Akihito
serra avec force la tasse de café brûlant qui se
trouvait entre ses mains. Il la fixait avec intensité et
Akiko, installée en face de lui, finit par lui faire remarquer
que ce n'était pas parce qu'il regardait ainsi le liquide
que celui-ci allait pour autant s'en évaporer ou se mettre à
geler.
Après
sa 'petite discussion' avec Asami, il n'avait pas tardé
à quitter l'appartement de celui-ci pour trouver refuge chez
lui à faire les 100 pas. Il n'avait quasiment pas dormi de
la nuit et avait passé son temps à trier des photos qui
ne valaient strictement rien pour les journaux. Et à présent,
il se retrouvait en tête-à-tête non-romantique.
« -
Je vous l'ai déjà dit, mais je suis psychologue avant
d'être profiler, alors si vous avez envie de parler, vous
pouvez le faire… » soupira-t-elle non sans impatience en
se reversant du thé.
Le jeune
homme reposa la tasse et jeta un regard au bar vide à cette
heure de la journée. Pourquoi était-il ici déjà ?
Ah oui, pour discuter du tueur en série. Tout du moins,
c'était le premier motif, en voyant sa mine aussi animée
que celle d'un zombie dans Resident Evil, Akiko lui avait proposé
de quitter le commissariat pour aller boire un 'petit remontant'.
Mais il n'avait pas eu le droit au whisky, juste à un café,
un misérable café qui lui brûlait les lèvres
et la langue chaque fois qu'il tentait de le boire.
« -
Vous vous êtes disputé avec Lui ? »
questionna avec insistance la jeune femme nouveau souriante. « Je
trouve ça mignon… »
« -
Ce n'est pas mignon ! Surtout pas mignon ! »
rétorqua Akihito sur un ton offensé. « Il
prend ses grands airs comme s'il s'apprêtait à faire
une déclaration et… Et tout ce qu'il trouve à dire…
Est-ce que je ne suis qu'un bon coup au lit ! J'espère
qu'il gardera un bel hématome de mon coup de poing !
Connard ! »
Akiko se
racla la gorge avec un petit air gêné. Heureusement,
personne n'avait entendu la soudaine esclandre du photographe. Ou
bien tout le monde préférait l'ignorer…
« -
Vous ne devriez pas parler aussi fort, » fit-elle en
remettant une mèche de cheveux derrière son oreille.
Puis elle se mit à rire tout bas. « Un coup de
poing… Vous n'y allez pas de main morte lorsqu'on vous blesse.
Vous avez l'air d'une jeune fille déçue que son
petit ami ne soit pas un preux chevalier. On dirait moi il y a
quelques années. Mais je suis sûre que tout va
s'arranger. »
Akihito
claqua de la langue et faillit taper du poing sur la table. Il s'en
retint de justesse et passa nerveusement sa main sur sa nuque.
« -
Mais… Ce n'est pas si simple. Je suis quoi moi ? Un
photographe insignifiant… Et lui un riche… »
Yakuza,
mais il ne termina pas sa phrase et se contenta de secouer la tête.
« -
Il s'amuse à me rendre dingue depuis le départ. Et le
pire c'est que ça marche. Je suis tombée dans son
piège. Je… Je suis tombé amoureux de lui. Est-ce que
ce n'est pas pitoyable ? C'est ce que je me dis depuis
plusieurs jours. C'est quand même dingue : je suis la
proie d'un serial killer et la première chose qui me
préoccupe c'est de savoir si Asami a ne serait ce qu'un
peu de considération pour moi. Parfois il me le laisse croire
mais il est tellement froid, dur et indifférent. Je le
déteste. Quand je cesserai de l'amuser, il me délaissera
et cherchera quelqu'un d'autre. Il n'a même pas d'amis
et il s'en fout. Si je n'avais pas été là,
il aurait même passé la nouvelle année seul. Et
j'aurai préféré ne pas être là !
Et… Et je ferai mieux de l'envoyer chier et de me trouver une
vraie petite amie, parce que j'aime pas les mecs. »
Akiko
semblait réfléchir et Akihito pria pour qu'elle n'ose
pas lui sortir une quelconque analyse psychologique censée
résoudre sa situation en un claquement de doigts.
« -
Vous devriez peut-être lui dire vos sentiments, au moins vous
seriez fixé… »
Le jeune
homme haussa des épaules avec un froncement de sourcil
réprobateur. Sûrement pas. Il posa la main sur le sac à
dos posé à côté de lui, contenant son
appareil photo et le Beretta qu'Asami lui avait confié.
« -
Je suppose que vous ne vouliez pas me voir pour discuter uniquement
de ma vie privée ? »
L'espace
d'un instant, Akihito eut l'impression de voir une lueur de
mépris dans le regard de la profiler. Mais l'instant
d'après, son visage était égal à
l'expression qu'elle affichait précédemment. Il
détourna la tête, sans doute était ce un jeu de
son imagination. Il manquait de sommeil et cela le rendait nerveux,
voire parano.
« -
Vous souvenez-vous de notre discussion sur Feilong il y a quelques
jours ? Vous aviez un peu de trop bu… »
Asami…
Et maintenant Feilong. Ô joie, ses sujets de conversation
favoris !
« -
Il est en ville, » poursuivit Akiko en profitant du
silence du jeune photographe qui feignait l'intérêt
tout en consultant sa montre. « Et vous l'avez rencontré
au cimetière de Aoyama, on vous y a vu…
« -
Quoi ? Ca veut dire que vous me faites suivre aussi ?
« -
C'est pour votre protection. Si cela ne vous plait pas, cela m'est
égal. J'espère que vous avez un permis de port d'arme
pour ce Beretta que vous aviez là bas. Quoiqu'il en soit,
j'aimerai savoir de quoi vous aviez parlé exactement et
quelle relation exactement vous entretenez avec ce Feilong. Cela
pourrait m'éclairer un peu plus sur cette affaire.
« -
J'en doute, » rétorqua Akihito en tentant de
garder son calme et de ne pas succomber à la crise de nerf
montant en lui. « Il ne peut pas être le responsable
de tout cela. Il est plus direct. Je le connais assez bien
maintenant, malheureusement. »
Akihito
avait un ton amer mais tenta de se reprendre après un soupir.
« -
Mais je pense qu'il doit être impliqué d'une façon
ou d'une autre. Il m'a sauvé, le soir où ce tueur à
gage a essayé de me tuer, » ajouta-t-il en touchant
son bras. « Je ne l'ai pas dit car je ne savais pas
moi-même quoi penser de cela. Il ne m'a pas dit pourquoi il
était à Tokyo, ni pourquoi il était à
l'université, mais je pense que vous devriez chercher. C'est
peut-être important. Mais je suis certain qu'il n'est pas
responsable de tout cela. S'il voulait me tuer, il aurait pu le
faire dans ce cimetière, j'étais à sa merci.
Et je ne le vois pas jouer à cache-cache avec moi. Pour lui,
je suis juste la pute d'Asami.
« -
Charmant surnom, » ironisa-t-elle. « Bien, je
demanderai à Imamiya de faire des recherches sur la présence
de Liu Feilong ici. Et j'aimerai que désormais vous
m'informiez de tout. La prochaine fois que vous me cachez un détail
aussi important que la présence d'un ponte des Triades sur
le lieu d'un meurtre, je vous colle en prison Akihito. Est-ce
clair ? Prenez-moi pour une vieille conne du haut de vos 22 ans
mais j'essaye de vous sauver la vie et vous ne me facilitez pas les
choses… »
Akihito
se contenta de marmonner entre ses dents alors que la profiler se
levait pour payer l'addition et partir. Il s'effondra ensuite sur
la table, le front reposant sur ses bras croisés. Il avait la
désagréable impression que tout le monde prenait
plaisir à s'acharner sur lui et que ce n'était que
le début.
Il serait
resté longtemps ainsi si la sonnerie de son portable n'avait
pas retentie. Il ouvrit son sac à dos et plongea la main
dedans pour en extirper l'appareil bruyant. Le nom d'Asami
s'affichait sur le cadran et il hésita à décrocher.
A tous les coups, ce n'était certainement pas pour s'excuser
de son comportement. Le photographe décida d'ignorer l'appel
et se leva en glissant la bandoulière du sac à dos sur
son épaule.
Il marcha
dans la rue quelques mètres avant que ce fichu téléphone
ne sonne à nouveau. Dans son humeur morose, il eut envie de le
jeter sur la route avec espoir de le voir finir en miette sous les
pneus d'une voiture. Mais un coup d'œil lui assura que cette
fois-ci ce n'était pas l'Autre qui appelait.
Une voix
féminine, quelque peu énervée, se fit entendre à
l'autre bout. Akiko ? Non, ce n'était que la femme
d'un politicien qui se plaignait et se plaignait. Monsieur avait
une maîtresse, elle en avait marre de Monsieur, on lui avait
parlé d'une façon de ruiner l'image de Monsieur qui
passait pour un saint auprès de son public, qu'à cela
ne tienne, elle avait aussi entendu parler de Takaba Akihito par une
amie d'un ami d'une amie d'une cousine d'une amie et le
chargeait de ce croustillant scoop précédent divorce
retentissant avec Monsieur.
Akihito
se contenta de répondre par de simples onomatopées,
laissant sa 'cliente' lâcher tout son fiel sur son mari,
s'il avait pu il aurait participé en disant tout autant de
mal d'Asami mais ce n'était pas le moment de parler de ses
problèmes d'homosexualité contrainte.
La jolie
somme proposée en récompense de ce travail fit siffler
Akihito, voilà de quoi régler ses problèmes de
loyer pour un mois et même plus. Ses yeux brillaient d'étoiles
alors qu'il s'empressait d'accepter. Il en oubliait Asami, le
serial killer, Akiko et Feilong.
Sa
commission n'avait pas été difficile à
exécuter en soi. Il s'était rendu au Century Hyatt,
situé en plein cœur de Shinjuku. C'était un des
hôtels que Asami fréquentait parfois mais le jeune homme
savait qu'il ne risquait pas de le croiser.Un des employés avait été payé pour le
faire entrer et l'aider à se faire passer pour un membre du
personnel en lui fournissant le costume et en faisant office de
couverture. Akihito n'avait eu aucune difficulté à
jouer le garçon de chambre et avait pris les compromettantes
photo au sein de l'Executive Suite que le politicien avait réservé
pour ses petits plaisirs. Autant dire que les journaux allaient être
ravis de pareils clichés…
Akihito
avait usé d'une de ses techniques favorites pour ce genre de
mission : cacher un appareil photo miniature dans sa manche pour
obtenir les clichés en toute discrétion.
Malheureusement,
les choses ne devaient pas rester bien longtemps au beau fixe. Alors
qu'il s'apprêtait à emprunter l'ascenseur en
transportant sur un chariot les restes du dîner du politicien –
après tout il était 'employé' par l'hôtel
-, le malicieux destin le rattrapa d'une façon cruelle.
Les
portes de l'ascenseur s'ouvrirent et Akihito se demanda si un
quelconque Kami n'aurait pas l'obligeance de le rendre aussi
transparent qu'une feuille de papier calque.
« -
Akihito, quelle agréable surprise de te trouver ici, »
s'exclama Feilong après que tout deux se furent longuement
fixés en chiens de faïence. « Quand tu en
auras fini avec ça, tu pourrais passer faire le ménage
dans ma suite. Je te donnerai un pourboire conséquent. (1) »
Un
pourboire ? Et puis quoi encore ? Le photographe inclina
légèrement la tête et contempla l'une des
assiettes encore pleine de sauce posée sur le chariot. Oh, si
seulement il pouvait l'envoyer par accident sur le magnifique
costume trois pièce de son 'ami'. Si seulement ! Même
si c'était Feilong la cible, celui-ci ne pourrait rien
tenter contre lui dans un hôtel…
« -
Je crois que tu vas devoir prendre ta brosse et récurer tes
chiottes tout seul, » rétorqua Akihito entre ses
dents.
Feilong
haussa des sourcils et sortit enfin de l'ascenseur avant que les
portes ne se referment. Il jeta un regard pour le moins malveillant à
Akihito tout en s'approchant de lui. Le photographe ne broncha pas
et resta de marbre.
« -
Je te trouve bien sûr de toi aujourd'hui. Pourtant hier tu
tremblais de tous tes membres au cimetière. Oh, ne me dis pas
que tu te crois en sécurité parce que tu es dans un
prestigieux hôtel ? Akihito, l'argent règle tout,
si je le veux, je peux te tuer et demander au service de se
débarrasser de ton corps avec quelques billets. »
Le doute
envahit insidieusement Akihito, puis la peur qui ne pouvait que
suivre. Il avait sans doute eu tort de provoquer ainsi Feilong. Sa
nature impulsive ne cesserait jamais de le mettre en danger…
Il eut un mouvement de recul et se retrouva dos au mur. Son regard se
dirigea vers sa droite, là où se trouvait le chariot.
S'il le poussait sur Feilong, cela lui permettrait de…
Feilong
plaqua ses mains sur les épaules d'Akihito et le cloua
définitivement contre le mur. Le jeune homme comprit en
croisant le regard du Chinois que, s'il tentait quoique ce soit, il
était mort. Ou pire.
« -
Akihito, tu as tout intérêt à m'écouter
attentivement. Plusieurs de mes hommes ont été
assassinés à Hong Kong. Ils étaient loyaux et
c'est une lourde perte. Je n'ai pas pu remonter jusqu'au
commanditaire. Quelques jours plus tard, j'ai reçu une
lettre me demandant de me rendre à Tokyo pour trouver des
réponses et je commence à me lasser de ces 'vacances'.
Je vais te poser à présent une question et tu n'as
pas intérêt à mentir car les conséquences
pour toi et ton entourage... Est-ce une attaque d'Asami ?
« -
Je n'en sais rien ! » s'écria Akihito tout
en grimaçant alors que son interlocuteur pesait de tout son
poids sur ses épaules. Il ne pouvait s'empêcher de
trembler et ses jambes lui paraissaient un appui bien fragile.
« -
Tu n'en sais rien ? Comme c'est pratique ! Si Asami est
responsable, as-tu bien conscience de ce que cela va provoquer ?
Je serais dans l'obligation de déclencher une guerre, je
doute que cela te plaise de te retrouver au milieu de ce bain de
sang. »
Dans
l'obligation ? Vu ses précédentes expériences
avec Feilong, Akihito savait que la guerre était depuis
longtemps déclenchée et que rien ne ferait plus plaisir
à son ennemi de pouvoir tuer Asami de ses mains. Il ne
comprenait pas pourquoi il se montrait soudainement si… Scrupuleux.
« -
Je ne pense pas qu'Asami soit responsable même si cela me
coûte de le dire, il n'utiliserait pas ce genre de méthodes,
se cacher derrière des hommes de paille, » ajouta
Feilong dans un froncement de sourcils contrarié. « Mais
si jamais je découvre qu'Asami est tout de même
impliqué, tu seras le premier à en pâtir. »
La main
de l'homme se posa sur la joue d'Akihito. Il la caressa du pouce
en affichant un sourire faussement tendre. Le photographe avala
péniblement sa salive tout en se demandant s'il était
en train de vivre ses derniers instants.
« -
Et tu trouveras ce que j'ai pu te faire subir jusqu'à
aujourd'hui bien fade en comparaison de ce que je pourrai
éventuellement te réserver… Tu comprends, n'est ce
pas ? » demanda dans un chuchotement amical son
tortionnaire.
Akihito
acquiesça. Il ne pouvait qu'acquiescer. La parole lui
faisait défaut sous l'angoisse et il imaginait fort bien
quel destin pouvait lui réserver ce démon au visage si
agréable. Il le torturait, il le violerait et il le tuerait.
Il prendrait certainement tout son temps, plusieurs jours, plusieurs
semaines, jusqu'à ce qu'Akihito réclame lui-même
la mort. C'était ce que lui promettait l'expression de
Feilong et le jeune homme ne pouvait être qu'incité à
le croire.
Lorsque
Feilong le relâcha enfin, Akihito eut peine à ne pas
tomber à genoux et du rester appuyé dos contre le mur.
L'homme lui adressa un regard de pur dédain et recula en
lissant méticuleusement son costume pourtant nullement froissé
lors de l'entretien.
« -
En attendant, évite de te faire égorger par ton serial
killer. Je pourrai avoir d'autres questions à te poser un
jour ou l'autre…
« -
Ouais, c'est ça, » grogna Akihito en respirant
profondément pour essayer de retrouver son calme. C'était
plutôt de Feilong dont il se méfiait comme de la peste
pour le moment. Mais le Chinois s'éloignait déjà
comme si de rien n'était. Si habile pour jouer la comédie.
Il l'imaginait fort bien croiser un membre de la haute société
logeant dans une des suites et tenir une conversation policée
d'homme qui n'a absolument rien à se reprocher.
Ce serial
killer, avec ses lettres et ses manigances à la mord moi le
nœud, comme lui envoyer un tueur à gage pour l'assassiner,
ce n'était rien à côté de Feilong. Ah,
bon sang, il avait abattu d'une balle dans la tête sans
ciller un homme, et devant ses yeux, il avait même été
au première loge. Rien que ça, c'était
suffisant pour lui glacer le sang.
Peut-être
devait-il prévenir Asami de tout ça même si lui
parler ne l'enchantait guère. Après tout, il devait
savoir que Feilong le soupçonnait de prendre plaisir à
dégommer ses hommes puis à lui envoyer des mots d'amour
pour l'attirer au Japon.
A cet
instant, un déclic se produisit dans l'esprit d'Akihito et
il se frappa le front. Mais… Mais quel idiot il était !
Et Feilong aussi par la même occasion mais mieux valait éviter
de le lui faire remarquer.
« -
Feilong, attends ! » s'exclama le jeune homme en se
redressant.
L'intéressé
stoppa net mais ne se tourna pas vers Akihito. Il se contenta de
lever la tête vers le plafond, sans doute était-il
exaspéré et se demandait-il s'il n'allait pas faire
goûter immédiatement ses entrailles à ce jeune
impertinent.
« -
Pourquoi tuer tes hommes pour t'envoyer une lettre ensuite… Te
demandant d'aller à Teiou. Où, 'comme par hasard',
tu me sauves d'un tueur. Cela n'est-il pas un concours de
circonstances étranges ?
« -
Tu te trompes, la lettre me disait juste de venir à Tokyo.
C'est toi qui m'a amené à Teiou. J'ai quelques
informateurs et certains m'ont mis au courant de tes entretiens
avec cette… Akiko Inoue. Je comptais en profiter pour t'interroger
là bas.
« - Quoi ? Mais tu m'as demandé hier
pourquoi j'étais à Teiou !
« -
J'étais curieux de savoir ta version des faits. »
Feilong
marqua une brève pose avant de poursuivre.
« - Que suggères-tu donc ? Qu'un malade
mental m'implique dans son jeu d'échec ? Pourquoi ?
Espère-t-il que je termine à sa place ce qu'il n'a
pas su exécuter lui-même hier ? Ou bien il espère
me frustrer en te tuant avant moi ? Akihito, ne me dérange
pas pour m'exposer des théories aussi stupides, je n'ai
pas de patience pour cela.
« -
Mais… Je…, » commença le jeune homme qui
sentait que le débat avec Feilong s'annonçait
difficile. Et surtout, il hésitait à continuer sur
cette voie… « Mais ce n'est pas normal. Et… Et puis
tu l'as dit toi-même hier qu'il se passait des choses
étranges… Je ne sais pas pourquoi mais… Je suis sûr
qu'il y a un lien ! Shimizusawa Monoe a été tuée
par lui, c'était une avocate qui avait pour principaux
clients des gens impliqués dans les réseaux mafieux et
les politiciens véreux. »
Feilong
daigna enfin se retourner. Son visage affichait un air neutre,
Akihito ignorait ce qu'il pouvait bien penser de ses hypothèses
et cela l'inquiétait d'autant plus.
« -
Shimizusawa ? Elle s'est occupé de quelques unes de mes
affaires à caractère juridique à Tokyo, durant
un ou deux ans, puis elle s'est mise à travailler pour
Asami. Elle était très douée…
« -
Pour remettre les criminels en liberté malgré des
preuves évidentes de trafics de drogue, de meurtres, de
blanchiments d'argent, » énuméra
rapidement Akihito.
« -
Trop douée. Elle se faisait beaucoup d'argent. J'ai
toujours pensé que quelqu'un finirait par la tuer, par
vengeance. Et les autres victimes de ce tueur ?
« -
Un homme d'affaire, je n'ai rien entendu de spécial sur
lui, deux dealers, une prostituée, et ce professeur qui
enseignait dans l'université où Asami a fait ses
études.
« -
Dis m'en plus sur cet homme d'affaire.
« -
Il travaillait pour une compagnie d'assurance, Asahi Mutual Life
Insurance Co. et était plutôt haut placé.
« -
Cette compagnie a trempé dans des affaires louches, il y a
quelques années. Blanchiment d'argent et plusieurs familles
auraient été arnaquées sur leur assurance.
Certains frais médicaux qui n'étaient en vérité
pas couvert alors que l'argent avait bien été versé.
Mais la faute a été rejetée sur quelques
employés qui ont été licenciés et
condamnés par la justice. Il me semble que quelques 'amis'
d'Asami avaient des intérêts là bas.
J'essayerai d'en savoir plus sur le passé de cet homme. Tu
as peut-être raison finalement… Ce qui veut dire que nous
allons devoir temporairement nous allier. Mais ne t'en réjouis
pas. »
Oh ça
non, Akihito n'allait certainement pas s'en réjouir. Il ne
voulait pas avoir Feilong comme ennemi, mais pas comme allié
non plus. Il ne savait jamais à quoi s'attendre avec lui. Il
pouvait tout aussi bien tenir une discussion calme comme à cet
instant ou lui sauter à la gorge pour le menacer comme
précédemment.
(1) Non, il ne s'agit pas d'une allusion à double sens... Quoique... ? En général (mais il y a toujours des exceptions), le pourboire est très mal vu au Japon, certains hôtels ou restaurants l'interdisent même. Contrairement à nos pays où celui-ci valorise le travail de ceux qui le reçoivent, le pourboire est perçu comme un signe de mépris envers l'employé (les japonais sont très tatillons sur la notion de respect). En gros, cela leur donne l'impression de faire l'aumône pour avoir de l'argent en plus. On offre plutôt à l'employé des cadeaux en cas de service exceptionnel mais cela reste tout de même rare. Il arrive souvent que des touristes soient piégés par cette 'coutume' pour la moins inhabituelle. En Chine, le pourboire est lui aussi inexistant (ou presque) pour des raisons différentes. Il ne faut donc pas s'étonner si Akihito prend plutôt mal l'offre de Feifei…
