Chapitre 7 : Killer's Declaration and Damnation

La dernière fois que Akihito s'était retrouvé au club Sion, les choses ne s'étaient pas déroulées au mieux. Imamiya avait failli être tué et il s'était encore retrouvé entre les griffes d'Asami. A l'époque, il n'avait sans doute pas imaginé à quel point cet homme serait toujours aussi présent dans sa vie quelques mois après. Il avait espéré que le Yakuza se lasse de lui et l'oublie. Cela n'avait pas été le cas.Le jeune homme se sentait quelque peu mal à l'aise de se retrouver dans un club aussi select. Il était pourtant bien habillé et Asami lui avait donné une carte de membres il y avait déjà un certain temps, même s'il ne l'avait jamais utilisée. Pourtant, il avait l'impression de faire tache parmi tout ce beau monde. Après tout, il ne portait qu'un déguisement, il n'était en rien un fils de politicien ou d'entrepreneur, il n'était qu'un ancien délinquant exerçant un métier de photographe aux revenus plutôt aléatoire.
Après sa rencontre avec Feilong, Akihito était rentré directement chez lui. Il avait fait développer les clichés et les avait envoyés à qui de droit. Puis il était allé se coucher pour s'éveiller le lendemain aux alentours de midi. Asami n'avait pas rappelé, peut-être que son appel précédent auquel il n'avait pas répondu n'était pas si important que cela. Le jeune homme en était quelque peu déçu, secrètement il aurait espéré qu'il lui courre après pour le 'raisonner'. Mais Asami n'était visiblement pas du genre à s'en faire, peut-être était-il persuadé que sa 'propriété' lui reviendrait en temps et en heure.
Rien n'aurait fait plus plaisir à Akihito de décevoir le Yakuza mais hélas les évènements le contraignaient à lui rendre visite. Il n'était pas présent à son appartement, un 'gentil' homme de main lui avait apprit qu'il était au club Sion pour affaire… Et voilà pourquoi il se retrouvait ici, assis au bar, à boire verre sur verre de cocktail pour se donner du courage. Ces cocktails étaient d'ailleurs bien meilleurs que le whisky. Sucrés et fruités, il trouvait qu'ils n'avaient pas beaucoup de teneur en alcool, le goût de celui-ci étant quasiment absent. Point sur lequel Akihito se trompait, il n'y avait rien de plus néfaste et traître qu'un délicieux mélange de jus de fruit et d'alcools divers.
Après plusieurs verres, sa tête commença à lui tourner et une délicieuse vague de chaleur se répandit dans son corps. Il se sentait bien malgré ses vertiges et, les joues rosies, il prit un nouveau verre aux arômes de poire. Le brouhaha des conversations et la musique se mêlaient en une hypnotisante mélopée. Il avait l'impression d'être dans un cocon de soie et de flotter. Ses paupières se faisaient lourdes.
Il resta ainsi une bonne heure accoudé au bar, à siroter verre sur verre, oubliant finalement pourquoi il était venu. Plongé dans une rêverie incohérente. Lorsqu'une jeune femme vint l'aborder pour 'lui tenir compagnie', il ne trouva rien de mieux que de l'inviter à danser. Elle était plutôt petite mais séduisante. Ses yeux bleus aux longs cils noirs le captivaient totalement, et il y avait ce parfum qui embaumait sa peau claire. Il était comme un papillon attiré par l'éclat dangereux d'une lampe et venant s'y brûler les ailes.
Il posa les mains sur ses hanches et l'attira contre lui, bassin contre bassin, pour une danse au déhanchement lascif et équivoque. Elle se pressait contre lui sans aucune pudeur et il sentait les rondeurs chaleureuses de sa poitrine contre son torse. Akihito lui releva le visage après avoir prit son menton entre ses doigts et vola un baiser passionné.
Le seul baiser qu'il échangerait avec elle.
Il fut soudainement arraché à sa nouvelle conquête et tiré hors de la piste. Il tenta de se débattre mais les deux hommes habillés de costumes noir qui le tenaient étaient bien trop fort pour lui.
Il quitta la salle animée pour un couloir, puis un escalier. Une porte enfin et une salle privée, luxueuse, écœurante de richesses. Un style baroque français. Des dorures sur les boiseries et des vieux meubles partout. Un lustre en cristal au plafond qui l'éblouissait. Le parquet craquait légèrement sous ses pieds.
Quelque peu désorienté, Akihito se demanda pourquoi Asami l'examinait d'un œil aussi sévère. Le jeune homme tenta de remettre de l'ordre dans ses pensées et glissa la main dans sa chevelure. Ah oui, sa petite danse avec la diablesse. Il fait des infidélités à son maître, et son maître en était contrarié à l'extrême même s'il tentait de paraître civilisé dans son joli costume de gentleman. Il se retint de pouffer de rire.
Les deux gorilles qui l'avaient traîné jusqu'ici se retirèrent à l'ordre du Yakuza.
« - Tu as l'air d'apprécier mon club, » fit remarquer Asami avec un léger haussement de sourcil. Il était appuyé d'une main sur la table, une cigarette était glissée entre ses doigts. Et elle se consumait sans lèvre pour l'y aider.
« - T'aurais peut-être voulu que je danse avec toi, » répliqua Akihito sans quitter la cigarette du regard. Il avait du mal à parler, un autre méfait de l'alcool, mais il ne s'en rendait pas compte.
Asami écrasa sa cigarette dans le cendrier, adressant un regard de biais au photographe. Il fit quelques pas vers lui et le saisit par le col pour l'attirer de force. Sa bouche s'écrasa contre la sienne, Akihito eut un cri étouffé alors qu'il tentait de se dégager de l'emprise son partenaire entreprenant. Et il bascula ensuite en arrière, dans un canapé, lorsqu'Asami le repoussa.
« - Oh, pardon, j'avais oublié que je t'appartenais corps et âme, et que tu ne me rendrais jamais ma liberté, et que tu m'entraîneras avec toi jusqu'au plus profond de l'Enfer, parce que j'ai tellement, tellement de dettes envers toi à payer, moi le sale gosse, » railla le jeune homme en soutenant le regard noir d'Asami. « Feilong a raison. Je ne suis qu'une pute. Est-ce que je dois faire 'ce que les amants font' pour me faire pardonner, maître ? »
Akihito n'eut pas de réponse. Asami se contenta de sortir un paquet de cigarette de sa poche, paquet qui paraissait hélas vide. Le jeune homme fut tout d'abord agacé, puis blessé de voir le peu de réaction que son discours amenait. Piqué au vif, il se leva et agrippa violemment la veste d'Asami.
« - Pourquoi tu ne réponds pas ? Tu t'en fous tant que ça de ce que je peux ressentir ? Je ne suis pas un objet ! Mais depuis le début, tu me traites comme tel ! Il n'y a que toi qui compte ! Tu prends plaisir à jouer avec moi ! J'en ai assez… Moi j'ai rien demandé… Je… Je te hais, tu ne peux pas savoir à quel point je te hais ! Parce que… Parce que… »
Akihito renifla. Les larmes lui montaient aux yeux sans qu'il ne puisse rien faire. C'était douloureux. Non, pourquoi était-il si faible pour pleurer ainsi ? Il avait l'impression de suffoquer.
« - Moi… Moi je t'aime… ! J'ai essayé de lutter contre… ! J'ai essayé de me convaincre du contraire… Parce que je sais que toi… »
Le jeune homme s'essuya les joues du dos de la main avant de poursuivre.
« - Mais… Ces derniers jours, de plus en plus… Ca devient clair… Trop clair. Je m'en fous de ce tueur et de Feilong. La seule chose qui me terrifie vraiment…
« - Akihito, ça suffit.
« - Non, ça ne suffit pas ! Je veux savoir ce que je suis exactement pour toi ! »
Même s'il devait être déçu, que les choses soient claires. Qu'il n'ait plus de vains espoirs.
« - Combien de verres as-tu bu ? » l'interrogea Asami en ignorant visiblement ses interrogations. « Rentre chez toi et cesse de t'offrir en spectacle.
« - Je ne m'offre pas en spectacle ! C'est important pour moi ! » s'écria le jeune homme en s'écartant du Yakuza. Il baissa la tête et ses épaules s'affaissèrent alors que sa voix se faisait plus basse et étranglée. « Visiblement, ça ne l'est pas pour toi. Je suis stupide d'espérer quoique ce soit de toi… Tout ce qui n'est pas dans ton intérêt… Si Feilong n'était pas TON ennemi personnel, tu ne serais jamais venu me sauver…
« - Qu'est ce que tu veux ? Que je te fasse une demande en mariage en bonne et due forme ? » répliqua durement Asami en allant s'appuyer dos contre la table. « Si tu n'avais que ça à dire, alors pars. Je n'ai pas de temps pour tes caprices.
« - Je te déteste, » murmura une dernière fois Akihito avant de se détourner d'un pas rapide et de sortir de la pièce en serrant les poings, jusqu'au sang, ses ongles blessant sa peau. Mais il n'avait pas mal, du moins pas là.
Il prit le chemin inverse de celui qu'on lui avait forcé à suivre. Les larmes obscurcissaient sa vue, ses yeux lui brûlaient. A proximité de la salle, le brouhaha atroce le poussa à battre en retraite. Il n'avait pas envie d'être vu par tant de monde… Et toute cette agitation… Ce bruit, ces discussions joyeuses, la musique. Il les détestait aussi, ces gens à la vie si lisse et parfaite. Il avait envie de crier et frapper quelque chose ou quelqu'un. Son pied alla taper rageusement dans le mur et il emprunta un autre couloir, croisant la tête basse et d'un pas pressé quelques personnes sortant et entrant d'autres pièces.
Une porte, puis une ruelle. Il se trouvait à l'arrière du Sion.
Akihito respira profondément et se frotta d'une main tremblante les joues, et les yeux rougis. Il devait se reprendre, ce n'était pas si grave. Non, vraiment… Il savait depuis le départ qu'Asami n'était qu'un salaud. Il avait eu l'esprit embrumé par ses actes… Mais il n'était pas vraiment amoureux de lui et… Et c'était insignifiant si cet homme ne le voyait autrement que comme un partenaire sexuel. Et s'il pleurait, c'était simplement parce qu'il avait trop bu, voilà, c'était tout.
Akihito essayait de s'en convaincre mais c'était difficile. Il s'adossa à un mur et leva le nez vers le ciel. La nuit n'était pas encore tombée, il y avait même du soleil, mais il avait inexplicablement froid. Son corps était prit de frissons désagréables, il ferma les yeux et se laissa tomber assis au pied du mur.
Il sursauta quand la porte par laquelle il était sortit s'ouvrit brutalement, révélant la jeune femme avec qui il avait dansé quelques minutes auparavant. Que faisait-elle là ? Il la regarda en clignant des yeux et se releva. Un certain pressentiment étreignit son cœur et il recula d'un pas.
« - Il est ici ! »
En voyant sortir trois types qui n'avaient rien à envier niveau taille et corpulence aux molosses d'Asami, Akihito décida qu'il avait assez perdu de temps à se lamenter dans cette ruelle et piqua un sprint pour s'enfuir. Enfin, il tenta tout du moins. Une voiture noire boucha l'unique issue et deux autres hommes tout aussi colossal en sortirent. Ok, ça s'annonçait mal.
Le jeune homme stoppa, eut le réflexe de faire demi-tour pour essayer de retourner au Shion et se retrouva expédié à terre d'un coup de poing dans l'estomac.
Akihito toussa en se tenant le ventre et jeta un regard assassin à l'espèce de gorille qui l'avait arrêté dans sa course. Alors qu'il se penchait vers lui pour le forcer à se relever, le photographe propulsa son genou dans l'entrejambe de son agresseur. Aux grands maux les grands moyens, il n'allait certainement pas se laisser faire. Il se redressa ensuite, essayant de tenir debout sur ses jambes malgré la douleur qui irradiait son estomac et l'alcool dont les effets se faisaient à nouveau cruellement sentir. Il n'aurait pas du autant boire, non vraiment.
Un autre de ses agresseurs, qui s'était glissé derrière lui, le saisit violemment par le bras pour le ceinturer ensuite par la taille et l'immobiliser. Murmurant quelques menaces dont Akihito se contrefichait. Il tenta de se soustraire à cette étreinte, donnant des coups de pied et de coude comme il le pouvait. Un autre homme voulu lui saisir les jambes pour l'immobiliser mais le photographe n'était vraiment pas de cet avis et expédia son pied droit dans son visage. Le nez craqua et le sang coula à flot. Un sourire victorieux apparut sur les lèvres d'Akihito, en voilà un qui garderait un joli souvenir…
« - Bon sang, arrêtez ce cirque et maîtrisez-le ! » s'exclama rageusement la jeune femme qui se contentait de rester une simple observatrice.
« - Lâchez-moi ! Qu'est ce que vous me voulez ? » s'écria dans le même temps Akihito. Le colosse qui le retenait le traîna vers la voiture tant bien que mal. Celui qui avait eu le nez cassé se vengea d'un coup de poing qui laissa le jeune homme sonné.
Akihito entendit une porte s'ouvrir et des voix s'élever. Parlant de bagarre et d'enlèvement, qu'il fallait prévenir la sécurité du Shion. Deux coups de feu et plus rien. Il se sentit soulever pour tomber ensuite sur le sol. Ses yeux s'entrouvrirent pour apercevoir quelques formes floues. Quelque chose comme une aiguille lui piqua l'intérieur du bras et il se débattit mollement. Avant de tomber dans un trou noir et froid, une chute sans fin, dénué de tout songe.

Une éternité plus tard, ou peut-être moins, Akihito émergea des ténèbres dans lesquelles il avait été plongé. Son premier contact avec la réalité fut la froideur et l'humidité de l'air autour de lui. Il percevait même l'écoulement de l'eau contre un mur, ou quelque chose comme ça. Il frissonna et eut réflexe de vouloir se frotter la peau pour se réchauffer. Mais ses mains étaient attachées derrière son dos, menottées sans aucun doute car il reconnaissait sans peine la morsure de l'acier.
Il était assis, sur une chaise qu'il ne pouvait voir, sa vision se résumant à un voile opaque. Faisait-il donc si noir dans cette pièce… Ou bien… Ses sens perçurent alors la caresse du tissu au niveau de ses yeux.
Il avait mal aux épaules, mais encore plus à sa blessure au bras. L'air venait jouer dessus, quelqu'un lui avait enlevé son bandage. Et par la même occasion sa chemise. Une pensée saugrenue lui vint alors : au moins avait-on eu la décence de lui laisser son pantalon, ce qui était étonnant car lui retirer était devenu une habitude pour tous les pervers de la ville.
Un faible murmure résonna soudainement. Et Akihito réalisa que s'était cela qui l'avait tiré de son sommeil. Quelqu'un chuchotait tout bas, à son adresse, mais son esprit chamboulé avait du mal à saisir les mots. Il bougea la tête, tentant de localiser son interlocuteur. Un souffle tiède lui hérissa la nuque. Avait-il toujours été derrière lui ou s'était-il déplacé sans qu'il ne l'entende ?
« - Qui êtes-vous ? » demanda Akihito, surpris par la propre faiblesse de sa voix. Fichue angoisse qui ne le lâchait pas depuis son réveil. Il avait soif en plus, ses lèvres étaient sèches comme du papier.
« - Un simple intermédiaire. »
Une voix masculine. Et un accent anglais, Akihito en aurait mis sa main à couper. Il avait qui plus est une façon de parler presque pédante.
« - Qu'allez vous faire, me tuer ? »
Le photographe n'eut pas de réponse, du moins rien d'oral. La main de cet homme s'était posé sur sa joue et il grimaça. Il ne s'était pas aperçu, jusqu'à présent, que sa joue était-elle aussi douloureuse. Mais toujours moins que son bras.
« - Ils ont abîmé ton visage, pourtant ils avaient ordre de ne pas le faire. Ne pourrais-tu pas te laisser enlever gentiment plutôt que de faire un esclandre ? Après tout, tu devrais commencer à en avoir l'habitude. »
Akihito regrettait à présent de ne pas être resté plus longtemps à l'intérieur du Shion, quitte à se retrouver dans la même pièce qu'Asami. Il déglutit péniblement et fit de son mieux pour ne rien laisser paraître de sa panique intérieure. Ne pas respirer trop rapidement, ne laisser sa voix trembler. Mais ce n'était pas simple, il avait plutôt envie de crier et d'appeler à l'aide. Son insolence caractérielle avait ses limites. Il n'avait déjà pas signé pour se retrouver dans un film gay sur la vie intime des Yakuza, et il n'avait pas signé non plus pour être la prochaine victime 'Jack l'Eventreur à Tokyo'.
« - Quelle était ta question déjà ? Ah oui, si j'allais te tuer. Il se trouve que je n'en ai pas reçu l'autorisation, pour le moment. C'est dommage, vraiment dommage. »
La main du malade quitta sa joue et Akihito eut l'impression qu'il s'était éloigné de plusieurs pas.
« - Et puis, comme tu as tout autant l'habitude de te faire violer, ça ne serait vraiment pas drôle de le faire, n'est ce pas ? Alors, j'ai pensé à quelque chose de plus simple mais de tellement amusant. Je pourrai te torturer et enregistrer tes cris sur une cassette, que j'enverrai à la police, à Asami ?
« - Filme-moi aussi pendant que t'y es, » s'exclama sans réfléchir Akihito. Et il le regretta ensuite, ce n'était vraiment pas le moment de donner des idées à un déséquilibré.
« - Oh, j'y ai pensé, mais je ne tiens pas à ce que l'on m'identifie. Par contre j'ai l'un de tes appareils photo. Il prend de magnifique cliché même dans le noir. »
Est-ce que la démence était contagieuse ? Akihito se le demandait en étant soudainement prit d'un fou rire incontrôlable.
« - Si tu appuis sur le bouton près du zoom, tu peux même faire des macro, » expliqua-t-il entre deux rires.
« - Tu devrais faire attention Akihito, je crois que tes nerfs sont déjà en train de craquer et que tu perds la tête.
« - Et c'est un fou souhaitant faire un roman photo de la torture qui me dit ça, » railla le jeune homme en cherchant dans son esprit sa raison volatilisée.
Eclat de rire commun. Et Akihito se retrouva poussé à terre d'un coup de pied dans les cotes. Le sol était boueux, une mélasse qui s'étalait sur sa peau. Akihito chercha un moyen de se redresser sans y parvenir tout en crachant et toussant à cause de la terre qui couvrait ses lèvres. Il hoqueta ensuite et eut un cri de douleur quand le dément le saisit par les cheveux pour le forcer à se remettre debout. Il le tira à sa suite sans ménagement, Akihito glissait et trébuchait mais il n'avait pas l'occasion de s'arrêter un seul instant. Sa course termina lorsque le cinglé l'envoya percuter un mur qui semblait être en brique à en juger par son contact rugueux qui lui écorcha la peau.
« - Fait cheese. »
Malgré le bandage de tissu qui lui couvrait les yeux, Akihito perçut l'éclat du flash.
« - Si… Si tu fais ça dans l'espoir d'attirer l'attention d'Asami, c'est peine perdu… Il s'en fiche de moi. »
Un claquement de langue agacé. Une main se posa sur son épaule et le jeune homme chercha à s'écarter, en vain. Son pied dérapa sur la boue et il manqua de s'affaler à terre.
« - Je devrais peut-être en envoyer aussi à Liu Feilong, il doit comprendre la beauté sublimée d'un visage sous l'emprise de la douleur.
« - Non, pas à Feilong… »
Akihito hurla alors que les doigts faisaient pression que sa blessure au bras. Il avait l'impression… Que sa peau se déchirait. Le sang tiède coula sur sa chair glacée. Il haleta péniblement et laissa un sanglot apeuré s'échapper de sa gorge. Il laissa le nom d'Asami sortir d'entre ses lèvres. Malgré tout.
Lorsque Feilong le torturait, au moins pouvait-il voir son ennemi en face. Mettre un visage sur celui qui le tourmentait, sur sa peur, et le haïr. Mais il était aveugle, c'était comme être en proie à un fantôme. Il ne pouvait même pas prévoir ses gestes futurs. Se préparer mentalement à la prochaine attaque. Il avait d'autant plus peur en ne sachant pas à quoi il pouvait s'attendre.

Et son agresseur savait jouer avec cela. Il l'abandonnait soudainement, dans le noir, lui laissant croire qu'il était parti, et attaquait sans prévenir, profitant de son absence de repères visuels pour lui mettre d'autant plus en évidence sa faiblesse. Lui donnant des coups, lui écorchant la peau avec une lame, lui disant toutes les choses odieuses qu'il pouvait lui faire s'il avait 'tel outil' sous la main.
Akihito en perdait toute notion de temps. Combien d'heures exactement, entre les mains de ce fou furieux ? Ou bien des jours ? Il sombrait de temps à autre dans un sommeil glacial, de mort, sommeil fiévreux et délirant, réveillé par la douleur de ses blessures ou la voix de son tortionnaire. Où était le rêve, ou était la réalité ? Il ne savait plus différencier la vérité de ses cauchemars. Et ces derniers jours lui paraissaient dénués de tout sens. Il était bel et bien tombé en Enfer, même s'il doutait qu'il s'agissait de celui envisageait par Asami.
Puis vint un instant où il ne trouva plus la force d'ouvrir les yeux. Parce qu'il avait envie de mourir, parce qu'il ne sortirait jamais de cet Enfer.