Bonjour à tous !
Tout d'abord, merci à pouik et Luzula-spicata pour vos reviews :)
On se retrouve pour le 13ème chapitre, un chapitre un peu plus long que d'habitude quoi que sur des notes plus légères !
Finalement pas de rating M, rien d'explicite hormis quelques rapprochements.
Bonne lecture !
CHAPITRE 13. L'intervention de Ron
Drago n'avait jamais imaginé vivre cela un jour.
Il avait l'impression que Harry et lui vivaient dans une bulle, un cocon soyeux et réconfortant qui les séparait du reste du monde. Les journées – ou nuitées – de travail étaient harassantes, elles le laissaient sur les rotules et l'esprit tout emberlificoté de noms de cocktails ampoulés et, pourtant, il lui suffisait de passer la porte de leur appartement pour se sentir… épanoui. Plus épanoui qu'il ne l'avait jamais été, même à l'époque de Poudlard, lorsqu'il régnait comme un prince sur les autres Serpentard, la bouche garnie d'une cuillère en argent.
Pourtant, Harry et lui n'avaient pas modifié leurs habitudes. Ils continuaient de cuisiner ensemble (ce qu'il fallait traduire par : commander des pizzas, gloire à leur inventeur moldu), de regarder la télévision et de jouer à des jeux de société, comme si rien n'avait changé, qu'ils étaient toujours de simple colocataires forcés de cohabiter bon gré mal gré – mais c'était faux.
Tout était différent. Leurs regards complices – quoi qu'un peu gênés –, leurs doigts qui s'entrelaçaient brièvement entre deux conversations, leurs rires… Tous leurs échanges s'enveloppaient d'une tendresse nouvelle, que Drago avait encore parfois du mal à apprivoiser. Leur passé commun et peu glorieux se rappelait à lui, des élans de peur ou de colère le traversaient, une onde glacée dévalait sa colonne vertébrale, et il ne savait plus si tout cela était réel ou s'il s'agissait d'une illusion… Mais il suffisait que Harry se mette à parler, à le regarder de cet air passionné qui lui faisait l'effet d'une étincelle contre sa peau, et la pression se relâchait.
Il n'était pas habitué à ce genre de bonheur, ni au fait que ce que soit son ancien rival qui le lui procure.
Harry respectait l'espace dont Drago avait besoin, mais ne repoussait jamais ses baisers. Ceux-ci étaient d'abord très rares, à peine un effleurement, un battement d'ailes contre ses lèvres. Puis ils s'étaient multipliés, avaient gagné en assurance, et il leur arrivait de passer de longues minutes à s'embrasser comme si le monde extérieur n'existait plus. Leurs corps se tenaient à une distance respectable l'un de l'autre, mais parfois l'un d'eux esquissait un mouvement vers l'autre… leurs corps se frôlaient et Drago regrettait presque ses bonnes résolutions.
Car plus les jours passaient, et plus il avait besoin de ressentir davantage le corps de Harry contre le sien. Sa présence et ses baisers ne comblaient pas complètement sa soif de chaleur, son besoin quasi viscéral de vérifier que la situation était réelle. Il passait alors de longues minutes à s'imaginer l'embrasser, renverser son corps contre le canapé, enfoncer les doigts dans les replis de sa robe de sorcier pour l'arracher… et il fallait qu'il s'ébroue comme un hippogriffe qui sort de l'eau pour faire tarir le flot de ces pensées brûlantes.
OOO
Le mois de décembre battait son plein au sein de la capitale, charriant des effluves de sucre, de marrons chauds et d'irish whisky. Les rues de Londres scintillaient, toute la ville était enrubannée de guirlandes dorées et argentées, truffée de sapins et de bonhommes de neige factices. Les vitrines des boutiques resplendissaient de mille feux, les automates-Pères Noël et les crèches traditionnelles se côtoyant dans un ensemble détonnant.
Drago observait toutes ces décorations moldues avec perplexité. Où étaient les fées, les flocons de neige parfumés à la citrouille, les chandelles flottantes ? Il dut se faire violence pour se rappeler que les Moldus utilisaient d'autres « technologies » (c'était Harry qui lui avait appris ce mot barbare) que les sorciers, et qu'ils auraient probablement glapi d'horreur en voyant des fées se débattre dans des fioles en cristal.
Il se demanda soudainement si Harry comptait décorer l'appartement avec tous ces trucs moldus verts et rouges qui débordaient des étalages des marchés de Noël. Il avait remarqué que l'ancien Gryffondor n'était pas très porté sur la décoration intérieure, mais peut-être aurait-il apprécié quelques guirlandes ou… qu'est-ce que c'était que ce machin dans lequel il aurait pu rentrer la tête ?
– Une chaussette de Noël, Monsieur ?
Drago esquissa un rictus dédaigneux. Le tissu que lui présentait le vendeur ressemblait moins à une chaussette qu'à une sorte de sac de couchage dans lequel se serait volontiers emmitouflé son ancien elfe de maison. Il faillit le faire remarquer à son interlocuteur, mais il se retint de justesse. Les Moldus ne savaient pas ce qu'étaient des elfes de maison, ils utilisaient d'autres Moldus à la place. En tout cas, c'était ce qu'il avait cru comprendre.
– Non merci.
Il faillit rebrousser chemin, lorsque son regard fut attiré par une sorte de boule de verre dans laquelle était niché un bonhomme de neige. De petits flocons tourbillonnaient autour de lui. Sans réfléchir, il l'attrapa et l'approcha de son nez, s'attendant à voir le bonhomme de neige s'ébrouer, mais il n'en fit rien. Les figurines moldues restaient désespérément figées dans la position choisie par leurs créateurs.
– Très bon choix, Monsieur, lui sourit le vendeur qui, déjà, s'était pianotait sur sa caisse enregistreuse. Cette boule à neige est notre meilleure vente. Elle ne vous coûtera que cinq livres – disons, quatre, parce que vous m'êtes sympathique.
Et avant que Drago n'ait riposter, il la lui glissa dans la main.
OOO
Il devenait complètement siphonné de la citrouille, songea-t-il en montant les escaliers qui menaient à leur appartement. Sa relation avec Harry devait attaquer ses terminaisons nerveuses, le poussant à agir de façon impulsive et déraisonnable. Qu'allait-il pouvoir faire de ce truc moldu ? Il ne pouvait tout de même pas lui offrir ça, il allait se moquer de lui ! C'était petit, inutile, laid. Et moldu. Il avait l'impression que le mot « moldu » revenait souvent dans ses pensées, ces temps-ci.
Tout à ses réflexions, il faillit buter sur une silhouette assise devant la porte de son appartement, les genoux ramassés contre sa poitrine. Il fit un bond en arrière et jura tout bas, avant d'écarquiller les yeux.
– Weasley ? Qu'est-ce que tu fous ici ?
Ron Weasley redressa son nez constellé de taches de rousseur. Depuis combien de temps attendait-il ainsi ? En tout cas, il était toujours fidèle à lui-même, nota Drago en le dévisageant rapidement : dégingandé, orange et incommodant. Et avec des yeux de chien battu, qui se posèrent sur lui sans avoir l'air de le reconnaître.
– Malefoy ? Drago Malefoy ?
– Tu en connais d'autres ? grommela Drago en sortant de sa poche les clés de Harry.
– Excuse-moi, je ne t'avais pas reconnu. J'ignorais que Drago Malefoy était capable de mettre un pantalon moldu à l'endroit, rétorqua Ron Weasley en posant les yeux sur son accoutrement de serveur.
– Tout le monde n'est pas comme toi, Weasley.
Ron se rembrunit, les oreilles cramoisies. Drago avait oublié à quel point il était simple de le faire sortir de ses gonds. A une époque, c'était même un jeu : il éprouvait un malin plaisir à le voir perdre contenance et rougir jusqu'à la racine des cheveux. Aujourd'hui, son ironie narquoise était avant tout un mécanisme de défense : il ne savait pas ce que Weasley pouvait bien lui vouloir, et il n'avait pas de baguette pour se défendre, seulement des mots. Et il comptait bien s'en servir.
Le problème, c'était qu'il n'avait aucune idée de ce que Harry avait bien pu lui raconter sur lui. Ils s'étaient mis d'accord pour que leur relation reste cloisonnée entre les murs de leur appartement, mais peut-être qu'au détour d'un hibou, Harry avait laissé s'échapper un indice sur eux…
– Il faut que je parle à Harry, annonça Ron alors que Drago fourrageait dans la serrure pour la déverrouiller.
– Il n'est pas là.
– Ah, zut. Euh… Je… je peux entrer quand même ?
Les oreilles de Weasley étaient plus rouges que jamais. Drago n'aurait pas été surpris de les voir prendre feu. Cela aurait été amusant : Weasley, l'homme-allumette, capable de vous enflammer en secouant la tête…
Il ne lui répondit pas, mais laissa la porte ouverte derrière lui. Un doute traversa alors son esprit alors qu'il s'engouffrait dans la pièce principale de l'appartement. Et si Harry et lui avaient laissé des indices, dans l'appartement, sur la nature de leur relation ? Ses yeux passèrent en revue chaque élément du salon, du canapé à la télévision en passant par les fauteuils, les tapis, la bibliothèque. Tout était à sa place, rien ne trahissait la moindre romance naissante. La seule chose qui aurait pu menacer ce secret était…
– Qu'est-ce que tu tiens à la main ?
Une chaleur désagréable dévala sa nuque. Drago s'efforça de poser un regard indifférent sur la boule à neige toujours nichés entre ses doigts, imprimant à ses traits tout le dégoût dont il était capable. Ce n'était pas compliqué, avec la présence de Weasley à moins d'un mètre de lui.
– Rien, juste un cadeau d'un client.
Et, pour être certain de n'éveiller aucun soupçon :
– Tu peux le garder, si ça t'amuse, Weasley. Je suis sûr que tu raffoles des horreurs dans ce genre, laissa-t-il échapper en lançant l'objet à Ron, qui le rattrapa in extremis.
Le rouquin colla presque son nez à la boule à neige, qui refléta ses yeux agrandis par la curiosité. Les faux flocons de neige se mirent à virevolter autour du bonhomme de neige.
– A quoi ça sert ?
– Je n'en sais rien. Demande à ta fiancée, elle lui trouvera sûrement une utilité. Te l'enfoncer dans la bouche pour que tu arrêtes de poser des questions idiotes, par exemple.
– Ou dans la tienne, riposta Ron en rougissant de plus belle.
Drago ne jugea pas utile de lui répondre. Après l'avoir inspecté sous toutes les coutures, comme s'il flairait un piège, Ron fit disparaître la boule à neige dans sa poche et s'aventura dans le salon. Il parut troublé par la présence de la télévision, à laquelle il décocha un regard méfiant.
– Fais attention, j'ai entendu dire que ces machins pouvaient exploser, lui fit nonchalamment remarquer Drago.
– Quel dommage que ça n'ait pas explosé quand tu étais dans les parages, alors.
– Tu es déchaîné, ce soir, Weasley. C'est ma présence qui te rend aussi spirituel ?
Ron fronça le nez. L'idée que la présence de Drago puisse lui être bénéfique, d'une façon ou d'une autre, lui paraissait extrêmement peu probable.
– Je ne sais pas comment fait Harry pour te supporter, dit-il finalement.
– Pour supporter qui ?
La voix de Harry les fit tous les deux sursauter, et ils se tournèrent d'un même geste vers l'apprenti Auror. Celui-ci se tenait dans l'embrasure de la porte, les joues rosies par le froid, des flocons de neige égarés au milieu de ses mèches noires. Un élan de tendresse se manifesta dans la poitrine de Drago, mais il le repoussa de toutes ses forces. Ce n'était pas le moment d'éveiller les soupçons de Ron ! A la place, il commenta, d'une voix traînante qui fit grimacer le rouquin :
– On dirait que ta belette te compagnie se languissait de toi, Potter.
Le regard interrogateur de Harry passa de Drago à Ron, et un éclair de compréhension traversa ses yeux verts. Eh oui, Potter, ta belette est là, et elle n'a pas l'air au courant que toi et moi aimons échanger notre salive pendant nos heures perdues. Se détournant de Drago, Harry offrit à Ron un sourire navré.
– Salut, vieux, je ne m'attendais pas à te voir ici. Tu veux boire un truc ? Un thé ?
– Volontiers. Ou même une bièraubeurre, si t'en as…
Harry alla chercher trois bouteilles dans le frigo. Drago prit la sienne sans un mot et s'installa dans un recoin du salon, à l'opposée de Harry et de Ron, assis sur le canapé. Ron semblait mal à l'aise, ses gestes étaient maladroits et il faillit s'éborgner en décapsulant sa boisson.
– Qu'est-ce que tu fais ici ? lui demanda Harry en l'aidant à ouvrir sa bouteille. Tout va bien ?
– Je… c'est difficile à dire, marmonna-t-il en enfonçant ses lèvres dans la mousse généreuse de sa bièraubeurre. Euh… c'est… c'est Hermione.
Drago se redressa malgré lui. Le souvenir de leur rencontre au Ministère de la magie se déploya dans son esprit. Ses paroles rassurantes, son geste plein de douceur en direction de son ventre… Était-il arrivé quelque chose à son polichinelle roux ? Qu'est-ce que ça peut te foutre, Malefoy ?
– On s'est, comment dire… disputés.
– Ah, mais ça vous arrive souvent, non ?
Drago retint un soupir. Harry Potter et son tact légendaire…
– Oui, c'est vrai, admit Ron en perdant un peu de couleurs. Mais… cette fois-ci, c'était différent. On s'est vraiment disputés, tu vois ?
– Que s'est-il passé ?
– C'est à cause de son travail. Elle y passe toutes ses journées, toutes ses soirées, tous ses week-ends, on ne se voit presque jamais… et elle ne me parle que de son chef, Connard ou quelque chose comme ça…
– Connor, corrigea machinalement Drago.
Ron le foudroya du regard et continua plus fort :
– Connor Ross. Elle a dû prononcer son nom quarante fois la semaine dernière. Et le mien… zéro.
– Ron, je suis sûr qu'elle t'aime, lui dit doucement Harry. Elle est juste un peu… passionnée, tu la connais… quand elle a une idée, rien ne peut la faire dévier de sa trajectoire, mais elle t'aime…
– Je sais, gémit Ron. Mais je… je me suis légèrement emporté à ce sujet, on s'est disputés et, euh… comment dire… elle m'a mis à la porte.
Harry et Drago échangèrent un regard surpris.
– Je ne savais pas où aller… Bill et mes parents sont en France, Charlie est en Roumanie, Percy et sa femme sont occupés avec leurs enfants, pareil pour Fred et Angelina, et Ginny squatte déjà chez Luna… alors euh… j'ai pensé à toi. Je sais que tu dois déjà gérer quelqu'un d'autre…
Il tourna brièvement les yeux vers Malefoy et son air féroce le fit ressembler, l'espace d'un battement de cils, à sa petite soeur.
– … Mais tu me rendrais un très, très grand service en m'accueillant sous ton toit. Ça ne serait que temporaire hein, je te le promets ! Juste un jour ou deux, le temps que Hermione se calme.
– Et où comptes-tu dormir ? Sur le paillasson ? ironisa Drago.
– Dra… Malefoy ! le rabroua Harry d'un air réprobateur, trahi par un tressaillement à la commissure de ses lèvres.
– Je peux me contenter du canapé, s'empressa de préciser Ron.
– Ce sera très bien, approuva Harry, ignorant le regard noir de Drago. Tu dormiras dans le salon, et moi, je métarmorphoserai l'une des tables de nuit en lit d'appoint. Il y a suffisamment de place pour deux lits dans la chambre de D… Malefoy.
– Ça veut dire que…tu vas dormir dans la même chambre que Malefoy ? s'étrangla Ron, de la mousse de bièraubeurre s'échappent de ses narines.
Drago était tout aussi stupéfait. Harry admettait-il ainsi que l'intimité, entre eux, s'était réduite à peau de chagrin ? Autant annoncer directement au reste du monde qu'ils étaient – plus ou moins – ensemble ! Mais Harry estompa aussitôt ses craintes :
– Je transformerai le rideau en paravent. On ne se verra quasiment pas, ne t'inquiète pas pour Malefoy et moi.
– Euh… d'accord. Merci, Harry, merci mon vieux. Tu me sauves la vie.
Et un sourire sincère illumina le visage de Ron, qui leva sa bouteille de bièraubeurre, trinquant à cet accord auquel Drago ne croyait qu'à moitié.
OOO
Le dîner se déroula dans le tintement des couverts auxquels on s'accroche pour se donner contenance. Harry fit péniblement la conversation, pendant que Ron et Drago se jaugeaient de part et d'autre de leur assiette sans échanger un mot. Drago songea à la boutique où travaillait Ron, cet antre de farces et attrapes qui effaçait, sous sa façade bigarrée, tous les souvenirs de la guerre, et se demanda vaguement si ses collègues savaient qu'il s'était réfugié chez Harry et lui. Que pouvait-il bien leur raconter ? Que son meilleur ami avait accueilli un criminel en semi-liberté sous son toit, et qu'il craignait pour sa vie ? Ou, au contraire, que son meilleur ami avait l'air un peu trop proche dudit criminel ? Inquiet à cette idée, il prit garde à laisser une distance de sécurité entre son bras et celui de Harry, mais ce dernier semblait prendre un malin plaisir à le frôler pour attraper le sel ou la bouteille de jus de citrouille qui trônaient sur la table.
– Tu peux utiliser ta baguette, au lieu d'envahir mon espace vital, finit-il par grommeler en effectuant un mouvement en arrière pour esquiver la main de l'ancien Gryffondor.
– Il est toujours aussi aimable ? s'enquit Ron sur le ton de la conversation, c'est-à-dire : un ton relativement acrimonieux.
– Seulement pour tes beaux yeux, Weasley.
Ron lui répondit d'une grimace peu flatteuse.
– Je suis sûr que dans deux jours, je vous retrouve devant un match de foot, à partager le même sceau de pop-corn, lança Harry avec légèreté.
Voyant que Ron était intrigué par ce qu'était le foot, Harry entreprit de lui en brosser les règles. Il en résulta un quart d'heure particulièrement pénible pour Drago à écouter les babillages des deux amis. L'intérêt de ce jeu lui semblait extrêmement limité, dès lors que les joueurs ne pouvaient pas balancer des cognards sur leurs adversaires, ni même leur administrer des coups de pieds.
Après le repas, Ron s'installa sur le canapé pour la nuit et, fidèle à ses paroles, Harry transforma l'une de ses tables de nuit en un lit de campement assez mince, qui avait l'air à peine plus confortable que le parquet.
– Tu vas vraiment dormir là-dedans ? grommela Drago en vérifiant que la porte qui reliait la chambre et le salon était fermée, de façon à ce que Ron ne puisse pas les entendre.
– Pourquoi pas ? De toute façon, je ne dors pas beaucoup.
Drago acquiesça, peu convaincu, et se glissa sous ses draps. Il tourna le dos à Harry et ferma résolument les yeux, bien décidé à ne pas se laisser troubler par l'arrivée surprise de Ron Weasley dans leur routine bien huilée. Le rouquin avait surgi son quotidien douillet comme un boulet de canon, et il n'était pas certain d'apprécier longtemps cette nouvelle cohabitation forcée.
Dans son dos, il entendait Harry se tourner et se retourner toutes les dix secondes, faisant grincer son sommier instable. Au bout d'une heure passée à se réveiller en sursaut dès que l'ancien Gryffondor remuait le moindre orteil, il n'y tint plus. Il alluma sa lampe de chevet et demanda, d'une voix rendue pâteuse par la fatigue :
– Tu ne veux pas arrêter de bouger ?
– Désolé, je crois que j'ai surévalué mes compétences en matière de métamorphose, grimaça Harry en se redressant (il massa son dos, déjà endolori par le matelas bosselé). Ce truc n'est pas fait pour dormir, on devrait plutôt s'en servir comme planche à repasser.
– Sans blague.
– Désolé, répéta-t-il. J'achèterai un vrai lit, demain.
Drago se retint de soupirer. Harry avait l'air si misérable, entortillé ainsi dans ses draps, l'air un peu honteux et les cheveux décoiffés, qu'il ne put se retenir.
– Arrête de me regarder comme ça et viens, Potter.
La surprise se refléta sur le visage du jeune homme. Drago se décala légèrement, lui laissant un espace suffisant pour se faufiler à ses côtés.
– Je ne veux pas te déranger… tu es sûr que… que c'est bon pour toi ? bredouilla Harry.
– Si ce n'était pas le cas, je ne te l'aurais pas proposé.
Harry avait toujours l'air stupéfait, mais il s'exécuta, se glissant aux côtés de Drago. Celui-ci se crispa légèrement, peu habitué à partager sa literie avec quelqu'un. Il s'enfonça plus fort dans le matelas, essayant de faire abstraction de la présence à ses côtés – en vain. Il était étrange de se dire que ce corps qui reposait contre le sien, diffusant sa chaleur contre sa peau, était celui de Harry. Il sentait son odeur partout, sa jambe frôlait la sienne, et son coeur se mit à tambouriner plus fort dans sa poitrine. Harry dut le sentir, car il s'enquit, inquiet :
– Ça va ?
– J'ai besoin de m'y faire, admit Drago en se tournant vers lui. Je ne m'attendais pas à ce que tu prennes autant de place.
– Désolé. Moi, je ne m'attendais pas à ce que tu aies les pieds aussi froids.
Drago voulut grimacer, mais ses lèvres remontèrent un peu trop à son goût, formant quelque chose qui ressemblait curieusement à un sourire. Celui-ci trouva un écho sur le visage de Harry, niché tout près du sien. L'absence de ses lunettes rondes caractéristiques faisait ressortir l'éclat de ses yeux, plus brillants que jamais, et le coeur de Drago exécuta un nouveau soubresaut.
– Tu comptes me regarder encore longtemps ? demanda Harry avec amusement.
– C'est toi qui me dévisages, s'insurgea Drago.
– Désolé. J'arrête.
– Tes yeux sont toujours ouverts.
– Les tiens aussi.
Harry pouvait être particulièrement insupportable, lorsqu'il le voulait. Drago, poussé par ces élans qui, ces derniers-temps, assujettissaient son corps malgré lui, se pencha vers lui et lui cloua le bec, l'embrassant avec une ferveur que le prit lui-même par surprise. Il sentit Harry frémir contre sa bouche, puis répondre à son baiser avec douceur, enveloppant son visage entre ses doigts. Drago ferma les yeux, s'abandonnant à ce contact, entrouvrant légèrement les lèvres pour inviter Harry à y glisser la langue – chose qu'il fit avec succès. Par Merlin, il savait comment embrasser… Guidés par son instinct, ses doigts harponnèrent son dos, s'enfoncèrent dans son t-shirt, l'attirèrent à lui. Harry sourit contre sa bouche et glissa sa jambe contre la sienne, ajustant leur position afin qu'à travers leurs vêtements, leurs corps soient au plus près, n'ignorant rien des émois de l'autre. Merlin, c'était si bon… Drago, électrisé par ce contact, ne résista pas à l'envie de rompre leur baiser pour glisser sa bouche contre son oreille, sa nuque, sa peau brûlante.
– Doucement… murmura Harry, dont les mains s'étaient aventurées contre son torse, hésitant à se glisser sous son t-shirt pour s'empreindre davantage du velours de sa peau. Drago, doucement. On ne peut pas…
Il jeta un regard vers la porte fermée. Ce qu'il voulait dire était limpide : il aurait été particulièrement imprudent – et impoli – de s'adonner au feu qui brûlait au creux de leur ventre, alors que Ron dormait si près d'eux. Même s'ils entendaient des ronflements discrets, de l'autre côté du panneau de bois.
– Non, admit Drago à contrecoeur, sans bouger d'un millimètre. Mais on peut toujours… s'embrasser ?
– Oui, approuva immédiatement Harry. Oui.
Leurs lèvres se heurtèrent à nouveau. Son coeur, son sang battait dans tout son corps. Drago ferma de nouveau les yeux, se laissant gagner par toutes ces sensations qui grandissaient en lui, répandant des vagues de désir dans ses veines, si brûlantes qu'elles en était douloureuses. Toute ses sensations qu'il croyait perdues – fanées pour toujours – revenaient en force, plus assourdissantes, fracassantes, merveilleuses que jamais, démultipliées par l'identité de celui qui répondait à ses baisers, par son odeur qui se déposait sur lui, ses mains qui le caressaient à travers l'étoffe de son pyjama…
Par Merlin, Harry Potter était en train de lui rouler la pelle de sa vie. Et il adorait ça.
OOO
– J'EN ÉTAIS SÛR !
C'est sur ce cri triomphal que Drago et Harry émergèrent du sommeil, plus ébouriffés l'un que l'autre – même les mèches blondes, d'ordinaires si ordonnées de Drago, tombaient piteusement sur son front. Ron était sur le pas de la porte et il les pointait du doigt, un sourire victorieux s'étalant de l'une de ses oreilles à l'autre.
– Qu'est-ce que tu racontes, Weasley ? marmonna Drago en se redressant, remarquant distraitement qu'un bras de Harry l'enlaçait par dessus son t-shirt.
– Harry et toi, vous… vous…
Drago passa la main sur ses paupières encore gonflées de sommeil. Il avait l'impression d'avoir la gueule de bois, alors qu'aucune goutte d'alcool n'avait traversé son organisme depuis le désastreux jeu à boire organisé par Harry. A quelle heure s'était-il couché ? Il considéra Ron qui jubilait à l'entrée de la chambre, le soleil inondant d'or ses cheveux roux, puis Harry, niché contre lui, le visage encore enfoui dans les méandres de son oreiller. Peu à peu, le calcul se fit dans son esprit embrumé.
– Oh merde…
– Hein, quoi, qu'est-ce qu'il se passe ? bredouilla Harry en remuant, dégageant son visage de son oreiller.
Il mit ses lunettes sur son nez et pâlit à la vue de Ron.
– Qu'est-ce que tu fais ici ?
– Je vous ai vus ! Vous étiez plus collés l'un à l'autre que des niffleurs à des pièces d'or ! Alors Hermione avait raison, toi et lui, vous êtes… vous êtes…
Le mot refusait de sortir. Drago ne pouvait pas le lui reprocher : lui-même aurait eu du mal à définir sa relation avec Harry. Petits amis lui évoquait trop l'image d'amoureux transis, vêtus de pulls de Noël identiques et regardant main dans la main cette stupide télévision moldue en partageant un bol de chocolat chaud à la citrouille.
– Félicitations, Weasley, tu veux une Chocogrenouille ? lâcha-t-il pour que Ron cesse de sourire comme s'il venait de découvrir le charme d'invocation d'eau chaude.
– Je n'en reviens pas, répéta le rouquin. Harry et Malefoy. Dans le même lit !
Drago se retint de lui demander pourquoi, alors, il les avait réveillés d'un cri tonitruant qui affirmait le contraire.
– On pourrait peut-être parler de ça plus tard ? Quand je porterai un pantalon ? se contenta-t-il de soupirer.
Son subterfuge fut efficace : Ron devint livide et s'empressa de hocher frénétiquement la tête. L'idée de voir la moindre parcelle du corps mince de Drago était une motivation suffisante pour le faire déguerpir de la chambre. « Je n'en reviens pas, Harry et lui ! » chuchota-t-il en refermant la porte derrière lui, les laissant seul à seul dans un silence pesant.
Ce fut Harry qui le brisa en premier.
– Il fallait bien qu'il le découvre un jour.
– Apparemment, Granger l'avait déjà deviné.
Pas étonnant, elle avait toujours été la plus futée du lot, ou du moins la seule à savoir actionner un minimum son cerveau.
– Foutue Granger, dit-il à voix haute.
La main de Harry se referma autour de la sienne, le faisant sursauter.
– Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose. Je n'aimais pas l'idée de leur cacher quelque chose d'aussi important.
– Je ne sais pas…
Drago avait l'impression que, maintenant que Ron le savait, les choses devenaient réelles. Jusque là, cela n'avait été qu'un rêve qui n'appartenait qu'à eux deux, un rêve aussi délicieux qu'improbable, dans lequel il se laissait bercer sans réfléchir. Désormais, les choses étaient actées. Gravées dans la pierre. Harry et lui étaient plus que des colocataires, plus que des rivaux qui avaient appris à se respecter et à s'apprécier, plus que des amis. Ils étaient ensemble, et le monde entier allait finir par le savoir. D'abord Ron et Hermione, puis les autres, tous les autres… Une pointe d'effroi transperça son coeur et il détourna les yeux.
– Drago ?
Qu'allaient en penser les autres ? La réaction de Ron était éloquente : il était choqué, incrédule. Qu'en diraient ses anciens camarades ? Sa famille ? C'était la trahison ultime. Il était définitivement passé de l'autre côté, il avait ouvert son coeur à Harry et bordel, c'était stupide, irréfléchi… sa respiration s'accéléra, paniqua.
– Drago. Drago, calme-toi. Tout va bien. Il ne le répètera à personne, murmura Harry en pressant son épaule contre la sienne. Ça ne changera rien pour nous deux. Tout va bien se passer.
Drago inspira profondément. Il n'en était pas sûr. Et il était encore moins sûr d'être prêt à renoncer aux sentiments que Harry faisaient naître en lui, pour l'opinion de personnes qui se seraient fait un plaisir de le voir moisir au fond d'une cellule d'Azkaban. Il inspira de nouveau et parvint à esquisser un sourire bancal.
– Allez, viens, il faut qu'on aille lui parler avant qu'il ne fasse une syncope, souffla Harry en lui prenant la main pour l'aider à se lever.
OOO
Ils étaient assis tous les trois dans la cuisine, à une distance respectable les uns des autres. Les questions se bousculaient sur les lèvres de Ron, mais il se retenait de les poser, attendant que Harry ou Drago se décide à prendre la parole.
– Je sais que c'est surprenant, finit par dire Harry. On aurait jamais parié là-dessus, hein ?
Ron approuva immédiatement.
– Quand Hermione m'a dit qu'elle vous soupçonnait d'être plus proches que des colocataires, je n'y ai pas cru. Pourtant, elle était tellement sûre d'elle ! Je sais qu'elle a toujours raison, mais à ce point-là… elle est extraordinaire, parce que moi, je n'ai rien vu venir.
– Attends, l'interrompit Drago en plissant les yeux.
Il y avait quelque chose, dans la façon dont il se tortillait sur lui-même et parlait d'Hermione, qui était troublante. Comme s'il avait honte de quelque chose.
– Granger… elle ne t'aurait jamais mis à la porte, énonça-t-il lentement.
Cela lui semblait être une évidence, à présent. Granger était enceinte, et Weasley n'était pas le genre de personne à quitter sa fiancée enceinte sans se battre, non ? A moins qu'il n'y soit allé vraiment fort… mais cette façon qu'il avait de parler d'elle, avec cet éclat dans les yeux, ce demi-sourire stupide et cette admiration dans la voix… il n'y avait aucune tristesse, aucun remord. Juste une tendresse qui débordait de chacun de ses traits éclaboussés de taches de rousseur.
– Que… quoi ? bredouilla Ron en rougissant, confirmant ses doutes.
– Elle ne t'a jamais mis à la porte. Tu es venu ici de ton plein gré.
Harry parut interloqué. Il tourna un regard interrogatif en direction de son meilleur ami, un sourcil soigneusement haussé.
– Ron ?
– J-je… je… euh… oui, bon, c'est vrai, j'ai peut-être un peu exagéré les choses.
Harry et Drago se turent, attendant la suite. Ron se ratatina sous le poids de leurs regards, vert brillant pour l'un, gris altier pour l'autre.
– On s'est déjà disputés à propos de son travail, mais c'était il y a longtemps, et elle ne m'a jamais mis dehors. En fait, si je suis ici, c'est parce que, euh… on était tous les deux inquiets pour toi, Harry.
Harry le fixa, éberlué.
– Pour moi ?
– Oui… après cette nuit où tu as débarqué à deux heures du matin pour retrouver Malefoy, on s'est dit que… euh… c'était quand même étrange que tu te mettes dans tous tes états pour lui. Alors Hermione a émis l'idée que, peut-être, vous vous étiez beaucoup rapprochés pendant votre cohabitation, et que vous étiez devenus amis. Ou plus.
– Et tu es venu ici pour vérifier sa théorie ? En pensant que tu aurais plus de chances de découvrir la vérité en restant ici ?
Ron hocha la tête, l'embarras se lisant sur son visage cramoisie.
– Euh, eh bien… oui. Mais pas seulement ! Hermione et moi, on a réalisé qu'on n'avait pas été assez présents pour t'épauler depuis ta rupture avec Ginny. Quand tu es venu à la maison, l'autre jour, et qu'on a bu cette bièraubeurre au beau milieu de la nuit, je me suis rendu compte que… euh… tu nous manquais ?
– Alors tu as inventé un prétexte pour passer du temps chez lui, au lieu de simplement lui envoyer un hibou ? grommela Drago.
– Un hibou, ce n'est pas la même chose, protesta Ron.
– Et c'est Granger qui a eu cette idée d'inventer votre séparation ?
Les joues de Ron étaient si rouges, désormais, qu'elles semblaient de la même couleur que ses cheveux.
– Euh… elle m'a juste dit de passer chez Harry et de lui demander comment il allait. Mais tu étais là, Malefoy, alors je ne sais pas, j'ai inventé cette histoire pour être sûr que vous ne me mettriez pas à la porte…
Drago était abasourdi. Harry semblait être dans le même état, mais il se reprit plus rapidement.
– Je ne t'aurai jamais mis à la porte, Ron. Je suis désolé que tu aies pu penser ça…
– Je suis désolé d'avoir menti, bredouilla Ron, penaud. Et j'aurais dû frapper avant d'entrer dans votre chambre, ce matin. Mais il était déjà dix heures et j'ai eu peur que, euh…
– Que j'ai étouffé Harry avec son horrible robe de chambre rouge ?
Ron ne put retenir un petit rire gêné.
– On peut dire ça comme ça. Il a toujours cette robe de chambre ?
– Malheureusement, soupira Drago.
– Euh, vous savez que c'est très désagréable quand deux personnes parlent de vous à la troisième personne, alors que vous êtes là ?
– Et ses pantoufles violettes ? demanda Ron.
– Ne m'en parle pas.
– Hé ho, je suis encore là !
OOO
A partir de cet instant, ce fut comme si leur bulle avait grossi pour y inclure Ron, témoin privilégié de leur relation naissante. Il accepta de rester pour le reste de la journée, et ils en profitèrent pour rattraper le temps perdu à grands renforts d'éclats de rire, de jus de citrouille et de bièraubeurre. Il avait toujours l'air éberlué lorsque Harry ou Drago esquissaient un geste d'affection l'un envers l'autre – c'était surtout Harry, Drago restant plus réservé sur les démonstrations de tendresse –, mais il se détendit peu à peu. Il fit même la réflexion que Harry semblait beaucoup moins à cran que lorsqu'il vivait encore seul. Ils finirent la journée devant un match de football, Ron ayant insisté pour voir de ses propres yeux ce curieux sport moldu. Il s'endormit avant la première mi-temps et renversa ses pop-corn sur Drago. Il lui assura qu'il ne s'agissait que d'un accident, mais l'ancien Serpentard n'en était pas certain.
Avant de partir, il leur transmis les salutations d'Hermione, laquelle n'avait pas pu leur rendre visite en raison d'un déplacement professionnel.
– Elle rayonne, elle a hâte de vous voir. Et elle a une excellente nouvelle à vous annoncer, sourit Ron, les yeux brillants.
Drago songea au polichinelle roux et retint une grimace – ou peut-être était une esquisse de sourire. Imaginer un bébé collant et baveux avec le visage de Weasley et les dents de Granger avait quelque chose d'amusant, peut-être même d'un peu touchant (tout au fond).
Puis Ron ajouta, plus sérieusement :
– En parlant de nouvelle à annoncer… je ne dirai rien sur vous deux à personne, c'est promis. De toute façon, dit-il après quelques secondes de réflexion, je crois que personne ne me croirait. Sauf peut-être Loufoca. Je t'ai dit que Ginny vivait avec elle, Harry ? Je ne sais pas comment elle fait pour ne pas devenir cinglée avec ses histoires de ronflaks cornus, de boullus d'eau douce et de machins comme ça.
– Fais gaffe, Weasley, tu pourrais te réveiller un matin et réaliser qu'elle est devenue ta belle-soeur, fit remarquer Drago.
Ron écarquilla les yeux.
– Comment ça ?
– Allez, salut Weasley.
– Oh, au fait je dois te rendre quelque chose, Malefoy.
Ron eut un sourire moqueur et fit apparaître la boule à neige dans sa main. Le bonhomme de neige continuait de s'y dresser fièrement, entouré de minuscules flocons dansants.
– Je ne pense pas que ce soit un client que tu l'as donné, ni qu'elle était pour moi…
– Qu'est-ce que c'est ? s'étonna Harry en se dévissant le cou pour mieux regarder l'objet.
– Rien, s'empourpra Drago, gêné de ce cadeau idiot. Garde-la, Weasley.
– Lorsque je t'ai vu avec ça, j'ai commencé à avoir des soupçons, mais maintenant j'en suis certain, ajouta Ron sans se départir de son sourire.
– De quoi ?
– Tu t'es vraiment ramolli, Malefoy.
Avant que Drago n'ait eu le temps de riposter, il lui lança la boule à neige et ajouta, avec un clin d'oeil :
– Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose.
Et il transplana.
OOO
Harry avait l'air heureux, plus détendu que Drago ne l'avait jamais vu, même après trois verres de whisky pur feu. D'ailleurs, il ne s'intéressa pas plus aux bouteilles alignées dans les placards de la cuisine qu'à une motte de terre, alors qu'à cette heure-ci, il n'était pas rare de le voir siroter l'une des boissons enflammées. A la place, il planta ses prunelles dans celles de Drago et lui adressa un sourire sincère, chaleureux. Apaisé.
– Tu sais quoi, Drago ? Je suis heureux qu'il ait découvert la vérité.
Une ombre troubla le visage de Drago, n'échappant pas à Harry.
– Il saura garder le secret, promit-il. J'ai confiance en lui, et en Hermione.
– Oui, mais on ne pourra pas vivre caché ainsi éternellement. Il faudra bien qu'un jour, le monde entier le sache.
A cette pensée, la peur revint s'engouffrer dans ses veines. Il voulut détourner les yeux, mais Harry cueillit son visage et le força à le regarder en face, à ses plonger dans ses iris tempétueuses, qu'il commençait à connaître par coeur.
– Un jour, on ne pourra plus se cacher, concéda Harry à voix basse. Mais on n'en est pas encore là. Pour l'instant, on est tranquille, et je compte bien en profiter.
– Ah, et comment ?
– Tu n'en as pas une petite idée ?
Drago esquissa un sourire. Il amenuisa la distance qui séparait son visage de celui de Harry, et effleura ses lèvres d'un baiser.
– On pourrait reprendre là où on s'est arrêté avant de s'endormir. Cette fois, il n'y aura aucune belette pour nous empêcher de faire tout ce qu'on veut.
Harry sourit.
– J'espère bien.
Et ils s'embrassèrent. Leur baiser était doux, une façon de se rassurer, de s'assurer que l'autre était toujours là. Mais il devint rapidement plus fiévreux, plus impatient, comme s'ils voulaient ancrer cet instant plus profondément sur leurs lèvres. Malgré la maladresse de l'un et de l'autre, ils s'accrochèrent de plus belle à ce baiser, le prolongeant, encore et encore… Il n'y avait plus aucune retenue dans leurs gestes, aucune bonne résolution pour enchaîner leurs désirs. Seulement le corps de l'autre à toucher, caresser, savourer. Le froufrou d'un tissu que l'on retire, l'attente brûlante d'un baiser, le murmure de souffles qui s'accélèrent sous la fébrilité et la chaleur environnante, les rires contenus, parce que la situation leur semblait aussi improbable à l'un qu'à l'autre… Il fallait qu'ils l'impriment sur chaque fibre de leurs corps, qu'ils l'enfoncent dans leur chair pour être certains qu'elles n'éclateraient pas comme une bulle de savon lorsque la lumière du jour reviendrait se déposer sur eux et les arracher à leur secret.
