptisée par le linguiste Yer-Got-Sath, qui serait en fait son véritable nom. Je citais son nom à voix haute, me demandant si je prononçais correctement. Les langues ne sont pas mon fort, même si je me débrouille bien en wutaien pour avoir fait la guerre au peuple. Sur deux pages, rédigé au format paysage, était érigé un arbre généalogique avec des noms imprononçables aux premiers abords : Yog-Sototh, Nyarlatotep, Azag-Toth, Cthulhu... pour ne citer que les plus grands si j'en croyais les symboles et les légendes hiéroglyphiques qui accompagnent les noms. Cette Yer-Got-Sath serait la nièce de Cthulhu, parmi toutes celles qu'il a, et le père serait Azag-Toth. Je me perdais dans cet arbre qui commençait à ne plus avoir aucun sens... j'étais perdu dans ce que je lisais, des photographies de fouilles archéologiques rejoignaient les dires d'Antoine. Des statuettes grotesques figurants des êtres sortis des pires cauchemars, voire même, que seul un aliéné pourrait pondre de son imagination. C'est à travers ces photographies que je vis celle qui allait sceller mon destin... un alpiniste posant devant un corps gelé dans une calotte de glace. On aurait dit une femme... l'image suivant la montrait debout et j'étais alors frappé de reconnaître Jenova. Dans mon esprit tout était clair, Yer-Got-Sath était également Jenova. Une entité qu'Antoine appelait un Grand Ancien. Un être cosmique pourvu d'une technologie avancée et reculée qu'elle m'en donnait un soudain vertige.
Mes doigts tremblaient, alors que je continuais l'exploration du livre. Je me perdais dans les lignes, à citer des oraisons et des prières dans un langage qui m'était inconnu, laid et glutural à l'oreille. L'ésotérisme ne m'intéresse pas de base, mais là, j'avais quelque chose de totalement différent, parce que nous avons la preuve que ces êtres cosmiques existent pour de vrai. Devant les représentations et les dessins des créatures d'une extrême laideur, la figure de Yer-Got-Sath était d'une pure beauté, d'une beauté irréelle, qu'on se demande si cela peut exister. Ce livre allait devenir ma référence, mon livre de chevet, mon livre de prière. C'était ma consolation.
Je n'étais pas en train de m'apercevoir que le pouvoir du livre m'enchaînait à lui avec de belles paroles. A travers mes incantations et mes lectures à voix haute, je réveillais quelque chose qui n'aurait jamais dû être éveillé. Elle.
Les heures passaient et la raison, tout comme le rationnel m'abandonnait pour la folie. J'avais en tête tous ces êtres cosmiques, dont j'avais peut-être hérité les traits et les facultés. J'étais après tout, le fils de Yer-Got-Sath... celle que j'appelais désormais Mère.
La fatigue avait eu raison de moi au bout d'une dizaine d'heures de lecture. Me couchant à même le sol, le livre dans mes bras comme une bouée de sauvetage, la Créature a commencé à me visiter dans mes rêves, à m'appeler dans mes profonds et abyssaux songes. Mon âme désormais corrompue, je suivais cette voie qui m'appelait et me trouvait devant elle, ma Mère. Elle avait une forme encore plus agréable que je ne l'avais imaginé, elle me câlinait, me baisait le visage m'appelait Mon fils, mon fils, tu m'as retrouvé. J'étais absorbé, heureux de cette retrouvaille. Parce qu'après des années de recherches, je la voyais enfin, je voyais celle qui a donné ses gènes pour moi. J'ai répondu à mon tour Mère, Mère, j'ai remué ciel et terre. Où es-tu ? Où es-tu ma Mère adorée ?
Quand elle m'a répondu, j'ai senti une profonde colère naître de moi. Je ne l'explique pas. C'était une haine et une rancœur sourde provoquée par tant d'années de mensonge. Parce que oui, ma mère n'était pas morte, elle vivait dans le sommeil, elle était bien là, devant moi à parler dans mes rêves. La Shinra était responsable de tout ce mal, de la souffrance d'un fils privé de sa mère. Je devais leur faire payer tout ça.
J'avais laissé la folie s'emparer de moi, je suis devenu une bête sanguinaire, répondant aux appels d'une créature cosmique et horrifiante. L'Humanité avait quitté mon corps, faisant de moi un monstre, rongé par le désir de dévorer autant d'âmes qu'il est possible d'avaler.
J'ai honte... si honte... je ne répondais plus de rien, ce maudit livre s'était emparé de moi, et tous les maléfices contenus dedans avaient réveillé cette chose cauchemardesque de son sommeil une nouvelle fois, alors qu'elle avait été enfermée par les Cetras pour de très bonnes raisons.
Lors de mon carnage à Nibelheim, j'ai été vaincu par un milicien qui m'a fait chuter dans le bassin à Mako, du Réacteur. C'était là qu'était enfermée le Grand Ancien. Nous n'aurions jamais dû découvrir cette horreur sans nom. Ni faire des expériences dessus... le Péché de L'Humanité réside en-là. C'était son Péché Originel.
Quand je suis revenu à moi, même la Rivière de la Vie ne voulait pas d'un pécheur comme moi et m'a rejeté. J'ai fini par comprendre... et je me suis réveillé, mais il était trop tard ! J'étais maintenant la proie de cette créature qui cherche juste à me reprendre. Je me suis réfugié dans un vieux temple Cetra, dans l'espoir qu'il me protège de ses maléfices, mais c'était trop tard, Yer-Got-Sath avait déjà souillé ces lieux de son empreinte ! J'avais fait un stock plein de morphines et de somnifères pour l'empêcher de pénétrer de nouveau dans mon esprit, pour rester conscient. Je me pratiquais régulièrement des saignées pour contenir mon corps, contenir cette pulsion sanglante, cette envie de faire du mal à d'autres innocents.
Il est cependant trop tard... j'ai beau lutter, elle m'aura toujours. Je crois qu'à l'heure d'aujourd'hui, le Livre Sans Nom, est conservé dans les locaux de la Shinra, sous de très bonne garde. S'il vous plaît, à qui trouvera ce message, détruisez ce livre et ne le lisez pas ! Ne le lisez pas ! Détruisez-le !
Ma morphine... je n'en ai plus...
C'étaient les derniers mots d'un pauvre homme qui a succombé à la folie...
Sephiroth est mort... le Cauchemar le remplace... servant un Grand Ancien qui a transformé par la folie des Cetras en monstres. La même chose va se répéter...
Détruisez ce livre... pour le bien de l'humanité...
Vite... Masamune...
