Chapitre 1
La première chose dont Eryn prit conscience lorsqu'elle se réveilla fut la dureté et la froideur du sol de pierres sur lequel elle était étendue. Ce fut très rapidement suivi d'une forte odeur de bois et de poussière qui assaillit ses narines et lui donna une furieuse envie d'éternuer. Elle essaya machinalement de frotter son nez qui la chatouillait mais son bras engourdit refusa de lui obéir. La seule chose qu'elle parvint à bouger pendant plusieurs secondes après son réveil fut ses paupières, qu'elle dut battre plusieurs fois avant qu'enfin ses yeux puissent s'habituer à l'obscurité environnante. Lorsque les membres endormis de la jeune femme se remirent à lui répondre, elle se redressa, avant de se tenir sur des jambes encore chancelantes. La pierre glacée n'aidait pas à réchauffer ses pieds nus. Immédiatement, elle porta une main à sa tête et grimaça, prise de vertiges. Elle n'y voyait presque rien et pourtant elle avait l'impression de se trouver dans un tambour de machine à laver tant la pièce autour d'elle tournait.
Une seule pensée occupait son esprit à présent : où était-elle, et surtout, comment était-elle arrivée là ? La seule chose qu'elle se remémorait était de s'être endormie dans son lit, à la même heure que d'habitude après une soirée de week-end relaxante. Après ça, c'était le trou noir.
La journée s'était pourtant déroulée normalement. Après une semaine de travail intense due à une commande de pâtisseries particulièrement importante dans la boulangerie où elle était employée, elle avait attendu le vendredi soir avec impatience. Elle avait passé son samedi de la meilleure façon qu'elle aurait pu imaginer : à lire un livre, regarder ses séries préférées, écouter de la musique… Une journée tout à fait banale en somme. Alors qu'avait-elle bien pu faire de travers pour finir dans cette situation ?
Une chose était sûre, elle ne s'était pas rendue d'elle-même dans cet endroit, ou du moins elle n'en avait aucun souvenir. Elle se mit à imaginer un millier d'explications différentes, de la plus lugubre à la plus improbable.
Mais au final, il n'y avait qu'un moyen de découvrir la vérité, et rester dans la froideur de ces murs de pierre n'était pas la solution.
Après quelques secondes durant lesquelles elle dut s'appuyer contre un meuble à proximité, Eryn reprit ses esprits et pu se tenir un peu plus fermement sur ses deux pieds malgré les bourdonnements désagréables qui persistaient dans son crâne. Grâce aux rayons de lumières qui filtraient à travers les contours d'une porte en bois, elle put distinguer autour d'elle des étagères de la même matière, où étaient déposées des rangées de bouteilles poussiéreuses. S'en approchant, elle laissa ses doigts effleurer les étiquettes abîmées par le temps.
Une cave à vin. Toujours plus troublant.
Lorsqu'elle avança vers la porte et posa sa main sur la poignée, elle s'étonna de la voir s'ouvrir sans résister. Son côté paranoïde s'attendait presque à ce qu'elle soit bloquée d'une façon ou d'une autre par un potentiel kidnappeur qui aurait voulu la garder enfermée. Dieu merci, il semblait qu'elle se soit trompée.
Elle resta cependant sur ses gardes alors qu'elle se glissait dans l'ouverture. Derrière la porte s'étendait un couloir si large qu'on aurait pu en faire un hall. Plusieurs pièces se trouvaient de part et d'autre, certaines dont l'ouverture sans porte donnait directement sur la pièce principale. L'une d'entre elles semblait être la cuisine car depuis sa position Eryn pouvait apercevoir une rangée de casseroles accrochées au mur. Le décor était chaleureux et ne laissait aucun doute sur l'endroit dans lequel elle se trouvait : il s'agissait d'une maison habitée car bien entretenue, bien que très rustique.
Eryn fut interrompue dans son observation de l'intérieur lorsqu'elle entendit des voix s'élever. Plusieurs personnes (sans aucun des doutes des hommes à en juger par leur ton grave) semblaient être en plein milieu d'une conversation animée, bien qu'elle ne pût discerner clairement les mots qu'ils échangeaient.
Eryn décida d'emprunter le couloir qui s'étendait sur sa gauche, en direction des voix, afin d'entendre plus clairement la conversation, et peut-être par la même occasion éclaircir la situation inquiétante dans laquelle elle se trouvait. Elle le fit sur la pointe des pieds, soucieuse de passer inaperçue.
À mesure qu'elle avançait dans la maison, elle remarqua plusieurs choses. La première, c'est que le plafond était très bas, et tous les meubles beaucoup trop petits pour une personne de sa taille. Il était peu probable qu'elle ait soudainement grandi pendant son sommeil, la personne qui vivait ici devait donc être particulièrement petite.
Plus curieux encore, les différents tableaux, cartes et autres bibelots qui décoraient les murs ainsi que l'ambiance générale que dégageait le lieu lui semblaient étrangement familiers, bien qu'elle ne pût se souvenir d'où lui venait cette impression.
Mettant toutes ces interrogations de côté, elle continua son chemin et décida de se concentrer sur les voix, de plus en plus fortes à mesure qu'elle s'approchait de la pièce dont elles provenaient. Une lumière chaleureuse et vacillante s'en dégageait, sans doute provenant d'un feu de cheminée.
Sans un bruit, Eryn se faufila vers l'entrée mais ne franchit pas l'arche derrière laquelle étaient rassemblées toutes les personnes qu'elle pouvait à présent entendre sans difficulté. Au lieu de ça, elle se colla contre le mur directement à côté de l'ouverture et tendit l'oreille.
Au moins cinq individus différents avaient pris la parole et semblaient en pleine conversation très sérieuse à propos d'une montagne, d'une clé et d'une porte secrète. Une fois encore, une impression très étrange lui fit froncer les sourcils. Un sentiment de déjà-vu, comme si elle avait déjà assisté à la discussion, sans pour autant parvenir à mettre le doigt dessus.
Mais toutes ses questions furent balayées lorsqu'une voix grave prononça un seul prénom : Thorin.
Aussitôt qu'elle l'entendit, le cœur d'Eryn sauta un battement. Elle remit toutes les pièces du puzzle dans l'ordre : le décor familier, les meubles bien trop petits, et bien sûr, le prénom du Roi nain, Thorin Ecu-de-Chêne. Elle se trouvait à Cul-de-Sac, dans la demeure de Bilbon Sacquet, à l'aube du début de la quête pour récupérer Erebor, la montagne perdue. Et de l'autre côté de l'ouverture se trouvait la seule et unique compagnie de Thorin Écu-de-Chêne, ainsi que Gandalf, le célèbre magicien gris.
Eryn porta sa main à la lèvre qu'elle s'était mis à ronger furieusement, ses pensées s'enchaînant à toute allure. Comment était-ce possible ? Comment, de tout ce qui aurait pu lui arriver, avait-elle bien pu finir ici ? Ça ne pouvait être réel. Et pourtant, ça n'était pas un rêve, de ça elle en était certaine. Non, tout était bien trop tangible, bien trop détaillé et précis. Elle allait devoir se rendre à l'évidence : d'une façon ou d'une autre, elle avait trouvé le moyen d'atterrir dans son univers préféré depuis qu'elle était petite. L'histoire du Hobbit.
Malheureusement, cette réalisation ne lui était pas d'un grand secours à l'heure actuelle. Elle n'avait vraiment qu'une seule option : il fallait qu'elle révèle sa présence à la compagnie si elle voulait se sortir de cette situation. Bien qu'aucune des personnes présentes ne la connaisse, elle avait lu et regardé de nombreuses fois les films et les livres dans lesquels elles apparaissaient. Elles représentaient donc sa meilleure chance de trouver de l'aide.
Déterminée à prendre les choses en mains, Eryn serra les poings, prit une profonde inspiration, et se prépara à affronter la réaction des personnes présentes de l'autre côté du mur.
Elle fit à peine deux pas à l'intérieur de la pièce que soudainement toute conversation s'arrêta net et les nains bondirent de leur chaise, expressions sombres et armes à la main. Ou plutôt, couteaux et fourchettes à la main, puisque si sa mémoire était bonne, ils avaient laissé leurs armes dans l'entrée après s'être invités chez le pauvre Bilbon. C'était si comique qu'elle aurait pu en rire, si elle n'avait pas été la cible de ces airs menaçants.
Elle aurait dû s'attendre à cet accueil rude. Après tout, comment aurait-elle réagi si un parfait inconnu avait surgi de nulle part, en plein milieu d'une entrevue top secrète ?
Malgré tout, elle resta bouche bée et presque effrayée par les visages graves et la posture intimidante des nains. Elle se demanda alors qu'elle serait la meilleure chose à dire dans ce genre de situation. Elle avait beau y réfléchir, aucun mot ne parvint à franchir ses lèvres.
Ce ne fut pas le cas de Thorin qui, prudemment, s'approcha d'Eryn. C'était le seul des nains qui ne s'était pas emparé d'un morceau de vaisselle lorsqu'il l'avait aperçue, et pourtant, c'était le plus impressionnant de tous. Son visage était fermé et dur, ses yeux froids et plein de suspicion. Il était sur ses gardes, comme prêt à sauter sur la jeune femme au moindre mouvement qu'elle aurait pu tenter. Mais Eryn était figée sur place et n'aurait pas pu remuer le petit doigt si on le lui avait demandé.
Elle ne pouvait que rester là, à observer la scène que se déroulait sous ses yeux. Elle était si similaire à celle du film que c'en était troublant. Les nains étaient tous présents, des neveux de Thorin Fili et Kili aux deux frères Bombur et Bofur. Ils étaient assis à table, rassemblés autour d'une vieille carte et d'une clé qu'elle reconnut comme celles d'Erebor.
Après de longues secondes dans un silence lourd et plusieurs échanges de regards entre les membres de la compagnie, ce fut sans aucune délicatesse que Thorin s'adressa enfin à Eryn :
- Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu fais là ? L'interrogea-t-il.
La jeune femme eut besoin de quelques instants avant d'enregistrer les mots qui sortaient de la bouche du nain, mais lorsque sa réponse ne fut pas immédiate, il s'impatienta.
- Réponds ! Je ne te demanderai pas une seconde fois, s'écria-t-il brusquement.
Eryn se sentait toute petite, écrasée par le poids du regard de Thorin, malgré ses quelques centimètres de plus. Elle remarqua enfin que Bilbon et Gandalf étaient eux aussi présents, encore assis côte à côte, lorsque ce dernier se leva et tenta d'apaiser la situation.
- Mes amis, calmez-vous ! Pourquoi ne vous rasseyez-vous donc pas ? Je suis sûr que notre invitée répondra à vos questions, si vous acceptez de la laisser parler sans brandir vos couteaux.
Les nains s'échangèrent une nouvelle fois des regards pleins de défiance et d'hésitation, avant de se tourner vers leur chef. Thorin hocha lentement la tête sans jamais détacher ses yeux d'Eryn. Tour à tour, chacun baissa son arme de fortune et se rassit, toujours dans un silence de mort, que le seul nain toujours debout brisa à nouveau.
- Je compte bien recevoir des réponses. Explique-toi sans tarder, ordonna-t-il.
- Allons, Thorin, ce n'est qu'une jeune femme. Il me semble que la politesse est de mise, réprimanda Gandalf en haussant un sourcil.
Bien que le magicien aborde la situation avec plus de douceur que ses compagnons nains, il avait l'air tout aussi suspicieux. Eryn lui était néanmoins grandement reconnaissante pour ses efforts.
Alors qu'elle essaya d'ouvrir la bouche et enfin émettre ses premiers mots, elle fut prise à nouveau d'une violente vague de vertige qui la fit tituber. Elle se rattrapa en agrippant le dossier de la chaise la plus proche, celle de Thorin, et tenta de reprendre ses esprits. Ce fut après quelques secondes d'hésitation qu'elle se décida enfin à prendre la parole.
- Excusez-moi, je ne me sens pas très bien. Est-ce que je peux m'asseoir ? Implora-t-elle en s'approchant de la table.
- Restez où vous êtes, commanda Thorin, sur ses gardes. Je vous interdis de bouger tant que vous ne m'aurez pas répondu.
Une fois encore, Gandalf vint à sa rescousse.
- Bilbon, laissez-lui donc votre chaise, demanda-t-il. Venez par ici ma chère, installez-vous. Vous êtes très pâle.
Bilbon se leva et tira la chaise sur laquelle il était assis. En voyant la jeune femme chanceler, il l'attrapa par le coude et l'aida à s'y installer. Elle le remercia d'un sourire qu'il rendit timidement.
Depuis son réveil quelques minutes plus tôt, et pour une raison qu'elle ignorait, la terre n'avait cessé de bouger sous ses pieds. Elle avait beau secouer la tête, fixer un point imaginaire face à elle, il n'y avait rien à faire, elle ne pouvait se débarrasser de son malaise. Pire encore, une fatigue qu'elle n'avait pas ressentie jusque-là l'empêchait de réfléchir correctement.
Mais s'asseoir sur ce fauteuil permit à Eryn de se sentir immédiatement beaucoup mieux. La pièce avait cessé de tourner autour d'elle et ses joues reprirent petit à petit leur teinte rosée.
- Bien, reprit Gandalf. À présent, pouvez-vous nous donner votre nom, et la raison de votre présence ici ? Interrogea-t-il.
Eryn lança un regard hésitant vers Thorin qui s'était rassi en bout de table, à sa droite. Il l'observait d'un air sévère et tapotait impatiemment ses doigts sur la table.
- Je m'appelle Eryn Beaumont, s'empressa-t-elle de répondre.
Elle se demanda si elle ferait mieux de raconter toute la vérité, mais décida vite de ne révéler que le nécessaire lorsqu'elle se souvint de la réaction violente des nains en l'apercevant quelques minutes plus tôt. Elle n'avait aucune envie de les mettre encore plus sur leur garde en leur apprenant qu'elle connaissait chacun de leur nom et bien plus encore.
- Je… J'aimerais pouvoir vous dire comment je suis arrivée ici, continua-t-elle. Mais honnêtement, je n'en ai aucune idée. Je me suis réveillée sur le sol de la cave à vin i peine dix minutes et je ne sais pas comment j'ai atterri ici.
Le sourcil de Thorin tressaillit d'agacement à l'écoute des explications de la jeune femme qu'il trouvait plus qu'insatisfaisantes.
- Vous ne pensez tout de même pas que je vais vous croire ? Se moqua-t-il. Comment avez-vous pu vous trouver dans la cave sans être passée par la porte d'entrée ?
- Je vous assure, je n'en ai pas la moindre idée. Croyez-moi, je voudrais le savoir autant que vous, soupira Eryn.
Plusieurs des nains grondèrent bruyamment, incrédules. Dwalin fut le premier à faire connaître son opinion.
- Tu penses vraiment qu'on va gober ce que tu nous racontes ? Pour qui tu nous prends ? S'exclama-t-il, menaçant.
Gloin prit la relève dans son indignation.
- Moi, elle m'a tout l'air d'une espionne ou d'un assassin, envoyée pour nous charmer avec ses airs de damoiselle en détresse pour mieux nous tuer dans notre sommeil, s'écria-t-il en bondissant de sa chaise.
Bifur, qui ne parlait que la langue des nains, lança quelque chose en Khuzdul qui fit réagir le reste de la compagnie. Des hochements de tête et des murmures d'approbation s'en suivirent. Déconcertée, Eryn tourna un regard suppliant vers Gandalf. Elle s'attendait peut-être à une expression plus douce de sa part, peut être même plus confiante, mais son visage ne laissait passer aucune de ses émotions.
Le brouhaha ne fit que prendre en intensité et bientôt la jeune femme se retrouva au milieu d'un déchaînement de nains qui s'exclamait dans un mélange incompréhensible de langue commune et de Khuzdul. Sentant que les choses ne tournaient pas en sa faveur, elle essaya de rassurer le reste du groupe.
- Je ne suis pas une espionne ! Je n'ai aucunes mauvaises intentions et je n'ai pas menti, je le jure, se défendit-elle.
Gandalf posa une main sur son épaule, la priant de le laisser gérer la colère de la compagnie. Durant sa longue vie, il avait eu maintes fois affaire aux nains, et il n'y avait bien souvent qu'une seule chose qui pouvait apaiser ce genre de situation : employer la manière forte.
Il se leva et s'étendit de toute sa hauteur, ou du moins de toute celle que lui permettait le plafond bas de la petite demeure de Hobbit, et, frappant son bâton sur le sol, gronda d'une voix tonitruante :
- L'heure n'est pas aux querelles inutiles, maîtres nains.
L'effet fut instantané. Tous se turent au même moment, et même les plus bruyants des nains, qui n'avaient pas hésité à se lever et semblaient prêts à en venir aux mains quelques minutes plus tôt, s'étaient ratatinés dans leur chaise sous le poids du regard du magicien. Ce dernier, satisfait de constater qu'il n'avait pas perdu de son influence, s'adoucit et s'appuya sur son bâton avant de continuer :
- Si vous le voulez bien, nous reprendrons dans un peu plus de calme et parviendrons peut-être enfin à trouver une solution.
Dans toute la sagesse que lui conférait son statut de nain le plus âgé de la compagnie, Balin, qui sentit la tension remonter presque immédiatement après le numéro du magicien, se leva et prit la parole à son tour.
- Peut-être serait-il plus judicieux de poursuivre cette conversation en privé, proposa-t-il en lançant un regard vers Eryn et Bilbon. Après tout, il s'agit d'une décision importante qui, il me semble, doit être discutée par les membres officiels de la compagnie.
Il mit l'accent sur le mot "officiel" et Eryn comprit très bien où il voulait en venir. Elle et Bilbon, qui n'avaient pas encore signé le contrat, n'avaient pas leur mot à dire dans cette conversation. Elle était réticente à l'idée de laisser les nains décider de son sort, quelque chose qui la concernait entièrement, sans pouvoir participer. Mais elle comprit pourquoi Balin était intervenu lorsqu'elle sentit l'atmosphère s'apaiser. Il ne la regardait pas d'un œil soupçonneux comme le reste de la compagnie. Il avait un air plus doux et compréhensif, et elle décida d'interpréter son geste comme de la bienveillance. Il essayait de lui épargner les foudres des nains, qui pour la plupart ne mâchaient pas leurs mots. Eryn avait toujours détesté la confrontation. Elle lui en était donc reconnaissante, d'une certaine façon.
Thorin, qui jusque-là était resté silencieux alors que ses compagnons se déchaînaient, hocha la tête, décidé.
- Dwalin, accompagne-la à l'extérieur avec Monsieur Sacquet.
Le nain prénommé Dwalin, sans doute le plus intimidant de tous avec son crâne rasé, ses tatouages et l'épaisseur impressionnante de ses biceps, se leva et se dirigea d'un pas lourd vers la sortie. Sur son chemin, il fit un signe de tête accompagné d'un grognement vers Eryn et Bilbon, leur ordonnant de le suivre.
- Garde un œil sur elle. S'il lui prend l'idée s'enfuir, prend les mesures nécessaires pour lui passer l'envie de réessayer, ajouta Thorin, en fixant un regard lourd de sens sur la jeune femme.
Il ne plaisantait pas, et elle comptait bien prendre son avertissement très au sérieux.
Eryn se dirigea vers la porte d'entrée après Bilbon, elle-même suivit de près par un nain d'une humeur particulièrement mauvaise, et armé de deux haches dont les lames aiguisées brillaient sous la lueur des lampes à huile. Une situation qu'elle n'aurait jamais cru vivre, et qu'elle aurait bien aimé éviter.
Une fois dehors, elle entendit la porte se fermer lourdement derrière elle et poussa un long soupire, très vite imitée par un Bilbon décontenancé et poussé à bout. Elle le suivit des yeux alors qu'il se laissait tomber sur un petit banc, sourcils froncés. Il glissa une main à l'intérieur de sa veste d'où il sortit une longue pipe de bois. Il la coinça entre ses lèvres et en mâchouilla le bout sans prendre la peine de l'allumer. Eryn, très mal à l'aise à l'idée de rester à côté d'un Dwalin fumant et qui la fixait comme si elle allait prendre ses jambes à son cou à tout moment, décida de lui tenir compagnie. Elle s'installa à côté du Hobbit et enveloppa ses bras autour de ses genoux afin de se protéger de l'air frais.
La nuit était tombée et avec elle avait apporté la froideur de la lune. Celle-ci brillait d'une lueur intense et l'absence d'éclairage extérieur lui permettait de baigner le paysage d'une teinte blanche. Des kilomètres de collines verdoyantes s'étendaient face à Eryn mais elle ne put en distinguer que les contours. C'était une vision qu'elle avait toujours voulu admirer mais les circonstances ainsi que la noirceur de la nuit l'empêchait de réellement en profiter.
Sentant la mélancolie l'envahir, Eryn détacha son regard de la nature endormie et le tourna vers Bilbon. D'une main, il tenait sa pipe, et de l'autre, il fouillait les poches de son pantalon à la recherche de quelque chose. Après plusieurs secondes durant lesquelles l'agacement se fit de plus en plus évident sur son visage, il en sortit finalement une petite boîte d'allumette dont il se servit pour allumer sa pipe. Il se tourna vers Eryn et lui tendit la boîte.
- Vous fumez ? Demanda-t-il.
La jeune femme secoua la tête. Elle n'avait jamais fumé de sa vie, mais si elle devait commencer, elle aurait choisi ce moment sans problème. Malheureusement (ou heureusement), elle n'avait pas l'habitude de se balader avec une pipe ou un paquet de cigarette qu'elle n'utiliserait pas.
Bilbon haussa les épaules et rangea les allumettes au fond de sa poche. Il prit plusieurs bouffées de sa pipe qu'il relâcha dans un profond soupire.
Après plusieurs minutes d'un silence intenable, Eryn se décida enfin à prendre la parole.
- Bon, commença-t-elle, hésitante. Ça aurait pu être pire.
Génial, se dit-elle. De toutes les choses qu'elle aurait pu dire, il avait fallu qu'elle commence par ça.
À en juger par l'expression ahurie du Hobbit, elle aurait mieux fait de réfléchir à deux fois avant de balancer la première chose qui lui était passée par la tête.
- Ah ! S'esclaffa-t-il. Essayez donc de vous faire voler votre dîner par une bande de nains avec les pires manières qu'il soit, puis de vous faire chasser de chez vous comme un malpropre ! Laissez-moi vous dire, si les choses avaient pu être pires, elles auraient fini par ma mort.
Il tira agressivement sur sa pipe, de plus en plus frustré.
- Enfin, la soirée n'est pas encore terminée, qui sait quel malheur pourrait encore nous tomber dessus.
Eryn ne sut quoi lui répondre. Elle se sentit soudain très coupable d'être arrivée de cette façon chez Bilbon, bien qu'elle-même n'ait rien demandé. Elle ne savait que trop bien pour avoir lu le livre et vu le film des milliers de fois que la soirée avait été plus que mouvementée et forte en émotion pour le tranquille petit homme de la Comté. Alors qu'elle ouvrit la bouche et s'apprêtait à lui présenter ses excuses, Bilbon fut plus rapide.
- Pardonnez mon impolitesse, ce fut une très longue journée, soupira-t-il d'un air confus. Vous êtes celle qui a fini dans la cave à vin d'un parfait inconnu, menacée par une douzaine de nains aux couteaux acérés. Ce devait être terrifiant. Pour sûr, ça n'est pas une vision devant laquelle j'aimerais me réveiller.
Il se retourna vers Dwalin, qui n'avait pas quitté Eryn des yeux et se tenait toujours sur ses gardes, armes à la main.
- Sans vouloir vous vexer, Monsieur Dwalin, ajouta-t-il avec un mouvement de pipe dans sa direction. Le nain répondit avec un autre de ses grognements caractéristiques.
- Alors vous me croyez ? Demanda Eryn, pleine d'espoir. Savoir qu'au moins une seule des personnes présentes ici ne la prenait pas pour une menteuse lui remonterait grandement le moral.
- Eh bien, je ne prétends pas m'y connaître en termes d'espion ou d'assassin, mais je doute réellement que vous en ayez l'étoffe. En revanche, je sais reconnaître une jeune femme respectable quand j'en vois une, dit-il avec un petit sourire.
Eryn senti son cœur se réchauffer. Bilbon avait tout du gentil Hobbit qu'elle avait imaginé, bienveillant et toujours à la recherche du meilleur chez les autres.
- Merci beaucoup Bilbon, vous ne pouvez pas savoir à quel point ça me touche, dit-elle sincèrement, une main sur la poitrine.
Il était sur le point de balayer ses remerciements d'un geste de la main lorsqu'ils entendirent les voix des nains s'élever depuis l'intérieur de la maison. Une autre de leurs disputes animées avait éclaté.
- Vous me remercierez lorsque nous serons tous biens vivants et au chaud au fond d'un bon lit, soupira-t-il en secouant la tête.
À l'intérieur, le silence était assourdissant. La porte venait tout juste de se fermer dans un bruit sourd derrière Eryn, Bilbon et Dwalin, et la tension autour de la table était palpable. Personne n'osait prononcer le premier mot de peur qu'une nouvelle vague d'insultes et de gestes grossiers s'en suive.
Le seul qui eut le courage de briser le silence fut Gandalf qui, fatigué de sa soirée passée à supporter l'entêtement des nains, avait hâte d'en finir avec cette nouvelle source de querelles. Après avoir pris une bonne bouffée de sa pipe, il se redressa dans sa chaise et d'une voix ferme et ne laissant aucune place à la discussion, il annonça :
- Quoique notre cher Bilbon décide de faire concernant cette quête, elle ne peut pas rester ici.
Cette affirmation suffit à relancer la dispute de plus belle. Chacun avait son mot à dire et le faisait savoir sans considération pour le voisin de tablée qui déjà essayait de crier son avis plus haut que les autres. Le résultat était un concert de voix graves et haut perchées, de gestes insultants et de leurs réponses scandalisées.
- Il faut l'envoyer à Ered Luin et l'y enfermer ! Lui montrer ce que les nains réservent aux assassins ! Lança l'un, suivit de plusieurs hochements de tête enthousiastes.
- Et la laisser s'en tirer avec des jours paisibles dans les cachots ? Et puis quoi encore ! Si elle est de mèche avec la vermine envoyée pour tuer Thorin, il faut l'éliminer sans attendre, jeune femme ou non ! Répondit l'autre sans tarder.
Cette fois-ci, Gandalf en eut assez. Il choisit de les laisser s'étriper si tel était la manière des nains. Il attendit patiemment, tirant sur sa pipe, que la compagnie se calme.
Ce ne fut qu'après que Thorin ait grondé l'ordre de se taire suivit d'un de ses regards à glacer le sang qu'enfin le silence revint. Heureusement, les longues minutes de brouhaha n'avaient pas été une totale perte de temps puisqu'elles avaient permis au magicien de réfléchir et arriver à une conclusion.
- C'est décidé, annonça-t-il. Elle nous accompagnera en attendant qu'une meilleure option s'offre à nous.
Gloin sentit le rouge lui monter aux joues. Il avait bien compris que Gandalf était du côté de la gamine et avait gobé toute son histoire, mais lui n'était pas dupe. Il était hors de question qu'elle voyage parmi les nains, comme si elle était l'une d'entre eux.
- Une meilleure option ? Pff ! S'offusqua-t-il. Pourquoi ne pas tout bêtement l'abandonner sur la route ? Avec un peu de chance elle finira dévorée par les loups ! Un sort plus que convenable pour une espionne.
À cela, le magicien fronça les sourcils. Il connaissait la loyauté sans faille des nains et leur nature intransigeante. S'attaquer à leurs proches était la pire chose à faire tant ils le prendraient personnellement et répondraient sans pitié. Et si c'était une qualité très appréciée dans la plupart des cas, cette fois-ci, c'en était trop.
Il s'apprêtait à réprimander le nain à l'épaisse barbe rousse mais Thorin réagit plus rapidement.
- Et lui laisser l'opportunité de retourner vers les siens et leur rapporter le moindre détail de notre quête ? Non, je ne prendrai pas le risque. Qui sait combien de temps elle a passé tapis dans l'ombre, à écouter aux portes, s'indigna-t-il.
- Ne soyez pas trop hâtifs dans votre jugement, maîtres nains, leur pria Gandalf. Nous ignorons encore tout de cette jeune femme mais il n'y avait aucune tromperie dans ses intentions.
Dori, qui jusqu'ici s'était contenté de siroter la tasse de thé qu'il avait vidé et rempli plusieurs fois depuis le début de la conversation, ne put retenir son incrédulité.
- Vous n'allez tout de même pas nous dire que vous la croyez, Gandalf ! S'écria-t-il.
- Il est clair qu'elle ne nous a divulgué qu'une partie de la vérité mais elle ne nous a pas menti, insista-t-il. Nous ne la mettrons pas en danger inutilement avant d'avoir obtenu toutes les informations nécessaires pour prendre une décision juste et convenable.
Bien que dit sur un ton tout à fait courtois, les nains comprirent : c'était une chose sur laquelle le magicien ne compromettrait pas.
- Alors que proposez-vous ? S'enquit Thorin qui, en bon chef, avait pris soin d'écouter attentivement l'avis de chacun de ses compagnons.
- Elle nous suivra sur notre chemin vers le Mont Solitaire jusqu'à nouvel ordre.
En voyant la grimace se former sur le visage de Thorin, Gandalf ajouta :
- Cela vous permettra de la garder à l'œil, et d'empêcher les nouvelles de votre quête de se répandre auprès des mauvais individus. C'est notre meilleure option, croyez-moi.
Cela sembla suffire à convaincre Thorin qui, bien que réticent, hocha la tête et repris d'un ton ferme :
- Bien, nous ferons comme vous nous le conseillez.
La décision était prise et le verdict rendu. C'était ainsi que les choses se dérouleraient et l'entièreté de la compagnie l'accepta, certains plus facilement que d'autres.
Après cette discussion longue et mouvementée, Thorin sentit le poids de la soirée peser sur ses épaules. Il poussa un long soupir et croisa les bras au fond de son siège.
- Comme si nous avions besoin de ce genre de problème avant même notre départ, grogna-t-il d'une voix à peine audible.
Gandalf, qui l'avait entendu, tenta de le rassurer :
- Ne vous en faites pas trop, Thorin. Je suis certains que ce n'est pas de cette jeune fille dont vous devrez vous inquiéter sur votre route.
En effet, Thorin en était bien conscient : ce ne serait pas le premier obstacle auquel les nains devraient faire face au cours de leur long voyage vers le Mont Solitaire. Il ne connaissait que trop bien les nombreux dangers qui se trouvaient à l'extérieur pour y avoir été confronté maintes fois. Que représentait une pauvre enfant perdue face à la fureur du dragon qui les attendait au bout du chemin ?
- Je vous laisse lui annoncer la nouvelle. Vous semblez déterminer à prendre sa défense, elle sera votre responsabilité, conclut-il.
Sur ce, il quitta la salle à manger d'un pas digne pour se diriger vers le salon dans lequel étaient rassemblées leurs affaires. Plusieurs de ses compagnons le suivirent et il ne resta dans la salle à manger que Dori et Ori qui s'apprêtaient à se lever à leur tour, et Balin qui rassemblait les documents éparpillés sur la table avant de les glisser à l'intérieur de sa veste.
Gandalf se redressa lui aussi et mit une main sur l'épaule du jeune nain à l'écharpe et aux gants de laine qui passait devant lui.
- Mon cher Ori, allez donc chercher notre mystérieuse invitée, voulez-vous, demanda gentiment le magicien.
Le nain, d'une nature timide et peu bavarde, se contenta de hocher la tête avant de filer vers la porte d'entrée. Il n'était pas encore habitué à la présence d'un homme si grand parmi eux et était fort impressionné.
Ses compagnons s'étaient à présent tous regroupés dans le salon. On pouvait les entendre rire et discuter gaiement depuis la salle à manger. C'était un changement agréable d'ambiance après toute la tension d'un peu plus tôt. Telle était la nature des nains : ils pouvaient passer d'une colère fracassante à des éclats de rire en quelques minutes, de la manière la plus naturelle au monde.
C'est avec un sourire au bout des lèvres que Gandalf se dirigea vers la petite pièce aux nombreuses étagères remplies de livre, qui servait à la fois de bureau et de salle de lecture. Il s'installa lourdement dans un des fauteuils qui, étant pourtant bien plus large que les deux autres, restait trop étroit pour que le magicien y soit totalement à l'aise. C'était néanmoins serré entre les accoudoirs en cuir qu'il attendit patiemment le retour de la jeune fille. Une jeune fille tout à fait curieuse, qui était apparue en plein milieu d'une rencontre pourtant organisée dans le plus grand secret. Il était vrai que Gandalf n'avait décelé aucun mensonge ni aucune mauvaise intention chez elle, et il avait l'œil pour ce genre de chose. Cependant, elle n'avait clairement pas révélé toute la vérité. Ce qui était compréhensible étant donné les circonstances de son arrivée et l'accueil rustre qu'on lui avait réservé. N'importe qui hésiterait à livrer librement des informations pouvant être délicates à un groupe de nains aussi revêches qu'intimidants. Le magicien espérait néanmoins que la jeune femme soit plus encline à raconter son histoire dans un cadre un peu plus intime et beaucoup moins menaçant.
Il n'eut pas à patienter longtemps pour entendre les pas de deux personnes dans le couloir. Il observa avec amusement une longue tignasse brune apparaître timidement dans l'encadrement de la porte.
- Bonsoir, Gandalf, salua-t-elle. Vous vouliez me voir ?
- Entrez ma chère, et installez-vous. Je souhaitais simplement discuter un peu avec vous, rien de bien méchant, rassura le magicien.
Eryn, anxieuse à l'idée d'essuyer un autre interrogatoire et de ne pas savoir comment répondre aux questions, se glissa avec hésitation dans la pièce. Elle était suivie de très près par le nain chauve qui, comme son ombre, marchait dans ses pas depuis le début de la soirée. Elle s'était presque habituée à son aura imposante et il ne l'effrayait plus autant qu'avant, du moins il l'effrayait bien moins qu'il ne l'agaçait à ce moment précis. Elle ne prit pas la peine de cacher sa grimace lorsqu'il planta fermement ses deux pieds dans l'entrée et continua à la fixer d'un œil dédaigneux. Gandalf remarqua son malaise et décida de l'en délivrer. Il n'avait de toute façon pas l'intention de faire profiter le nain de leur conversation.
- Merci Monsieur Dwalin, je crois que je pourrai prendre la relève à présent, le congédia-t-il fermement.
Le guerrier plissa les yeux et les dévisagea plusieurs secondes les bras croisés, réservé à l'idée de laisser le magicien et la jeune fille sans surveillance. Eryn tenta de se faire la plus petite possible dans l'idée d'adoucir ne serait-ce qu'un peu l'image que le nain se faisait d'elle. Il dut conclure qu'elle ne présentait pas une menace particulièrement importante, car il relaxa sa position et tourna les talons dans un grognement.
- Hmph.
Après qu'il eut disparu au fond du couloir, Eryn prit la liberté de fermer la porte et se tourna de nouveau vers le magicien. Ce dernier fit signe vers le fauteuil à son opposé d'un geste de sa pipe. Comprenant l'allusion, la jeune femme s'installa dans le siège aussi confortablement qu'elle le put, c'est-à-dire très peu, à cause de la petitesse du meuble et de l'anxiété qui ne cessait de monter à l'idée de devoir répondre à de nouvelles questions, surtout dans l'état fatigue dans lequel elle se trouvait. Elle s'y prépara tout de même et attendit que le vieil homme prenne la parole. Il ne le fit que de longues secondes plus tard, après avoir rallumé sa pipe éteinte depuis longtemps et prit plusieurs bouffées. Il n'avait pas l'air pressé d'en finir contrairement à Eryn.
- Drôle de soirée, n'est-ce pas ? Dit-il enfin sans rien ne laisser paraître.
- Effectivement… Je n'aurais jamais imaginé finir dans cette situation un jour, soupira la jeune fille.
- Est-ce particulièrement rare, d'où vous venez, de faire la rencontre de nains et de hobbits ? Demanda-t-il avec une fausse innocence.
Eryn compris très bien où il venait en venir. Elle n'était pas étonnée ; le magicien, fidèle à sa réputation, n'était pas du genre à parler pleinement. Non, il trouvait bien plus amusant de chercher des réponses par des moyens détournés. Malheureusement pour lui et heureusement pour elle, elle avait beau être d'un tempérament discret et silencieux, elle savait manier les mots presque aussi bien qu'un politicien.
- Oui, ils ne courent pas les rues, c'est certains, répondit-elle.
Elle fit l'effort d'utiliser le même registre soutenu que le magicien employait dans le but de masquer le plus possible son étrangeté. Cela demanderait une certaine pratique avant de s'y habituer, mais elle était étonnée de constater que les mots lui venaient assez naturellement. Les heures passées enfermée chez elle à dévorer des livres avaient peut-être leur utilité après tout.
- Quoi qu'il en soit, c'est une bonne chose que vous ayez croisé notre chemin, si vous êtes aussi égarée que vous le dîtes. Bien que la Comté soit relativement sûre, qui sait ce sur quoi vous auriez pu tomber seriez-vous apparue dans n'importe quelle autre partie de ce monde, reprit Gandalf.
Eryn ne sut que répondre et se contenta de hocher la tête. L'approche du magicien la rendait nerveuse. Elle avait peur de trop ou ne pas assez en dire et d'éveiller sa curiosité sur certaines choses qu'elle aimerait pour le moment garder secrètes. Elle avait cependant bien l'intention de partager une partie de la vérité. S'il était un tant soit peu fidèle à sa description, lui et Bilbon seraient sans doute les plus dignes de confiance. De plus, elle ne sentait aucune malveillance ni dédain de sa part à son encontre et elle ne pouvait en dire autant du reste de la compagnie. Il restait bien évidemment suspicieux, mais qui pouvait lui en vouloir ? Elle espérait qu'en faisant un pas dans sa direction et en se montrant honnête avec lui, il pourrait en retour partager ses connaissances et sa sagesse dans l'espoir de trouver une solution. Elle se décida à parler en voyant le magicien tirer pensivement sur sa pipe. Il n'était toujours pas pressé d'en finir, mais Eryn n'avait qu'une chose en tête : dormir.
- Gandalf, il y a une chose dont j'aimerais vous parler, avoua-t-elle.
- Je vous écoute, parlez librement, encouragea le vieil homme d'une voix rassurante.
Eryn prit une profonde inspiration avant de se lancer. Elle ne savait trop par où commencer et décida de laisser la conversation suivre son cours. Gandalf aurait sans doute tout un tas de questions à lui poser après avoir entendu son récit.
- Eh bien, pour commencer, je n'ai pas été tout à fait honnête avec vous. Il est vrai que je ne sais pas vraiment comment j'ai pu finir ici, mais je me souviens de ce qu'il s'est passé avant ça, expliqua-t-elle. Le magicien hocha patiemment la tête et lui fit signe de continuer. En fait il ne s'est rien passé de spécial, vraiment. J'ai pris mon dîner, je me suis brossé les dents, j'ai lu un livre… Et je suis allée me coucher, comme tous les jours. La seule différence, c'est que je ne me suis pas réveillée dans mon lit, mais sur le sol gelé d'une cave à vin. Et pas n'importe laquelle en plus, de tous les endroits possibles, il a fallu que je tombe chez Bilbon. Enfin, y'a pire comme endroit, j'aurais pu finir au fond de la Moria ou devant les portes du Mordor, et là j'aurais moins fait la maligne, rit-elle avec sarcasme.
Elle ne s'en était pas rendu compte mais à mesure que la frustration augmentait, elle se remettait à parler avec familiarité comme elle l'avait toute sa vie. Gandalf nota cette différence et arrangea petit à petit les pièces du puzzle.
- Serait-ce possible ? Murmura-t-il entre deux bouffées de fumée.
Sa façon étrange de s'exprimer, ses vêtements hors du commun et l'histoire incroyable qu'elle prétendait lui être arrivée pointaient tous dans la même direction : elle ne venait pas d'ici. Pire encore, elle venait probablement d'un monde tout à fait différent. Le magicien n'aurait jamais cru pouvoir être témoin d'un tel évènement au cours de sa longue existence, et pourtant. Si la jeune femme disait vrai, et Gandalf en était presque convaincu, alors toutes les théories avancées par les elfes sur l'existence de l'esprit et plus encore, sur la possibilité du voyage astrale, seraient validées. Ce serait une découverte inestimable dans leur compréhension du monde.
Lentement, comme digérant encore la conclusion à laquelle il était parvenu, le vieil déposa sa pipe sur la tablette recouverte d'une pile de livre à ses côtés, et plia ses mains sur ses genoux.
- Mademoiselle Beaumont, jamais je n'aurais imaginé croiser le chemin d'une voyageuse d'entre-les-mondes de mon temps. Je dois dire que je n'étais pas préparé à une telle découverte en rendant visite à un vieil ami, avoua-t-il doucement.
Eryn cru l'avoir mal entendu et eu besoin de quelques secondes pour enregistrer ses mots. Une voyageuse d'entre-les-mondes ? Elle n'avait jamais entendu parler d'une telle chose. Mais lorsqu'elle se rappelait la manière dont elle était arrivée dans la demeure du Hobbit elle comprit peu à peu ce à quoi il faisait allusion. D'une manière ou d'une autre et bien que de façon totalement inconsciente elle avait trouvé le moyen de quitter sa réalité pour une autre : un voyage entre les mondes.
Comment était-ce possible ? On aurait dit un scénario sorti tout droit d'un film de science-fiction. Ce genre de chose n'arrivait pas dans le monde réel.
- Je ne suis pas certaine de comprendre où vous voulez en venir, Gandalf, répondit-elle, refusant d'y croire.
Elle aurait besoin de bien plus d'explications avant de pouvoir admettre une telle possibilité. Pour le moment, elle décida de miser sur une théorie bien plus plausible. À tous les coups, elle s'était endormie au beau milieu d'une fuite de gaz qui lui donnait des rêves complètement loufoques et plus vrais que nature. C'était tiré par les cheveux mais déjà plus crédible que la conclusion à laquelle le magicien semblait être arrivé. Néanmoins, ce dernier avait l'air plus que convaincu de sa découverte.
- Au contraire, mon enfant, je crois que vous voyez très bien de quoi je parle.
Elle baissa les yeux sous le regard perçant du magicien et les fixa sur ses doigts qui, inconsciemment, s'étaient mis à tirer sur les coutures de l'ourlet de son teeshirt. D'une voix à peine audible, elle reprit :
- J'aurais traversé je ne sais quelle dimension pour finir ici, un monde créé de toutes pièces dans un roman fictif ? Ça n'a aucun sens. Ce genre de chose n'existe pas.
Son ton était presque implorant : elle semblait supplier le vieil homme de revenir sur ses mots, de laisser tomber son numéro et d'avouer être derrière la plus grosse blague du siècle. Mais non. Il était on ne peut plus sérieux.
- Eh bien c'est en effet très curieux et une occurrence particulièrement rare, néanmoins pas totalement aussi improbable qu'on peut le penser.
S'il avait haussé les sourcils à l'évocation du livre, il décida de ne pas insister pour le moment. La jeune femme semblait totalement perdue et découragée. Il sentait que la fatigue pesait lourdement sur elle et qu'elle gardait les séquelles de son voyage astral, d'où les vertiges auxquels elle semblait être sujette. Il ne la tourmenterait pas plus pour la soirée.
- Je comprends que ce soit difficile à imaginer mais il semblerait que ce soit bien réel. Dans tous les cas, soyez rassurée, je n'ai pas l'intention de vous laisser traverser cette situation seule. Vous avez mon soutien, lui assura-t-il avec un sourire bienveillant.
Eryn releva un regard plein d'espoir et de gratitude vers le magicien qui sentit son cœur s'adoucir face à la vulnérabilité de la jeune femme. Oui, il ferait tout son possible pour lui venir en aide. Bien que la quête des nains soit de la plus haute importance, il ne la laisserait pas tomber. Il avança une main ridée qu'il déposa sur le genou d'Eryn et serra gentiment.
Ce geste simple lui réchauffa le cœur. Mine de rien, le mauvais accueil qu'on lui avait réservé, bien que compréhensible, l'avait grandement blessée. Personne n'aimerait être confronté de la sorte par les personnages qu'ils admiraient depuis toujours. Mais là se trouvait toute la différence : Thorin et compagnie n'étaient pas des personnages fictifs. Ici, ils étaient bien réels, ils avaient une vie, des valeurs, des rêves et des désirs, et surtout, ils avaient tout à perdre si les choses ne se passaient pas comme prévu. Et Eryn était le summum de l'imprévu.
- Concernant votre futur au sein de la compagnie, à présent, reprit le magicien. Thorin a décidé de vous laisser voyager avec nous jusqu'à nouvel ordre.
À cela, la jeune femme sentie une pointe d'excitation mêlée à de l'inquiétude la prendre aux tripes. Participer à une aventure de cette ampleur était tout ce dont elle avait rêvé pendant des années mais elle ne connaissait que trop bien les dangers qui les attendraient au détour de chaque route. Elle n'était pas sûre de vouloir affronter des orques, gobelins et autres créatures cauchemardesques, même si sa connaissance des événements représentait un avantage non négligeable. Avec un peu de chance elle réussirait à se montrer utile à la compagnie.
- Néanmoins, j'ai dû le convaincre de prendre cette décision, et il ne l'a pas fait de bon cœur. Ne vous attendez pas à un accueil particulièrement chaleureux de la part des nains, avertit Gandalf.
- Évidemment, je peux le comprendre, répondit Eryn, tout de même déçue de ne pas avoir pu les rencontrer dans des circonstances différentes.
- Mais ne vous en faites pas trop. Je suis certains que vous apprendrez à vous faire mutuellement confiance en temps voulu.
La jeune femme décida de faire confiance au magicien. Il était connu pour ses talents de prophète et beaucoup de ses intuitions se révélaient fondées.
Malgré tout, une question trottait dans la tête d'Eryn. Elle était étonnée que Gandalf ne l'ait pas interrogée plus en profondeur concernant son monde et ce qu'elle savait, surtout après avoir parlé du livre qui après tout décrivait chaque étape de la quête, du début à la fin. Elle décida d'être honnête avec lui et de lui faire savoir.
- Vous n'avez pas plus de questions à me poser ? Demanda-t-elle.
- Oh si, détrompez-vous, rit-il. Il y a encore beaucoup de points que je souhaiterais éclaircir. Je crois cependant que nous sommes tous fatigués et pourrions profiter de quelques heures de sommeil avant de nous mettre en route demain matin.
- À ce propos, je n'ai rien d'autre que ces vêtements avec moi, rappela Eryn. Je n'ai pas de quoi voyager.
- Ne vous inquiétez pas pour ça. Bilbon vous préparera un sac avec tout ce dont vous pourriez avoir besoin, ça ne sera pas un problème.
Sur ce, Gandalf se leva et Eryn le suivit jusqu'à la porte. Lorsqu'elle se rendit compte qu'il ne la suivait pas, elle se retourna.
- Vous ne venez pas ? Interrogea-t-elle.
- Non, je crois que je vais rester profiter de cette bibliothèque un peu plus longtemps. Je suis sûre que Bilbon aura une chambre que vous pourrez utiliser. Reposez-vous bien, Mademoiselle Beaumont.
Avant de tourner les talons, la jeune fille décida de montrer toute sa gratitude au magicien qui avait été si bienveillant et compréhensif à son encontre.
- Merci pour tout, Gandalf. Et je vous en prie, appelez-moi Eryn.
Elle quitta la pièce avec un sourire sur les lèvres et le cœur un peu plus léger et la porte se referma derrière elle. Elle aurait difficilement pu espérer mieux pour son entretien avec Gandalf. Certes, elle avait appris contre toute attente qu'elle avait dépassé les lois de la physique pour se retrouver en Terre du Milieu, mais tout n'était pas perdu. Pour commencer, elle avait le soutien de Gandalf et sans doute aussi celui de Bilbon dont elle adorerait faire la connaissance. De plus, elle avait senti que le magicien n'était pas totalement ignorant sur la question du "voyage entre les mondes", comme il l'avait appelé. Ils n'avaient pas eu l'occasion d'en parler en détail ce soir-là mais elle comptait bien relancer le sujet à la première occasion. Ce n'était pas plus mal au final. Elle peinait déjà à marcher droit à cause de la fatigue et n'avait aucune envie de rester debout toute la nuit pour parler d'un sujet aussi complexe. Et qui sait, avec un peu de chance, peut-être même que le célèbre magicien gris serait en mesure de la ramener chez elle.
Dans tous les cas, la seule chose dont elle devait se préoccuper pour le moment était de trouver un lit, de préférence à sa taille, et d'y rester enfouie jusqu'au lendemain. Première étape pour mettre son plan à exécution : trouver Bilbon.
Elle n'eut pas besoin de le chercher longtemps puisqu'elle le croisa au fond du couloir, une pile de linge propre dans les bras.
- Ah ! Mademoiselle Eryn, vous voilà. J'ai préparé une des chambres pour vous, j'espère que cela vous conviendra. Heureusement, j'en ai une dont le lit est particulièrement grand. Vos pieds ne devraient pas trop dépasser de la couette. Je vous conseillerais tout de même d'enfiler la paire de chaussettes que je vous laisse, Eru sait à quel point les petits pieds des hommes sont fragiles et je ne voudrais pas que vous attrapiez froid. Quel terrible hôte cela ferait de moi.
La bonne humeur et la loquacité du Hobbit amusèrent Eryn. Elle sentit qu'il serait facile de lui parler et ne put s'empêcher de vouloir devenir son amie. Sa gaieté était communicative et lui faisait un bien fou.
- … Enfin, voilà votre chambre, finit-il lorsqu'ils arrivèrent devant l'entrée.
Bilbon poussa la porte et, attentif à ses manières, laissa son invitée entrer en première. Il se glissa derrière elle et déposa la pile de linge blanc au pied du lit. En effet, il était particulièrement grand comparé à la petite taille du Hobbit. Les draps épais et duveteux d'un vert pâle étaient brodés de plusieurs rangées de fleurs de toutes sortes et avaient l'air particulièrement doux et confortables. Eryn n'avait qu'une envie : oublier toute bienséance et se jeter comme une enfant sur le lit. Elle n'en fit rien, ne voulant pas mettre son hôte dans l'embarras, et se contenta de contempler admirativement le reste de la pièce, soucieuse d'être polie. C'était tout à fait charmant bien qu'assez simple : les meubles de bois semblaient anciens mais bien entretenus, couvert d'un beau vernis qui les faisait luire à la lueur des bougies. Ils étaient décorés de plusieurs cadres en tout genre : des portraits de Hobbits aux joues roses, des natures mortes, et même un très joli dessin au fusain d'un paysage de la Comté. Eryn s'approcha de la commode au-dessus de laquelle était accroché un magnifique portrait de deux Hobbits à l'air amoureux.
- C'était la chambre de mes parents, expliqua-t-il, ayant remarqué l'intérêt de la jeune femme. Ce qui explique la taille du lit. C'est d'ailleurs la meilleure chambre de Cul-de-Sac. J'aurais sans doute dû la prendre après le décès de mes chers parents, mais c'était trop difficile, vous comprenez… Enfin, je ne sais pas pourquoi je vous dis tout ça, ajouta-t-il avec un rire gêné. J'espère dans tous les cas qu'elle vous conviendra.
- Oui, c'est parfait ! Merci beaucoup, Bilbon.
- C'est tout naturel. Vous trouverez dans cette pile quelques serviettes et une chemise qui devrait vous aller. Vous dormirez plus confortablement dans du linge propre.
Eryn baissa les yeux sur ses vêtements. Elle ne s'était pas rendu compte de l'état dans lequel elle était. Le pyjama qu'elle avait enfilé avant de se coucher, qui consistait d'un teeshirt large de couleur crème et d'une paire de leggings noirs était couvert de poussière et de traces sans doute laissées par la pierre du sol de la cave à vin. Elle se sentit gênée par son apparence, d'autant plus que ses longs cheveux noirs étaient emmêlés en une masse épaisse qui lui tombait dans le dos. Elle redoutait le moment où elle devrait les démêler.
Alors qu'elle tentait de passer une main à travers sa tignasse, Bilbon sembla se souvenir de quelque chose.
- Oh ! Un peigne, voilà ce que j'avais oublié. Pardonnez-moi, je vais le chercher tout de suite !
Il se faufila dans le couloir et disparu dans une autre pièce sans même laisser le temps à Eryn de réagir. Quel drôle de personnage, pensa-t-elle. Une chose était sûre, il ne manquait pas d'énergie.
La jeune femme se retourna et parcouru la pile de linge. Elle déplia la chemise en lin que Bilbon lui avait gentiment prêté et la tint contre sa poitrine, en jugeant la taille. Les manches étaient un peu courtes mais suffisamment larges pour être confortables. Dans tous les cas, c'était bien mieux que de risquer de tacher les draps avec ses vêtements sales.
Elle s'apprêtait à retirer son teeshirt et à enfiler la chemise lorsqu'elle entendit frapper à la porte. Elle l'ouvrit avec un sourire, s'attendant à voir Bilbon de l'autre côté, mais ce fut une tout autre personne qui l'accueillit. Thorin, les bras croisés et la tête haute, examinait d'un œil critique la tenue de la jeune femme et le haut qu'elle tenait dans sa main.
- Je vois qu'on vous a trouvé des vêtements plus convenables, dit-il d'un ton presque moqueur.
Le sourire d'Eryn s'effaça aussi vite qu'il était apparu. Le roi des nains semblait déterminé à faire de sa mauvaise humeur le problème de tout le monde, et il y arrivait très bien.
- Vous aviez besoin de quelque chose ? Demanda Eryn d'une petite voix, essayant de se montrer la plus courtoise possible.
Cela lui demanderait beaucoup d'efforts, mais elle comptait bien réussir à obtenir la faveur de Thorin, et cela commençait par ne pas se montrer grossière. Même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait.
- Je tenais simplement à vous rappeler votre statut au sein de notre compagnie. Vous n'êtes autorisées à nous accompagner que grâce au magicien, et parce que je refuse de vous laisser partir maintenant que vous avez connaissance de nos affaires. Mais je veux qu'une chose soit claire : je vous garderai à l'œil, et si vous vous avérez être un danger pour notre quête ou l'un de mes compagnons, je n'hésiterai pas une seule seconde à employer les moyens nécessaires pour éliminer cette menace. Avez-vous compris ? Demanda-t-il d'une voix sévère.
- Oui, j'ai compris, répondit-elle immédiatement.
Thorin était d'une humeur exécrable et elle ne prendrait pas le risque de tester sa patience ce soir. Au moins, les choses avaient le mérite d'être claires : elle n'était pas la bienvenue ici, et elle devrait faire attention à ses moindres faits et gestes si elle ne voulait pas raccourcir considérablement son séjour en Terre du Milieu. Que de bonnes choses en perspective.
Alors que Thorin hocha sèchement la tête et s'apprêtait à retourner dans le salon, elle l'appela d'une voix incertaine :
- Thorin, commença-t-elle. Je sais que les circonstances de notre rencontre sont loin d'être idéales, mais je vous remercie tout de même pour l'opportunité que vous m'offrez. Je ne peux qu'imaginer à quel point la situation est délicate mais je vous suis reconnaissante de me laisser le bénéfice du doute.
À moitié tourné vers elle, Thorin l'observait du coin de l'œil d'un air dubitatif. Après sa démonstration de force qui avait pour but de lui passer l'envie de tenter quoi que ce soit à l'encontre de lui et des siens, il s'était attendu à tout sauf à de la gratitude. Il se remit vite de son étonnement, et acquiesça d'un hochement de tête presque imperceptible avant de tourner les talons et de disparaître au fond du couloir.
- Bon, soupira Eryn. Sa réaction aurait pu être pire.
Alors qu'elle était sur le point de refermer la porte, Bilbon revint avec une boîte dans les bras. Il lui fit un sourire hésitant alors qu'il se glissait dans la pièce et la jeune femme comprit qu'il avait assisté à toute la scène.
- Ne vous en faites pas, rassura-t-il. Pour ma part, je suis très heureux que vous nous accompagniez, et je suis certains qu'il en est de même pour Gandalf.
Il lui offrit un clin d'œil auquel elle répondit avec un sourire reconnaissant. C'était incroyablement attentionné de sa part d'essayer de lui remonter le moral. En revanche, une chose la fit réagir immédiatement.
- Vous comptez partir avec le reste de la compagnie ? Vérifia-t-elle, ne sachant comment réagir face à ce changement dans l'histoire à laquelle elle était habituée.
- Oui, après mûre réflexion, je me suis dit que ça ne pourrait pas me faire du mal. Gandalf semble confiant et déterminé à ce que je me joigne à vous, ce qui, je dois l'avouer, a grandement facilité ma décision, finit-il en riant.
Eryn ne s'attarda pas sur cet imprévu. Peut-être sa présence avait-elle changé légèrement les événements, mais après tout, Bilbon avait seulement fait son choix un peu plus tôt que dans le livre ou les films. Puisque le résultat était le même, ça ne pouvait pas être si terrible. Elle aurait été bien plus inquiète s'il avait catégoriquement refusé de participer à la quête et ne s'était pas montré après le départ des nains.
Je vous ai ramené de quoi faire votre toilette. J'ai bien peur que la salle de bains ne soit inutilisable pour le moment, grâce à messieurs les nains, ironisa-t-il avec une grimace, vous devrez donc vous contenter de ceci.
- C'est plus que suffisant, Bilbon. Merci infiniment.
Le Hobbit balaya ses remerciements d'un geste de la main et coinça ses pouces dans les bretelles de son pantalon.
- Bon… Je vous souhaite une bonne nuit, Mademoiselle Eryn. N'hésitez pas à venir me chercher si vous avez besoin de quoi que ce soit. Troisième porte à gauche, au bout du couloir.
- Je vous en prie, appelez-moi seulement Eryn, insista-t-elle.
- Eh bien, Eryn, je vous souhaite de passer une bonne nuit, sourit-il gentiment.
- Vous aussi, Bilbon.
Sur ce, il déposa la boîte de produits de toilette dans les mains de la jeune femme et déguerpit en prenant soin de fermer la porte.
Certes, les choses n'avaient pas démarré de la meilleure des façons, mais Bilbon s'était assuré qu'elles se terminent sur une bonne note. Cela lui mit du baume au cœur. Ici, loin de ses amis et de sa famille, elle aurait besoin d'un ami et d'un confident. Après cette soirée, elle était presque certaine que le Hobbit remplirait ce rôle avec plaisir.
Alors qu'elle s'était changée et se glissait sous les draps, le souvenir des personnes qu'elle avait laissées derrière elle lui fit un pincement au cœur. Elle n'avait aucune idée de ce qui s'était passé chez elle depuis son départ. Si elle était ici, c'est qu'elle avait dû disparaître de son monde. Si c'était le cas, comment ses proches réagiraient-ils ? Serait-elle portée disparu ? Cela briserait le cœur de sa famille, elle en était certaine. Et son chien, qui, comme à son habitude, s'était couché à ses pieds : qu'allait-il lui arriver ?
Mais ce qu'elle avait le plus de mal à imaginer était que peut être elle ne reverrait jamais toutes ces personnes à qui elle tenait plus que tout. Si elle devait renoncer aux choses qui avaient fait d'elle ce qu'elle était aujourd'hui, elle avait peur de ne pas pouvoir s'en remettre.
Gandalf aurait peut-être des réponses à ses questions et elle avait bien l'intention de les obtenir dès que possible. Mais pour le moment, la fatigue et les vertiges qui l'avaient dérangée toute la soirée prirent le dessus et Eryn s'endormit rapidement.
Et voilà pour le premier chapitre ! J'espère qu'il vous aura plu. N'hésitez pas à laisser votre avis.
(Si vous remarquez des erreurs, n'hésitez pas à me le dire).
