Chapitre 5, Sawyer Auteur: Titinaw
Mettre le nez dehors l'aida grandement à évacuer toutes les émotions qu'il avait contenu avec tant de difficulté dans l'appartement. Sawyer enfonça plus profondément son stetson sur sa tête et les mains dans les poches de jeans, il se mit à marcher lentement dans la ruelle déserte. Dans la pénombre et le silence absolu, il laissa dériver ses pensées.
Tout se précipitait et cela ne lui plaisait pas : les
histoires de famille de Jack, la venue de Kate, le plan qu'elle
avait élaboré…
Il ne savait que penser de la
requête de Kate. Elle ne leur avait toujours pas avoué
quel était l'objet qu'elle désirait récupérer.
Cela l'agaçait et l'attrister en même temps.
Pourquoi tant de secrets? Kate s'entourait si copieusement de
mystères qu'il était parfois difficile de lui
accorder pleinement sa confiance. Cependant, contre toute attente, il
avait foi en elle. Sawyer sourit intérieurement. Son grand
cœur le perdrait. Il savait qu'il ferait tout pour aider Kate. Et
celle-ci le savait aussi. Ceci dit, Jack restait sur ses gardes. Et
il avait certainement raison d'adopter ce comportement. D'autant
plus que le moment était mal choisi pour aller faire la chasse
au trésor. Après tout, tâche de rousseur était
blessée, recherchée par les autres, et cerise sur le
gâteau, elle était aussi en cavale. Le moment de
commettre un tel acte n'était décidément pas
propice.
Une autre chose le minait également. Jack. Même
s'il faisait bonne figure, il voyait très bien que quelque
chose lui trottait à la tête. Il l'avait observé.
Et il avait constaté que Jack avait une façon très
bizarre de regarder Kate. C'était comme s'il disséquait
et analysait chaque mouvement, chaque intonation de voix, chaque
battement de cils de la jeune femme. Aurait-il connaissance de
quelque chose à son sujet que lui-même ne savait pas ?
Quant à Sara, il l'avait à peine entr'aperçu.
Au moment de sortir de l'appartement pour prendre l'air, elle
était sortie de son refuge et l'avait suivi jusqu'à
la porte d'entrée. D'une voix hésitante et
frémissante, elle lui avait demandé si Jack lui avait
parlé d'elle. Cela aussi l'avait grandement intrigué.
Il devrait lui demander des explications. Tout était si
inextricablement compliqué depuis leur retour au pays.
Sawyer se força à penser à autre chose.
Après tout, il était sorti pour prendre un peu de bon
temps, humer les odeurs qui s'échappaient des snacks, à
cette heure bondés, et écouter la musique mexicaine qui
s'échappait de la fenêtre d'un appartement, au loin.
Ses pensées dérivaient vers des choses plus légères
et agréables quand soudain il se rendit compte qu'on le
suivait. Ce qui l'alerta fut le fait que la personne adoptait la
même allure que lui. Sawyer se mit à marcher plus
rapidement. Les pas derrière lui, menaçants, se firent
également plus rapides. Il n'avait plus de doutes à
avoir. Il était suivi.
Il se retourna brusquement pour
faire face à son adversaire. Et il sentit son cœur
s'accélérer quand il se rendit compte qu'il était
en fait pourchassé par deux hommes. Ils s'arrêtèrent
également. L'air se chargea d'électricité.
Sawyer entendit une sonnette d'alarme retentir dans un coin de sa
tête. Il devait déguerpir au plus vite. Il fit un pas en
arrière. L'un des hommes bougea son bras et Sawyer porta son
regard vers celui-ci. Il tenait un revolver.
Le sang du jeune
homme se glaça dans les veines. Ne réfléchissant
plus du tout, il leur tourna le dos, et prit les jambes à son
cou. Les deux acolytes ne perdirent pas de temps et se mirent à
le pourchasser.
Le souffle saccadé et les poumons en feu,
Sawyer continuait de courir dans les ruelles sombres et désertes.
Il pourrait retrouver le boulevard éclairé et bondé,
mais il ne voulait plus être la cause d'un meurtre. N'importe
qui pouvait prendre une balle perdue.
Les pas se
rapprochaient.
- Arrête-toi Sawyer ! Tu ne peux pas nous
échapper ! hurla l'un des deux hommes.
-Jamais ! Sales
vermines ! leur répondit Sawyer.
Il essaya d'accélérer
le rythme, désespéré, puis il tourna au dernier
moment sur sa gauche. Il tomba sur un cul de sac. Il tourna la tête
à droite puis à gauche rapidement pour chercher une
issue.
Mais il était bloqué. Les deux bonhommes
ralentirent leur course puis s'arrêtèrent
complètement. Le plus petit ricana et commença à
jouer avec la matraque qu'il tenait.
Sawyer déglutit
péniblement.
- Qu'est-ce que vous me voulez ?
demanda-t-il, en conservant une voix ferme.
- Tu le sauras bien
assez tôt. Tout ce que tu as à savoir, pour le moment,
c'est que tu vas venir avec nous. Gentiment. Sans faire de vague.
Sawyer eut une envie subite de rire. En effet, le vaurien avait
adopté un accent similaire aux mafiosi que l'on pouvait
entendre dans les mauvais films de série B. Mais il parvint à
se retenir. Le moment aurait été vraiment mal choisi,
n'est-ce pas ?
Il essaya d'évaluer ses chances de
fuite. S'il était vrai que Don Corleon était petit,
il semblait cependant être costaud et agile. Et frimeur aussi.
Quant au grand, il était très élancé, et
tenait un flingue. Non, il ne pourrait pas s'en sortir cette
fois-ci.
Il leva lentement les mains, comme pour se rendre. Il
pourrait tenter de s'échapper par la suite, qui sait ?
-
Très bien les gars. Vous avez gagné. Je me rends.
Les
deux hommes se rapprochèrent et le plus petit passa derrière
lui. Il lui prit brutalement les mains et les mit derrière son
dos. Il les lui ligota avec une corde. Puis il lui arracha le stetson
qui était miraculeusement fixé sur sa tête,
malgré la course-poursuite. Le plus grand resta devant lui,
guettant le moindre signe suspect de sa part. Il le dévisageait
en silence, le visage inexpressif.
Sawyer retint un frémissement.
Il avait l'air bien dangereux et serait sans doute prêt à
tout pour faire son devoir.
- Allez ! Avance le cow-boy ! ordonna
le minus.
- Oui, ça va, ça va ! marmonna-t-il.
Ils
reprirent le chemin inverse. Une voiture noire attendait leur retour,
le moteur en marche. Le plus grand, toujours silencieux, ouvrit la
porte arrière, afin de le laisser passer. Sawyer allait monter
dans la voiture quand le minus l'interpella.
- Hé, toi
!
Il tourna mécaniquement la tête vers lui. Mais
quand il comprit ce que Don Corleon allait lui faire, il était
trop tard. Il reçut le coup de matraque sur la tempe. Puis
tout ne fut plus que douleur et obscurité.
Dans le hangar très sombre, ce fut les chuchotements de plus en plus distincts et proches qui l'éveillèrent. Il était installé sur une chaise, bien ligoté, de façon à ce qu'il ne puisse bouger plus que la tête. Les mains derrière le dos, il essaya des les libérer. Mais en faisant cet effort, les liens se resserrèrent sur ses poignets et écorchèrent encore un peu plus sa peau déjà irritée. Il leva les yeux pour observer les lieux. Il ressentit immédiatement une douleur lancinante au niveau de la tête. Il gémit d'une voix sourde. Il se rappela que le petit vaurien l'avait attaqué avec sa matraque. Sale vermine ! Il aura bientôt sa vengeance, se promit-il in petto. Un mince filet de sang continuait à couler le long de sa joue droite, et il sentait un goût de cendre dans sa bouche.
Puis
Sawyer se raidit. Face à lui, il pouvait distinguer une porte.
Deux personnes venaient de s'arrêter derrière celle-ci
car il pouvait voir l'ombre de leurs pieds. Il tendit l'oreille
pour tenter de comprendre ce que les voix étouffées
disaient. Il crispa ses mâchoires quand il entendit ces
quelques mots : Charlie, drogue, étouffement, frère.
S'agissait-il vraiment de Charlie ? Charlie, le rescapé du
crash de l'avion ?
La peur commençait sérieusement
à se faire sentir. Mais que se passait-il, bon sang ? Pour
quelles raisons ces hommes s'acharnaient-ils contre eux ? Kate,
jack, lui-même, et enfin Charlie. Et même son frère,
qui sait…
Les laisserait-on jamais en paix ?
La porte
s'ouvrit brutalement. Sawyer releva la tête et plissa les
yeux. Devant lui, se tenait un homme. Du fait de l'obscurité,
il ne le voyait pas vraiment. Seule sa silhouette se dessinait
précisément. Il déglutit péniblement.
Même s'il ne discernait pas ses traits, il comprît
immédiatement de qui il s'agissait.
L'homme actionna
l'interrupteur et l'obscurité totale fit place à la
lumière foudroyante. Sawyer ferma un instant les yeux, aveuglé
par cette lumière froide. L'homme se rapprocha lentement.
Les yeux toujours fermés, Sawyer attendit.
L'homme
s'arrêta enfin, en face de lui. Il sentit également
une présence derrière lui.
Sawyer hurla de douleur.
Une main venait de le saisir par les cheveux pour lui relever la
tête. La souffrance intense qu'il ressentit lui fit ouvrir
les yeux, et il eut à nouveau un choc, quand il constata qu'il
s'agissait bien de lui.
Le père de Jack, ou bien son
jumeau, le regardait, avec un petit sourire en coin.
- Comment
vas-tu Sawyer ?
Bien que Sawyer était terrorisé et
ne savait pas ce qui allait lui arriver, il essaya de faire tout de
même bonne figure.
- Comme vous pouvez le voir, je suis au
mieux de ma forme, répondit-il d'une voix cinglante.
Le
sourire de son kidnappeur s'élargit. Il entendit également
un ricanement derrière son dos. II reconnut tout de suite le
son de la voix du minus.
Sawyer tourna légèrement
la tête et s'exclama :
- Tiens, Don Corleon est venu me
rendre une petite visite aussi ? Tu m'as manqué, vermine,
rajouta-t-il d'une voix faussement légère.
Pour
se venger le minus lui tira une nouvelle fois les cheveux en arrière,
et Sawyer ne put retenir un gémissement.
- Suffit, dit
l'homme en face lui, d'une voix coupante et sèche, sans
élever la voix.
- C'est bon, j'arrête patron,
répondit le minus. Mais c'est lui qui a commencé.
Le
patron en question ne releva pas cette remarque enfantine. Il
observait de son regard tranquille Sawyer. Il était sans doute
l'homme le plus dangereux. Et aussi l'homme le plus affreux, se
dit Sawyer. Car s'il ne paraissait pas se salir les mains, il était
apparemment le big boss, le maître du navire, qui commandite
sans émotion et sans scrupule toutes les opérations et
toutes les missions à accomplir.
- Qui êtes-vous ?
Le père de jack ?
Il secoua lentement la tête.
-
Non, non, non, murmura-t-il. C'est moi qui pose les questions et
qui mène l'entretien. Mais comme tu me plais beaucoup, je
vais te répondre, rajouta-il après un temps de pause.
Pour ménager le suspense, il sortit un cigare de sa poche,
l'alluma, et tira une bouffée.
Sawyer roula des yeux,
tendu.
- Je suis Tom, dit-il enfin.
- Et puis ? le pressa
Sawyer.
- Et puis, je vais te faire quelques révélations
Sawyer. Des révélations qui vont te bouleverser et qui
pourraient même mettre ta vie en danger.
Sawyer ouvrit
grand les yeux, le corps raidi par la terreur qu'il ressentait. Les
battements de son cœur s'accélérèrent et de
fines gouttes de sueurs sillonnèrent ses tempes, ses joues,
puis glissèrent jusqu'à son cou.
Il se sentait au
bord du gouffre car depuis qu'il se trouvait ici, il avait le
sentiment que la fin était proche pour lui. Sentiment qui
devenait plus certain après les derniers mots dit par Tom.
Mais malgré la terreur qui l'avait happé comme
une lame de fond, il réussit à conserver des traits en
apparence sereins.
Tom avait l'air de comprendre tous les
sentiments qui le submergeaient. Et bizarrement, Sawyer lisait dans
le regard de Tom la fierté qu'il ressentait. Pourquoi
était-il fier, se demanda-t-il. Devenait-il fou ?
Après
cet instant de silence et de face à face, Tom prit à
nouveau la parole, et Sawyer l'écouta lui révéler
ses secrets.
Il ressentit tout d'abord un grande stupéfaction,
et crut un instant rêver. Ce que Tom lui disait n'était
pas possible. C'était absolument inconcevable !
Et si
finalement cela était vrai ? Avait-il affaire à un fou
? Ou lui disait-il la cruelle vérité qu'il aurait dû
savoir depuis le début ? Depuis sa naissance ?
Même
si Tom était dangereux, Sawyer savait qu'il était
sain d'esprit. Et quelque part, au plus profond de lui, il savait
que ce qu'il disait et continuait à dire était vrai.
Tom continuait à faire ses révélations et le
jeune homme ressentit une colère terrible l'envahir, puis le
désespoir le plus intense.
Sa vie se résumait-elle
seulement à un épouvantable mensonge ? S'était-il
battu toute sa vie pour rien ? Quelle vie sordide ! Et Dieu que ces
paroles, que Tom continuait à lui assener, lui faisaient mal.
Les yeux remplis de larmes douloureuses et le cœur en rage, il
tenta de se lever et hurla :
-Noooon !
La réaction du
minus ne se fit pas attendre. Un nouveau coup de matraque lui heurta
la tête. Le choc fut si violent que la chaise tangua puis
bascula. La tête de Sawyer heurta la première le sol en
béton. Mais il ne réagît pas. L'obscurité
l'avait déjà happée pour l'emmener dans les
profondeurs de l'inconscience.
Quelques minutes plus
tard, on frappa à la porte de l'appartement de Sara. Jack,
suivi de près par Kate, ouvrit la porte. Le couloir était
cependant désert.
Il fronça les sourcils, soucieux.
Sawyer était parti depuis quelques heures maintenant. Jack
savait qu'il aimait la solitude, mais il devait savoir aussi qu'il
était dangereux pour eux de sortir seul. Inquiets, Jack et
Kate avaient été soulagé en entendant les coups
à la porte. Ils avaient espéré le retour de
Sawyer. Mais personne ne se trouvait dans le couloir.
Jack allait
refermer la porte, quand Kate lui saisit le bras et s'écria
d'un ton inquiet :
- Jack…
Il se retourna vers elle,
intrigué. Kate d'un mouvement du menton, lui désigna
ce qu'il devait regarder. Il porta ses yeux vers le sol, et son
cœur bondit dans sa poitrine. Le stetson de Sawyer avait été
déposé sur le pas de la porte. Lentement, il se baissa
et prit le chapeau dans sa main. Il le retourna et découvrit
un message. Tout d'abord, il ne vit que la série de chiffres
qui y avait été écrit. Puis il reçut un
nouveau choc émotionnel, quand il lut la suite : Sawyer est
mort.
