Avant tout, merci pour toutes les reviews ! pouik, Lis blanc, Petite-Licorne-Arc-en-Ciel et ptt d, ça m'a fait beaucoup plaisir :)
Après une petite pause, voici un nouveau chapitre mi-drama, mi-mignon ! En espérant que ça vous plaise, je vous souhaite une très bonne lecture !
CHAPITRE 8. Leçon de cuisine
Harry se redressa en grimaçant. Tous ses muscles lui faisaient mal. Il avait l'impression d'avoir été piétiné par un troupeau de scroutts à pétard affamé. Il rougit en constatant que sa chemise avait glissé de ses épaules, le laissant torse nu, et décida qu'une douche ne serait pas de refus. Il n'avait pas envie d'affronter Drago Malefoy dans cet état.
D'ailleurs, où était Drago ? Alors que l'eau chaude cascadait le long de sa colonne vertébrale, Harry essaya de rassembler ses pensées. Ses souvenirs des dernières vingt-quatre heures étaient confus ; il n'en conservait que de vagues flashs, comme si les évènements n'avaient été qu'un rêve. Il avait été malade… il se sentait encore faible, ses jambes paraissaient sculptées dans du coton. Et Drago… Drago l'avait aidé ?
Harry fronça les sourcils. Pourquoi diable Drago l'aurait-il aidé ?
Il enfila rapidement un t-shirt et un pantalon de jogging. Il n'était pas d'humeur à porter quelque chose de plus distingué. Les cheveux encore humides et en bataille, il récupéra sa baguette magique - posée en évidence sur sa table de nuit ; il ne se souvenait pourtant pas de l'y avoir laissée - et s'engouffra dans la cuisine.
Drago était là. Il lui tournait le dos, plongé dans la contemplation de la piètre vue qu'offrait la petite fenêtre qui creusait l'un des murs carrelés.
-Si tu cherches à espionner la voisine, elle a au moins soixante-dix ans et autant de chats. Pas sûr que ça t'intéresse, commenta Harry, d'une voix rauque qui le surprit lui-même.
Sa gorge était sèche, il avait l'impression d'avoir que sa trachée avait été remplacée par un morceau de parchemin. Alors qu'il se servait un grand verre d'eau glacée, Drago se retourna lentement vers lui, le visage plus pâle qu'à l'accoutumée. Des cernes noirs se déployaient sous ses yeux, contrastant avec le blanc laiteux de sa peau.
-Woah, t'as vraiment une sale tête, Malefoy. Tu t'es fait agresser par la machine à café ? Ou une ex-copine a découvert que tu vivais ici ?
-Ravi de voir que tu vas mieux, Potter, rétorqua le jeune homme sans prêter attention à ses moqueries.
-Ouais… euh, à ce propos…
Harry avala une grande rasade d'eau, cherchant ses mots. « Merci, Drago » fera l'affaire, lui chuchota sa satanée conscience - celle qui avait la voix d'Hermione. Mais avant qu'il n'ait eu le temps d'ouvrir la bouche, Drago lança, toujours aussi impavide :
-N'en parlons plus.
-Mais…
-N'en parlons plus, répéta-t-il, plus sèchement.
Harry cilla. Il ne s'était pas attendu à une telle nonchalance. Il avait pensé que Drago n'hésiterait pas à se moquer de lui, à lui rappeler ce qu'il avait pu marmonner pendant qu'il délirait, aux prises avec la fièvre ; il y avait là de quoi le charrier pendant plusieurs générations. Il s'était attendu à une pluie de sarcasmes, mais à la place, il ne se heurtait qu'à une indifférence soigneusement calculée. Il ne savait pas pourquoi, mais cela le touchait plus que de raison.
-Euh… Malefoy ? Tu…, bégaya-t-il.
Il déglutit. Pourquoi était-ce si dur ? Les yeux de Drago le fixaient, sans exprimer autre chose que ce désintérêt qui lui faisait l'effet d'un sortilège de désillusion en pleine poitrine.
-… Tu vas bien ?
-Laisse tomber, Potter.
-Mais…
-Laisse tomber !
Drago détacha son regard du sien et quitta la cuisine. Harry voulut le rattraper, mais il fut frappé par une vague d'étourdissement et il dut se rasseoir sur son siège, le souffle court. Il n'était pas totalement remis de sa maladie, et il était encore trop faible pour se lancer dans une course à travers son appartement. Il avait l'impression que les murs ondulaient tout autour de lui. Les battements de son coeur s'accélérèrent, s'affolèrent, ricochèrent sous son épiderme, et il fut soudainement pris de nausées. Non, non, non ! Ce n'était pas le moment de… il eut tout juste le temps de bondir sur l'évier qu'une substance désagréable, brûlante, s'échappa de ses lèvres. Il se mit à vomir, alors même que son estomac était plus vide que le compte en banque d'un elfe de maison. Ses doigts se crispèrent sur le rebord métallique de l'évier.
-Tu devrais manger quelque chose, lança la voix de Drago dans son dos. Tu n'as rien avalé depuis au moins une journée.
Harry aurait voulu lui rétorquer quelque chose de cinglant, mais il ne parvint qu'à s'étouffer avec sa propre bile. Entre deux crachats et déglutitions, il sentit une main se poser contre sa nuque et le soutenir avec une douceur désarmante.
-T-t… tu… eeuurk… tu es revenu ? grogna-t-il en fermant les yeux, essuyant son front moite.
-Comme tu peux le constater.
-P-pourquoi ? Je croyais que tu voulais… que je laisse tomber…
Drago soupira.
-On pourra peut-être en parler quand tu arrêteras de me vomir à moitié dessus.
-Je ne te vomis pas à moitié dess… uurrghhh… euh… désolé pour ton t-shirt.
Harry se retrouva sur son canapé, une bassine entre les mains. Son colocataire le contemplait sans dire un mot. Pourtant, une pointe d'inquiétude semblait virevolter au fond de ses prunelles, illuminant leurs contrées grises et froides. Harry retint un sourire victorieux.
-Tu t'inquiètes pour moi, dit-il lorsqu'il sentit que son estomac s'était suffisamment calmé.
Drago leva les yeux au ciel.
-Ça te ferait plaisir, hein, Potter ?
-Pourquoi est-ce que ça te semble si dur à admettre ? Tu es resté avec moi quand j'étais malade, tu m'as soigné, tu m'as même préparé de la pimenti…
Il s'interrompit soudainement, saisi d'un doute.
-Comment est-ce que tu as pu préparer de la pimentine ? Il n'y avait aucun ingrédient ici !
-J'ai demandé à Granger de m'en apporter, répondit Drago sans ciller.
-Oh… tu as réussi à la contacter ? Attends… tu as utilisé le téléphone ?
Cette fois-ci, Harry ne put s'empêcher de sourire.
-Et tu vas bien ? La technologie moldue ne t'as pas grillé le cerveau ?
-Ha ha. Très drôle.
-Non, mais je suis sérieux ! Peut-être que les ondes t'ont attaqué les neurones… oh nom d'un troll, Drago, tu ne ressens pas de drôles de picotements derrière les yeux ? C'est le premier stade, ensuite, tu te retrouves à avoir des spasmes et à baver partout, puis tu te mets à croire que les Moldus et les sorciers sont égaux ! Après ça, je crains que même les Médicomages ne puissent plus rien faire pour toi.
-Je me tords de rire, Potter.
Lorsque Harry se sentit mieux, il décida qu'il était temps de préparer quelque chose à manger pour Drago et pour lui.
Pour Drago et pour lui…
C'était la première fois, depuis le début de leur cohabitation, qu'il songeait à partager un repas avec lui. Et il s'aperçut qu'il n'avait aucune idée de ce que pouvait bien aimer Malefoy. Ils étaient encore des étrangers l'un pour l'autre, et pourtant… pourtant, ils vivaient ensemble, ils se disputaient, ils se défiaient, ils partageaient les mêmes murs, le même air, ils étaient ensemble dans le même bateau… et Drago l'avait aidé au moment où il avait eu besoin de lui.
Il était vraiment temps qu'ils commencent à faire connaissance.
-Je vais nous préparer un truc, dit-il, un peu hésitant.
Drago ne lui répondit pas. Il lisait la Gazette du Sorcier ; seul son font en dépassait, encadré de mèches blondes soigneusement peignées en arrière.
-Euh… tu veux peut-être quelque chose en particulier ? Qu'est-ce que tu manges, d'habitude ?
-Ce que je trouve.
-Ok… euh… une omelette, ça te va ?
Drago haussa les épaules.
-Super. Tu veux peut-être venir… avec moi ?
-Pour quoi faire ?
-… M'aider à cuisiner ?
Drago laissa échapper un long soupir qui paraissait provenir du tréfonds de ses entrailles. Pourtant, à la surprise de Harry, il reposa son journal et se redressa.
-Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? s'enquit-il sans chercher à dissimuler son ennui.
Qu'est-ce qui lui avait pris d'accepter ?
Drago se posait encore la question, planté au beau milieu de la cuisine de Potter.
De la pitié, voilà tout. Il avait eu pitié de Potter, avec son air malade et ses yeux de chien battu, et c'était la seule raison pour laquelle il avait accepté de l'assister en cuisine. Cela n'avait rien à voir avec l'inquiétude qui s'était brusquement éveillée dans sa poitrine lorsqu'il avait entendu Harry se mettre à vomir, quelques dizaines de minutes plus tôt, ni avec un quelconque désir de partager quelque chose avec lui…
Alors qu'il découvrait l'existence du réfrigérateur - un bon endroit pour entreposer les corps de ses ennemis ; les Moldus étaient plus sournois qu'ils ne le paraissaient -, il repensa aux paroles de Pansy. Si seulement elle le voyait… le parfait petit assistant ménager… Il serra les poings, enfonçant ses ongles dans les paumes de ses mains.
-Tu as déjà cassé des oeufs ? demanda Harry, l'arrachant à ses sombres pensées.
Il agita sous son nez une petite boîte en carton. Drago fronça le nez.
-Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda-t-il, du même ton qu'il aurait utilisé si Harry s'était décidé à brandir une vieille paire de bottes boueuses devant lui.
-Une boite d'oeufs. Sérieusement, tu n'as jamais mis les pieds dans une cuisine ?
-Au Manoir, c'était les elfes qui cuisinaient. Pas les sorciers, répondit Drago, sans parvenir - ni chercher - à réprimer un léger dédain.
-Oh, je vois. Jamais un Malefoy ne se serait abaissé à une tâche aussi dégradante. Dis-moi, lorsque vous étiez aux toilettes, c'était aussi les elfes qui vous essuyaient ?
-Ravale tes sarcasmes, Potter. A ce que je sache, tu as un elfe de maison, toi aussi.
Harry haussa les sourcils.
-Comment tu le sais ? Tu m'espionnes ?
-Je le sais, c'est tout. Je sais aussi que c'était l'elfe de ton parrain. Alors ne me fais pas croire que tu te préoccupes des elfes de maison, comme ta copine Granger.
Harry esquissa un drôle de sourire, tout en ôtant d'un placard une sorte d'engin de torture rond, doté d'une longue queue noire, qui ressemblait à un chaudron écrasé.
-Quoi, j'ai dit quelque chose de drôle ? demanda sèchement Malefoy.
Sans prendre en compte sa remarque, Harry enchaîna, d'un air étrangement décontracté :
-Comment tu fais, pour te nourrir, depuis que… enfin… depuis…
-Depuis que j'ai été arrêté ? Je te l'ai dit. Je mange ce que je trouve.
Ce n'était pas un mensonge. Depuis qu'il était arrivé chez Harry, il s'était contenté d'avaler ce qu'il trouvait dans les placards - du pain, des gâteaux, des machins en boîte froids. Jusque là, cela n'avait pas semblé déranger son colocataire. Pourquoi est-ce que tout à coup, Potter se sentait obligé de déjeuner avec lui ?
Drago n'osa pas lui poser la question.
-Hé bien, je vais t'apprendre à cuisiner. Ça pourrait t'être utile, dans le futur.
Et sans lui demander son avis, Harry lui attrapa la main et y glissa un oeuf. Drago se figea. Depuis quand le Survivant le touchait-il sans la moindre hésitation ? Il sentit les doigts de Harry se resserrer autour des siens, le guidant pour l'aider à briser la coquille sans faire dégouliner l'intégralité de l'oeuf sur le plan de travail. Il avait une prise ferme, assurée. Presque rassurante. Son coeur rata un battement.
Tu le laisses te manipuler, maintenant ? Tu es vraiment devenu la poupée de Potter, hein ? siffla soudainement la voix de Pansy dans un coin de son esprit. Pansy… Non… Il fallait qu'il la chasse de là. Il inspira profondément, s'efforçant de ne pas grimacer, de se raccrocher au moment présent du mieux qu'il le pouvait, de prendre conscience de la présence de Harry, tout près de lui.
-Qui t'a appris à faire ça ? Tes Moldus ? demanda-t-il, essayant de maîtriser les tremblements de sa voix.
Harry ne parut pas s'apercevoir de son malaise.
-Ouais, on peut dire ça comme ça.
-« On peut dire ça comme ça » ? Et avec un traducteur, ça donne quoi ?
Harry lui jeta un regard en coin et soupira.
-Disons qu'ils ne m'ont pas vraiment laissé le choix. Ils étaient plutôt persuasifs, tu sais.
Drago battit des cils, surpris. Il ne s'était jamais imaginé que Potter n'ait pas eu le choix de faire quelque chose, à un moment ou à un autre de sa vie. Il était le héros du monde sorcier, après tout ! Le Survivant, l'Élu ! Il avait toujours eu le choix.
-Ils t'ont forcé ? demanda-t-il avant d'avoir pu s'en empêcher, piqué par la curiosité.
Harry hocha légèrement la tête, renforçant son trouble.
-Et tu t'es laissé faire ?
Drago sentit la main de Harry tressaillir contre la sienne.
-Pas vraiment. Mais quand tu as huit ans, que tu n'as aucune idée que tu es un sorcier, que ton oncle et ta tante ont décidé que tu préparerais des pancakes pour leur fils chéri, et que ledit fils chéri menace de t'enfoncer la tête dans la cuvette des toilettes si tu refuses… tu finis par t'exécuter.
Wow, la vie de Potter semblait plus intense que ce qu'il avait imaginé.
-Tu en as déjà parlé à quelqu'un ?
Harry haussa les épaules.
-Pour quoi faire ? Je n'avais personne d'autre qu'eux.
-Et Dumbledore ?
-Il le savait, mais… il n'a pas jugé utile de m'enlever de là-bas. Il devait penser que j'étais assez fort pour leur tenir tête. Bon, je l'étais, mais parfois, l'ambiance était un peu pesante… enfin bon, c'est du passé, maintenant.
Drago n'était pas de cet avis. Il avait l'étrange sensation qu'un cognard venait de heurter de plein fouet ses certitudes, les envoyant valdinguer trois kilomètres plus loin. Harry Potter était un enfant maltraité ?!
Quelques années plus tôt, cette révélation lui aurait probablement arraché de nombreuses moqueries - « alors comme ça, même ta propre famille ne t'aime pas, Potter ? » - mais aujourd'hui… aujourd'hui, Drago savait ce que cela faisait, d'être trahi par sa propre famille. Le fantôme de la marque des ténèbres, sur son avant-bras, le lui rappelait tous les jours… et il savait ce que cela faisait, de n'avoir personne sur qui compter. Après tout, il n'avait plus personne, aujourd'hui… Personne, hormis le sorcier qui était présentement à côté de lui, et qui continuait de guider sa main pour lui apprendre à casser correctement un oeuf… Des sentiments confus pulsaient sous sa peau, un peu soyeux, un peu écoeurants, couronnés d'un sentiment plus fort, un sentiment qu'il reconnut aussitôt : c'était de la curiosité.
Oui, il était curieux d'en apprendre davantage sur Harry Potter.
Tout à coup, c'en fut trop pour Drago.
Non, non, NON. Il ne voulait pas apprendre à connaître Potter. Il ne voulait pas qu'il lui ouvre son coeur. Il ne voulait pas risquer de l'apprécier… Il ne le pouvait pas. Qu'allait-il devenir, sinon ? L'animal de compagnie de Potter ? Sa marionnette ? La voix de Pansy revint s'implanter dans son esprit, répandant des ricanements grinçants dans tout son corps.
Il eut soudainement trop chaud.
-Lâche-moi, Potter, grommela-t-il avec brusquerie.
Harry lui décocha un regard surpris.
-Qu'est-ce qu'il y a ? Tu te sens bien ?
-Je t'ai dit de me lâcher, répéta-t-il, et il sentit la coquille se briser sous ses doigts, répandant de longs filaments visqueux entre ses ongles.
-Drago, qu'est-ce que…
Drago s'écarta vivement de lui, comme si tout à coup, le corps de son colocataire était devenu chauffé à blanc.
-A quoi tu joues, Potter ? Pourquoi tu me racontes tout ça ?
-Je… je voulais juste qu'on parle ! bredouilla Harry, l'air totalement perdu. Qu'est-ce qu'il se passe ?
-Non, tu ne voulais pas juste qu'on parle ! Tu voulais que j'ai pitié de toi !
Les yeux de Harry s'écarquillèrent. Il avait l'air sincèrement désarçonné, mais Drago était incapable de s'arrêter.
-Qu'est-ce que tu imagines, que je vais me mettre à te plaindre ? « Oh, pauvre petit Potter, il a eu une enfance si malheureuse ! Quel homme brave, quel homme courageux ! Il ne méritait pas tout ce qui lui ai arrivé ! A partir de maintenant, il sera mon héros ! » Oh oui, pauvre de toi, Potter. Pauvre de toi, d'espérer m'avoir à ta botte comme ça, comme un bon petit toutou !
Le visage de Harry rougit, mais Drago ne s'en rendit pas compte, aveuglé par sa propre rage.
-Je n'ai pas envie d'écouter tes histoires, je n'ai pas envie de faire ami-ami avec toi, tu peux imprimer ça dans ton petit cerveau de Gryffondor ? Ce qu'il s'est passé hier… je n'ai pas fait ça pour tes yeux de merlan frit, je l'ai uniquement fait pour Granger ! Alors maintenant, arrête de croire que toi et moi, on est amis, ou je ne sais pas quoi, parce que ce n'est pas le cas ! Jamais on ne pourra l'être, Potter ! Jamais !
-Tu es vraiment… tu es vraiment incroyable, Malefoy, lança Potter, prenant soin de détacher chacun de ses mots. Je voulais seulement… je voulais seulement apprendre à te connaître un peu, et je me suis dit qu'en te dévoilant une de mes faiblesses, peut-être que tu accepterais de baisser un peu la garde… je pensais qu'on pourrait enterrer la hache de guerre, au moins pour ce soir… quel idiot je suis, hein ?
Un sourire désabusé se matérialisa sur son visage. Ou plutôt était-ce une grimace.
-Dégage, Malefoy, dit-il soudainement.
Drago battit des cils, trop surpris pour réagir.
-Si tu me détestes tant que ça, tu n'as qu'à dégager de là ! Je ne te retiens pas.
-Pot-
-DÉGAGE !
Harry venait de s'emparer de sa baguette. Une flopée d'étincelles en jaillit - pourtant, Drago eut la conviction qu'il ne s'en servirait pas contre lui. Il l'avait déjà vu se battre, et sa posture était totalement différente ; ses bras étaient moins relâchés, ses muscles bien plus à l'affût. Sa baguette n'était qu'un écran de fumée pour dissimuler le fait qu'il était totalement dépassé par les événements, et qu'il n'avait aucune idée de la façon dont réagir face à ses accusations.
-Baisse cette baguette, Potter.
-Pourquoi, tu as peur que je te jette un sortilège ?
-Dans ton état, tu risques plutôt de t'en lancer un à toi-même. Baisse ça. Maintenant.
D'un geste impatient, Drago abaissa la pointe de la baguette de Potter. Celui-ci se laissa faire, la bouche pincée. Il était toujours écarlate, les yeux brillant de mille feux derrière les verres de ses stupides lunettes rondes.
-Alors quoi ? Maintenant, tu me protèges ? Qu'est-ce que tu veux, Malefoy ?
Drago ouvrit la bouche, mais il n'eut aucune idée de la réponse à lui apporter.
Que voulait-il ? Eh bien… C'était difficile à dire. Il voulait… il voulait que la voix de Pansy cesse de le torturer. Qu'elle cesse de lui répéter qu'il était devenu l'esclave de Harry. Il voulait sa propre baguette magique. Il voulait retrouver son manoir. Il voulait son indépendance. Il voulait un avenir qui ne soit pas obscurci par d'épais, d'infranchissables nuages noirs. Et il voulait réussir à démêler ses sentiments, à comprendre pourquoi l'idée de laisser Harry s'introduire dans ses sentiments le terrifiait autant…
Avec horreur, il réalisa que ses paupières brûlaient, les larmes menaçant de déborder sur ses cils.
Non, non, non. Il ne pleurerait pas devant Harry. Plutôt avaler une coquille d'oeuf.
-Je… je ne sais pas, murmura-t-il finalement. Je ne sais pas ce que je veux.
Il sentit Harry inspirer profondément. Le Survivant paraissait livrer une bataille intérieure plutôt intense, au terme de laquelle il approcha sa main libre de lui, comme s'il cherchait à apprivoiser un animal sauvage. Drago tressaillit, mais ne le repoussa pas lorsqu'il sentit ses doigts se refermer autour de son poignet.
-C'est bon, tu es calmé ?
Drago eut un sourire dépourvu de joie.
-C'est à toi qu'il faut le demander.
-Écoute, je ne t'ai pas accueilli ici pour me moquer de toi, Drago. Je ne cherche pas à te manipuler, ni à être pris en pitié, certainement pas, et tu le sais très bien. Je n'espère pas qu'on devienne les meilleurs amis du monde. Je veux seulement qu'on… qu'on apprenne à vivre en paix. Ensemble.
-Et pourquoi ça ?
-Je pense qu'on… qu'on en a besoin. Et Hermione le savait, ajouta Harry après quelques secondes de réflexion. Sinon, elle ne nous aurait pas proposé de vivre ensemble.
Un rictus amer se dessina sur le visage de Drago.
-Foutue Granger, hein.
-Sacrée Hermione, oui.
Harry eut un léger rire. Drago ne lui rendit pas son éclat de joie, mais sentit quelque chose se relâcher dans sa poitrine. L'éclat de rage était passé, et il espérait qu'il ne reviendrait pas le heurter de sitôt.
Il souffla longuement, laissant le silence s'installer entre Harry et lui. Après leur brève altercation, il se sentait complètement vide. Alors qu'il se laissait tomber sur le canapé, Harry s'empara du téléphone et lui adressa un drôle de sourire.
-On commande quelque chose ? Du chinois, ça te va ?
Drago haussa les épaules. Il n'avait jamais mangé autre chose que de la nourriture anglaise.
-OK… bon, ça devrait arriver dans quinze minutes ! Ça nous laisse le temps de nettoyer un peu la cuisine. Sauf si c'est trop demandé à Monsieur Drago Malefoy…
Drago renifla dédaigneusement, mais accepta d'aider Harry. Passer un chiffon sur un morceau de table n'avait rien de bien difficile… au moins, cette fois-ci, Harry avait préféré ne pas guider sa main.
-C'est aussi ton oncle et ta tante qui t'ont appris à faire le ménage ? Tu étais quoi, leur elfe de maison ? grommela-t-il, alors qu'il frottait vigoureusement une tâche assez mystérieuse.
Harry émit une sorte de rire amer.
-Oh Drago, tu n'as même pas idée.
-Ça tombe bien, on a encore quinze minutes pour que tu me dises tout sur eux, répliqua-t-il.
Harry parut décontenancé, mais il se reprit vite. Ses yeux se mirent à pétiller, et Drago espéra qu'il ne regretterait pas sa question. Trop tard pour reculer, maintenant. S'ils voulaient apprendre à vivre en paix, il faudrait qu'il accepte que Harry ait des choses à lui dire. Et qu'il accepte que son histoire puisse le toucher, d'une façon ou d'une autre…
-On n'en aura pas assez de toute la nuit !
